jeudi 25 avril 2024
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« Plus d’un million d’euros de pertes »

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Didier Buhot, administrateur de Robertshaw, est le principal interlocuteur après des délégués du personnel. Pour Monaco Hebdo, il explique les raisons de la fermeture de cette usine et du licenciement des 84 salariés qui y travaillaient.

 

A quelle date le site monégasque fermera ses portes ?

Robertshaw fermera ses portes au plus tard fin décembre 2015.

Les licenciements se feront par « vagues » ?

Comme nous l’avons expliqué aux représentants du personnel, les départs devraient s’échelonner entre octobre et décembre 2015.

Impossible de reconsidérer cette fermeture ?

Le site est en situation de pertes très importantes depuis plusieurs années, malgré toutes nos actions pour essayer de résorber la situation. Lors de la dernière revue stratégique à la fin de l’année dernière, nous avons constaté que les pertes de Robertshaw s’élèvent maintenant à plus d’un million d’euros et qu’elles continueront à s’aggraver, dans toutes les hypothèses. Une entreprise ne peut fonctionner dans ces conditions.

Les raisons de cette situation ?

Robertshaw subit de plein fouet la concurrence d’entreprises implantées en Chine et en Europe de l’Est. Nos produits — des électrovannes produites en grande série — équipent des lave-linge et des lave-vaisselle destinés au grand public. Or, tout le monde peut constater la baisse constante des prix de ce type de produits. Les clients de Robertshaw sont les grands fabricants d’électroménager. Ils nous imposent des prix de ventes de plus en plus bas.

Vous avez réagi ?

Nous avons essayé, entre autres, de nous aligner sur les prix de nos concurrents pour conserver l’activité. Ce qui a mécaniquement accru nos pertes, sans augmenter nos volumes. Nous sommes donc face à un dilemme : cesser définitivement notre activité ou tenter de la sauver en la transférant dans une usine en République Tchèque produisant depuis des années des thermostats pour les réfrigérateurs.

Où en sont les négociations avec les salariés licenciés ?

Les discussions ont commencé le 15 janvier 2015. Conscients de l’impact pour notre personnel et malgré nos difficultés, nous avons voulu offrir des indemnités de départ près de trois fois supérieures aux indemnités légales. Ainsi que des mesures d’accompagnement afin d’assurer le reclassement de nos employés : cellule de reclassement, aide à la formation…

Mais les délégués syndicaux ne sont pas du tout satisfaits de ces indemnités et parlent de « négociations stériles » !

Durant nos échanges avec les représentants du personnel, nous avons entendu leurs suggestions. Notre situation économique ne nous permet pas de les suivre dans toutes leurs demandes qui vont très largement au-delà de tout ce qui a déjà pu se pratiquer à Monaco. Mais nous les avons écoutés. Et nous avons amélioré notre proposition de plus de 20 % le 12 février.

Trouver un accord vous semble possible ?

Nous sommes déterminés à trouver une solution par la discussion. Cette solution ne peut toutefois ignorer totalement la situation financière catastrophique du site, ni être comparée à d’autres plans sociaux effectués pour des motifs différents dans la Principauté par des entreprises de taille et de situation économique complètement éloignées des nôtres.

Que souhaitez-vous dire aux salariés licenciés ?

Dans l’intérêt de tous, nous nous attachons à trouver une solution qui tienne compte de la situation des employés, dont nous comprenons l’inquiétude, et de celle de l’activité que nous tentons de sauver.

 

« Une insulte à l’ensemble du personnel »

Les négociations entre la direction de RobertShaw et les 84 salariés licenciés sont dans l’impasse. Marie-France Marzoughi, déléguée du personnel, dénonce « les mensonges » de la direction.

 

Le bras de fer continue entre la direction de RobertShaw et les 84 salariés licenciés. Cette usine, spécialisée dans les composants électroménagers installée à Fontvieille, fermera ses portes au dernier trimestre 2015. Une annonce qui a totalement bouleversé les employés. A plusieurs reprises, ils sont descendus dans la rue pour crier leur colère.

 

« Fallacieuses »

« Les salariés ont passé des années à donner de leur personne en travaillant les week-ends, en ne comptant pas leurs heures, en se pliant à toutes les exigences. Tout ceci pour que l’entreprise soit pérenne… », regrette Marie-France Marzoughi. Selon cette déléguée du personnel, pas de doute. Les raisons de la fermeture du site monégasque sont « fallacieuses. On essaie de nous faire croire aujourd’hui à des pertes, alors que depuis des mois, la direction nous a assuré que nos résultats n’avaient jamais été aussi bons. Elle prétend que nous ne faisons pas de bénéfices ! Comment une entreprise qui enregistre des pertes peut-elle assurer 150 000 euros chaque mois au siège recherche et développement installé à Milan depuis des années ? »

 

« Exploiter »

Les délégués syndicaux affirment également que lors du dernier trimestre 2014, il y avait une « surcharge de travail dans l’usine » et que la direction a recruté de nouveaux intérimaires, les a formés à des postes-clés et a même mis en place une équipe de week-end. « On nous demande depuis de nombreux mois d’augmenter la cadence… Le véritable motif était de faire du stock pour pallier à une éventuelle grève début janvier 2015 et d’exploiter les intérimaires sur les postes importants lors des grèves ! »

 

Bénéfices

Autre constat amer selon cette déléguée syndicale : « Nous avions un grand projet, « le Flowmeter » (un compteur d’eau). Plus de 800 000 euros ont été investis. Ce projet était le plus important pour la branche engineering de RobertShaw en Europe. D’énormes sommes ont aussi été investies pour améliorer toutes les autres machines, de manière à dynamiser leurs performances. Au final, les machines sont délocalisées en République Tchèque. Une fois encore, toutes ces sommes investies démontrent que le site fait des bénéfices. »

 

« Honteuse »

Aujourd’hui, les négociations sont donc « stériles », jugent les syndicats. Direction et syndicats n’ont toujours pas trouvé de terrain d’entente sur les indemnités de départ. « Les indemnités proposées sont à peine supérieures aux indemnités légales et encore moindre que celles proposées lors du dernier plan de restructuration d’Invensys. L’administrateur Didier Buhot (voir son interview par ailleurs) nous propose une enveloppe honteuse. Il s’agit des indemnités les plus basses de tous les plans sociaux dans l’industrie de Monaco ! Nous qui appartenons à un richissime groupe mondial (Sun Capital Partners N.D.L.R.), comment ne pouvons nous pas obtenir des indemnités voisines à celles proposées dernièrement lors des fermetures d’industries à Monaco ? »

 

« Insulte »

Pas question pour autant de baisser les bras. Les salariés sont bien décidés à se battre jusqu’au bout pour un « dédommagement correct. Ce genre de comportement est une insulte à l’ensemble du personnel, dont on dérobe le savoir-faire et le potentiel, pour externaliser dans des pays à bas coûts pour s’assurer d’une rentabilité supérieure. Nous nous battons car nous savons pertinemment que les chances de retrouver un emploi à Monaco avec une moyenne d’âge de 50 ans sont illusoires ! »