samedi 20 avril 2024
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Un marché dans la torpeur estivale

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marché de la Condamine
© Photo Monaco Hebdo.

Après un été morose sous la nouvelle halle du marché de la Condamine, la mairie souhaite insuffler une nouvelle dynamique dès la rentrée.

Après une restructuration obtenue au forceps et un budget de rénovation sabré à la hache… la nouvelle halle du marché de la Condamine — inaugurée le 15 juin dernier — a connu un démarrage plutôt en douceur en termes de fréquentation. Pas une surprise pour les commerçants. En juillet et en août, le marché est semble-t-il gagné chaque année par la torpeur estivale. « On a toujours constaté une baisse d’activité en été, même avant la rénovation. Car notre clientèle locale déserte Monaco pour les vacances », explique Marie-Pierre Lamarthe, une commerçante de la halle vendant des produits du sud-ouest. Pas un hasard non plus si cet été le marché donnait le sentiment de fonctionner au ralenti. Alors que certains commerçants avaient baissé le rideau pour prendre des congés… d’autres n’avaient tout simplement pas obtenu les autorisations administratives nécessaires. Soit pour ouvrir leurs commerces — c’est le cas de la fromagerie Ceneri —, soit pour faire de la livraison à domicile, soit pour faire de la consommation sur place. « La partie administrative a été difficile à gérer. Mais désormais tous les commerces sont pleinement opérationnels, assure le maire Georges Marsan. A la rentrée, le marché devrait donc atteindre sa vitesse de croisière. » Autre petit couac déploré cet été par l’ensemble des commerçants?: une chaleur pesante en raison d’une climatisation insuffisante à l’intérieur de la halle. Là encore, le maire tient à rassurer?: « Le système sera entièrement rénové d’ici l’été prochain. C’est un investissement très lourd », indique-t-il.

Nouvelle clientèle
Point positif, en attendant de mesurer si le relifting de la halle à 2,3 millions d’euros(1) et le « consommer monégasque » prôné par le président du conseil national Jean-François Robillon trouveront un véritable écho auprès de la population, le marché a d’ores et déjà accroché une nouvelle clientèle. Celle des bureaux, qui s’attable entre 12h et 14h pour déguster foccacie et autres barbajuans. « Les espaces de convivialité marchent très bien. On a même été dépassés par le succès. Des tables et des chaises supplémentaires ont donc été commandées, explique le maire. Cette nouvelle clientèle a fait booster de près 30 % le chiffre d’affaires de certains commerces. » Une nouvelle clientèle que La maison des pâtes a réussi à attirer dans ses filets en proposant à midi une formule à partir de 6 euros, comprenant une assiette de pâtes avec sauce à consommer sur place. « On a décidé de se renouveler et de proposer ce nouveau concept qui fonctionne très bien, explique Jeanne-Marie Mitrano. J’ai même retrouvé des clients que je n’avais plus vus depuis une dizaine d’années. C’est de bon augure pour l’hiver. » Autre satisfaction pour la mairie?: la boulangerie Boule de neige qui ferait même office de « locomotive » pour le marché. « Les gérants ont réalisé des chiffres qui dépassaient toutes leurs prévisions », indique Georges Marsan

« Galerie marchande »
Un optimisme pas franchement partagé par tous. Les plus anciens commerçants émettent quelques réserves quant à l’orientation générale de l’offre commerciale. Une halle trop « food-court » (aire de restauration), et pas assez traditionnel. « La halle ressemble davantage à une galerie marchande, qu’à un véritable marché, déplore-t-on du côté de la boucherie Wioska, présente au marché depuis 40 ans. Il y a des bars, des traiteurs mais pas de vrai volailler, ni de vrai charcutier. Il aurait été également judicieux d’installer des maraîchers dans la halle pour attirer plus de clientèle à l’intérieur. » Or, les ambitions de la mairie étaient justement de mixer « marché traditionnel et espace de convivialité. » « Un concept qui n’existe nulle part ailleurs », avance même le maire. Quant aux commerces traditionnels de type charcutier, ils sont aujourd’hui, selon le maire, impossible à installer. Trop gourmandes en m2 mais aussi trop contraignantes en termes de normes d’hygiène. « L’idée avait également germé d’installer une supérette de produits italiens. Etant donné qu’il s’agit d’une grosse communauté en principauté avec un fort pouvoir d’achat, cette activité aurait sans doute drainé plus de monde », rappelle de son côté le nouveau président de l’UCAM, Nicolas Matile-Narmino.

« Manque de publicité »
Quant aux traiteurs situés sur la partie centrale du marché, eux aussi, peinent pour l’heure, à trouver une clientèle. En cause selon eux?: le manque de publicité autour des nouvelles activités. « Les résidents et les touristes ne connaissent pas suffisamment les produits proposés par la nouvelle halle », explique Faty, une des gérantes du traiteur italien Vino e gastronomia. Un grief qui est manifestement revenu aux oreilles de la mairie puisque celle-ci a décidé dès cet été de doper la com’ et la publicité « intra et extra-muros », indique le maire. Pour insuffler une nouvelle dynamique, la mairie planche également sur divers projets. Sur les rails notamment?: organisation d’happy hours ou encore installation de grands écrans qui diffuseront des compétitions sportives dans les espaces de restauration. Dès octobre, des petits producteurs locaux, voire des métiers anciens de type empailleurs, devraient également installer leurs étals deux jours par semaine. Enfin, à plus long terme, l’ouverture — a priori en janvier prochain — d’un restaurant libanais sur la mezzanine (voir encadré) devrait également brasser une plus grande clientèle.

« Offre tuée »
Pour d’autres, il faudra encore du temps pour faire oublier les séquelles d’un marché qui, depuis 2006, a dépéri pendant plusieurs années et fait fuir la clientèle. Situation qui selon le maire a d’ailleurs fait chuter de 20 à 30 % le chiffre d’affaires des maraîchers. « Lorsque l’on a tué l’offre pendant plus de 6 ans, on ne peut pas remonter la pente du jour au lendemain. Enormément de cabines ont été supprimées. La moitié du marché était fermée. Et les commerçants restant vendaient peu ou prou la même chose. Essentiellement des fleurs et des légumes », rappelle de son côté le nouveau président de l’UCAM pour qui la force du marché réside aujourd’hui dans sa variété et sa qualité. Pour son prédécesseur, Pierre Brezzo, l’enjeu est désormais de savoir « comment changer les réflexes d’une clientèle qui a désormais l’habitude d’aller à Carrefour ou à Ventimille?? »

Marche de Ventimille
« Il mercato dei fiori » à Ventimille compte selon la mairie de la ville 106 commerces dont 38 producteurs locaux. © Photo Monaco Hebdo.

Concurrence italienne
Car durant le week-end, de nombreux Français et résidents monégasques franchissent la frontière italienne pour s’approvisionner à bon compte. Direction Ventimille, et son marché couvert. Un petit paradis des saveurs et des senteurs baptisé « Il mercato dei fiori » situé à une encablure de la gare ferroviaire. « Nous venons ici avant tout pour trouver des produits paysans, pas chers et de qualité », indique une résidente monégasque interrogée sur place. Un marché qui selon les chiffres livrés par la mairie de la ville compte au total 106 commerces dont 38 producteurs locaux qui vendent leur récolte du jour pour 3 fois rien. « Ce marché fonctionne presque exclusivement grâce aux Français et aux personnes venant de Monaco. Cela représente 70 % de notre clientèle, estime Luca, maraîcher installé depuis février à Ventimille. Les produits sont sans doute meilleurs, et presque moitié moins chers qu’en France. » Pas étonnant d’ailleurs que tous les commerçants ici soient quasiment bilingues…

(1) Le gouvernement a déboursé 1,8 millions d’euros et la mairie 550?000 euros.

Un restaurant libanais sur la mezzanine
On sait enfin qui a décroché l’appel d’offres sur la mezzanine du marché de la Condamine. Il s’agit de la chaîne de restaurants libanais « O Liban ». Une enseigne qui détient déjà plusieurs restaurants en Belgique et en France et fait également de la livraison à domicile. « Trois ou quatre mois de travaux sont prévus. On espère une ouverture en janvier prochain, indique le maire Georges Marsan. Notre choix s’est porté sur un restaurant libanais de manière à ne pas créer de concurrence avec nos commerçants du marché et les restaurants voisins. »