mardi 23 avril 2024
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SBM : 189 départs volontaires
et des tensions

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Au moins 189 départs volontaires ont été validés par la Société des bains de mer. La direction a indiqué que les départs forcés devraient se limiter à « quelques dizaines », sans plus de précisions.

Du côté des syndicats et des salariés, c’est l’inquiétude qui prédomine. Des mouvements de grève ont été lancés et le climat de négociation avec la direction reste tendu.

Dans une interview accordée à Monaco-Matin et publiée le 17 décembre 2020, le président-délégué de la Société des bains de mer (SBM), Jean-Luc Biamonti, a précisé les contours du plan social révélé le 2 octobre 2020. « Au moins » 189 départs volontaires ont été bouclés. Ces salariés, qui ont nécessairement plus de 57 ans, quitteront l’entreprise entre début janvier 2021 et le 31 mars 2021. Du coup, les départs contraints devraient être limités à « quelques dizaines ». Jean-Luc Biamonti a indiqué avoir reçu « beaucoup plus » de demandes de départs volontaires que prévu : « Nous continuons à travailler pour en accepter davantage », a précisé ce dirigeant. Une dizaine de départs volontaires pourraient être acceptés dans les jours qui viennent. « Il s’agit maintenant de voir quels sont les salariés que nous pouvons faire partir, pour les remplacer par des salariés occupant aujourd’hui un autre emploi. Des salariés qui, idéalement, feraient partie des départs contraints », a expliqué Jean-Luc Biamonti. Avant d’ajouter : « Dans le plan que nous avons présenté à la direction du travail, nous avions initialement envisagé 161 départs contraints. Ce ne sera certainement pas ce chiffre-là. Il pourrait n’y en avoir que quelques petites dizaines. » Le coût de ces 189 départs volontaires est estimé à 25 millions d’euros, « soit un an de salaires de l’ensemble des personnes qui partiront. C’est vrai que la première année, cela va détériorer les comptes de la SBM. […] Si l’environnement économique repart, nous serons allégés. Nous voulons améliorer la situation de base de l’entreprise de façon récurrente pour les prochaines années ». L’objectif du plan social de la SBM est de réaliser une économie de 25 millions d’euros, ce qui passera aussi par la renégociation de contrats d’assurance, et la suppression de certains consultants, a souligné Jean-Luc Biamonti le 2 octobre 2020 (lire Monaco Hebdo n° 1168). « Le Covid n’a pas créé la situation de fond de la SBM. Les problèmes existaient avant, l’entreprise générait de la dette et des pertes. Le Covid est arrivé et il n’a provoqué qu’une chose : une crise de liquidités », a expliqué aux délégués du personnel le directeur des ressources humaines de la SBM, Jean-François Mariotte, le 2 octobre 2020.

« Famille »

Mais pas sûr du tout que ces messages d’apaisement soient parvenus à contenter les salariés et les syndicats. Inquiets pour leur avenir, environ 500 salariés de la SBM se sont réunis sur la place du casino le 11 décembre 2020, sans toutefois faire grève. « On a le choix : agir ou subir. On a choisi l’action. On ira jusqu’au bout ! », a alors lancé le secrétaire général adjoint de l’Union des syndicats de Monaco (USM), Olivier Cardot. De son côté, Mickaël Palmaro, secrétaire général du syndicat des cadres et employés de jeux, a lu devant ses collègues un texte, au nom des huit syndicats du secteur des jeux de la SBM : « Nous avons fait une photo de famille, afin de rappeler à la direction de la SBM notre forte désapprobation quant à la méthode employée par la direction des ressources humaines, aussi bien sur la forme que sur le fond, pendant la tenue des négociations du plan social. Le changement conventionnel définitif, ou à très long terme, veut être imposé, alors que depuis de très longues semaines, nous avons toujours accepté de discuter sur des modifications transitoires des accords, dans un calendrier réfléchi. » Avant d’ajouter : « Conscient des enjeux pour l’entreprise, contrairement au comité exécutif, nous sommes prêts à continuer de faire des sacrifices à court et moyen terme. Mais nous sommes contre la mise en place d’un dispositif qui importerait l’avenir des salariés, causés par les licenciements de leurs collègues. » De son côté, Jean-Luc Biamonti a bien noté que cette démonstration du 11 décembre 2020 sur la place du casino « n’était pas une manifestation. J’espère que nous resterons dans ce cadre-là. Il n’y a pas de nécessité à ce que les choses s’enveniment ». Face à la grogne des syndicats, le président-délégué de la SBM a dit dans les colonnes de Monaco-Matin ne pas comprendre « très bien » leur réaction, malgré « beaucoup de rencontres » : « Honnêtement, nous faisons tout ce que nous pouvons pour limiter la casse sociale. L’objectif est de minimiser les départs contraints au maximum. Les syndicats parlent de « sacrifice ». Nous verrons, au bout du compte, ce que l’effort consenti représentera sur le bulletin de paie ».

Le coût de ces 189 départs volontaires est estimé à 25 millions d’euros, « soit un an de salaires de l’ensemble des personnes qui partiront. C’est vrai que la première année, cela va détériorer les comptes de la SBM », a reconnu le président-délégué de la SBM, Jean-Luc Biamonti. © Photo Monte-Carlo Société des Bains de Mer

Jean-Luc Biamonti n’a pas évoqué comment il comptait financer ce plan social, ni quelle était sa marge de manœuvre

Grèves

En tout cas, la mobilisation ne faiblit pas. Et cette fois, pour accentuer la pression sur la direction, c’est bien une série d’arrêts de travail qui ont été décidés par les syndicats. Le 21 décembre 2020, entre 11h et 15h, ce sont les salariés du Café de Paris qui ont ouvert cette nouvelle séquence. Ils étaient environ 80 à se rassembler sur la place du casino pour protester contre le plan de restructuration lancé par la SBM. Cité par Monaco-Matin, Jean-Pierre Messy, le secrétaire général du syndicat des cuisiniers et pâtissiers de Monaco, estime que la proposition faite aux salariés âgés de 57 ans et plus n’est pas convenable. La SBM proposerait le minimum légal, à savoir un quart de salaire par année d’ancienneté pour ceux qui travaillent à la SBM depuis moins de 10 ans. Et un quart de salaire les 10 premières années, puis un tiers de salaire pour les salariés qui affichent plus de 10 ans d’ancienneté. Un mois de salaire par tranche de 10 ans a été proposé en « bonus » par la direction. Mais Jean-Pierre Messy espère plutôt un mois de salaire par année d’ancienneté. Autant dire qu’entre syndicats et direction, les positions sont très éloignées. Et, pour le moment, on ne voit pas très bien quel type de compromis pourrait être trouvé. De son côté, Jean-Luc Biamonti n’a pas évoqué comment il comptait financer ce plan social, ni quelle était sa marge de manœuvre. Les salariés dénoncent aussi une charge de travail accrue, suite aux réductions d’effectifs. Selon Jean-Pierre Messy, la SBM aurait mis fin à une centaine de contrats à durée déterminée (CDD). « On refuse entre 100 et 200 clients par jour. Tout ça pour laisser des gens en Chômage total temporaire renforcé (CTTR) », a déploré Philippe Bidault, délégué du personnel et délégué syndical, limonadier au Café de Paris depuis 1989, interrogé par Monaco-Matin. Du coup, les manifestations vont se poursuivre, puisqu’alors que Monaco Hebdo bouclait ce numéro, l’hôtel de Paris devait lancer un second mouvement de grève le 22 décembre 2020, de 11h à 15h. Quant à l’Hermitage, suite à une assemblée générale tenue le 21 décembre, un mouvement social était envisagé le 23 décembre, de 12h à 16h. Bref, face à la direction, les syndicats ne désarment pas.

Il faudra attendre début janvier 2021 pour voir les discussions reprendre entre syndicats et direction. Et cela promet d’être tendu, puisqu’il s’agira cette fois de débattre des conventions collectives

Avenir

Sur un plan plus politique, les élus du Conseil national ont reçu, pour la deuxième fois en quelques semaines et à leur demande, l’intersyndicale de la SBM le 16 décembre 2020. « Les représentants des 18 syndicats des salariés de la SBM ont fait le point sur leurs positions, dans un climat qui reste tendu après la mobilisation des salariés sur la place du casino, indique le Conseil national dans un communiqué daté du 21 décembre 2020. A ce stade, il est indispensable de continuer à rapprocher les positions concernant certains points qui concernent les conventions collectives. La SBM doit pouvoir continuer de remplir son rôle social, celui qui consiste notamment à fournir des emplois de qualité à de nombreux Monégasques. Les élus du Conseil national souhaitent tous que cela soit encore le cas pour nos enfants et pour les générations futures. » En tout cas, il est déjà question d’avenir. Et pour éviter tout malentendu, Jean-Luc Biamonti a voulu être clair : « Je ne veux absolument pas laisser croire que la situation puisse être à ce point fragile qu’un deuxième plan de restructuration pourrait se présenter. Je voudrais que nous résolvions le problème une bonne fois pour toutes, afin que tout le monde travaille dans un bon état d’esprit pour le développement de cette entreprise. » Désormais, il faudra attendre début janvier 2021 pour voir les discussions reprendre entre syndicats et direction. Et cela promet d’être tendu, puisqu’il s’agira, cette fois, de débattre des conventions collectives, même si Jean-Luc Biamonti s’efforce de rester positif : « Je demande à tout le monde de mettre un peu du sien. Nous ferons des propositions. Nous essaierons d’être constructifs pour trouver un accord le plus rapidement possible. L’écart n’est pas énorme entre les positions. » La direction de la SBM s’est fixée pour objectif d’aboutir à un accord pour le 31 mars 2021, ce qui correspond à la fin de l’exercice de cette entreprise d’Etat, qui emploie 4 000 salariés en principauté. Il n’y a déjà plus de temps à perdre.