samedi 20 avril 2024
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« Quelle est notre part
d’humanité dans tout ça ? »

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Seul élu Union Monégasque de la mandature 2018-2023, Jean-Louis Grinda s’est exprimé pour la première fois de l’année. L’occasion pour lui d’évoquer une série de sujets sociétaux, comme la dépénalisation de l’IVG, le contrat de vie commune, la question de la nationalité ou le logement.

En près d’1h20, il a balayé les sujets qui le touchent, ceux pour lesquels il a des choses à dire, en tout cas. C’est avec son franc-parler habituel que Jean-Louis Grinda s’est exprimé devant la presse le 25 janvier. Pas satisfait par ce qu’il a pu entendre en décembre 2018 sur le thème de la qualité de vie, lors du débat sur le budget primitif 2019, le seul élu Union Monégasque (UM) de cette mandature 2018-2023 a été clair : « Je suis mécontent depuis longtemps, sur la qualité de vie. Or, je n’ai pas les réponses que j’attends sur la future usine d’incinération. Ce que j’ai entendu en décembre, ne m’a pas rassuré. Le fameux appel d’offres, qu’on devait avoir il y a trois mois, sera prêt pour 2020. » Ce dossier traîne depuis des années, et cela agace clairement Jean-Louis Grinda. Du coup, il attend un projet novateur de la part du gouvernement monégasque : « Je me bats pour que l’incinération soit exclue au profit d’un autre système. Recréons un système extraordinaire, en mettant sur la table l’argent nécessaire pour le faire. On a les moyens, donc faisons-le. Faisons un projet pilote, soyons audacieux. Il faut partir de la réalité pour aller vers un idéal. L’idéal, c’est de ne plus incinérer en principauté. Car je ne sais pas comment on va faire pour respecter les engagements de la COP21. Je trouve en tout cas que mon successeur à la présidence de la commission de l’environnement est d’une grande discrétion. Je n’en dirai pas plus, ça serait inconvenant. » Toujours sur le thème de la qualité de vie, Jean-Louis Grinda s’est à nouveau élevé contre les arrêtés ministériels supposés encadrer les chantiers en principauté : « Je m’élève contre le fait que dans la même rue, ou dans le même quartier, on ait des chantiers avec des rythmes différents. De plus, la pause de midi, entre 12h et 13h30, n’est plus obligatoire et les ouvriers peuvent finir plus tard. » Jugeant ces textes encore trop permissifs, Grinda estime que le gouvernement aurait dû être beaucoup plus « drastique » et dire : « On ne travaille plus le samedi matin. » Par ailleurs, cet élu s’est aussi « étonné » de la « complaisance » de la majorité Priorité Monaco (Primo !) et de leur « capitulation en rase campagne ». Pour cet élu UM, « le seul qui a eu un peu de recul, c’est Stéphane Valeri, qui, prudent, a demandé à ce que tout ça soit évalué. Evaluons. Mais moi, je n’aurais jamais accepté un truc comme ça. »

« Intelligence »

Autre sujet sensible sur lequel est revenu Jean-Louis Grinda : le débat sur l’IVG et sa dépénalisation. Ce sujet était un point de la campagne d’UM pour l’élection de février 2018 et cette liste avait pris position en faveur de la dépénalisation. La commission des droits de la femme et de la famille étudiera une proposition de loi et le président du Conseil national, Stéphane Valeri, souhaite que cela aille vite, comme il l’a expliqué devant la presse, le 9 janvier dernier. Objectif pour le chef de la majorité Primo ! : « Déboucher sur des décisions et des avancées législatives. » C’est sur cette avancée qu’est revenu Grinda, en reprenant le fil de la campagne pour l’élection nationale de février 2018 : « Lors du débat radio qui m’a opposé à Stéphane Valeri le 5 février 2018 (1), ce dernier m’a sorti la constitution, et presque la Bible, tout en me disant qu’il ne fallait pas gêner le prince sur ce sujet. Tout à coup, semble-t-il, on peut gêner le prince… » Précis, cet élu UM a rappelé qu’il avait toujours parlé de « dépénalisation de l’IVG » et « jamais de légalisation ». « Dans un pays moderne comme le nôtre, on ne peut plus accepter que l’IVG soit répréhensible pénalement. Sur ce sujet, monseigneur Bernard Barsi fait preuve de beaucoup de finesse et d’intelligence. Sur la question de la légalisation, il avance différemment, mais c’est un sujet différent », ajoute le chef de file UM. En tout cas, pour Grinda, aucun doute : « La dépénalisation est un pas dans la bonne direction. Monseigneur Barsi est dans son rôle. On ne peut pas attendre de Monseigneur Barsi qu’il nous dise : « Formidable, allez-y, IVG à toute heure à Sainte Dévote ! ». On ne peut pas attendre ça de lui. Il n’est pas là pour ça. Il faut respecter son point de vue et en débattre avec lui. » Grinda en est persuadé : sur ce sujet, comme sur d’autres, il faudra du temps, et de la patience. « Ici, à Monaco, le temps ne passe pas de la même façon que de l’autre côté de la frontière. Ici les idées ont besoin de mûrir tranquillement. Donc pour ce mandat, je veux obtenir la dépénalisation de l’IVG », insiste cet élu. Avant d’ajouter : « Quand j’ai poussé en faveur du contrat de vie commune, je n’ai jamais parlé de “mariage bis” ou de “mariage gay”. Je l’ai bien dit en juin 2013, dans mon exposé des motifs. Parce que je savais très bien qu’on n’obtiendrait pas le mariage gay en principauté. C’est trop tôt, ce n’est pas maintenant, c’est pas tout de suite. »

« Hypocrisie »

Si le vote du budget primitif 2019 s’est conclu par un vote à l’unanimité des 24 élus, c’est après un coup de gueule du président du Conseil national, pas content des réactions du gouvernement jugées trop timides sur la question du logement des Monégasques. « La colère de Stéphane Valeri était un peu théâtralisée. Mais bon, il a défendu ce pour quoi il a été élu. Donc je respecte ça. A l’arrivée, un accord a pu être trouvé et c’est très bien », apprécie Grinda. En revanche, un échange entre le conseiller-ministre pour les finances, Jean Castellini, et le président de la commission du logement, Franck Lobono, a attiré l’attention de cet élu UM : « Ils n’étaient pas d’accord sur le nombre de personnes à loger. Je voudrais bien connaître la réalité des choses… Est-ce que tous les appartements des domaines sont bien occupés ? Je demande donc à ce que l’on fasse une opération d’information générale des élus pour que l’on sache vraiment ce qu’il en est. » La question peut fâcher et pourrait même être vue comme une tentative de flicage ? Peu importe, il faut avancer, estime Grinda : « Il faut savoir ce que l’on veut. Il y a environ 3 600 logements domaniaux. S’il n’y en avait que 50 de pas occupés, ça serait 50 appartements de moins pour s’attaquer à la problématique de la pénurie. Il faut avoir le courage d’affronter ce problème en allant jusqu’au bout. Arrêtons de nous invectiver et ayons le courage d’affronter ce sujet, dans sa globalité. Par ces propos, j’essaie de briser l’hypocrisie autour de la question du logement. Après, je ne sais pas si le gouvernement a ces chiffres, ni même s’il a envie de les avoir. » Fin décembre 2018, le ministre d’Etat, Serge Telle, s’est engagé à construire « au moins » 730 appartements pour les Monégasques « dans les 4 prochaines années ». Mais c’est toujours la méthode, et surtout les chiffres, que pointe l’élu UM. « Le calcul fait par Stéphane Valeri consiste à dire qu’avec les naissances, les décès et les divorces, il faut que l’Etat monégasque construise 100 nouveaux logements domaniaux par an. Après, si ce que je dis est un fantasme, qu’on le démontre !, lance Jean-Louis Grinda. Il y a encore des situations difficiles dans les quelques 300 dossiers de logement. Mais il y a aussi des demandes de confort, qui n’ont évidemment pas le même poids. Cela relève de l’appréciation de la commission, dont les élus font partie d’ailleurs. »

Argumenté

Le dernier gros dossier évoqué par Grinda, c’est celui de la nationalité. Un sujet très délicat, qui cristallise pas mal de tensions. A la fin de la mandature 2013-2018, une proposition de loi a été déposée par Jean-Michel Cucchi, avant d’être rejetée par une courte majorité des élus. « J’ai voté contre car, là encore, je dis : « Donnez-moi des chiffres. » », a rappelé Grinda, avant de développer les raisons de son vote : « Cela donne un effet d’affichage négatif. Alors que l’on doit s’ouvrir au monde si on veut exister, on va tout d’un coup se replier, parce qu’on veut rester chez nous, avec notre petit passeport. Est-ce qu’il serait normal que, dans un couple, monsieur soit français et madame monégasque, et cela, pour la vie ? En tant qu’être humain, je ne trouve pas ça normal. Pour la famille, je ne trouve pas ça bien non plus. Donc Stéphane Valeri a raison de vouloir ouvrir le débat sur ce sujet. » Comme pour le logement, c’est un débat argumenté et précis que réclame Jean-Louis Grinda : « Qu’on en débatte, mais avec des chiffres et des données précises. Et pas simplement, avec l’impression que l’on est envahi par des étrangers et qu’on nous vole nos passeports. Je rappelle qu’il faut déjà passer 10 ans avec quelqu’un avant de pouvoir demander la nationalité monégasque, ce qui me semble une période suffisante. Quelle est notre part d’humanité dans tout ça ? Cela s’applique à tous les sujets que j’ai abordé : la dépénalisation de l’IVG, le contrat de vie commune, le logement, la dépendance… Aujourd’hui, c’est cela qui doit nous animer. »

 

1) Le 5 février 2018, soit six jours avant le scrutin pour l’élection nationale, Stéphane Valeri et Jean-Louis Grinda avaient débattu pendant 1h20 sur les ondes de Radio Monaco et en diffusion vidéo simultanée sur internet, en collaboration avec Monaco Hebdo et L’Observateur de Monaco. Une première dans l’histoire politique de la principauté.