jeudi 25 avril 2024
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Franck Lobono : « Fin 2022,
la pénurie de logements
sera derrière nous »

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Dix-sept mois après avoir été élu, le président de la commission du logement, Franck Lobono, dresse un bilan de son action et de celle de la majorité Priorité Monaco (Primo !). Il maintient qu’à la fin de ce mandat, la crise du logement pour les Monégasques sera terminée. Interview.

Le plan logement qui va permettre de construire plus de 1 800 appartements neufs sur les 15 prochaines années commence à se matérialiser ?

Les annonces sont là, il faut maintenant des actes ! Je veux parler de démarrage des chantiers. Nous attendons encore des confirmations du gouvernement, par exemple sur le démarrage du Grand Ida. Un contrat en maîtrise d’ouvrage déléguée (MOD) doit être signé, et les objectifs de livraison en 2022 doivent être respectés, conformément aux engagements publics pris par le ministre d’Etat, en décembre 2018.

Vous avez enregistré du concret dans ce dossier ?

Parmi les signes concrets de ce plan, il y a évidemment le lancement des démarches auprès des résidents du Bel Air. Il s’agit du premier ancien immeuble qui sera refait. A ce stade, notre préoccupation est d’assurer à tous les résidents actuels des conditions de relogement à la hauteur de leurs attentes. Des appartements de qualité doivent leur être proposés, et je fais confiance à Albert Croesi pour faire du sur-mesure.

Ressentez-vous désormais réellement que le logement a été élevé au rang de « cause nationale » ?

Avec notre président, Stéphane Valéri, nous n’avons eu de cesse au cours de la première année du mandat, de démontrer au gouvernement quelle était la réalité de la situation du logement des Monégasques. Avec l’annonce officielle par le prince Albert II et les moyens financiers considérables dédiés à ce plan, je crois que l’on peut enfin dire que le logement est traité comme une grande cause nationale. Cependant, je ne peux que regretter que la précédente mandature du Conseil national, n’ait pas voulu s’emparer du problème plus tôt, dès son élection en 2013. Je le regrette, car en 2020 et 2021, nous n’aurons que très peu de nouveaux logements à proposer aux Monégasques.

Finalement, on revient sur l’évaluation avancée par le Conseil national, à savoir la construction de 100 appartements chaque année ?

Le gouvernement a nié ces chiffres pendant trop longtemps. Rappelez-vous, lors du budget primitif en décembre 2018, nous n’étions pas d’accord sur les chiffres. Et pourtant, ils deviennent enfin la référence du nouveau plan logement annoncé par le prince Albert II. Grâce à sa détermination, la majorité du Conseil national, a fait bouger les lignes. Ce qui importe désormais, c’est l’avenir. Nous avions raison, ces chiffres étaient la réalité. Ils ont finalement été pris en considération, et demain tous les Monégasques dont la situation le justifie, seront bien logés dans leur pays. Là est l’essentiel.

Depuis la dernière commission d’attribution de logements domaniaux, combien de demandes de foyers monégasques reste-t-il à satisfaire ?

La dernière commission a eu lieu en janvier 2019. La prochaine se réunira en octobre 2019. Il y a environ 400 demandes, pour seulement 85 logements. C’est très peu. Nous savons déjà que trois quarts des foyers recevront une réponse négative.

Que faire face à cette situation ?

Dans cette période de grande pénurie qui va durer jusqu’en 2022, chaque appartement compte. C’est pour cela que j’ai beaucoup insisté pour que le gouvernement achète des appartements avec les soultes obtenues en contrepartie des désaffections. Nous avons obtenu l’inscription d’une ligne dédiée au budget. Actuellement, nous avons déjà acheté un beau deux pièces au Parador, qui viendra compléter la liste des futures attributions en octobre prochain. D’ici là, nous espérons l’acquisition par l’Etat de deux supplémentaires. Actuellement, nous effectuons des visites, mais beaucoup de biens proposés ne remplissent pas les critères que nous nous sommes fixés pour offrir le meilleur confort aux Monégasques.

Comment réagissent les Monégasques concernés ?

Les Monégasques subissent cette pénurie qui n’a pas été anticipée par le gouvernement et l’ancien Conseil national. Cela crée des tensions au sein des familles et même entre Monégasques. Pour palier le faible nombre d’appartements domaniaux disponibles, la majorité Priorité Monaco (Primo !) s’est engagée dans son programme, et a obtenu du gouvernement, de mettre en place des mesures transitoires pour permettre aux Monégasques de louer dans le privé, en attendant d’être attributaires dans le domanial. Avec la commission du logement et mes collègues, nous avons obtenu la revalorisation des plafonds de l’aide nationale au logement (ANL), la prise en charge des frais d’agence, et un prêt à taux zéro pour la caution.

Et maintenant, vous travaillez sur quoi ?

On travaille désormais sur l’obtention d’un meilleur taux de prise en charge de cette aide pour les deux pièces, afin de permettre aux demandeurs, souvent des jeunes avec un premier emploi, de trouver plus facilement un appartement, sans que cela n’impacte trop lourdement leur budget. Il y a aussi de nombreux parents avec des enfants qui attendent un appartement. Des efforts doivent être entrepris pour ces foyers également.

Depuis l’élection de février 2018, combien d’appartements ont été construits ?

Si l’on parle de nouveaux appartements construits et livrés à la dernière commission, ma réponse est tristement zéro ! A la prochaine commission d’octobre, il y aura les surélévations des blocs B et D d’Apolline et le Soleil du Midi. Au total, ce seront 42 nouveaux appartements. Nous entrons au cœur de la pénurie, car rien n’a été programmé, lorsqu’il fallait le faire, au début du mandat précédent, entre 2013 et 2015, pour les trois années à venir par nos prédécesseurs. C’est un triste constat.

Pourquoi est-il impossible de construire plus vite ?

Parce qu’il y a forcément des délais incompressibles. Et particulièrement pour les gros immeubles d’au moins 100 logements, avec lesquels c’est trois ans minimum. Les services techniques dépensent beaucoup d’énergie pour nous expliquer que ce n’est jamais possible de faire, alors que les promoteurs privés nous disent l’inverse ! Pour les délais, c’est la même chose : le public vous annonce 7 ans d’attente, quand le privé dit qu’il en faut trois !

Dans un tel contexte, que faire alors ?

Il faut donner à la direction des travaux publics les moyens de bien travailler et de travailler plus efficacement. Outre les moyens, il faut oser dire que certaines mauvaises habitudes perdurent et elles causent des lenteurs considérables dans les procédures.

C’est-à-dire ?

J’ai le sentiment que les effectifs et les compétences techniques des services publics ne se sont pas suffisamment adaptés à l’évolution considérable du volume des chantiers. Faute de moyens publics, nous préconisons la maîtrise d’ouvrage déléguée qui sait réaliser un chantier dans un délai bien plus raisonnable. J’espère que cela pourra évoluer. Le conseiller-ministre pour l’équipement, l’environnement et l’urbanisme, Marie-Pierre Gramaglia et ses équipes, ont le soutien du Conseil national pour renforcer les moyens humains des services publics.

Pour 2020 et 2021, la stratégie consistait aussi à miser sur de petites opérations immobilières, de 15 à 30 logements : où en est-on ?

Au final, il y aura malheureusement peu d’opérations pour les mêmes raisons de délais et d’infrastructures. Nous discutons encore pour raccourcir les délais de quelques opérations. Nous avons obtenu deux petites opérations, la première livraison attendue est Picapeira, en 2021. Ce sera un immeuble de 14 deux pièces. La Villa Carmelha comportera, quant à elle, 25 appartements. Sa livraison est annoncée début 2022. Les autres projets sont programmés pour plus tard.

Où en sont les chantiers de grande taille ?

Il y a trois principaux chantiers : Testimonio 2 et 2 bis, Grand Ida et Palais Honoria. La décision de réaliser deux tours de Testimonio est enfin actée, avec des constructions simultanées. On vient de travailler sur les plans de la deuxième tour, où j’ai demandé au gouvernement d’inclure un espace buanderie dans chaque appartement. Je suis très attaché à livrer aux Monégasques des appartements dont les espaces sont optimisés pour y vivre dans les meilleures conditions. Nous avons demandé que ce principe soit retenu dans toutes les prochaines constructions. La tour Testimonio 2 sera livrée au premier semestre 2022, et Testimonio 2 bis en fin d’année 2022. C’est une immense satisfaction, car ce seront plus de 300 logements de grande qualité.

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«La tour Testimonio 2 sera livrée au premier semestre 2022, et Testimonio 2 bis en fin d’année 2022. C’est une immense satisfaction, car ce seront plus de 300 logements de grande qualité.»

Et Grand Ida ?

Grand Ida a fait l’objet d’un appel d’offres par le gouvernement pour confier une maîtrise d’ouvrage déléguée à un constructeur. Le choix a été fait, mais nous n’avons pas encore de retour officiel. Ce programme est attendu pour la fin 2022 avec 140 appartements. C’est un chantier essentiel pour le logement de centaines de personnes qui attendent un appartement et la livraison ne saurait souffrir d’aucun retard. Ce dossier est entre les mains du gouvernement et nous comptons sur lui pour respecter les délais.

Il y a donc aussi le chantier du Palais Honoria ?

Situé au début du boulevard de Belgique, le projet du Palais Honoria est aussi très important, car il devrait comporter une soixantaine d’appartements, avec une livraison prévue fin 2022. Pour le moment, nous attendons des confirmations car des questions de travaux de voirie se posent sur un axe très fréquenté. Ni un retard, ni une interruption de trafic ne sont envisageables. Des solutions innovantes doivent être trouvées. C’est aussi pour ça que les services doivent changer leurs habitudes, et sortir des certitudes systématiquement assénées !

Quelles sont les livraisons d’appartements prévues pour 2019 et 2020 ?

La commission d’octobre 2019 attribuera environ 85 appartements, dont une partie des surélévations des Jardins d’Apolline et le Soleil du midi, ainsi que des appartements de récupération. Ensuite, comme je l’avais dénoncé pendant la campagne électorale, presque rien n’a été programmé pour les années 2020 et 2021. Ce seront deux années noires au cours desquelles le gouvernement doit proposer des mesures d’accompagnement dans le privé pour les situations les plus urgentes. Je compte notamment sur la revalorisation du taux de prise en charge de l’ANL. Ces mesures sont indispensables ! En 2022, la situation s’améliorera enfin, avec les immeubles que nous avons obtenus, mais qui nécessitent trois ans de construction à partir de maintenant.

Aujourd’hui, quels sont les principaux retards identifiés et à quoi sont-ils dû ?

Les délais sont garantis sur les deux tours Testimonio. Il n’y a donc pas de retard. Comme je l’ai déjà dit, il reste encore des confirmations à obtenir sur Grand Ida et Palais Honoria. Avec le président du Conseil national, Stéphane Valeri, nous sommes très déterminés à ce que les engagements soient respectés, à savoir une livraison fin 2022.

En 2022, avec la livraison de Testimonio 2 et 2bis, ainsi que l’opération dite du Grand Ida, la crise du logement sera vraiment terminée ?

Fin 2022, plus de 700 logements neufs auront été livrés et la pénurie sera derrière nous. Tous les foyers monégasques dont la situation le justifie seront bien logés, dans de beaux appartements correspondant à leurs besoins.

En juin 2018, le Conseil national a voté la proposition de loi n° 239 qui concerne la sauvegarde du secteur protégé : où en est-ce texte ?

Cette proposition dépasse largement le cadre législatif. C’est une approche qui impose un changement de comportements. C’est une profonde conviction du Conseil national, et une rupture avec ce qui s’est fait jusque là. Ce texte poursuit trois objectifs : préserver le secteur protégé en arrêtant sa destruction au fil des nouvelles promotions immobilières, transférer la responsabilité du secteur protégé du privé vers le public, et construire le secteur protégé de demain.

Quel est le calendrier espéré pour ce texte ?

Aujourd’hui nous travaillons avec le gouvernement sur le futur projet de loi qui, conformément au délai constitutionnel, devra être déposé d’ici la fin de l’année 2019. J’ai accepté de faire quelques réunions pour être certain que le futur projet ne dénature pas les trois objectifs fondamentaux. Les premières approches n’étaient pas satisfaisantes, et nous l’avons clairement exprimé.

Et cela a débouché sur des solutions ?

Depuis, il nous a été présenté une nouvelle orientation qui commence à aller dans le bon sens. Cette collaboration s’est avérée constructive. Il appartient désormais au gouvernement de nous présenter un projet qui tient compte de nos échanges et des trois objectifs qui sont des lignes rouges pour nous. Tout cela doit se faire dans le respect du droit de propriété et offrir une juste indemnité.

Pourquoi est-il important de sauver le secteur protégé ?

Parce que nous sommes attachés à la mixité sociale dans notre pays. Monaco, aux côtés de riches résidents, s’est aussi construit grâce au travail d’ouvriers, de salariés ou de commerçants, qui y sont installés depuis très longtemps : ce sont les enfants du pays qui vivent historiquement dans le secteur protégé. Notre proposition leur est prioritairement destinée, en complément du plan logement pour les Monégasques.

En attendant, que vous disent les enfants du pays et que leur répondez-vous ?

Dans la période actuelle, les enfants du pays vivent des heures compliquées et très stressantes. Leur avenir à Monaco tient à un bail et en cas de rupture, à cause de la crise actuelle, ils ne retrouvent pas d’autre appartement ! Nous sommes très concernés par leurs situations. Avec la majorité Primo !, j’y travaille chaque jour. Je les reçois régulièrement, et je m’emploie à les aider, au cas par cas. Notre travail ne se limite pas au législatif.

C’est-à-dire ?

Par exemple, je suis personnellement intervenu auprès du gouvernement pour défendre une quinzaine de familles dont l’avenir en principauté était menacé par la vente de leur immeuble. J’ai d’abord discuté avec le conseiller-ministre pour les finances et l’économie, Jean Castellini. Puis, nous avons ensuite reçu les promoteurs. Nous leur avons dit qu’il n’était plus question de réaliser des promotions sans offrir une solution pour les enfants du pays, occupants des lieux.

Et vous avez obtenu quoi ?

Au bout du compte, avec le concours du conseiller-ministre, nous avons obtenu que tous les résidents soient relogés à Monaco pendant 12 ans par le promoteur, aux mêmes conditions financières que leurs loyers actuels. Au terme de cette période, les Monégasques auront retrouvé le parc domanial, et le secteur protégé aura suffisamment évolué pour que chacun parvienne à retrouver un logement en principauté. C’est une réelle victoire, et cela marque la fermeté conjointe des institutions pour protéger les enfants du pays.

Vraiment ?

C’est un nouveau paradigme dont chacun devra tenir compte à l’avenir, en bonne intelligence, et dans le respect de l’intérêt général. Par le dépôt de la proposition de loi n° 239 pour la sauvegarde du secteur protégé, par nos actions quotidiennes, nous protégeons les enfants du pays pour qu’ils continuent de vivre en principauté, au côté des Monégasques.

Vous travaillez sur quels autres projets actuellement ?

Avec notre majorité, nous travaillons sur une évolution de la loi sur le Contrat Habitation Capitalisation (CHC) qui a 10 ans, puisqu’il a été lancé en 2009. Je veux rendre hommage à Stéphane Valeri qui a inventé ce dispositif innovant au cours de sa dernière présidence. Cela a permis aux Monégasques qui le désirent de ne plus payer à vie un loyer en pure perte. Aujourd’hui, ce contrat a rencontré un grand succès, mais des ajustements s’imposent pour s’adapter aux besoins et palier certaines lacunes de la version actuelle.

Quels ajustements sont évoqués ?

Parmi les évolutions, nous souhaitons l’inscription dans les textes de la gratuité lors du renouvellement, la possibilité de transmettre le capital à des tiers, en l’absence de descendants ou conjoint et une plus grande flexibilité dans les conditions de remboursement. Nous souhaitons aussi la possibilité de souscrire un CHC pour les appartements domaniaux construits avant 1947, hors secteur protégé. Enfin, nous demandons aussi une meilleure adaptation du contrat à la mobilité dans les domaines. A la rentrée, nous rencontrerons le gouvernement, qui nous a transmis certaines propositions, et nous a indiqué être favorable à bon nombre d’évolutions.