mardi 23 avril 2024
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Jean-François Robillon : «Il faut arrêter avec la spirale défaitiste actuelle»

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Jean-François Robillon
« Qu’est-ce qui vaut mieux: dépenser 40 millions d’euros par an et avoir un hôpital neuf à 500 millions d’euros ? Ou prôner l’immobilisme, et avoir un établissement qui nous coûte 25 millions d’euros par an, de toute façon ? » © Photo Monaco Hebdo.

Jean-François Robillon, président du conseil national, relance le débat sur l’usine d’incinération de Fontvieille. Confirme le rapprochement de l’UDM (ex-UP) avec l’Unam. Fait la paix avec son prédécesseur Stéphane Valeri. Et fait un appel du pied aux adhérents de son ancien parti, l’UP. Interview relue et amendée.

BUDGET

M.H.?: Comment la discipline budgétaire prônée par le ministre se traduit-elle dans les arbitrages??
J.-F.R.?: Le BP 2012 n’est pas encore déposé. Quand il le sera, nous allons vérifier que les investissements qui seront faits sont rentables. C’est le cas, par exemple, de la construction programmée d’un maximum de bureaux sur les délaissés SNCF, ou d’un hôtel 3 étoiles, remplaçant le Terminus, par appel d’offres, avec un coût 0 pour l’Etat. Nous allons demander au plus vite un calendrier de ces travaux au gouvernement.

M.H.?: Sur ces terrains, le Ministre propose une construction en l’échange de droits à bâtir. Vous y seriez favorable??
J.-F.R.?: Il ne faut pas avoir de dogme mais voir l’état des finances publiques. Si l’Etat peut le faire avec ses deniers, ce serait mieux. Sinon il faudrait faire appel à des promotions privées, l’opération étant de toute façon rentable pour l’Etat et l’avantage d’une construction mixte étant que l’Etat ne sort pas un centime de ses poches. On transposerait ainsi le principe du secteur intermédiaire à la construction de bureaux… Les services de l’Etat n’ont d’ailleurs pas la vocation ni la compétence pour construire et gérer un hôtel. Pour autant, s’agissant des bureaux, personnellement, je pense que tout dépend de la cible visée?: si l’on vise du haut de gamme, il vaudrait en effet mieux que ce soient des privés qui s’en chargent.

M.H.?: Quels acteurs économiques sont visés??
J.-F.R.?: Avant de répondre à cette question, il faut mener une réflexion sur toute cette zone allant des délaissés à Fontvieille, avec en ligne de mire, le devenir de l’usine d’incinération. A terme, va-t-on remplacer l’incinérateur ou externaliser le traitement des déchets et restructurer cette grosse zone de bureaux. Le four arrive en fin de vie en 2020. Nous avons remis tout aux normes en 2007-2008. Maintenant l’étape suivante c’est se demander ce que l’on fait demain. Nous avons 5 ans pour prendre une décision.

M.H.?: Votre avis personnel??
J.-F.R.?: Je n’ai pas la réponse. Il faut mesurer tous les risques. L’ancien conseiller pour l’environnement était fermé à une solution extérieure pour des raisons d’indépendance. L’urgence aujourd’hui est de lancer le débat, y compris avec les communes environnantes.

SECTEUR INTERMEDIAIRE

M.H.?: Le gouvernement a lancé son appel d’offres pour la Villa Ida. Une lueur d’espoir pour le secteur intermédiaire??
J.-F.R.?: La Villa Ida, c’est bien, c’est un point de départ mais ce n’est pas ce que je souhaite. Nous espérons que l’Etat, par la génération de droits, puisse trouver de l’espace pour loger les enfants du pays et éviter l’érosion du secteur protégé. Nous, nous souhaitons faire des opérations de remembrement?: travailler avec les promoteurs, construire des appartements pour les propriétaires du secteur ancien et créer des logements pour les enfants du pays. Il faut donc trouver des volumes importants pour faire de telles opérations.

M.H.?: Encore faut-il que l’Etat préempte??
J.-F.R.?: Il n’y a même pas besoin d’acquisition mais de volonté politique. L’idée du secteur intermédiaire, c’est de construire à l’emplacement d’un immeuble détenu par des petits propriétaires. L’Etat offre des droits à bâtir avec un doublement de volume, un promoteur finance la reconstruction, rend au propriétaire un appartement neuf avec un parking, un tiers de l’immeuble en secteur intermédiaire à loyer bloqué et le dernier tiers en secteur libre pour le promoteur. Le problème aujourd’hui, c’est que les promoteurs font déjà cela tout seul mais l’Etat donne des autorisations de volume au promoteur sans aucune contrepartie. Le vrai problème est là?! Bénéfice pour l’Etat?: 0.

M.H.?: Comment percevez-vous le recours contre le secteur protégé??
J.-F.R.?: C’est naturel. On a voté une loi équilibrée. Certains le contestent et utilisent le recours légal qui leur est offert. Nous vivons dans un Etat de droit, on verra la décision du tribunal suprême qui s’imposera à toutes les parties.

M.H.?: On vous traite de stalinien…
J.-F.R.?: Nous avons voté une loi équilibrée. La loi implique l’accord des volontés du prince et du conseil national dit la constitution. Est-ce à dire que le prince aussi est accusé d’être stalinien?? Si demain il y avait des staliniens à la tête du conseil national, ça se saurait et il n’y aurait de toute façon aucune manière pour eux d’imposer leurs vues.

HôPITAL

M.H.?: Vous allez provisionner le budget de 40 millions d’euros annuels pour la construction du nouvel hôpital. Le budget peut-il le supporter??
J.-F.R.?: Ce dossier a été arbitré. Et l’option retenue, avec une capacité réduite et sur le site du CHPG, est celle que j’avais défendue depuis le début. Aujourd’hui, l’entretien des bâtiments coûte cher. Sans compter les risques non négligeables de maladies nosocomiales en raison du vieillissement des structures opératoires. Chaque année, on dépense pour l’entretien une dizaine de millions d’euros. Il faudra y ajouter, dès que l’on passera à la T2A, près de 15 millions d’euros car l’hôpital actuel n’est pas optimisé. Ce sont donc 25 millions d’euros jetés à la mer chaque année?!
Et plus on recule, plus on va payer. On ne peut pas laisser l’hôpital dans un état de déliquescence. Il y aura toujours nécessité de faire de gros travaux. Qu’est-ce qui vaut mieux?: dépenser 40 millions d’euros par an et avoir un hôpital neuf à 500 millions d’euros?? Ou prôner l’immobilisme et avoir un établissement qui nous coûte 25 millions d’euros par an de toute façon??

M.H.?: Si on passe à des structures de 14 lits, on réduit le personnel de l’hôpital. Ce qui implique à terme une diminution, à nombre de lits égaux, de 23 équivalents temps pleins médicaux et 120 à 130 personnels. Les syndicats vous ont contacté??
J.-F.R.?: La réduction du personnel n’est pas un but en soi mais la conséquence mécanique de l’optimisation du nombre de lits par service. On ne va pas virer 23 médecins du jour au lendemain mais optimiser l’hôpital petit à petit?! Si ça se fait progressivement dans le temps et sans restriction de salaires, il n’y a aucune raison pour que ça suscite des réactions. D’autant que les conditions de travail seront améliorées. Aujourd’hui, les infirmières et les aides-soignantes courent toute la journée. Selon les études, un service de 14 lits est le module le plus optimal en rentabilité et en efficacité. Sans accroissement de charge de travail supplémentaire. Ça ne met pas en péril l’équilibre social.

M.H.?: La gestion du fonds de réserve est-elle plus efficiente?? A-t-elle été modifiée par Marco Piccinini??
J.-F.R.?: M. Piccinini a une vision plus dynamique que ce qui se faisait auparavant, estimant que la performance du fonds n’est pas satisfaisante. Il y a déjà eu des réallocations évacuant la part liée aux dettes souveraines pour minimiser les pertes. J’espère qu’à la rentrée il y aura un changement du portefeuille. Nous avons proposé en commission de placement des fonds que sur les 5-6 gestionnaires, les plus mauvais soient recalés. Sans citer des noms de gestionnaires, il y a aujourd’hui encore des placements déplorables. Il faut manier la carotte et le bâton avec des gens qui manient 200 à 400 millions d’euros?! Aujourd’hui, 1,92 milliard d’euros est placé.

ECHIQUIER POLITIQUE

M.H.?: Après avoir dénoncé l’immixtion de Stéphane Valeri dans les affaires du conseil national et créé l’UDM, vous semblez vous rapprocher du conseiller pour les affaires sociales. La hache de guerre est enterrée??
J.-F.R.?: Nous avons une vision sociale commune de Monaco afin que les gens les plus fragiles soient défendus et protégés. Aujourd’hui, il n’y a plus d’immixtion mais au contraire une collaboration sur certains sujets. Notamment le remboursement des soins médicaux des transfrontaliers italiens que je défends depuis 2005. Un pas très important a été franchi cet été avec un accord franco-monégasque sur la question. J’espère qu’on ira plus loin à l’avenir avec une couverture des ayants-droits économiques. C’est l’intérêt des deux pays, y compris des instituts de soins monégasques, publics et privés.

M.H.?: Il n’y a plus aucune immixtion??
J.-F.R.?: Désormais la confiance a été rétablie et le restera tant que chacun restera dans ses prérogatives. Monaco a un équilibre subtil des institutions. Empiéter sur le terrain de jeu de l’autre met en péril l’organisation de l’Etat.

M.H.?: L’histoire de la majorité n’est pas un long fleuve tranquille, au contraire. Un rapprochement avec l’Unam s’opère. Voire avec certains de l’UP. Ne craignez-vous pas de lasser votre électorat??
J.-F.R.?: Avec l’Unam, nous avons été élus sur le même programme. Il n’y a aucune raison pour que nous ayons des positions opposées. C’est d’ailleurs pourquoi nous n’avons pas compris la position d’Anne Poyard-Vatrican sur la proposition de loi contre toutes formes de discrimination ou sur les logements du Tamaris destinés à des compatriotes… Ça la regarde. La période de succession de 2010 a été troublée. Mais aujourd’hui, avec l’Unam, nous regardons dans la même direction.

M.H.?: En nombre d’élus, la majorité UPM de 2003 se reforme donc de fait entre l’UDM et l’Unam. Et avec l’UP??
J.-F.R.?: Il faut définir ce qu’est l’UP. Est-ce l’UP de Jean-Michel Cucchi ou d’Anne Poyard?? C’est aux gens de l’UP de se prononcer.

M.H.?: Ce qui implique une liste commune pour 2013??
J.-F.R.?: On est à un an et demi des élections. Je ne vais pas vous dire qu’il n’y a pas de contacts pris avec l’Unam, l’UP ou des personnes de la société civile. On essaie de construire un projet avec des gens motivés qui viennent à nos cafés citoyens, écoutent et proposent. Je ne suis pas inquiet. J’ai pour l’instant plus de candidats que de places à offrir…

M.H.?: Brigitte Boccone-Pagès devrait être nommée chargée de mission au gouvernement. Un commentaire??
J.-F.R.?: C’est un choix de l’administration. Il faut poser la question à son chef de groupe Anne Poyard-Vatrican pour savoir s’il y a eu des pressions de certaines personnes pour cette nomination. C’est une question interne à l’UP.

METHODE ROBILLON

M.H.?: Vos opposants disent que vous n’êtes pas à l’aise dans vos fonctions. Que c’est la cacophonie au conseil national. C’est quoi la méthode Robillon??
J.-F.R.?: C’est simple. On essaie de discuter tous ensemble pour prendre les décisions en commun.

M.H.?: On vous traite aussi de dictateur…
J.-F.R.?: Il faut savoir. Ou je suis laxiste ou je suis dictateur. J’écoute tout le monde, j’essaie d’avoir une gestion la plus équilibrée possible en respectant à la fois les collègues et le gouvernement. Si demander d’être à l’heure aux réunions ou aux séances publiques, c’est être dictateur, alors oui je suis dictateur. Si c’est exiger de ne pas partir dans des digressions totales et limiter les réunions à deux heures car statistiquement, on sait qu’après deux heures une réunion ne sert strictement à rien, alors oui, je veux bien être dictateur. En général ceux qui crient au loup sont ceux qui travaillent le moins?! S’il n’y a pas un peu d’ordre dans les séances, l’image que l’on rend est déplorable.

M.H.?: Même le ministre d’Etat laisse entendre que certains des débats de l’assemblée sont déplorables …
J.-F.R.?: C’est le cas quand certains élus attaquent leurs collègues non sur les idées mais sur leur physique. Et ça ne vient pas de la majorité.

M.H.?: Christophe Spiliotis-Saquet, ex-président de l’UP, a claqué la porte de l’UP au moment de l’affaire Odéon et vous accuse d’avoir trahi vos valeurs. Comment voyez-vous a contrario son rapprochement avec R&E??
J.-F.R.?: Je pense surtout que Christophe Spiliotis-Saquet a été déçu de ne pas devenir vice-président du conseil national. C’est ce qu’il m’avait demandé, je lui ai toujours dit qu’il appartenait à ses collègues d’en décider.

M.H.?: Il affirme que vous lui avez proposé??
J.-F.R.?: Il peut dire ce qu’il veut. C’est sa parole contre la mienne. Il n’y a jamais eu de promesse, il y a eu un vote au sein du groupe majoritaire pour le choix du vice-président. Il a perdu au profit de Fabrice Notari. Je ne sais pas si Laurent Nouvion lui a promis la vice-présidence. Quoi qu’il en soit, je regrette cette situation. C’est un gars entier — sans doute trop pour faire de la politique — pour qui j’ai toujours de l’affection. La manière avec laquelle il m’agresse n’est pas pour le grandir. On est dans le caniveau. Et s’il continue ainsi, les gens vont se lasser de ses diatribes. Nous avons le sentiment qu’il nous a trahis ainsi que nos électeurs. Maintenant, il a toute la possibilité de réfléchir et de revenir. Notre porte est toujours ouverte.

M.H.?: Vous avez indiqué que le message du ministre d’Etat n’était pas clair, pessimiste ou optimiste, variant au fil du temps??
J.-F.R.?: Il faut arrêter de crier au loup. Si notre slogan d’attractivité est « demain l’endettement ou la faillite », je ne pense pas que ce soit très porteur. Il faut arrêter avec la spirale morose ou défaitiste actuelle. Ce n’est pas non plus pour tomber dans le laxisme. Après avoir été plus que pessimiste, le discours du ministre d’aujourd’hui correspond mieux à la situation monégasque. Notre fonds de réserve est là pour absorber les excédents (comme en 2007 et 2008). Il faut voir si l’Etat y perd ou pas. Tout dépend de la situation du fonds de réserve constitutionnel. Dans le programme UPM, nous avions proposé de réfléchir au montant de la partie liquide du fonds de réserve à atteindre et à réinvestir. A quoi sert de thésauriser et d’avoir un fonds de 10 ou 20 milliards?? La question s’est aussi posée en Norvège. Que fait-on des revenus du fonds de réserve?? A-t-il vocation à croitre éternellement?? Si on ne l’investit pas on fait du gras et c’est tout. Il faut mieux valoriser la partie liquide du fonds et éviter de développer les immobilisations.

M.H.?: L’opposition qualifie la majorité de laxiste, dans sa gestion des finances publiques. Votre réaction??
J.-F.R.?: Laxiste?? Qu’est-ce que cela veut dire?? Nous sommes pour un maintien de la consommation, pour une meilleure perception des recettes d’ISB et pour que les gens jouent le jeu et se rendent compte qu’ils ont la chance d’habiter ou de toucher des retours sur investissements en principauté. Si le laxisme sur les dépenses c’est arrêter de construire les logements sociaux, ne plus accorder d’aides aux Monégasques ou ne plus payer avantageusement les fonctionnaires de Monaco, alors oui, nous sommes laxistes. Mais Laurent Nouvion lance des mots, c’est juste pour le sens de la formule. C’est bien beau de prendre des positions qui varient au fil du temps, mais quand on se présente devant les Monégasques, il faut avoir des positions claires. C’est comme quand il demande une règle d’or pour les finances publiques et la modification de notre constitution. C’est la première fois qu’un mouvement politique demande une modification de nos institutions… et que ça vienne de ceux qui nous accusaient de vouloir déstabiliser le pays, c’est assez cocasse…

M.H.?: Vous connaissez le pourcentage de fraude à l’ISB??
J.-F.R.?: Non mais il est connu que beaucoup d’entreprises minimisent ou annulent leur paiement d’ISB.

M.H.?: L’extension en mer à Fontvieille fait partie des bons investissements à venir selon vous??
J.-F.R.?: Oui car ça génèrera de la TVA et de l’ISB.

M.H.?: Financement public ou privé??
J.-F.R.?: Les deux mon capitaine… Il faut que les gens puissent investir et que l’Etat gère et récupère sur ses investissements. En revanche il est hors de question de souscrire un emprunt comme le préconise Laurent Nouvion, le même qui veut fixer une règle d’or budgétaire?! Rappelons que lorsque l’Etat a racheté Fontvieille, la valeur du fonds de réserve a été divisée par deux. Je pense que cela n’a pas été un si mauvais investissement que cela… Quand on a une vision pour Monaco, on prend des risques. Si on a peur du lendemain, on réduit les dépenses d’équipement sauf à vouloir réduire les avantages dont bénéficient les Monégasques?! Si on ne se donne pas les moyens d’investir dans l’avenir, on n’en récupèrera jamais les fruits?!