Le Conseil national a dévoilé les résultats de la consultation sur la qualité de vie menée en principauté le mois dernier.

Ils ont affiché un taux de participation suffisant à qualifier de « succès » la consultation. Pour autant, la formulation du questionnaire pose question.

C’était une première. Les Monégasques, résidents et pendulaires ont été consultés, sur la qualité de vie à Monaco. Un moment démocratique intéressant, malgré les biais relevés par de nombreux Monégasques derrière l’opération. Mais, par celle-ci, le Conseil national a souhaité vérifier si ses revendications sur la qualité de vie trouvaient une résonance dans la population. Quarante questions ont été transmises par voie postale à 7 000 Monégasques. Mais aussi la possibilité de répondre en ligne, pour les résidents et pendulaires. En tout, 3 915 réponses, dont 70 % proviennent des nationaux. On pourrait se pencher sur les résultats. Constater que la plupart des réponses aux affirmations vont dans le sens des demandes répétées du Conseil national. Plus de bus, gratuits si possible, moins de bruit, plus de parcs, plus d’informations sur la 5G, etc. Pour autant, la teneur de la consultation remet quelque peu en cause la valeur accordée aux résultats diffusés dans l’hémicycle du Conseil national, mardi 3 décembre. « Votre questionnaire est très orienté. Vous souhaitez faire bouger les choses dans le bon sens, apparemment », peut-on lire, dans la première page du rapport de résultats, issu du verbatim d’un des répondants. Le bon sens s’entendant dans l’amélioration, ou la « préservation » de la qualité de vie, selon les mots du président du Conseil national, Stéphane Valeri.

Précautions oratoires

A titre d’exemple, la question 3 du questionnaire. « Il faut adopter un plan global, avec des solutions concrètes. Et, le cas échéant, des sanctions à la hauteur des enjeux, pour préserver notre qualité de vie. » Êtes-vous tout à fait d’accord, plutôt d’accord, plutôt pas d’accord, pas du tout d’accord ou n’avez pas d’avis sur l’affirmation ? A cela, 60 % des personnes ont répondu par la première proposition, 30 % par la seconde, soit 90 % en accord avec l’affirmation. Un « chiffre sans appel » selon Stéphane Valeri, dont l’affirmation ci-dessus apparaissant en 3ème position dans le questionnaire, est utilisée ici en guise de conclusion du rapport. Un chiffre que la majorité Priorité Monaco (Primo !) ne manquera probablement pas de brandir à de multiples occasions pour pousser le gouvernement à agir. A voir s’ils prendront les précautions oratoires nécessaires à l’emploi de ce type de chiffres. A savoir : 90 % des personnes ayant souhaité répondre au questionnaire sont d’accord avec l’affirmation du Conseil national sur la nécessité d’un plan global de préservation de la qualité de vie. Si la formulation des questions interroge, c’est aussi car il y a une caution scientifique derrière le questionnaire, l’institut BVA. Comment ce questionnaire a-t-il été créé ? « On n’a pas inventé la poudre, on a repris tout ce qui nous remontait. […] On a listé les requêtes, les attentes qu’on recevait. Chantiers, bruit, circulation etc. On a envoyé tout cela au président de la commission environnement, Guillaume Rose. Tout ceci est arrivé dans cet état-là chez vous », a déclaré Stéphane Valeri, hochant la tête vers l’institut BVA, en réponse à la confection des questions.

La crédibilité de BVA en jeu

La directrice de l’institut d’études et de conseil BVA, Adélaïde Zulfikarpasic, l’a admis d’elle-même dans sa réponse. « La crédibilité » de son institut est en jeu dans ce type d’opération : « On a fonctionné comme avec tous nos clients. On nous a soumis des axes de questionnement que souhaitait voir aborder dans le questionnaire le Conseil national. Et on les a formulés en questions. Des propositions nous ont été faites. Pour être complètement transparent, on a eu des débats âpres, parfois, sur la formulation. On a un enjeu en tant qu’institut qui est notre crédibilité. On n’a aucun intérêt à formuler des questions qui soient biaisées. » Pourtant, la rigueur scientifique du questionnaire a été abordée le 3 décembre lors de la présentation du rapport de résultats. En tout cas, la directrice et le président du Conseil national l’ont rappelé : « Ce n’est pas un sondage ». Est-ce pour autant qu’on observe plus de souplesse dans la formulation des questions, lorsqu’il s’agit d’une consultation politique ? « Non, il n’y a pas plus de souplesse dans la formulation des questions. La seule différence, c’est qu’un sondage, vous le réalisez auprès d’un échantillon représentatif. […] Là, vous envoyez un questionnaire à l’ensemble des foyers et répond qui veut. Donc, effectivement, la structure de répondants n’est pas strictement représentative. Mais on a eu près de 4 000 questionnaires traités, cela permet d’avoir une diversité », précise Adélaïde Zulfikarpasic. Elle a ensuite noté dans sa réponse : « C’est presque bourdieusien (1) ce que vous êtes en train de souligner. La critique de [Pierre] Bourdieu (1930-2002) sur les sondages, c’est-à-dire qu’on impose une problématique à partir du moment où l’on formule une question, on a forcément un petit parti pris ».

1) La directrice fait référence à un article de Pierre Bourdieu, paru en 1972, au titre éloquent : L’opinion publique n’existe pas.