jeudi 28 mars 2024
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« Ça fait 4 ans qu’on tire la sonnette d’alarme?! »

Publié le

Laurent Nouvion
« Je ne vois pas comment on va rembourser le FRC 2011, le FRC 2012 et en plus provisionner 50 millions d'euros pour l'hôpital, sans avoir de déficits abyssaux?! Je me demande si la rénovation du CHPG existant n'est pas la meilleure solution. » © Photo Laetitia Ferrando / Monaco Hebdo.

Pour Laurent Nouvion, le déficit budgétaire n’est pas une surprise. Après avoir dénoncé le laxisme gouvernemental, le leader de Rassemblement & Enjeux propose d’inscrire dans la constitution le principe d’interdiction de 4 exercices déficitaires d’affilée. Et remet en cause le choix de construire un nouvel hôpital.

DEFICIT BUDGETAIRE

Monaco Hebdo?: On parle de près de 100 millions d’euros au budget rectificatif 2011. C’est un record??
Laurent Nouvion?: Je ne suis étonné de rien. Ça fait 4 ans qu’on tire la sonnette d’alarme et qu’on dit qu’il faut arrêter le laxisme ambiant en matière budgétaire. Sinon on ira trop loin et il faudra prendre des mesures drastiques, contre-nature et contre-productives. Ça fait 4 ans qu’on nous accuse d’afficher le chiffon rouge et d’être des agitateurs de peur. Aujourd’hui, le gouvernement et la majorité UPM sont rattrapés par leur laxisme et leur manque de rigueur en matière de finances publiques. En clair, on a tapé dans le carnet de chèques et on a dépensé à tout va. Il y a eu un manque de vision et une impréparation du gouvernement, alimentés par un chantage de la part de la majorité UPM. Au-delà de la mauvaise conjoncture, le gouvernement est aujourd’hui victime d’avoir cédé à un trop grand nombre de demandes au nom du programme UPM dans le cadre d’un chantage institutionnel.

M.H.?: Le gouvernement a changé de discours pour le rectificatif…
L.N.?: Aujourd’hui, il y a effectivement un changement de ton très clair du gouvernement, notamment par l’arrivée du conseiller aux finances Marco Piccinini, que j’appellerai, en clin d’œil à son italianité originelle, l’aggiornamento. Il faut un aggiornamento en matière de finances publiques. Le rectificatif 2011 est le dernier budget où l’on peut se mentir. Il faut que l’on se dise tout au budget 2012. Dans le BR 2011, on prépare le terrain pour des révélations difficiles et des arbitrages douloureux pour 2012 car la situation des finances publiques est plus préoccupante qu’on a voulu nous le dire. Après, je me méfie de l’affolement soudain et de la précipitation du gouvernement. Je ne pense pas que ce soit bon pour le climat de confiance à Monaco.

M.H.?: Vous parlez de mesures douloureuses. Y compris en matière sociale??
L.N.?: En matière sociale, il y a des dépenses totalement incompressibles que je continuerai à soutenir. Notamment les dépenses pour le logement de nos compatriotes, les prestations sociales et les traitements. Elles représentent une part incompressible des dépenses du budget. A partir du moment où on pose ce postulat, il faut réorganiser les autres dépenses budgétaires.

M.H.?: Pour le rectificatif 2011, le gouvernement annonce déjà une stagnation des dépenses ordinaires??
L.N.?: C’est assez étonnant car sur les 5 premiers mois de l’année, à la fin mai, on nous annonçait une augmentation de 8 % sur les dépenses de fonctionnement?! Il est curieux qu’on nous dise aujourd’hui que les dépenses ordinaires sont maîtrisées. Je m’interroge.

COMPTE DE PARTAGE

M.H.?: Comment expliquez-vous le décalage de recettes de TVA entre le primitif et le rectificatif?? D’où vient ce trou de 50 millions d’euros du compte de partage par rapport aux prévisions??
L.N.?: Personne n’arrive à l’expliquer. La théorie des flux est une projection dans le futur des flux en matière de TVA non directement collectés à Monaco avec une formule mathématique assez complexe. Il y a eu une réunion à Monaco le 8 juillet avec la partie française. Depuis c’est silence radio de la part du gouvernement. Pour l’instant, je n’ai aucune explication valable. Mais il faut un peu plus de recul. Tout ce que je sais, c’est que ce compte de partage était dépendant de grosses structures basées à Monaco et qui ne le sont plus. Lancaster et Biotherm étant partis, ça représente un trou de 15 à 20 millions d’euros. Seule certitude, on ne peut pas remettre en cause le compte de partage car il y a un trou de 30 millions d’euros. Nous sommes en union douanière avec la France.

ARBITRAGES

M.H.?: Quels sont les arbitrages que vous préconisez??
L.N.?: Il y a un certain nombre de choses que le gouvernement ne peut plus financer. Mais j’attends que le gouvernement nous livre sa copie sur les arbitrages à effectuer. Après, on dira qu’on penche pour tel ou tel arbitrage. L’an passé, j’ai été le seul à donner des pistes d’économies à effectuer comme sur les petits travaux et fournitures (175 millions d’euros). Ce qui m’inquiète déjà, c’est que sur le budget rectificatif, on va encore raboter 20 % de moins de dépenses d’investissements.

M.H.?: Pour vous c’est pénalisant??
L.N.?: C’est même la quadrature du cercle. Plus on a de frais fixes, c’est-à-dire de dépenses de fonctionnement, plus on a de dépenses d’interventions publiques et moins on a de dépenses d’investissements, plus on va dans le mur?! Car les dépenses d’investissements, c’est ce qui garantit la pérennité du modèle économique et des infrastructures pour nos enfants. Or, depuis 4 ou 5 ans, le mécanisme non encadré des reports de crédits est très vicieux.

M.H.?: Oui mais vous avez sans doute des propositions??
L.N.?: Nous allons demander une réforme constitutionnelle pour consacrer le principe d’interdiction de 4 budgets d’affilée en déficit. Par ailleurs, nous prônons la consécration législative du principe de capitalisation du fonds de réserve constitutionnel dans sa partie liquide. On est passé de 2,4 milliards à 1,9 milliard aujourd’hui. Rien que pour l’année 2011, entre les opérations Odéon et ZAC Saint-Antoine, il va y avoir 230 millions de ponctions?! Il faut que la vocation capitalistique du FRC soit rétablie. Le fonds de réserve, qui garantit notre indépendance, peut servir en cas de problème mais ce ne peut être que l’exception.

HOPITAL

M.H.?: Dans la publication de R&E, vous remettez en cause le projet de nouvel hôpital. Est-ce possible après autant de revirements??
L.N.?: Je suis un garçon pragmatique. Depuis que je suis élu, j’ai vu l’évolution de ce projet pharaonique. Nous, nous n’avons pas changé de ligne. Ce projet était surdimensionné par rapport à notre capacité budgétaire. Entre-temps est arrivée la crise. Les atermoiements du gouvernement ont coûté 25 à 30 millions. C’est du gaspillage pur, un exemple de mauvaise gouvernance à ne pas renouveler. Aujourd’hui, on nous présente un nouveau projet à 600 millions d’euros. Vraisemblablement, il va falloir provisionner une enveloppe entre 30 et 50 millions d’euros par an au budget de l’Etat. Or, la commission supérieure des comptes a demandé que le budget rembourse chaque année entre 30 à 50 millions d’euros au FRC pour les 500 millions d’euros avancés. Au final, je ne vois pas comment on va rembourser le FRC 2011, le FRC 2012 et en plus provisionner 50 millions d’euros pour l’hôpital, sans avoir de déficits abyssaux?! C’est pourquoi je me demande si la solution 6, à savoir la rénovation des services du CHPG existant, n’est pas la meilleure solution. Avec bien entendu la construction urgente d’un parking.

LUTTE POLITIQUE

M.H.?: Pour le conseiller aux affaires sociales Stéphane Valeri, ça coûterait plus cher de garder le CHPG existant, tout en le rénovant, que de construire un nouvel hôpital??
L.N.?: Nous allons assister à une lutte politique très noble, comme dans tous les gouvernements qui se respectent, entre les finances et l’équipement et les affaires sociales. Il sera intéressant de voir quels seront les arbitrages entre MM. Valeri et Piccinini et quel sera le curseur fixé par le ministre d’Etat.

M.H.?: Les arbitrages frappent en tout cas déjà le budget de la culture. Vous êtes pour??
L.N.?: Il y a une tradition latine?: quand il y a un problème, on racle le budget de la culture… Or, on ne peut pas attirer de grands donateurs à partir du moment où on n’a pas un projet de grande tenue. Pour économiser un million d’euros, l’an passé, on a déjà sucré au Nouveau musée national la totalité de son budget acquisition?! Comment voulez-vous qu’un musée puisse fonctionner et attirer des dations à partir du moment où l’Etat ne donne pas d’exemple. C’est totalement incohérent?!

M.H.?: Le gouvernement évoque des mesures structurelles pour 2012. Lors de la séance publique du 13 juillet, Jean-François Robillon a suggéré une remise en cause éventuelle du contrat habitation-capitalisation et des avantages sociaux des Monégasques. De quoi s’agit-il??
L.N.?: Le président est sorti de sa réserve et de son rôle pendant les débats. Il a même conditionné le vote du budget rectificatif 2011 au dépôt du projet de loi sur la nationalité et au non-rabotage de ce qu’il appelle des problèmes sur le contrat habitation-capitalisation et des avantages sociaux. Je ne sais pas très bien où il veut en venir. Le conseil national est dirigé comme une boite noire par un chef de cabinet qui a échoué à devenir président de l’UP il y a 6 mois et par un président qui n’a pas d’autorité naturelle et qui plafonne. Il y a un cafouillage sur les séances publiques qui oblige même à en programmer une d’urgence. On nous reproche de retarder les débats sur les droits de mutation. Or, on fait les débats.

M.H.?: Vous réfutez donc de faire la politique de la chaise vide??
L.N.?: Il y a toujours un des trois élus R&E qui assiste aux réunions ou aux groupes de travail si ce n’est les 3. Et ce alors que l’ensemble des horaires du conseil national ont été modifiés il y a un an et demi de façon autocratique, sans concertation avec les élus. En clair, je considère que Jean-François Robillon n’est pas à l’aise dans ses fonctions. Et dieu sait que j’ai combattu son prédécesseur Stéphane Valeri sur le plan politique. Lui savait diriger l’institution. Aujourd’hui, celle-ci est chaotique.

DROITS DE MUTATION

M.H.?: De nombreux projets de loi ont pourtant été votés??
L.N.?: Beaucoup des textes votés sont des propositions de loi. Après avoir été arrêté pendant 15 mois par des affrontements internes, les gens de la majorité travaillent. Depuis le 4 avril, qu’est-ce qui se passe?? Il y a une majorité autoproclamée avec un autocrate à sa tête, flanqué de son bras armé. Je le répète?: il n’y a plus aucune concertation. L’exemple le plus frappant est ce qui s’est passé pour les droits mutations. C’est une vaste rigolade. D’ailleurs, en off, le gouvernement nous dit qu’heureusement, le conseil national n’a pas demandé un expert indépendant. Car sinon on serait reparti pour 6 mois de négociations avant le vote de la loi?! Ce texte l’exigeait.

M.H.?: La circulaire d’application de la réforme ne vous rassure pas??
L.N.?: Non car ce texte ouvre la voie à des négociations au cas par cas. Ça ne correspond pas à l’équité de tous par rapport à la loi. Je trouve que la façon dont ce texte a été présenté en urgence est très symptomatique. Cette précipitation ne sent pas bon. La haute assemblée a été bafouée.

M.H.?: Pour vous, cette mesure ne sert pas l’attractivité de Monaco??
L.N.?: Il faut attendre 18 mois. Je n’ai pas d’a priori sur le fait qu’il faudra sans doute toiletter la loi, le moment venu. Les hommes d’affaires, par des mécanismes astucieux, savent généralement comment contourner la loi. Il faudra en revanche cette fois-ci que le gouvernement travaille en totale concertation avec le conseil national.

M.H.?: Selon vous, faudra-t-il optimiser la perception des recettes fiscales, comme le propose Jean-François Robillon??
L.N.?: Quand on est président du conseil national, et qu’on fait une conférence de presse chaque mois, on évite de faire des maladresses. Le recouvrement de l’impôt dépend des services fiscaux, placés sous l’autorité de l’exécutif et non de M. Robillon. On ne peut pas avoir en matière fiscale de raisonnement approximatif. Optimiser les rentrées fiscales, ok mais il faut être très prudent. Il ne faut pas faire de déclaration laissant penser qu’on voudrait augmenter certaines taxations comme l’ISB.

RAPPROCHEMENT UDM-UNAM

M.H.?: Comment voyez-vous le rapprochement entre l’UDM (majorité actuelle) et l’Unam??
L.N.?: L’année dernière, je suis resté très discret sur les affrontements des Atrides et la guerre civile opposant les clans de la majorité. C’était édifiant. Leur comportement suffit à démontrer les qualités politiques des uns et des autres. Aujourd’hui, il y a un isolement de l’UP et de sa présidente, Anne Poyard-Vatrican, et une absence de Madame Boccone que je regrette. Ça fait beaucoup si on ajoute tout ce qui s’est passé depuis un an et demi?: départ de Stéphane Valeri pour le gouvernement, démission de Sophie Lavagna puis de Cathy Fautrier… Aujourd’hui, on est 20 au conseil national. Et après, on nous taxe de ne pas venir à toutes les réunions?!

M.H.?: Vous traitez toujours l’Unam d’opportuno-centristes??
L.N.?: Plus que jamais. Là, ils ont regardé ce qui se passait, de quel côté tournait le fanion du conseil national. Comme on a promis aux 4 Unam de récupérer un certain nombre de présidences de commissions pour avril prochain, ils vont être réhabilités dans la majorité. Je vous le signe. Mais tout ce que je vois c’est qu’ils n’honorent pas la fonction d’élu. Ils votent tous comme des automates. Ils sont aux ordres de leur propre décadence politique. Quel est leur leitmotiv?? Le programme?! Ils ne se rangent même pas derrière quelqu’un.

M.H.?: Ce qui paraît logique puisqu’ils ont été élus par les Monégasques pour réaliser le programme UPM??
L.N.?: Je vous rappelle qu’on est en monarchie héréditaire et constitutionnelle. Ce programme n’engage qu’eux. D’autant que le conseil national est un champ de ruines. Le courant directeur de l’UPM était l’UP. Qu’en reste-t-il?? Je suis atterré. Nous, nous avons un mouvement qui va bien. On a dépassé les 360 adhérents.

2013

M.H.?: Vous pensez être le premier parti de Monaco, place qu’occupait l’UP??
L.N.?: Je ne le pense pas. C’est un fait. R&E est le seul mouvement qui soit en ordre de bataille et qui va fournir la liste d’union nationale. Rassemblement & Enjeux y participera comme d’autres.

M.H.?: Comme Christophe Spiliotis??
L.N.?: Je le souhaite car c’est un type courageux qui a un libre-arbitre. Je recherche dans le conseil national des gens qui ne sont tenus ni par les prébendes, ni par les promesses, les discussions de couloirs ou les chantages souterrains. On est peut-être 4 ou 5.

M.H.?: On remarque que Anne Poyard-Vatrican fait de plus en plus d’interventions proches de vos positions. Que doit-on en déduire??
L.N.?: Sur deux sujets apolitiques uniquement. Sur les droits de mutation, elle a rappelé que le conseil national a été bafoué et sur la proposition de loi sur la non discrimination, elle a exprimé son inquiétude sur l’impact d’un tel texte. J’adhère complètement.

DISCRIMINATION

M.H.?: Sur la proposition de loi Gardetto relative à l’interdiction de toute discrimination justement, vous craignez des recours devant la cour européenne des droits de l’homme. On peut très bien imaginer que ce type de recours intervienne dès aujourd’hui?? Ce risque existe aujourd’hui, loi ou pas loi??
L.N.?: C’est vrai. Mais nous sommes inquiets pour deux raisons. Avec ce texte, s’il est transformé en projet de loi, on donne une occasion supplémentaire mais très voyante de se faire taper sur les doigts et de s’exposer, fragilisé, à une décision de la cour européenne des droits de l’homme.
Nous avons de plus une divergence philosophique. Nous n’avons pas à singer la France sur tous les sujets. Notre structure sociétale marche bien et beaucoup de choses s’arrangent à Monaco sans une judiciarisation à outrance de la société. Alors certes, après, il y a des cons ou des salopards dans la fonction publique qui traitent mal les femmes, et c’est totalement inacceptable. Je serais le premier, demain, à mettre mon poing dans la gueule aux machistes qui pincent les fesses des femmes.

BILAN

M.H.?: Pour l’instant, votre bilan c’est quoi?? On pourrait vous reprocher votre absence de propositions de loi??
L.N.?: Notre proposition de loi sur le secret professionnel n’a pas été reprise alors qu’elle aurait pu l’être dans la loi sur les droits de mutation. Celle sur l’encadrement des reports de crédits non plus. Marc Burini travaille sur un texte relatif aux bourses d’études mais il ne suffit pas de faire, comme les gens de la majorité, du copier-coller avec la loi française. Après, il est certain que nous manquons de structures pour faire davantage.

M.H.?: A ce propos, où en est la loi sur l’organisation du conseil national, censée fournir aux élus des attachés parlementaires??
L.N.?: Silence radio. Pas de groupe de travail convoqué.

M.H.?: Ce sera une proposition de loi??
L.N.?: C’est en débat. Selon moi, ce texte doit faire l’objet d’une proposition de loi que le gouvernement doit reprendre immédiatement. La majorité considère, elle, que ce doit être un projet de loi pour aller plus vite. Je ne suis pas sûr en tout cas que ce texte soit voté avant la fin de la législature en 2013. Ce qui serait un mauvais symbole pour la haute assemblée.