mardi 16 avril 2024
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« Une opération d’enfumage de François Hollande »

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Déclaration de patrimoine, mariage homosexuel, projets franco-monégasques ou situation des enfants du pays… Le député-maire UMP de Menton Jean-Claude Guibal, candidat aux élections municipales de 2014, se livre à Monaco Hebdo.

PATRIMOINE

Monaco Hebdo : L’affaire Jérôme Cahuzac a été un véritable séisme politique en France. Quelle a été votre réaction ?
Jean-Claude Guibal : J’ai été effaré qu’un ministre du Budget puisse avoir fraudé le fisc puis, de surcroît, mentir avec autant d’aplomb aux députés dans l’hémicycle et sous le regard des Français. C’est un scandale surréaliste. Je considère qu’il s’agit d’abord de la faute d’un homme. Une faute individuelle qui révèle une personnalité tentée par les transgressions. Qu’il ait osé exprimer le désir de se représenter aux législatives partielles de Villeneuve-sur-lot en est une manifestation supplémentaire. La commission d’enquête constituée à l’Assemblée Nationale nous dira si les plus hautes autorités du pays étaient informées qu’un ministre s’était rendu coupable d’évasion fiscale. Si tel était le cas, cette affaire deviendrait un vrai scandale d’Etat.

M.H. : A la suite de cette affaire, il y a eu un grand déballage des patrimoines des élus et des ministres dans la presse. Vous avez refusé de publier le vôtre. Pour quelle raison ?
J-C.G. : Lorsque le journaliste m’a contacté sur ce point, j’ai d’abord accepté, car je n’ai rien à cacher. J’ai ensuite réfléchi sur un plan plus politique et moins personnel. J’ai alors considéré qu’il s’agissait d’une opération « d’enfumage » de la part du président de la République. François Hollande a essayé de masquer la faute de son ministre du Budget en jetant l’opprobre sur l’ensemble de la classe politique et en laissant penser que tous les élus sont comme Jérôme Cahuzac… C’est ainsi que l’on alimente la thèse du « tous pourris » avec les conséquences que l’on sait sur le plan électoral. C’est non seulement faux mais dangereux pour la démocratie. Il n’y a pas plus de « pourris » parmi les élus qu’il y en a dans les autres corporations. Sauf que les élus se doivent, eux, d’être exemplaires.

M.H. : Cette course à la transparence est donc néfaste ?
J-C.G. : Je suis bien évidemment partisan d’un monde politique intègre et honnête. Mais qu’est-ce que la publication des patrimoines laisse supposer ? Qu’un élu pourrait profiter de son mandat pour s’enrichir de manière illégale ? Cette société du soupçon où tout le monde se méfie de tout le monde, où plus personne ne fait plus crédit à personne, est selon moi mortelle. Ce déballage alimente les jalousies et le voyeurisme. La transparence absolue détruit l’intimité. N’est-elle pas du reste le rêve de toute société policière ?

M.H. : En réaction à « l’affaire Cahuzac », un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire sur la transparence de la vie publique ont été présentés en conseil des ministres le 24 avril dernier. Qu’en avez-vous pensé ?
J-C.G. : Je crois qu’il aurait été beaucoup plus simple, rapide et efficace, mais sans doute moins médiatique, de donner à la Commission pour la transparence de la vie politique, à laquelle les parlementaires sont tenus de déclarer leur patrimoine, les moyens juridiques, matériels et humains de contrôler la sincérité de ces déclarations. Ce qui, étonnamment, n’est pas le cas aujourd’hui.

M.H. : Vous voterez contre le projet de loi ?
J-C.G. : J’attends de voir ce que sera le texte définitif, après amendements. Je le jugerai sur son efficacité réelle, plus que sur ses seules intentions qui seront forcément vertueuses.

MARIAGE POUR TOUS

M.H. : La loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe a été promulguée par François Hollande et publiée le 18 mai dernier au Journal officiel. Quelle est votre position sur le mariage pour tous ?
J-C.G. : J’ai voté contre ce texte car il détourne l’essence même du « mariage ». A savoir l’union d’un homme et d’une femme ayant vocation à mettre au monde des enfants et à assurer ainsi la pérennité de l’espèce. J’ai par ailleurs du mal à concevoir que l’on puisse à la fois revendiquer son droit à la différence et vouloir à tout prix se mettre dans la norme. Il y a dans cette contradiction un ferment de subversion de notre société.

M.H. : Il est censé établir une question d’égalité de droits pour tous les couples…
J-C.G. : Alors, n’appelons pas cela « mariage », mais « Union civile » ou « PACS amélioré » ! Faire en sorte que les couples de même sexe puissent régler leurs problèmes matériels, patrimoniaux ou financiers au même titre que les couples hétérosexuels, j’y suis totalement favorable. En revanche, dès lors que l’on parle de « mariage » cela implique l’adoption plénière, laquelle rompt la filiation. Ce faisant, on privilégie le droit « à » l’enfant, au détriment du droit « de » l’enfant. Or, je crois à la prééminence du droit « de » l’enfant. Je n’apprécie guère cet égoïsme post-moderne qui consiste à dire à tout va : « Moi, j’ai droit à… »

M.H. : Vous considérez que deux hommes ou deux femmes qui élèvent un enfant peut être source de déséquilibres pour ce dernier ?
J-C.G. : Je considère que le risque est trop grand pour être pris. Les psychanalystes ne disent-ils pas que l’être humain doit avoir la possibilité de se raconter son histoire : d’où viens-je, de qui suis-je né et de quel projet ? Qui étaient mes parents, mes grands-parents, ma lignée ? L’enfant élevé par un couple homosexuel marié n’aura pas cette possibilité. Par ailleurs, le mariage des couples de même sexe se fait au nom de l’égalité des citoyens. Si l’on applique ce principe jusqu’au bout de sa logique, les couples homosexuels de femmes pourront recourir à la procréation médicalement assistée (PMA), tandis que les couples d’hommes eux, ne le pourront pas. Ils réclameront à leur tour l’égalité… Et l’égalité pour eux ce sera de faire appel à la gestation pour autrui (GPA), laquelle aboutit à la marchandisation du corps…

M.H. : Qu’auriez-vous préconisé sur ces questions ?
J-C.G. : Tout ceci nécessite, me semble-t-il, un peu plus de précaution et un vrai débat pour que chacun puisse se faire une opinion avant de l’exprimer par referendum. J’ai moi-même évolué sur le PACS. J’étais contre au départ. J’y suis favorable aujourd’hui. Le temps aide à la réflexion. Sur des questions de société aussi lourdes de conséquences potentielles, il est indispensable de prendre ce temps.

M.H. : La première union homosexuelle a été célébrée le 29 mai à Montpellier. Personnellement, célèbrerez-vous les mariages homosexuels à Menton ?
J-C.G. : Pour ma part, je ne souhaite pas célébrer les mariages homosexuels. Mais nous devons nous conformer à la loi. Ces mariages seront donc célébrés par l’élu qui acceptera de le faire.

FISCALITÉ

M.H. : Le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, Bruno Le Roux, a récemment affirmé que la liste du Groupe d’action financière (Gafi) n’était « pas complète ». Selon le député de Seine-Saint-Denis, Monaco figure, aux côtés de l’Autriche, Andorre, et de la Suisse parmi les grands absents de cette liste noire des paradis fiscaux. Que pensez-vous de cette déclaration ?
J-C.G. : Monaco a fait les efforts nécessaires pour être sur la liste blanche des paradis fiscaux. Chaque pays a le droit de maîtriser sa politique fiscale, à condition évidemment de respecter les critères internationaux. La politique de matraquage fiscale que pratique aujourd’hui le gouvernement français me semble d’ailleurs plus condamnable que des politiques de fiscalité douce… Que certains en France puissent encore juger la Principauté à travers les seules couvertures de tabloïds et continuent de véhiculer cette image de « pays de riches », est déplorable.

M.H. : Le combat judiciaire des enfants du pays pour obtenir l’exonération de leurs impôts sur le revenu semble aujourd’hui dans l’impasse. Peut-on espérer encore des avancées par la voie politique ?
J-C.G. : Des tentatives ont déjà été effectuées auprès du ministère des Finances et de la Direction générale des impôts. La réponse a été systématiquement négative.

M.H. : La justification ?
J-C.G. : L’argument affiché est toujours le même : celui de l’égalité des Français devant l’impôt. Avec ce bruit de fond trop souvent entendu : « Vous n’allez quand même pas nous dire que les Français de Monaco sont de pauvres gens ! » Nous sommes toujours confrontés à cette même vision déformée de la réalité. Or, le statut fiscal des enfants du pays est un vrai sujet. La communauté française est passée de 16 000 habitants dans les années 1960, à 8 000 aujourd’hui. Chaque année 300 à 400 Français quittent le territoire monégasque. C’est pourtant l’intérêt bien compris de la France que cette communauté soit nombreuse et influente en Principauté. La transmission du certificat de résidence aux descendants pourrait être un premier pas pour arrêter cette hémorragie.

M.H. : Quels sont les projets sur lesquels vous souhaiteriez avancer avec Monaco ?
J-C.G. : L’un d’eux, qui me tient à cœur, est celui de la carrière de la Cruella, située à la Turbie, en contrebas du péage de l’autoroute. Ce grand trou, si au lieu d’être comblé par des matériaux inertes l’était par un « mille feuilles » de planchers, permettrait de disposer d’environ 300 000 m2 pour accueillir des parkings, des locaux d’entreprises, des bureaux et des logements. Sans doute un tel projet n’est-il pas facile à mettre en place. Il est pourtant, me semble-t-il, stratégique, tant pour la Principauté que pour l’est des Alpes-Maritimes.

M. H : D’autres projets ?
J-C.G. : Nous avons évidemment d’autres synergies à développer avec Monaco, tant au niveau des équipements publics que des transports. Je me réjouis par ailleurs qu’un accord sur le télétravail ait été trouvé. C’est une belle réussite et une véritable opportunité pour les 30 000 Français qui viennent travailler à Monaco.