Le gouvernement monégasque se trouve face aux défis que représentent l’inflation généralisée, la concurrence internationale sur l’attractivité, et les résultantes de la guerre en Ukraine. Des sujets, parmi d’autres, qui demanderont en 2023 une grande réactivité du ministre d’État Pierre Dartout, qui a présenté ses vœux à la presse autour de ces sujets.
Optimiste, mais prudent. Le ministre d’État, Pierre Dartout, n’aborde pas 2023 en toute légèreté. L’année précédente, il faut l’admettre, n’a pas été de tout repos pour Monaco, comme pour l’Europe tout entière. Enclavée dans les résultantes de la guerre d’Ukraine, l’inflation généralisée, le dérèglement climatique, et la peur d’un rebond de l’épidémie de Covid-19 depuis la Chine, la principauté, comme ses pays voisins, tente de garder le cap. Certes, le pays va bien, les comptes sont au vert, mais la principauté n’est pas à l’abri des nuages. Et Pierre Dartout n’a pas manqué de le souligner au moment de présenter ses vœux à la presse, mercredi 18 janvier 2023.
Crise énergétique
Si la guerre en Ukraine n’a pas, à elle seule, bouleversé l’accès à l’électricité, elle a toutefois ajouté son grain de sel aux problèmes d’approvisionnement en énergie qui pendaient au nez de la France, dont la principauté dépend à hauteur de 98 %. Alors que la France prévoit de remettre en service huit centrales de son parc nucléaire pour répondre à la demande de consommation en électricité, Monaco doit, comme comme le pays voisin, se préparer à des scénarios de délestage. Il faut également pour Monaco préserver ses entreprises et petits commerces des fortes hausses de prix générées par cette crise énergétique, qui s’ajoutent à celle, plus structurelles, de l’inflation généralisée. Le gouvernement monégasque mise donc sur son bouclier tarifaire pour limiter les dégâts, à hauteur de 15 % pour les particuliers et les petites et moyennes entreprises (PME), et à hauteur de 33 % à 45 % pour les autres catégories. Et ainsi, espérer préserver la compétitivité de la principauté.

L’un des grands défis de 2023 consistera, pour le gouvernement monégasque, à satisfaire ses résidents, tout en réussissant à en attirer de nouveaux. La concurrence est rude, alors qu’en 2022, Dubaï a enregistré un record de l’équivalent de 132 milliards d’euros de transactions immobilières, dopé par l’afflux d’une clientèle russe
Concurrence d’attractivité
L’un des grands défis de 2023 consistera, pour le gouvernement monégasque, à satisfaire ses résidents, tout en réussissant à en attirer de nouveaux. La concurrence est rude, alors qu’en 2022, Dubaï a enregistré un record de l’équivalent de 132 milliards d’euros de transactions immobilières, dopé par l’afflux d’une clientèle russe, en quête d’investissements sécurisants. Pierre Dartout a rappelé que le plan national pour le logement des Monégasques était l’une des priorités de 2023, avec 280 millions d’euros d’affectés pour le parc immobilier monégasque. Concernant la qualité de vie, la mobilité est toujours une question épineuse qu’il conviendra de solutionner rapidement pour désenclaver les entrées de ville, et ainsi fluidifier le trafic routier dans Monaco. Le ministre d’État a donc confirmé, comme il l’avait avancé lors des séances de débat budgétaire en décembre 2022, que des propositions à court terme d’abord, puis à moyen-long terme, seront annoncées, entre suppression de places de stationnement en extérieur pour ouvrir de nouveaux couloirs de bus, et aménagements de voiries avec la France pour développer de nouvelles solutions de transports publics. En ce qui concerne la sécurité sanitaire et la gestion d’un toujours possible rebond de l’épidémie de Covid-19, le conseiller-ministre pour la santé et les affaires sociales, Christophe Robino, a considéré que l’attention était davantage tournée vers la prolifération d’autres virus, comme la grippe et la bronchiole infantile, tout en restant vigilant face aux soubresauts de la Chine, où la population, selon le conseiller-ministre, est peu immunisée, après la politique du « zéro Covid » appliquée par le gouvernement communiste.

Optimiste, mais prudent. Le ministre d’État, Pierre Dartout, n’aborde pas 2023 en toute légèreté. L’année précédente, il faut l’admettre, n’a pas été de tout repos pour Monaco, comme pour l’Europe tout entière
Moneyval et la liste grise
Autre nuage à l’horizon : le dernier rapport, pas très élogieux, du Conseil de l’Europe et de son organe de lutte anti-blanchiment Moneyval, qui réclame à la principauté des « améliorations fondamentales pour renforcer l’efficacité de la supervision, des enquêtes et des poursuites en matière de blanchiment de capitaux et de la confiscation des produits du crime ». Ce rapport, publié officiellement lundi 23 janvier 2023, demande également à ce que les autorités monégasques présentent « des améliorations majeures concernant la transparence des personnes morales, ainsi que les enquêtes et les poursuites », en ce qui concerne le financement du terrorisme. Ce rapport reconnaît bien « le travail considérable entrepris par Monaco dans l’identification des risques » liés au blanchiment d’argent, mais il estime aussi que « des approfondissements sont nécessaires » dans un certain nombre de secteurs, notamment dans les casinos et chez les bijoutiers de la principauté. En effet, selon Moneyval, les enquêtes et les poursuites « ne semblent pas correspondre au profil de risque de Monaco, avec des lacunes particulières concernant les affaires complexes ». Si le tir n’est pas corrigé d’ici mars 2024, Monaco verrait alors grandir le risque de réintégrer la liste grise de l’organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) des paradis fiscaux, dont elle avait été retirée en 2009. Questionnés sur ce point lors de la cérémonie des vœux, avant que ce rapport ne soit officiellement publié, Pierre Dartout et Jean Castellini, conseiller-ministre pour les finances et l’économie, n’avaient pas souhaité se prononcer. C’est finalement par le biais d’un communiqué de presse qu’ils se sont exprimés, lundi 23 janvier 2023, dans la foulée de la publication du rapport européen.
Le ministre d’État a donc confirmé que des propositions à court terme d’abord, puis à moyen-long terme, seront annoncées, entre suppression de places de stationnement en extérieur pour ouvrir de nouveaux couloirs de bus, et aménagements de voiries avec la France pour développer de nouvelles solutions de transports publics
Pierre Dartout déclare ainsi que « la principauté est déterminée à poursuivre la mise en œuvre des recommandations de Moneyval afin d’être en conformité avec les normes internationales les plus exigeantes au terme de la période de suivi de douze mois. » Il ajoute que « cette exemplarité dans la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme est essentielle pour Monaco en termes de raison d’être et d’attractivité » et que son gouvernement va « poursuivre et amplifier » son action, car « la principauté a les capacités et les ressources pour atteindre le meilleur niveau dans les délais prescrits ». Jean Castellini rappelle, quant à lui, que des mesures ont déjà été prises pour renforcer le dispositif et que « des progrès notables ont été encore récemment effectués ». Il revient ainsi sur le vote de plusieurs textes de loi par le Conseil national, à la fin 2022, « dans des domaines aussi importants que l’entraide judiciaire internationale, la saisie et la confiscation des instruments et produits du crime ». Le conseiller ministre assure également que le gouvernement sera prêt pour l’échéance de mars 2024 : « Le gouvernement a mis en place un comité de suivi chargé de l’adoption des recommandations du rapport, et il sera par ailleurs accompagné par des experts réputés et expérimentés tout au long du processus. » Toujours sur le plan européen, cette année 2023 sera également marquée par l’accentuation des discussions concernant un possible accord d’association entre Monaco et l’Union européenne (UE) [à ce sujet, lire notre dossier spécial, publié dans ce numéro — NDLR]. Ces négociations, si elles n’aboutissent pas nécessairement vers une signature, promettent d’être déterminantes dans les relations qu’entretient la principauté avec les institutions européennes.