Depuis début novembre  2019, la Poste de Monaco teste des robots suiveurs automatiques.

Leur mission : soulager les facteurs de la principauté dans leur tournée en transportant le courrier, mais surtout les colis, de plus en plus nombreux avec le développement du e-commerce.

Vous les avez peut-être déjà croisés dans les rues de la principauté ces derniers jours ou ces dernières semaines. Depuis début novembre, la Poste monégasque teste des robots suiveurs automatiques. Leur nom : ALF pour Aide à la logistique facteur. Ces robots, qui ne ressemblent en rien à l’extraterrestre de la série TV du même nom, ont pour mission de soulager et d’améliorer les conditions de travail des facteurs monégasques dans leur tournée. « C’est une aide pour les facteurs, car on va être amené à travailler plus longtemps. On a certes moins de lettres, mais on distribue de plus en plus de colis. On fait des tournées mixtes, avec lettres, colis, et Chronopost. Le facteur doit donc être en capacité d’emporter plus de poids. Avec la sacoche ou le chariot à pousser, ce n’est pas jouable », explique le directeur de la Poste Monaco, Jean-Luc Delcroix.

Moins de lettres, plus de colis

Car avec le développement du e-commerce, l’envoi de colis a explosé ces dernières années : « On a battu un record le 20 novembre dernier, avec 4 680-4 700 colis à distribuer. Le nombre de lettres baisse. Il y a une quinzaine d’années dans les pics, on était à 120-130 000 lettres jour. Aujourd’hui, quand on a 36 000 lettres, on est content. On a une chute importante de la lettre, et donc une augmentation exponentielle des colis […] Quand je suis arrivé il y a une vingtaine d’années, on était autour de 1 500 — 2 000 colis par jour », constate le directeur de la Poste. Résultat : la Poste doit s’adapter et trouver des solutions pour répondre à cette recrudescence des colis, et ainsi préserver la santé physique de ses salariés soumis à des charges de plus en plus lourdes. Les robots suiveurs, qui peuvent transporter jusqu’à 1 mètre cube de colis et courriers pour le plus gros, font donc figure de solution idoine. Les dirigeants n’ont d’ailleurs pas hésité longtemps quand l’opportunité de tester ces robots s’est présentée. « La Poste de Monaco a toujours été pilote en ce qui concerne tout ce qui peut être développement durable et aussi utilisation de véhicules développement durable. Nous avons été les premiers à tester des véhicules électriques. Quand on nous a parlé des chariots suiveurs pour les facteurs, on s’est dit : « On va les essayer ». […] On s’est donc lancé dans le projet de test avec la Poste française qui nous fournit du matériel », confie Jean-Luc Delcroix.

« Au niveau de la technologie, avec le robot suiveur, on n’utilise pas de fioul, ni d’essence.

On est sur des critères électriques qui sont plus écologiques sans l’être à 100 %. Moi, je préfère privilégier la santé de mes collaborateurs » 

Jean-Luc Delcroix. Directeur de la Poste Monaco

Une expérimentation étendue

Actuellement, les robots chariots sont testés sur les quartiers des Moulins et du boulevard d’Italie, des terrains plutôt favorables. « Les pentes et les descentes ne sont pas un problème. Le seul souci qu’on va rencontrer aujourd’hui, c’est la hauteur des trottoirs. Au-delà de 15 centimètres, le scanner va détecter et le chariot ne passera pas. Dans ce cas, on a toujours la possibilité de prendre la main, on se met en manuel avec la télécommande et on pourrait le faire monter. Aujourd’hui, on n’a pas testé, on passe sur les bateaux. Il y a des quartiers où on ne peut pas aller », regrette Marc Lea, responsable projet diversification métier. Avant de préciser : « On a des secteurs comme Fontvieille, où on peut tout faire à pied avec un chariot suiveur. En revanche, on peut rencontrer des difficultés rue des Roses, sur le jardin exotique. C’est la typologie du quartier qui va faire qu’on va choisir tel ou tel quartier et tel ou tel objet ». Car si les pentes ne sont pas un problème pour ALF, ce dernier n’est pas encore programmé pour monter les escaliers. Mais qu’importe, la Poste entend élargir le champ d’action des robots en faisant du « relais » : « On a des personnes qui font du colis sur des zones, où elles déposent leur véhicule et elles tournent autour sur 800 mètres avec les colis qu’il faut pousser sur des chariots… On envisage donc de faire comme des dépôts. On met le véhicule électrique, quand il arrive, le facteur charge le chariot suiveur et ensuite il fait ses 800 mètres avec. Cela lui permettra de décharger pour le plus gros 1 mètre cube et de distribuer sur une zone, comme si c’était une zone piétonne et de ne pas porter. On va tester ces relais en janvier 2020 pour voir si c’est faisable ou non », annonce Marc Lea. Jean-Luc Delcroix assure de son côté que tout sera fait pour « avoir un maximum de tournées avec ces chariots suiveurs ».

Une autonomie moyenne de 8 heures

Et pour ceux qui ont des craintes de croiser ces robots sur les trottoirs étroits de la principauté, sachez que ALF fait la taille d’un fauteuil roulant et « tout est pensé pour qu’ils puissent passer partout sans gêner personne. Ils font la même largeur qu’un chariot classique ». Outre le robot d’un mètre cube dédié essentiellement aux colis, la Poste s’est récemment dotée de deux autres robots chariots d’une capacité de 0,75 et 0,5 mètre cube, soit « deux fois ce que peut emporter un facteur avec un chariot classique », souligne Marc Lea. Les trois utilisent l’énergie électrique pour fonctionner avec des batteries d’une autonomie « de 7 à 9 heures », ce qui représente « deux jours de tournées sans charger ». Le rechargement des batteries prend lui « 3-4 heures ». Niveau sécurité, là aussi tout a été pensé assure-t-on du côté de La Poste. « Ces chariots sont complètement sécurisés. Dès que le facteur appuie sur le bouton pour le stationner, ça coupe et plus personne ne peut l’utiliser. Le facteur a une télécommande qui lui permet de couper le faisceau, donc automatiquement plus personne ne peut l’utiliser. Il se bloque partout, personne ne peut mettre les mains dedans. Le robot suit le facteur à 50 centimètres donc personne ne va couper le faisceau », détaille Marc Lea. Et si un obstacle vient couper le faisceau, « le robot sent l’objet, il ralentit puis repart à la vitesse ». Concernant la vitesse, ALF peut aller jusqu’à 7 km/h. Le fonctionnement est lui « très simple » et ne nécessite aucune formation particulière comme l’explique le responsable projet diversification métier : « Les robots sont équipés de scanners qui font tout le tour. Ils scannent les jambes lors de la prise en main, puis il vous suit là où vous allez ».

« Les pentes, les descentes ne sont pas un problème. Le seul souci qu’on va rencontrer aujourd’hui, c’est la hauteur des trottoirs »

Marc Lea. Responsable projet diversification métier

Un robot à hydrogène bientôt en test

Si le robot suiveur semble donc être le compagnon idéal des facteurs, des améliorations doivent toutefois y être apportées. C’est d’ailleurs tout l’intérêt des tests actuellement réalisés à Monaco. « Ils nous ont mis la possibilité d’être derrière l’objet, mais nous ne voulons pas de cette option. On veut que le robot suive l’opérateur. On a aussi fait remonter qu’une attache extérieure est indispensable pour les portes. Les pneus ne nous conviennent pas, ils ne sont pas assez gros, ils ne nous permettent pas d’accrocher suffisamment sur les trottoirs, d’ailleurs on ne les sort pas en temps de pluie. De plus, l’indicateur de batterie n’est pas totalement fiable… », énumère Marc Lea. Par ailleurs, ces robots fonctionnent à l’énergie électrique, ils ne sont donc pas « 100 % green ». Mais pour le directeur de la Poste Monaco, Jean-Luc Delcroix, l’essentiel est ailleurs : « On ne peut pas faire du 100 % d’un côté, ou du 100 % de l’autre. On est toujours dans le consensus. Si on veut faire du 100 % écolo, le plus écolo c’est le facteur qui part faire sa tournée à pied, avec sa sacoche. Au niveau de la technologie, avec le robot suiveur, on n’utilise pas de fioul, ni d’essence. On est donc déjà sur des critères électriques qui sont plus écologiques, sans l’être à 100 %. Moi, je préfère privilégier la santé de mes collaborateurs. Et si on a un outil qui peut les aider, qui est le plus écologique que l’on peut trouver, allons-y. » Jean-Luc Delcroix a prévu de tester dans les prochains mois un robot fonctionnant à l’hydrogène. « L’hydrogène, c’est bien mieux que l’électrique. Mais il faut mesurer la rentabilité de l’hydrogène, car il faut le recharger. Avec des risques plus importants. Et pour développer la technologie hydrogène à Monaco, il faut qu’il y ait un nombre de véhicules suffisant de façon à installer une borne ou des bornes de recharge en hydrogène. L’idée est séduisante, elle est excellente, mais il faut que cette technologie, comme toute nouvelle technologie, se démocratise. Ce robot à l’hydrogène sera testé en avril-mai 2020. »

Une aide, pas un remplacement

Mais alors les facteurs vont-ils bientôt être remplacés par les machines ? « C’est un sujet qui peut être délicat, car on parle toujours du remplacement de l’homme par le robot », avoue Jean-Luc Delcroix. Le directeur est d’ailleurs très clair sur le sujet : « Nous ne voulons pas remplacer l’homme par le robot. C’est une aide pour l’homme. La mécanisation, ce n’est pas du remplacement. On ne verra jamais un robot faire la tournée tout seul […]. On est sur de la logistique urbaine sur le dernier kilomètre. Et le dernier kilomètre, c’est toujours l’homme qui est obligé de mettre dans les boîtes aux lettres. On est vraiment dans une tâche qui ne pourra jamais être automatisée à 100 %. Le robot suiveur est une aide au facteur ». Une aide qui a d’ailleurs été plutôt bien accueillie en principauté : « Au départ, quand on a annoncé les tests des robots, les facteurs ont rigolé. Ils ont pensé qu’on voulait supprimer des postes… Mais, très vite, ils ont apprécié les robots. Même des personnes qui étaient plus réticentes, ont été d’accord pour les tester ». Si la Poste Monaco décide d’acquérir définitivement des robots suiveurs, elle devra débourser environ 20 000 à 25 000 euros pour le robot d’un mètre cube et environ 15000 euros pour les plus petits. Ces derniers pourraient d’ailleurs faire des émules en principauté, puisque les services hôteliers et de livraison se sont d’ores et déjà montrés intéressés.

Vidéo : Notre reportage sur les robots suiveurs de la Poste Monaco

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