jeudi 25 avril 2024
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Le déconfinement expliqué
par le gouvernement

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Dans le sillage de l’allocution du prince Albert II, le gouvernement a détaillé lors d’une intervention télévisée le plan de déconfinement qui débutera le 4 mai 2020, et qui se déroulera en trois étapes.

Par Raphaël Brun, Nicolas Gehin, Edwin Malbœuf

«Après 49 jours de confinement, nous allons progressivement pouvoir lever les mesures de restrictions. » C’est ainsi qu’a débuté l’intervention du gouvernement monégasque sur Monaco Info, le 28 avril 2020, à 19h. Le ministre d’Etat, Serge Telle, a insisté sur la dimension historique de la situation, tout en rappelant que, contrairement à d’autres pays, Monaco « n’a jamais connu de pic épidémiologique » pendant cette épidémie de coronavirus. Alors que Monaco Hebdo bouclait ce numéro le 28 avril 2020, le bilan était de 95 cas positifs, et de 4 décès, dont un résident de la principauté. Une certitude : désormais, il faudra gérer un quotidien partagé entre activité économique et circulation du virus Covid-19. Or, cette dualité n’est pas simple à assumer, certains experts la jugeant même en contradiction. « Nous allons en permanence continuer à « monitorer » la propagation de ce virus, pour éviter que cette propagation n’encombre nos structures de santé. Ces structures seront le marqueur de la réalité médicale de notre contrôle de l’épidémie », a indiqué Serge Telle.

Stratégie du « stop and go »

Au cours de cette allocution du gouvernement, le conseiller de gouvernement-ministre des affaires sociales et de la santé, Didier Gamerdinger, a débuté son intervention en dressant un bilan de l’épidémie de coronavirus à Monaco. « Nous avons réussi à éviter que l’épidémie ne soit trop importante. Elle est aujourd’hui passée », a d’abord déclaré le ministre de la santé, avant de détailler, graphique à l’appui, le développement de celle-ci en principauté. On y voit clairement que le nombre de personnes touchées par le coronavirus et d’hospitalisations infléchissent depuis une quinzaine de jours, alors que dans le même temps, le nombre de patients guéris ne cesse d’augmenter (voir graphique par ailleurs). Les autorités sanitaires déplorent toutefois « quatre décès, dont celui d’un résident » depuis le début de la crise sanitaire, a indiqué Didier Gamerdinger, qui a tenu à saluer « les personnes, les compétences et les métiers qui ont été et qui continueront à être cruciaux pour nous tous ». Cette épidémie, désormais maîtrisée en principauté, explique, en partie, la décision de lever le confinement, qui prendra donc fin au 49ème jour, lundi 4 mai 2020, à 6h du matin. Mais pas question pour autant de reprendre une vie normale tout de suite : « La levée du confinement doit se faire avec volontarisme, et, en même temps, avec prudence. Il nous faut aller résolument de l’avant, tout en observant le comportement de l’épidémie », a rappelé le ministre de la santé au cours de cette intervention télévisée. Pour éviter une seconde vague de l’épidémie, le gouvernement princier a choisi d’adopter la stratégie du « stop and go ». Elle consiste à alterner les périodes de déconfinement et de reconfinement à chaque nouvelle hausse des cas et des hospitalisations. « Chaque phase de mise en œuvre du processus de retour aux activités doit s’accompagner d’une très grande vigilance, a insisté Didier Gamerdinger, la réussite de chacune de ces phases permet d’envisager la phase suivante. On regarde. Si ça fonctionne, on continue. Si ça ne fonctionne pas, nous attendons pour éviter le retour de l’épidémie ». L’un des avantages du « stop and go » est qu’il permet d’éviter la saturation des hôpitaux lors des périodes de confinement tout en pesant le moins possible sur l’économie grâce aux périodes de déconfinement.

© Photo Manuel Vitali / Direction de la Communication

« Nous avons réussi à éviter que l’épidémie ne soit trop importante. Elle est aujourd’hui passée » Didier Gamerdinger. Conseiller-ministre pour les affaires sociales et la santé

Dix conditions à la levée du confinement

Comme annoncé la veille par le prince Albert II (lire notre article par ailleurs), la levée du confinement en principauté se fera « sous conditions ». L’une d’elles est le lavage régulier des mains et l’utilisation du gel hydroalcoolique. Des gels qui seront « disposés dans les galeries d’ascenseurs, dans les espaces publics, dans les grandes surfaces et dans les commerces à l’entrée, aux toilettes et au niveau des caisses », a indiqué le ministre de la santé. Des nettoyages réguliers seront aussi réalisés dans les lieux de passage et de contact. Concernant les masques, Didier Gamerdinger a rappelé qu’il s’agissait d’« une mesure incontournable de la sortie du confinement ». « Très fortement recommandé dans les espaces extérieurs », le port du masque est, en revanche, « obligatoire dans les transports publics et les commerces », a annoncé le ministre au cours de cette allocution. Le port des gants, considéré comme une « fausse sécurité » par les autorités sanitaires, est lui, déconseillé. Les mesures de distanciation sanitaires devront également être scrupuleusement respectées. L’accès aux commerces sera régulé, « avec une distance de 1,50 mètre à respecter entre chaque client », la jauge d’accueil sera de 4 m2 par personne, salariés compris. Pour les galeries commerciales, elle sera d’une personne pour 10 m2. Dans les cabinets de soins, les salons de coiffure et d’esthétique, les rendez-vous seront obligatoires, afin d’éviter les croisements de personnes. Dans ce même objectif, les commerçants sont invités à élaborer des circuits de cheminement et à ventiler leurs locaux. Toujours pour les commerçants, l’installation de plexiglas est fortement recommandée. Le ministre de la santé a, par ailleurs, annoncé que des « contrôles conseils » auraient lieu régulièrement, afin « d’orienter les exploitants si les préconisations sont mal mises en oeuvre ». Enfin, tout rassemblement dans les espaces publics sera interdit, et les aires de sport et de jeux resteront fermées, jusqu’à nouvel ordre.

Les tests de dépistage

Le gouvernement princier mise aussi sur un dépistage massif pour accompagner le déconfinement. « À Monaco, nous avons déjà pratiqué plus d’un millier de tests PCR [tests rhinopharyngés — N.D.L.R.], et nous allons évidemment continuer, puisque nous avons maintenant des capacités propres à l’hôpital, et au centre scientifique, pour faire nos propres analyses », a souligné Didier Gamerdinger. Concernant les tests sérologiques, le ministre de la santé a annoncé que des commandes étaient en cours. Ces derniers font aussi l’objet de vérifications de la part des autorités sanitaires monégasques qui ne prendront « aucun risque avec les tests sérologiques ». Des expérimentations sont actuellement menées au centre hospitalier princesse Grace (CHPG) et dans un laboratoire de la ville pour s’assurer de leur fiabilité. « Si tel est le cas, nous serons en mesure d’en commander massivement pour les proposer à la population », a indiqué le ministre.

Les mesures pour les personnes âgées

Au cours de son intervention, le conseiller de gouvernement-ministre des affaires sociales et de la santé a aussi évoqué la situation des personnes âgées en principauté. Pour les seniors placés en institution, Didier Gamerdinger a annoncé une reprise des repas en commun par petits groupes et des activités. « C’est un élément essentiel de leur sociabilisation », a insisté le ministre avant d’entrouvrir la porte à une réouverture des visites pour les familles, sans toutefois préciser une date. Les visiteurs devront au préalable remplir un formulaire, « pour ne faire courir aucun risque » aux résidents. Dans un premier temps, les visites se feront une fois par semaine, puis à intervalles plus rapprochés « dès que ce sera possible ». Didier Gamerdinger a enfin invité les personnes âgées en ville « à passer par leur médecin traitant, par la mairie, par les sociétés de prestations de services à domicile, par le centre de coordination gérontologique » pour entamer ce déconfinement.

© Photo Manuel Vitali / Direction de la Communication

Ecoles

De son côté, le conseiller-ministre pour l’intérieur, Patrice Cellario, a évoqué la réouverture des établissements d’enseignements : « Après une large concertation, des établissements, des associations de parents d’élèves ou de la communauté éducative, nous avons considéré qu’il était possible d’ouvrir, de façon progressive et raisonnée, un certain nombre de classes à enjeux ». Parmi les classes ciblées : la Terminale, la Première, avec un oral de français, la Troisième avec le brevet national, mais aussi la 6ème, qui est une classe jugée « importante pour le début du parcours au sein du collège », le CM2 pour l’apprentissage et le passage au collège, et le CP pour l’apprentissage de la lecture. Le port du masque sera en tout cas obligatoire pour l’ensemble des personnes qui pénétreront dans les écoles, à savoir élèves, personnel enseignant et non enseignant. Les gestes barrières devront bien évidemment être respectés, avec un lavage des mains à l’entrée et à la sortie des écoles, ainsi qu’à la fin de chaque cours. Du savon et du gel hydroalcoolique seront « largement » distribués dans tous les établissements, a assuré Patrice Cellario. Les locaux utilisés par les élèves, ainsi que tous les équipements de ces écoles seront régulièrement désinfectés. Quant au cheminement des élèves, il sera organisé de façon à éviter les attroupements et même « le croisement des élèves dans les couloirs ». Pour cela, ce retour se fera par des demi-groupes, afin de maîtriser les effectifs. De plus, les élèves resteront dans une salle de classe pour éviter les déplacements. Les cantines scolaires resteront fermées, et les cours d’éducation physique et sportive ne reprendront pas.

Phasage

La première phase débutera le 11 mai 2020, les lycéens seront les premiers à effectuer leur retour, avec les classes de Première et de Terminale des lycées d’enseignement général. Les classes de Première, de Terminale et de BTS du lycée technique et hôtelier de Monaco seront aussi de retour. Tous les autres élèves des lycées resteront donc chez eux et continueront de travailler à distance. Une semaine plus tard, le 18 mai 2020, la deuxième phase sera lancée avec le retour en classe des collégiens des classes de 6ème et de 3ème. « Là encore, on se focalise sur les classes à enjeux. Donc les élèves de 5ème et de 4ème resteront à la maison », a justifié Patrice Cellario. Là encore, les classes auront lieu par demi-groupes et seront centrées sur « les matières principales ». Les classes d’adaptation et d’intégration scolaire (AIS), plus « fragiles », rentreront et bénéficieront d’un temps plein au collège. Le 25 mai 2020, une troisième phase verra les classes de CP et de CM2 faire leur retour, toujours sous la forme de demi-groupes, avec un enseignement centré sur les fondamentaux, à savoir français, les mathématiques et les langues. En revanche, les classes de maternelle ne rouvriront pas, car elles ont été jugées « plus compliquées à gérer ». Mais devant l’incertitude qui règne face à cette pandémie de Covid-19, la prudence reste de mise. Chaque nouvelle étape sera lancée, à la condition que la précédente se soit déroulée sans problème, a insisté Patrice Cellario. Pour finir sur une note positive, Serge Telle a assuré que ce « plan nous permettra de reprendre le contrôle de notre destin. Comme nous avons réussi à contrôler cette épidémie, nous devons réussir à retrouver une vie progressivement normale, cela ne pourra se faire qu’avec la mobilisation de tous ».

© Photo Manuel Vitali / Direction de la Communication

Commerces, transports, cultes, chantiers…

Le déconfinement est prévu en trois phases. La première débute le 4 mai 2020, avec la réouverture des commerces. La deuxième le 11 mai, avec celle des écoles (lire par ailleurs). Et la troisième, début juin, avec les établissements de divertissement, toujours conditionnée par le succès des phases précédentes.

Phase 1 : 4 mai 2020

Tous les commerces, avec une jauge de 4 mètres carrés par personne, personnel compris, pourront rouvrir. Dans les centres commerciaux, la jauge est d’une personne pour 10 mètres carrés. Pour d’autres commerces, la réouverture pourra se faire uniquement sur rendez-vous. « Ce sera obligatoire pour les salons de coiffures, les cabinets de soins, les esthéticiennes ».

Pour les lieux de cultes, « à partir du 4 mai, en respectant les mesures de distanciation sociale, 1,50 mètre entre les personnes, il pourra y avoir une reprise dans les divers lieux de cultes de la principauté ».

Concernant la restauration, la vente à emporter, ou la livraison à domicile, va pouvoir se poursuivre. En revanche, « ne seront pas permises pour quelques semaines encore, et sans doute jusqu’au début du mois de juin au plus tôt, les activités de restauration sur place ».

Quant à la fonction publique, le « 4 mai marquera la reprise progressive de l’activité des services de l’État. […] Le travail et les réunions à distance continueront à être privilégiés dans la fonction publique. […] Tous les services accueillant traditionnellement du public seront ouverts à compter du 4 mai ».

La navigation de plaisance pourra reprendre de 9h à 20h. En revanche, le maintien de l’interdiction des bateaux de croisière en principauté a été confirmé. « Nous ne pouvons pas envisager dans un futur proche, ni même en fixant une quelconque date aujourd’hui, d’accepter à nouveau l’activité de croisière en principauté. »

Au niveau des transports en commun, il y aura « la reprise avec un service normal de la Compagnie des autobus de Monaco (CAM) », qui fonctionnait jusqu’ici en service du dimanche.

L’héliport reprendra partiellement son activité, « notamment à travers des activités de charters et de vols à la demande ».

Enfin, concernant les chantiers, « progressivement à partir du 4 mai, les chantiers publics, comme privés, pourront reprendre, là encore en adoptant des mesures sanitaires extrêmement strictes et contrôlées par un certain nombre d’acteurs extérieurs, et de services de l’État, pour s’assurer de la bonne marche de cette activité essentielle aux recettes de l’État ».

Phase 3 : début juin 2020

Les bars, restaurants, boîtes de nuit, cafés, salles de sport demeureront donc fermés. « La réflexion est encore en cours. Nous avons besoin d’encore un peu de temps pour affiner les mesures, et ce sera conditionné au succès des phases qui les précèderont. […] Cette phase 3 s’étendra dans la durée, et nous irons du plus simple, au plus compliqué. » La réouverture des salles d’exposition pourrait être envisagée début juin, selon l’évolution de la situation. Même chose pour les établissements hôteliers.

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