samedi 20 avril 2024
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SBM : le compte
à rebours est lancé

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Avec sa prochaine augmentation de capital et la démolition du Sporting d’Hiver, la Société des bains de mer monopolise les débats de la rentrée.

Qui rentrera dans le capital de la Société des bains de mer, et surtout selon quel timing ? En cette rentrée, la question, basique, est sur toutes les lèvres. Car depuis l’annonce par la direction, le 19 juillet, que l’option de l’augmentation du capital avait reçu le feu vert du gouvernement, aucune information ne transpire sur le modus operandi et le calendrier de l’opération financière. Le sujet devrait être âprement débattu lors de l’assemblée générale de la SBM le 20 septembre prochain. Mais en attendant, « c’est mystère et boule de gomme », souffle un actionnaire. Personne ne sait qui injectera les 180 à 250 millions d’euros visant à financer le nouveau Sporting d’Hiver et la rénovation de l’Hôtel de Paris (travaux estimés à 600 millions d’euros). Représentant les intérêts de KBL Richelieu, Jérémy Gaudichon ne voit rien venir. « Nous ne connaissons ni l’agenda, ni les investisseurs intéressés, ni le prix. Nous serons d’ailleurs attentifs au prix car la valorisation actuelle ne correspond pas à celle de la société. » Du coup, comme d’habitude, faute d’une communication officielle efficace, la rumeur et l’interprétation l’emportent. Du café du commerce aux coulisses de l’administration, on parle d’une assemblée générale extraordinaire fin novembre et d’aucuns placent Dmitry Rybolovlev, patron de l’ASM, en tête des investisseurs entrants. Et ce, alors que fin juillet, les mêmes oracles prédisaient une entrée au capital de Bernard Arnault. Pourquoi le pdg de LVMH aurait-il moins la cote que la veille ? Doit-on y voir une influence des autorités françaises ? Le choix du tsar de l’ASM est-il optimal en termes d’image ? Ou ne risque-t-il pas au contraire de donner l’impression que les fleurons monégasques sont vendus tour à tour aux Russes ? Là encore, la question se pose. Comme se pose bien évidemment, l’idée d’éviter tout conflit d’intérêt avec des actionnaires influents sur la place économique monégasque. En l’absence de réglementation claire et nette sur de tels conflits d’intérêts, le risque d’ouvrir la porte à des gens ou entreprises qui auraient un intérêt économique ou commercial personnel à faire un jour main basse sur la société doit être pleinement mesuré…
Face à toutes ces interrogations, on n’est sûr que d’une chose : en cette rentrée politique très calme, la SBM monopolisera les débats. Sous toutes ses facettes comme le montrent les réactions des politiques interrogés (p. 22 à 27).

1. Une augmentation de capital oui mais…
Fin juillet, la SBM avait prévenu : le principe d’une augmentation de capital est acté pour financer en grande partie les projets du Sporting d’Hiver et la rénovation de l’Hôtel de Paris. Pourtant, la concrétisation de ces chantiers pharaoniques reste suspendue à la réalisation de deux conditions : l’une, politico-administrative et l’autre, financière. A savoir « l’obtention des autorisations nécessaires, notamment l’obtention des permis de construire et le déclassement d’une parcelle du domaine public » et « la levée effective du financement ». Le 20 septembre, à l’assemblée générale tout comme à la prochaine commission tripartite SBM au conseil national, actionnaires et élus voudront connaître les garanties liées à cette levée de fonds. Quant au déclassement de la parcelle publique de l’Etat, nécessaire à l’opération, le président du parlement Laurent Nouvion a déjà montré ses réticences pour voter la loi de désaffectation tant que gouvernement et direction de la SBM ne joueraient pas la carte de la transparence avec l’assemblée. Or sur ce point, Laurent Nouvion n’est pas content : « A ce jour, je regrette ce manque de courtoisie. Nous n’avons pas été présentés au directeur général des jeux. Ce monsieur ou la direction n’ont pas jugé bon de venir faire une visite de courtoisie au conseil national, aux élus et au président, on continue. Je ne suis pas le seul parce que le ministre d’Etat non plus », a-t-il pesté devant la presse, le 10 septembre. Avant d’ajouter : « C’est un sujet de tension parce que nous considérons que le gouvernement princier doit reprendre son rôle. Il a une obligation de nous informer en amont, et de donner aux administrateurs d’Etat une feuille de route très précise, puisqu’ils représentent l’Etat. »
L’augmentation de capital aura-t-elle alors lieu en cas de refus de la loi de désaffectation ? Le scénario n’est que pure fiction. En attendant, le texte de loi n’est toujours pas sur le bureau du conseil national…

2. Un démarrage des travaux en octobre 2014 ?
Palmiers déplacés, fontaine en travaux… Si le démarrage du chantier de la place du casino est largement conditionné, on peut tout de même observer que des travaux préparatoires ont commencé dans le Camembert. Doit-on y voir un signe ? « Je suis surpris que la SBM considère que tout soit bouclé. Le début des travaux dans les Jardins des Boulingrins apparaissent comme une pression, un signal psychologique pour montrer que le projet est irréversible », déplore Jean-Charles Allavena, président de R&E. Le planning prévisionnel des travaux est d’ailleurs fixé. Au gouvernement, on évoque un démarrage en octobre 2014 pour un achèvement fin 2018. Des travaux ont même été réalisés dans le quartier du Tenao à Beausoleil afin d’accueillir le transfert de bureaux, voire du siège, à l’été 2014.

3. Une pétition contre la démolition du Sporting
Dans la classe politique, chacun est résigné : s’il vient d’accueillir récemment les festivités du mariage d’Andrea Casiraghi, le Sporting d’Hiver a ses jours désormais comptés. Seul Jean-Charles Allavena, président de Rassemblement & Enjeux demande de « réexaminer objectivement la décision concernant le Sporting d’Hiver ». Une position qui a au moins le mérite d’être plus claire que celle adoptée cet été par la commission culture du conseil national dans une motion très floue sur l’avenir du Sporting d’Hiver…
Pourtant, fin août, sur le Net, une nouvelle pétition contre la démolition du Sporting a vu le jour. « Plusieurs centaines d’internautes, via les réseaux sociaux, ne cautionnent pas ce projet et craignent, pour l’avenir du patrimoine de la Principauté », indiquent les pétitionnaires. La destruction du Sporting, qui ne devrait pas, sauf surprise, être remise en cause, alimentera donc sans aucun doute le débat sur la préservation du patrimoine. La démolition du seul édifice Art Déco de la Principauté est en effet actée au moment même où la loi sur la protection du patrimoine est examinée par la commission culture du conseil national.
Au-delà de la question de la sauvegarde du patrimoine monégasque, cette pétition évoque également le problème de l’endettement de la société : « Est-ce bien raisonnable en ces temps de crises ? Les capitaux entrants seront-ils sains ? Nul ne sait ! L’endettement sera-t-il sans danger pour l’entreprise et ses salariés ? Rien n’est moins sûr ! Au final, ce choix, sera-t-il sans risque pour la Principauté et les Monégasques ? Si une faille survenait, qui paierait ? L’Etat monégasque et son fond de réserve ? Nous ne pouvons cautionner cela ! », tacle la pétition.

R&E : « Ne pas descendre en-dessous de 60 % »

Jean-Charles Allavena

Monaco Hebdo : Que pensez-vous du principe d’une augmentation de capital ? Quel doit être le timing idéal ? Et quelle doit être la part de l’Etat ?
Jean-Charles Allavena : L’augmentation de capital fait partie des solutions envisageables et acceptables pour […] trouver au moins 600 millions d’euros. Comme l’a indiqué le prince, la part de l’Etat doit rester significativement haute dans le capital. 60 % est donc un seuil en-dessous duquel il nous semble important de ne pas descendre. Le financement global du projet doit être bouclé avant son démarrage, car il n’est pas question pour R&E de partir à l’aventure, avec un financement incomplet, et de se retrouver dans un an ou deux face aux problèmes, qui soit imposeraient à l’Etat de combler le trou, soit conduiraient à se remettre entre les mains de « sauveurs » qui disposent de cet argent. Souvenons nous du début des années 60 et de la manière dont le prince Rainier a dû agir alors ! Enfin, malgré la santé financière à ce jour fragile de la SBM, trouver des investisseurs n’est visiblement pas un gros problème (on refuse depuis plusieurs années d’ouvrir la porte à des fonds qataris…). Ce qui me paraît important est de faire entrer des investisseurs pouvant aussi créer des synergies avec la SBM tout en respectant le pacte social et politique qui lie les Monégasques qui y évoluent.

M.H. : Devrait-elle selon vous être substituée par ou accompagnée d’autres mesures, comme une émission obligataire ?
J.-C.A. : Le président de la SBM l’a évoqué : le montage sera sans doute un mix de plusieurs options : augmentation de capital, prêts bancaires. Une émission obligataire présente un intérêt évident et serait certainement souscrite avec enthousiasme, montrant l’attachement des Monégasques à la SBM et à son avenir. On a aussi parlé longtemps de la cession d’actifs non stratégiques. Il semble qu’on ait renoncé à cette piste. Pourquoi ?

M.H. : Comment concilier et garantir deux intérêts de la SBM : le rôle social de la société et la recherche de rentabilité (clauses, conditions pour l’entrée dans le conseil d’administration) ?
J.-C.A. : La conciliation des deux intérêts passe par un Etat monégasque actionnaire à un niveau élevé, lui permettant de fixer clairement la stratégie de la SBM et de maintenir ce rôle et ce lien social. Ceci étant, il faudra aussi avoir un jour le courage de redéfinir ce rôle social, aux contours parfois très flous. Il faut aussi que les administrateurs représentant l’Etat jouent enfin leur rôle d’actionnaire majoritaire : on a l’impression qu’il n’y a aujourd’hui aucune coordination entre eux, aucune stratégie globale, que chacun est là à titre personnel pour défendre des choix individuels. Ce n’est clairement pas ainsi que l’Etat peut servir ses intérêts.

M.H. : Sporting d’Hiver : le dossier est-il clos ?
J.-C.A. : Le prince a exprimé clairement un choix, cela signifie normalement que le dossier est clos, que ce soit par rapport à la décision de démolir ou à la solution de remplacement décidée. Il semble toutefois que le choix qui lui a été présenté a été pour le moins « orienté » à travers un dénigrement abusif de l’actuel bâtiment (prétendue vétusté voire dangerosité, prétendue absence de qualité architecturale, oubli total de la notion de patrimoine mémoriel). Pourquoi avoir agi ainsi ? Qui a agi ainsi ? La question mérite d’être posée, et on peut sans doute prendre un peu de recul, en commençant les travaux de l’Hôtel de Paris et en réexaminant objectivement la décision concernant le Sporting d’Hiver : ce serait une voie de sagesse. C’était le sens de la motion votée par le conseil national.

M.H. : Y a-t-il selon vous un risque de conflit d’intérêt dans l’hypothèse où les nouveaux investisseurs soient des entreprises ou des hommes d’affaires appartenant au monde économique monégasque ?
J.-C.A. : Je le répète. Les nouveaux investisseurs ne doivent pas avoir un profil purement financier, mais pouvoir aider à développer des synergies avec d’autres structures. Cette réflexion s’applique aussi à d’éventuels investisseurs monégasques : ils auraient pour moi l’avantage de compléter la présence de l’Etat au capital, et celui de bien connaître la SBM et le rôle social qu’on a évoqué. Evidemment, on ne peut écarter totalement le risque de conflits d’intérêts, mais cela vaut aussi pour d’autres. Et il n’est pas interdit d’être vigilant au moment de leur choix, ni de rédiger un pacte d’actionnaires aussi clair que possible, notamment sur ce point.

UP : « Le président a échoué »

Patrick Rinaldi

Monaco Hebdo : Que pensez-vous du principe d’une augmentation de capital ? Quel doit être le timing idéal ? Et quelle doit être la part de l’Etat ?
Patrick Rinaldi : Le prince a tranché. Il y aura bien une augmentation du capital avec comme limite la participation minimale de l’Etat de 56 %. À l’UP, nous proposons que celle-ci ne descende pas au-dessous de 60 %, pour affirmer que l’Etat soit toujours le décideur. Nous sommes bien là dans le cadre et la volonté du prince. Pour le timing, il serait souhaitable de ne pas se précipiter et d’avoir une visibilité sur le planning des travaux et surtout sur leurs financements.

M.H. : Devrait-elle selon vous être substituée par ou accompagnée d’autres mesures, comme une émission obligataire ?
P.R. : À l’UP, nous avions imaginé une émission obligataire. En effet, nous pensons que beaucoup de Monégasques ainsi que des résidents auraient été intéressés pour réaliser un excellent placement. Il ne faut pas oublier que la valeur de la SBM est estimée à plus de 3 milliards par son patrimoine immobilier. Une étude réalisée pour la SBM par une grande banque l’a démontré. Soit cinq fois plus que sa valeur boursière. Mais aujourd’hui, la solution d’une augmentation du capital a été retenue, notre proposition est de tenir compte de la valeur immobilière et non de la seule valeur boursière. Nous voulons que ce soit d’abord la SBM et son actionnaire majoritaire l’Etat qui fasse une bonne affaire et pas seulement les nouveaux actionnaires.

M.H. : Comment concilier et garantir deux intérêts de la SBM : le rôle social de la société et la recherche de rentabilité (clauses, conditions pour l’entrée dans le conseil d’administration) ?
P.R. : La SBM historiquement a toujours eu un rôle social et il est évident que ce rôle est indispensable pour l’avenir des Monégasques et des enfants du pays. Mais aujourd’hui, la réalité économique est plus concurrentielle. Il est donc obligatoire que certaines aberrations au niveau de la gestion du personnel soient corrigées. Ceux qui gagnent le plus et travaillent le moins doivent faire des efforts ! Pour la rentabilité, il faut bien également constater l’échec du président et de la direction à relancer l’activité et la recherche de la clientèle. Là aussi, il faut innover.

M.H. : Sporting d’Hiver : le dossier est-il clos ?
P.R. : Probablement que le dossier est clos. Il aurait pu être imaginé autre chose de plus en adéquation avec l’image de la Principauté. L’ancien président du conseil national et l’ancienne présidente de la commission de la culture en portent l’entière responsabilité !

M.H. : Y a-t-il selon vous un risque de conflit d’intérêt dans l’hypothèse où les nouveaux investisseurs soient des entreprises ou des hommes d’affaires appartenant au monde économique monégasque ?
P.R. : Il peut y avoir conflit d’intérêts avec certains nouveaux investisseurs. On pourrait être étonné qu’un promoteur et cela quelle que soit sa nationalité, puisse rentrer au capital. En effet, je vous rappelle que l’ouverture du capital est présentée pour permettre la réalisation des travaux de l’Hôtel de Paris et du Sporting d’Hiver. Vous comprendrez que pour l’UP, tout actionnaire qui pourrait obtenir un intérêt lié à son activité principale, comme pour des produits de luxe qui sont diffusés dans les boutiques du Sporting, nous semble, pour un véritable pacte d’actionnariat, quelque peu antinomique.

SM : « La cession d’actifs serait opportune »

claude boisson

Monaco Hebdo : Que pensez-vous du principe d’une augmentation de capital ? Quel doit-être le timing idéal ? Et quelle doit être la part de l’Etat ?
Claude Boisson : Parce que la SBM ne dispose pas de trésorerie et qu’elle est actuellement déficitaire, il est difficile de faire admettre au public et aux salariés auxquels des efforts sont demandés que l’employeur va procéder à un investissement de plus de 600 millions. […]. Puisque des mesures ont été prises pour relancer les jeux au moyen de l’embauche d’un directeur et de personnes chargées du marketing, il eut été plus sage d’attendre la fin de l’exercice, en annonçant alors, ce qu’il faut espérer, une « relance et une amélioration de la situation financière », pour informer le public et les salariés d’un tel investissement.
Synergie Monégasque a toujours précisé quelle soutiendrait toujours les positions du souverain ; dès lors que le prince a annoncé dans la presse le mercredi 24 juillet que l’Etat ne descendra pas en deçà des 55 ou 56 %, je suis convaincu que la SBM tiendra compte de cette position. Je pense que le risque ne réside pas dans l’ouverture du capital dans la mesure où l’Etat reste suffisamment majoritaire, mais dans le choix et l’attitude des nouveaux investisseurs ; la SBM a besoin d’investisseurs financiers mais ceux-ci voudront un retour sur l’investissement ; compte tenu que celui-ci ne pourra se faire au détriment du rôle social de la société et de la préservation de l’emploi des Monégasques et des enfants du pays, les investisseurs devront être bien conscients de cela et en conséquence le rôle de l’Etat à travers ses 55 ou 56 % devra être essentiel en tant qu’actionnaire majoritaire pour maîtriser les orientations de la gestion financière et sociale de la SBM.

M.H. : Devrait-elle selon vous être substituée par ou accompagnée d’autres mesures, comme une émission obligataire ?
C.B. : L’augmentation de capital pourrait être complétée, par une « dette corporate obligataire » ; beaucoup de privés sur la place financière monégasque (ou ailleurs par l’intermédiaire des banques) pourraient être intéressés, et par une « dette corporate bancaire »… Cette augmentation de capital doit être proposée à tous les actionnaires.
La cession d’actifs de la villa La Vigie, de baux emphytéotiques et d’actions Wynn serait opportune.

M.H. : Comment concilier et garantir deux intérêts de la SBM : le rôle social de la société et la recherche de rentabilité ?
C.B. : La rentabilité, comme dans le passé, dépendra de la relance des jeux européens, américains et de la création d’un espace pour des jeux pour des chinois, chaque jeux avec ses lieux, ses croupiers et ses spécificités. […] Séparer la gestion des jeux et hôtellerie de celle de l’immobilier et du commerce serait la manière la plus adaptée pour une meilleure visibilité de la rentabilité pour les investisseurs et de préservation de l’outil de travail pour les salariés.

M.H. : Sporting d’Hiver : le dossier est-il clos ?
C.B. : Depuis plusieurs années, ma position a toujours été claire et confirmée au conseil national : j’aurais compris la démolition du Sporting d’hiver dans la mesure où il était remplacé par un bâtiment avec une façade Belle Epoque dans le cadre de l’intégration entre l’Hôtel de Paris, l’Hôtel Hermitage et le café de Paris, assorti de variantes très modernes, voire vitrées pour les autres expositions.
Le dossier me semble clos puisque le prince a indiqué que le projet choisi est « le moins impactant ». Je découvrirai donc le projet avec beaucoup d’attention lorsqu’il sera présenté au conseil national, ce qui n’a pas encore été le cas.

M.H. : Y a-t-il selon vous un risque de conflit d’intérêt dans l’hypothèse où les nouveaux investisseurs soient des entreprises ou des hommes d’affaires appartenant au monde économique monégasque ?
C.B. : Dans le contexte monégasque, je ne pense pas que cela puisse poser des problèmes ; s’il fallait considérer cela, alors nous ne compterions plus le nombre de conflits d’intérêts avec des entreprises ou des hommes d’affaires appartenant au monde économique monégasque ; heureusement, ce petit monde sait morceler les sphères, secteurs et domaines. Néanmoins, une règlementation serait opportune pour définir un niveau déontologique afin de se prémunir des « conflits d’intérêt »…

UM : « Le budget de l’Etat ne doit pas servir de tiroir-caisse »

bernard pasqiuer

Monaco Hebdo : Que pensez-vous du principe d’une augmentation de capital ? Quel doit être le timing idéal ? Et quelle doit être la part de l’Etat ?
Bernard Pasquier : Il n’y a pas d’autres solutions qu’une augmentation de capital ou bien d’une vente d’actifs pour financer à la fois la rénovation de l’Hôtel de Paris et le projet immobilier du Sporting d’Hiver, qui coûteront plus de 600 millions d’euros. Avec une capitalisation boursière inférieure à 500 millions d’euros, la SBM n’a pas une capacité d’endettement suffisante pour financer de tels projets. Cependant, une augmentation de capital basée sur la valeur boursière des actions SBM sous-estimerait de façon considérable les actifs immobiliers de la société (environ 2 milliards d’euros). La vraie question est de se demander si ces deux projets sont bien ceux que la SBM devrait poursuivre en ce moment. Il faut absolument que la SBM communique sur les autres mesures de redressement, sinon ces projets apparaitront comme des sauve-qui-peut dévastateurs. Seules des mesures courageuses (relances jeux, contrôle de la masse salariale…) donneront la crédibilité dont cette entreprise a besoin. L’Etat doit, comme l’a souligné le prince, rester majoritaire dans le capital de la SBM. Mais, après avoir perdu 150 millions d’euros en trois ans, la SBM n’a plus le droit à l’erreur : un échec des projets en cours signifierait probablement une perte de contrôle de l’Etat, sur le modèle de l’ASM.

M.H. : Devrait-elle selon vous être substituée par ou accompagnée d’autres mesures, comme une émission obligataire ?
B.P. : Une combinaison d’augmentation de capital et de dettes, pourquoi pas sous la forme d’une émission obligataire, sera nécessaire si l’Etat veut conserver le contrôle du capital de la SBM. Une vente d’actifs ciblée serait également envisageable, même préférable, et, à condition que ces actifs soient rentables, pourrait constituer une opportunité intéressante pour un investissement du FRC. Le budget de l’Etat ne doit pas servir de tiroir-caisse à la SBM.

M.H. : Comment concilier et garantir deux intérêts de la SBM : le rôle social de la société et la recherche de rentabilité ?
B.P. : Ces deux intérêts ne peuvent être conciliés que si la SBM s’inscrit dans une logique de croissance sur le long terme. Or, même si les deux projets envisagés vont à leur terme, cette perspective de croissance est absente, en tous cas en termes de nombre de chambres et de tables de jeux, donc d’emplois. Car on semble oublier trop souvent que la SBM, même si elle jouit d’un quasi-monopole sur le territoire monégasque, est en compétition avec d’autres sociétés hôtelières (avec ou sans casinos) qui sont présentes sur de nombreux marchés, qui gèrent plusieurs dizaines de milliers de chambres, et qui ont depuis longtemps adopté une structure capitalistique qui facilite le financement de l’expansion à moindre coût pour l’exploitant. Pour simplifier, les sociétés hôtelières modernes ont partagé leurs activités en deux pôles distincts : une société de patrimoine qui possède l’immobilier, et une société d’exploitation qui loue cet immobilier à la société de patrimoine. La première est intensive en capital et intéresse des investisseurs qui recherchent un rendement stable mais assez bas, la deuxième est intensive en main d’œuvre et savoir-faire, et intéresse des investisseurs plus avides de risque et de rendements élevés. Si l’on accepte l’idée que la SBM, avec moins de 2000 chambres concentrées sur un territoire de 2 km2, est condamnée à se développer à l’étranger pour rester compétitive et continuer à être un bassin d’emploi pour les Monégasques, et que sa situation financière ne lui permet pas de financer une telle expansion, alors le plus tôt on séparera la société en un pôle immobilier et pôle d’exploitation, le mieux. Ce n’est qu’au prix de réformes en profondeur que la compétitivité de la SBM pourra être restaurée, et cette compétitivité est une condition sine qua non pour continuer à être un bassin d’emplois pour les Monégasques, que ce soit à Monaco ou bien ailleurs.

M.H. : Sporting d’Hiver : le dossier est-il clos ?
B.P. : Malheureusement, il semble bien que cela soit le cas.

M.H. : Y a-t-il selon vous un risque de conflit d’intérêt dans l’hypothèse où les nouveaux investisseurs soient des entreprises ou des hommes d’affaires appartenant au monde économique monégasque ?
B.P. : Il y a toujours un risque de conflit d’intérêt quand de nouveaux investisseurs stratégiques entrent dans le capital d’une société, et il est correct de dire que dans le cas de la SBM, la possibilité de conflits d’intérêts concernant des personnes ou des sociétés appartenant au monde économique monégasque est plus importante que s’ils ne sont pas issus de ce monde. Ceci dit, l’important est de reconnaître publiquement l’existence de tels conflits, et voir s’il est possible de mettre en place un système de gouvernance d’entreprise qui minimise ou contourne de tels conflits. C’est parfois possible, parfois pas.

Disparition du Sporting : « une dépossession collective »

Eric Elena

Monaco Hebdo : Que pensez-vous du principe d’une augmentation de capital ? Quel doit être le timing idéal ? Et quelle doit être la part de l’Etat ?
Eric Elena : Ce n’est ni bon ni mauvais en soi. La question est celle de la rentabilité du projet à terme. Quelle est l’augmentation du bénéfice par action escompté ? Et à quelle échéance, car le bénéfice et le cash-flow se matérialisent à partir d’une certaine échéance. Or, sur ces sujets cruciaux, la SBM n’a rien communiqué.

M.H. : Devrait-elle selon vous être substituée par ou accompagnée d’autres mesures, comme une émission obligataire ?
E.E. : Ce sont les mêmes problématiques que pour la question précédente, à quoi s’ajoute pour l’accès au financement obligataire la prime de risque élevée au niveau corporate. Pourquoi ne pas se tourner vers un pool de banques dans le cadre d’un financement syndiqué classique ? Car il ne s’agit pas d’un financement d’acquisition où on se rémunère sur la cible. Là encore, pour répondre sérieusement, la SBM doit communiquer beaucoup plus.

M.H. : Comment concilier et garantir deux intérêts de la SBM : le rôle social de la société et la recherche de rentabilité ? (clauses, conditions pour l’entrée dans le conseil d’administration)
E.E. : Par la nomination de deux administrateurs salariés élus, comme Renaissance l’avait proposé pendant la campagne électorale.

M.H. : Sporting d’Hiver : le dossier est-il clos ?
E.E. : Il n’y a pas d’opposition de principe ni à une redistribution des volumes internes, ni à une surélévation du bâtiment (dans l’esprit de l’Hôtel Hermitage), Mais son remplacement dénaturera un quartier historique de la Principauté. En ce sens, sa disparition s’analyserait comme une dépossession collective.
Par contre, il serait judicieux qu’un des sept immeubles projetés soit une annexe de l’Hôtel de Paris réservée à la clientèle Jeux, car notre capacité hôtelière est en ce domaine très insuffisante.

M.H. : Y a-t-il selon vous un risque de conflit d’intérêt dans l’hypothèse où les nouveaux investisseurs soient des entreprises ou des hommes d’affaires appartenant au monde économique monégasque ?
E.E. : L’histoire des rapports Rainier III –Onassis a prouvé que le risque ne réside pas là. En fait, à un moment, ce ne sont même plus les joyaux de la Couronne que l’on aliène, mais l’appareil d’Etat.