jeudi 18 avril 2024
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Budget rectificatif 2013 : l’avertissement

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Monaco n’aura pas à souffrir d’un “shutdown“. Le budget rectificatif 2013 a été adopté par une majorité de conseillers nationaux. Mais de nombreux bémols ont rythmé les débats, en guise d’avertissement avant le vote du primitif 2014 en décembre.

Par Milena Radoman.

Le message de Laurent Nouvion ne souffre d’aucune ambiguïté. Si le président du conseil national a voté en faveur du budget rectificatif 2013, tout comme 14 autres élus*, il a prévenu son voisin de table Michel Roger. « Monsieur le Ministre, pendant que vous agitez le spectre de la cogestion dont personne ne veut ici, vous évitez soigneusement de répondre au conseil national de façon franche, claire et directe, qu’il s’agisse de la SBM, du CHPG ou des conditions de l’extension en mer, sujets que nous retrouverons bien entendu au budget primitif 2014 dans quelques semaines. Nous avons deux mois pour régler ces points de dissonance. » Soit deux mois pour lever « le flou » ainsi que « la rétention d’informations et l’opacité » pesant sur certains dossiers, avant les prochains débats publics de décembre, liés au budget primitif 2014.
Sur les 15 voix favorables à ce premier budget de la nouvelle majorité Horizon Monaco, on retrouve peu de satisfecit. Seul Philippe Clérissi s’est montré élogieux vis-à-vis du gouvernement, en précisant toutefois qu’il a soigneusement évité « les sujets qui fâchent ». Lui aussi a averti qu’ils reviendront « comme un boomerang à l’occasion des débats liés à l’examen du budget primitif 2014. » Comme Thierry Crovetto, de nombreux élus sont restés « sur (leur) faim », peinant à voir « une stratégie long terme du gouvernement pour Monaco » et tançant « les oublis » de ce dernier en terme de concertation de l’assemblée.

Chiffon rouge
Le 10 octobre, du côté de la majorité, les élus ont alors agité le chiffon rouge du non vote du budget (pour le prochain exercice). En variant le ton, façon Cyrano de Bergerac. Pratique (Marc Burini) : « Le rôle institutionnel du conseil national est si considérable qu’il nous permettrait à l’instar de grandes démocraties de décider d’un shutdown. » Prévenant (Jean-Charles Allavena) : « Le gouvernement n’est pas tenu d’appliquer le programme de la majorité, mais à l’inverse la majorité n’est pas tenue de voter le budget du gouvernement si elle n’y trouve pas ce qu’elle attend. L’accord des volontés, c’est à deux qu’on le fait… » Dramatique : « Je vous exprime donc mes profondes inquiétudes de ne pas voir évoluer la manière dont le gouvernement fait usage du conseil national. Cet état de fait représente un réel danger de stimuler des nostalgiques du parlementarisme, justifiant leurs convictions par la frustration prolongée d’être laissés à coté des informations, ou d’être toujours informés après les grandes décisions, de n’exister que lorsque les textes, entêtés, exigent leur participation », s’est quant à lui risqué Jacques Rit.

Vote protestataire
Du côté de l’opposition, un élu a sauté le pas du vote protestataire. Bernard Pasquier a en effet levé la main contre la loi de finances. Pourquoi ? Selon le parlementaire Union monégasque, le gouvernement prendrait trop de libertés avec les règles comptables. Les dépenses pour la ZAC Saint-Antoine ou les achats d’appartements à caractère social devraient êtres inscrites selon lui au budget et non au fonds de réserve (qu’il qualifie de Budget bis). « On m’explique que pour être attractif il ne faut pas présenter de déficit excessif, cela ira effrayer les investisseurs et nuira à notre attractivité. Donc, maquillons les comptes. C’est à peu près l’argument qu’ont utilisé nos amis grecs pour rentrer dans l’euro… », se gausse le conseiller national, pour motiver un « non » très isolé.
Ses deux collègues Jean-Louis Grinda et Jean-François Robillon ont en effet adopté des positions diamétralement opposées ; l’abstention pour l’un et le vote favorable pour l’autre. Au risque de distiller un message confus voire illisible auprès de leur électorat… S’il a entériné un budget rectificatif modifiant à la marge le primitif qu’il avait adoubé en décembre 2012, l’ancien président du conseil national a d’ailleurs surtout profité de la tribune qui lui était offerte pour fustiger les « incohérences » de la majorité. « J’ai entendu pendant cinq années les litanies de M. Nouvion disant qu’il ne voterait avec ses colistiers aucun budget en déficit. Je l’ai vu pendant cinq ans s’abstenir et refuser de donner son soutien au gouvernement qui l’a paradoxalement soutenu, activement pour certain et passivement pour d’autres, lors des élections de février 2013 », a dénoncé Robillon. Avant de moquer « les pirouettes et contorsions politiques » utilisées par la majorité « pour justifier qu’elle va voter ce budget rectificatif déficitaire d’environ 17 millions d’euros (contre 22,8 millions d’euros au primitif). »

« Syndicalisme politique »
Autre enseignement à tirer de ces séances publiques : si les débats d’octobre ne nous ont au final rien appris sur le fond des dossiers, ils ont eu le mérite de « prendre la température de la relation institutionnelle du conseil national avec le gouvernement », selon la formule de Nouvion. Ils ont aussi permis de mieux cerner le positionnement des élus sur l’échiquier politique, sept mois après les élections. On retiendra ainsi le rapprochement ponctuel de Union monégasque et Renaissance. Ou encore les passes d’armes entre Eric Elena (Renaissance) et Christian Barilaro (HM). Les deux cadres de la Société des bains de mer défendent une vision radicalement différente du climat social, idyllique pour le premier, délétère pour le deuxième. Avec pour conséquence, une mise en cause indirecte d’Elena. « Nous avons pu déceler également l’émergence d’un genre nouveau : celui du syndicalisme politique qui est apparu au grand jour dans cet hémicycle », a ainsi regretté Laurent Nouvion qui, sur le sujet de la SBM, a par ailleurs demandé un gel des travaux en cours au jardin des Boulingrins en attendant l’étude de la loi de désaffectation par le conseil national… Montrant encore une fois, s’il le fallait, à quel point la SBM est devenue un sujet politique voire politicien à part entière.

*7 élus Horizon Monaco se sont abstenus (Ficini, Allavena, Rit, Steiner, Poyet, Barilaro et Rossi). Tout comme Jean-Louis Grinda (Union Monégasque).

Les petites (ou grosses) phrases

• « Décidez et tranchez sur les délais et les coûts. Et tenez le cap, Monsieur le ministre. Car la population attend ce port Hercule terminé, enfin libéré des travaux », dixit Laurent Nouvion.
• « Je ne sais plus comment vous le dire. Même ceux que vous avez choisi pour mener cette analyse vous l’ont suggéré. Et ce sont des professionnels ! », a tonné Laurent Nouvion au ministre d’Etat, en demandant la création d’un comité d’investissement du FRC (HM).
• « J’attribuerai plus la bonne santé de notre économie à « la main invisible » d’Adam Smith et à certains évergètes. Les actions guidées uniquement par l’intérêt personnel de chacun peuvent contribuer à la richesse et au bien-être de tous », dixit Christophe Steiner (HM).
• « Nous venons de vivre un budget rectificatif insipide où la majorité gouvernementale n’a cessé de remercier et de féliciter le gouvernement », a martelé Jean-François Robillon (UM).
• « Je me fiche, des attaques mesquines de l’opposition. Je préfère m’investir dans un travail commun, même s’il y a des divergences car, c’est le travail, et rien que le travail acharné qui fera gagner le conseil national. N’est-ce pas une forme de maturité ? » Claude Boisson (HM).

« Droit de regard » sur l’école internationale ?

«Pourrait-on intégrer l’école internationale dans un plan global de l’éducation à Monaco ? » La question a été posée par l’élu Horizon Monaco (HM), Christian Barilaro, qui a suggéré « qu’un membre de la direction de l’Education nationale siège au conseil d’administration de l’établissement ». L’objectif serait notamment d’avoir « un droit de regard » sur le projet éducatif et le financement… « Proposition judicieuse » pour le président du conseil national, Laurent Nouvion, qui serait « une contrepartie » à la mise à disposition de l’école internationale par l’Etat des locaux de l’ancien Yacht club durant les futurs travaux du port. Le conseiller de gouvernement pour l’Intérieur, Paul Masseron, a rappelé que l’ISM n’était « pas conventionnée avec l’Etat » et qu’il n’était « pas sûr qu’on puisse prévoir des places au conseil d’administration ». « L’école internationale est un élément non négligeable de l’attractivité de Monaco pour les étrangers. C’est une complémentarité avec le public et le privé monégasque et non une concurrence », a-t-il souligné. Bernard Pasquier, élu Union monégasque (UM), a déclaré que « ne pas voir l’Etat dans le conseil d’administration de cette école fait partie des gènes de l’éducation privée ». « Elle n’est pas conventionnée. Laissons-la tranquille », a-t-il conclu.//A.P.

L’usine d’incinération sera requalifiée

Jean-Louis Grinda, élu UM, a demandé des informations sur le devenir de l’usine d’incinération des déchets basée à Fontvieille. « Le dossier est prêt », a assuré Marie-Pierre Gramaglia, conseiller de gouvernement à l’environnement, l’équipement et l’urbanisme. « Nous avons cherché un accord avec la France et avons reçu une fin de non-recevoir. La seule solution est de requalifier l’usine actuelle », a-t-elle développé. Marie-Pierre Gramaglia a également indiqué que la solution de l’incinération sera conservée et qu’un appel d’offres sera bientôt lancé.//A.P.

Erasmus, le périple jeune

Christian Barilaro a alerté le gouvernement des difficultés rencontrées par les étudiants monégasques désireux de partir étudier à l’étranger, hors France. « Leurs frais d’études sont cinq fois supérieurs à ceux des étudiants de l’espace Schengen et il est inadmissible qu’ils soient obligés de renoncer à leur nationalité monégasque pour celle de leur parent non-monégasque afin d’étudier à l’étranger », s’est offusqué le conseiller national. « Certaines universités acceptent les étudiants monégasques, d’autres, comme c’est le cas en Grande-Bretagne, non […] Chacun des pays membres de l’Union européenne finance ses étudiants Erasmus. Nous ne payons pas. […] La commission ne veut plus d’accords sectoriels. On va essayer d’inclure un accord Erasmus dans le cadre d’un accord global de partenariat avec l’UE », a indiqué Michel Roger. Ce dernier a révélé que le gouvernement avait aidé un Monégasque à s’installer en terre scandinave après un « vrai parcours du combattant » de 4 à 5 mois.//A.P.

Quel plan pour l’industrie ?

Le futur de l’industrie monégasque a été abordé par l’élue HM, Caroline Rougaignon Vernin. « Quel est le plan à moyen terme ? » a-t-elle lancé. « L’avenir passe par la diversification des entreprises. C’est un gage de survie », a rétorqué le conseiller aux finances, Jean Castellini. Le conseiller de la majorité, Jean-Michel Cucchi s’est prononcé en faveur d’« études spécifiques » pour le ciblage d’industries de niche. De son côté, Philippe Clérissi privilégie « des entreprises de taille moyenne qui ne prennent pas trop de place, sinon on court à la catastrophe ». Le conseiller national a, par ailleurs, réitéré les propos du rapporteur Marc Burini concernant l’entreprise Mecaplast. « Il ne faudrait pas que l’aide à Mecaplast se répète », celle-ci soulevant un problème d’inégalité avec les autres sociétés. « L’intervention de l’Etat au sein de la société Mecaplast où il convient de le rappeler, l’Etat ne possède aucun intérêt montre aujourd’hui ses limites, au regard des créances qu’il reste à recouvrer », avait déclaré Marc Burini, la veille. Intervention « nécessaire » selon le ministre d’Etat, « pour conserver un tissu industriel et des emplois à Monaco (145 à Mecaplast) dans un domaine où les difficultés sont internationales ».//A.P.

Un audit pour le Grimaldi Forum

Plusieurs élus dont les HM Daniel Boéri, Jean-Michel Cucchi et l’UM Bernard Pasquier, souhaitent un audit du Grimaldi Forum au regard des sommes allouées par le gouvernement au centre des congrès. Marie-Pierre Gramaglia a déploré « un bâtiment assez cher en entretien » et « des travaux conséquents pour rester à la hauteur ». La rénovation du Grimaldi Forum, entamée en 2010 pour la somme de 15 millions d’euros étalés sur cinq ans, est en passe de s’achever. « Ce sont de vraies dépenses, pas des subventions déguisées », a poursuivi Jean Castellini. Marc Burini a demandé une réflexion sur la rentabilité des événements culturels du Grimaldi Forum. « Il faut se poser la question de ce que nous coûte le Grimaldi Forum. Ce n’est pas parce qu’on parle culture qu’il ne faut pas parler d’argent. Nos amis américains arrivent à rentabiliser certains événements. Je ne vois pas pourquoi il n’y aurait pas une réflexion au sujet du Grimaldi Forum pour que ça coûte moins cher à l’Etat », a-t-il soutenu. Et le conseiller d’ajouter : « La culture, ça a toujours été de l’argent. Si Mozart revenait parmi nous, il aurait un groupe de rock. Balzac écrirait sûrement pour des séries américaines. Culturel ne veut pas dire perte d’argent ». Jean-Louis Grinda, directeur de l’Opéra de Monte-Carlo, a lui appelé à « éviter les clichés » sur la culture qui « fait travailler 500 personnes » à Monaco.//A.P.

Prise en charge de la dépendance : l’inquiétude

Sous l’effet du vieillissement de la population, les dépenses de prise en charge de la dépendance devraient dans les années à venir connaître un bond considérable. Une problématique qui n’échappe évidemment pas à Monaco et qui inquiète donc le conseil national. Dès 2011, le gouvernement s’était penché sur cette problématique en commandant une étude auprès du cabinet SPAC actuaires, sur l’évolution prévisible du coût de la dépendance. « Les conclusions de cette étude renforcent cette inquiétude. Deux fois plus de personnes devraient être concernées en 2030 – soit près de 1 000 personnes – pour un coût trois fois supérieur – estimation à près de 16 millions d’euros. La subvention allouée à l’Office de protection sociale va dans ce sens. Elle passe de 18,7 millions d’euros en 2011 à 22 millions dans ce budget rectificatif, soit près de 18 % d’augmentation depuis la réalisation de l’étude, a souligné Marc Burini. Cette problématique étant la source de charges financières importantes pour les générations à venir, la commission des finances s’attend à ce que les propositions du gouvernement lui parviennent dès 2014. » En réponse, le ministre d’Etat a indiqué que le financement de la dépendance était en effet « un défi majeur des prochaines décennies. » Avant d’énumérer les pistes possibles : « le recours à l’assurance privée obligatoire, une nouvelle cotisation dépendance pour les employeurs et les salariés, la création d’un gage sur le patrimoine, la création d’une journée de solidarité, etc. » Michel Roger s’est enfin engagé à soumettre dans le courant de l’année prochaine des propositions au conseil national pour assurer ce financement sur le long terme. A noter également que l’IMSEE doit plancher sur une étude démographique pour évaluer le volume des personnes dépendantes.//S.B.

Transports : les pistes étudiées

«Stress, fatigue, retard, rendez-vous manqués, patrons excédés. Aujourd’hui, les salariés trouvent encore leur compte pour venir exercer leur métier en principauté. Mais jusqu’à quand ? Trains supprimés, retardés, grèves, cadencement insuffisant, contenance insuffisante, le stress n’est pas seulement sur la route, il est aussi dans la gare et sur les quais de la Côte d’Azur. » L’élue Horizon Monaco, Caroline Rougaignon-Vernin a tiré la sonnette d’alarme en séance publique sur les sacro-saints problèmes de mobilité des pendulaires venant travailler à Monaco. « Il est temps d’être proactifs avec les autorités municipales voisines, avec le conseil général des Alpes-Maritimes, avec le conseil régional, mais pas seulement. Egalement avec les acteurs privés comme les bus, comme la SNCF et, osons enfin le dire, également chez ESCOTA », a-t-elle rajouté. Devant les élus, le gouvernement a défendu l’idée qu’il menait « une politique active » dans ce domaine. Tout en affirmant « qu’il s’agissait d’un combat de tous les jours, sans pour autant de solution miracle. » L’occasion aussi d’annoncer les nouvelles pistes qui étaient actuellement à l’étude. « En matière de trains, j’ai récemment assisté à une réunion à Marseille (Mission mobilité 21) au cours de laquelle deux projets ont été discutés. D’abord la création d’une ligne supplémentaire à celle déjà existante qui irait jusqu’à Nice. Précision importante : il ne s’agit pas d’une ligne à grande vitesse. Sur ce sujet, j’ai exprimé l’avis de la principauté. J’ai indiqué que ce projet nous intéressait, mais que nous ne serions partenaire que si l’on prolongeait la ligne jusqu’à Vintimille, a précisé le conseiller à l’urbanisme Marie-Pierre Gramaglia. D’autre part, il y a l’amélioration de la ligne déjà existante sur laquelle il y a une participation financière de la principauté. » Autre projet en discussion avec les autorités françaises : l’ouverture d’une bretelle d’autoroute à Beausoleil qui se situerait après la sortie de la Turbie, au niveau du poste à essence de Beausoleil.//S.B.

Commerces : Après l’heure, c’est plus l’heure ?

L’imposition d’horaires d’ouverture aux commerces de Monaco a donné lieu à quelques passes d’armes, mardi 8 octobre au conseil national.

Par Adrien Paredes.

Faut-il imposer ou non des horaires d’ouverture aux boutiques de la principauté ? L’interrogation a suscité un vif échange entre Philippe Clérissi, qui souhaite une « homogénéité » sur le sujet et Bernard Pasquier, qui milite pour des commerces libres de choisir les heures auxquelles ils commencent et terminent leurs journées. « On ne peut plus avoir un tel capharnaüm. Il faut être plus sévère », s’est agacé Philippe Clérissi. Ce à quoi le ministre d’Etat Michel Roger a répondu que « des horaires harmonisés pourraient être imposés dans le plan et le label accueil » que le gouvernement souhaite mettre en place à partir de 2014. « Il faudrait que la commission (du conseil stratégique pour l’attractivité) puisse dire quels sont les meilleurs horaires », a précisé le ministre d’Etat. « J’ai cru entendre parler de gosplan », a persiflé Daniel Boéri (HM). « Jusqu’à preuve du contraire, les commerces sont détenus par des investisseurs privés. Nous sommes dans un système économique à base capitalistique. Comment un Etat va imposer des horaires d’ouverture à des entrepreneurs privés ? », a renchéri le vice-président Christophe Steiner.

Monaco, « une économie libérale dirigiste »
Bernard Pasquier, élu de l’opposition à qui Steiner a apporté un soutien inattendu, lui a embrayé le pas : « Nous sommes dans un pays libéral où on a le droit d’ouvrir et de fermer son commerce quand on veut. Sommes-nous devenus un pays socialiste ou communiste ? Laissons les gens entreprendre, réussir ou faire faillite ! » S’en est suivie une passe d’armes entre Michel Roger et Christophe Steiner. Le premier demandant au second de ne pas lui donner « une leçon de libéralisme économique ». Et l’élu répliquant au ministre que le modèle économique monégasque était « une économie libérale dirigiste ». Philippe Clérissi est rentré à nouveau dans le débat pour répondre à Bernard Pasquier. « Votre intervention est grotesque. Je croyais que vous étiez ouvert sur le monde autour de vous. Vous savez combien d’heures les commerces sont ouverts à New York ? La journée et la nuit. On est aussi là pour que les recettes de l’Etat augmentent. Le commerce de détail à Monaco, c’est un chiffre d’affaires de 1,2 milliard. Si demain, on arrive à 1,6 milliard, vous féliciterez qui ? Moi, certainement. Mais pas vous. Je ne sais pas ce que vous avez fait à la Banque Mondiale, mais si vous l’avez gérée de la même façon, j’aurais fait faillite avec mon commerce au bout de trois mois », s’est-il emporté.

Facultatif
Pasquier a objecté qu’à New York, les commerces ouvraient et fermaient comme ils l’entendaient. « Mais vous n’avez jamais fait de commerce dans votre vie ! Ne me faites pas rire ! » a lâché Clérissi, provoquant le courroux de son collègue : « J’étais commerçant quand vous étiez encore en culotte courte. Faites pas ch.. !» Michel Roger et le conseiller de gouvernement aux finances Jean Castellini ont tenté de déminer le sujet, insistant sur l’aspect facultatif du label qualité d’accueil. « L’harmonisation peut être recherchée. Loin du gouvernement l’idée de vouloir imposer quoi que ce soit », a déclaré Jean Castellini. Les discussions sur une éventuelle ouverture des commerces le dimanche, qui pourraient intervenir lors des débats sur le budget primitif 2014, devraient être tout aussi animées.

2014, année du port

2014 sera « l’année du port » selon le ministre d’Etat. Jusqu’en 2019 en réalité puisque le port Hercule sera entièrement rénové pendant cette période… « Il faut finir ce port, on ne peut parler tous les jours d’attractivité et laisser en même temps le port Hercule et l’entrée du port de Fontvieille dans cet état », a déploré Laurent Nouvion. « Pour ce qui concerne la rénovation du port, le gouvernement partage le sentiment du conseil national s’agissant du degré de priorité à accorder à son aménagement et à son embellissement. C’est pourquoi il a lancé un certain nombre d’opérations en ce sens », a riposté Michel Roger. Le conseiller de gouvernement pour l’équipement et l’urbanisme, Marie-Pierre Gramaglia, a détaillé les différents travaux prévus (lire « Le port Hercule en chantier jusqu’en 2019 », Monaco Hebdo n° 848). Elle a notamment répondu à Jean-Michel Cucchi, s’interrogeant sur la capacité du futur parking souterrain de la Darse nord, que l’ouvrage ne pourrait excéder les 300 places. Le ministre d’Etat a évoqué les exploitants des kiosques du quai Albert Ier, « rencontrés en présence de représentants de la mairie ». « Nous leur avons fait savoir que les nécessités du lancement des travaux allaient imposer la fermeture des terrasses après le Grand Prix 2014 et que nous allions préparer un cahier des charges pour à l’avenir harmoniser les nouveaux établissements qui y seront implantés en leur assurant qu’ils bénéficieraient, s’ils le souhaitent, d’une priorité à la réinstallation », a encore précisé Michel Roger.//A.P.

1,5 million d’euros en plus pour le satellite

Jean-Charles Allavena a demandé des nouvelles du MonacoSAT, le satellite de télécommunications qui occupera, prochainement, la position orbitale de Monaco. L’objet, financé entièrement par le Turkménistan et l’opérateur de satellite Space International Monaco (SSI) à hauteur de 300 millions d’euros, est encore en construction et devrait être lancé en novembre 2014. Seul hic, SSI connaît des difficultés depuis février et a indiqué en juin qu’il ne pourrait pas tenir ses engagements. Du coup l’Etat doit avancer à la société privée, dans laquelle l’Etat n’a aucune part, 1,5 million d’euros supplémentaires pour le maintien de cette position orbitale. Réponse gênée du gouvernement qui a semblé ignorer ce qu’il advenait du satellite. « Nous avions l’espoir que cela rapporte à terme à la principauté. On aurait dû anticiper, c’est vrai. Mais en février, non seulement, on apprend que la société a des difficultés mais en plus, que dès le mois de mars, la position orbitale évolue… Ceci dit, le satellite est très beau », a dit Michel Roger.//A.P.

Monaco en orbite le 22 novembre 2014

Ilhami Aygun, le patron de SSI-Monaco, explique comment est né le projet de satellite MonacoSat.

Propos recueillis par Milena Radoman.

Monaco Hebdo : Lors des débats budgétaires, les difficultés de SSI-Monaco, concessionnaire de la position orbitale de Monaco, ont été évoquées, impliquant une participation de l’Etat sous la forme d’un prêt. De quels problèmes s’agit-il ?

Ilhami Aygun : Les positions orbitales pour les satellites géostationnaires sont traitées et enregistrées par l’UIT (Union internationale des télécommunications) à Genève. Seuls les Etats souverains peuvent faire une demande de position orbitale, et, les Etats sont les seuls propriétaires de la position. Dans les 7 ans après la demande, la position doit être coordonnée en fréquence avec les réseaux des satellites voisins, mais aussi, doit être occupée physiquement par un satellite, sinon les Etats perdent la position. Les assignations de fréquences pour la position 52° Est, par l’administration monégasque, devaient expirer en juin 2013. SSI-Monaco a signé un accord avec le gouvernement de Monaco en août 2010 pour développer un projet de satellite et utiliser la position 52°E. Après des études approfondies et coûteuses, SSI-Monaco a signé le contrat de fabrication du satellite MonacoSat avec Thales Alenia Space à Cannes en novembre 2011. Aujourd’hui, l’ensemble du programme se poursuit comme prévu sans aucun problème financier ou technique. Avec l’aide de SSI-Monaco et de son partenaire SES-Astra Luxembourg (le plus grand opérateur de satellites au monde), deux satellites sont identifiés et déplacés sur la position orbitale 52°E avant juin 2013. Le financement du déplacement de ces deux satellites – destiné à conserver la position orbitale de Monaco –, a été assuré par le gouvernement monégasque à hauteur de 1,6 million d’euros. SSI-Monaco a accepté de lui rembourser cette somme.

M.H. : Quand le satellite sera-t-il placé en orbite ?
I.A. : La date de lancement prévue est le 22 novembre 2014, avec un lanceur Falcon 9 de la société américaine Space-X, de Cap Canaveral.

M.H. : Quelle est la rentabilité estimée pour un tel satellite de communications ?
I.A. : La durée de vie opérationnelle du satellite MonacoSat est conçue pour un minimum de 16 ans. L’estimation en « rentabilité » du satellite est d’environ 7 ans.