jeudi 25 avril 2024
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François Ortelli : « Une plateforme à taille humaine, ancrée à Monaco »

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François Ortelli a repris la tête de la plateforme de financement participatif Monaco Crowdfunding en avril 2019. Ce jeune Monégasque de 26 ans entend moderniser cette entreprise et démocratiser la pratique du crowdfunding en principauté. Monaco Hebdo l’a rencontré.

Votre parcours ?

J’ai 26 ans, je suis monégasque. J’ai fait un master de management en Suisse, avec une partie en finance. Je suis revenu à Monaco en 2018, où j’ai d’abord travaillé chez Telis. Ensuite, j’ai eu l’opportunité par mon père, entré au capital de Monaco Crowdfunding, de pouvoir intégrer l’équipe de cette entreprise, en milieu d’année dernière. J’ai aidé le gérant à développer le site internet et l’aspect communication. Il y a trois mois, le gérant a décidé de partir pour des raisons familiales. Et j’ai donc repris la gérance de Monaco Crowdfunding.

Comment avez-vous géré la reprise de cette entreprise ?

Nous ne sommes pas une grosse entité. Nous étions deux, maintenant je suis seul. Cela s’est fait assez naturellement. Par ailleurs, j’ai adhéré au pacte d’insertion des jeunes diplômés de Monaco. Je vais donc m’entourer prochainement d’un jeune diplômé de la principauté.

Qu’est-ce qui vous a intéressé dans cette aventure ?

Je suis un féru de technologie. Chez moi j’ai des drones, des imprimantes 3D ou même des thermostats réglables avec mon smartphone ! J’ai connu le crowdfunding au travers de grandes plateformes qui font de la prévente d’objets technologiques. Je suis familier avec ce genre de plateformes depuis un certain temps. Quand mon père m’a proposé cette opportunité, c’était assez logique pour moi de dire « oui » tout de suite.

Qu’est-ce que Monaco Crowdfunding ?

C’est une plateforme à taille humaine, comparée aux grosses plateformes de financement participatif que l’on peut trouver sur internet et qui ont des centaines de milliers voire des millions d’utilisateurs. Nous, nous sommes vraiment une plateforme locale avec un ancrage à Monaco. Cela étant dit, nous avons des donateurs et des porteurs de projet qui viennent du monde entier. Monaco Crowdfunding a vocation à soutenir et à développer des projets à impact social et environnemental.

Concrètement, comment cela fonctionne ?

D’une part, il y a des porteurs de projet qui viennent à nous, naturellement, grâce à notre présence sur les réseaux sociaux et sur internet. Ils viennent nous présenter leur projet et nous demandent un financement. D’autre part, nous avons un réseau d’apporteurs d’affaires en France, qui nous présente des projets. D’où qu’il vienne, chaque projet est analysé par notre comité de sélection. Si le dossier correspond à notre vision et que nous le jugeons viable, nous le proposons à nos investisseurs et à nos utilisateurs. La seconde phase consiste à promouvoir le projet et à récolter des fonds.

Sur votre site, il y a trois rubriques : « donner », « investir » et « financer » : à quoi cela correspond-il ?

Le site se divise en deux grandes catégories : la première est philanthropique, la seconde concerne l’investissement, le capital. « Donner », c’est vraiment l’outil philanthropique, le don. « Financer » a trait à l’entrepreneur, c’est lui qui apporte son projet pour le financer. Ce n’est pas l’utilisateur qui finance quelque chose. Enfin, « Investir », c’est tout ce qui touche à l’investissement au capital d’une entreprise, par exemple. Il y a trois rubriques : deux sont pour les donateurs et les investisseurs, et une pour les porteurs de projet.

Vous parliez de projets correspondant à votre vision : quelle est cette vision ?

Nous mettons en avant des projets à impact social et environnemental fort, en adéquation avec la principauté et la vision du prince Albert II. Les valeurs sont les suivantes : durabilité, local ou encore impact environnemental réduit. Par ailleurs, il y a aussi « Monaco » dans notre nom. Si un projet ne remplit pas les critères d’impact social et environnemental, mais qu’il est géographiquement ancré à Monaco, nous allons l’étudier. Le projet ne sera peut-être pas autant mis en avant sur notre plateforme et nous aurons recours à des investisseurs privés précis, mais nous ne fermerons pas la porte. Le triptyque est le suivant : Monaco, développement durable, social. Il faut au moins remplir l’un de ces trois critères.

Quels sont les autres critères lorsque vous devez retenir, ou non, un dossier ?

Il y a aussi un volet financier. Le projet doit être viable, sûr et intéressant pour nos investisseurs.

Admettons que je sois Allemand et que j’ai un projet de panneaux solaires au Kenya : vous me soutenez ?

Nous avons déjà eu ce cas de figure. L’impact social et environnemental concerne l’ensemble des projets que l’on peut nous proposer dans le monde entier. Donc, dans ce cas précis, oui, nous étudierons le dossier.

Comment évaluez-vous chaque dossier ?

Nous avons un comité de sélection, qui regroupe plusieurs experts dans leur domaine. Il y a par exemple des conseillers juridiques ou des chefs d’entreprise. Les comités sont mensuels. Chacun donne alors son avis sur les projets : favorable, défavorable, parfois nous avons besoin de plus de détails sur le projet pour trancher. Je compte par ailleurs enrichir le comité pour avoir des profils variés et donc un regard très précis sur chaque dossier.

Qui sont les investisseurs à qui vous demandez des financements ?

Depuis sa création en 2015, Monaco Crowdfunding a déjà levé des fonds pour des projets donc nous avons déjà une base de données d’investisseurs. Nous les appelons à chaque projet, et, au fil du temps, nous essayons d’agrandir le cercle en rencontrant des potentiels investisseurs.

Comment gagnez-vous de l’argent ?

Notre objet, c’est de mettre en relation les porteurs de projet avec des investisseurs. Nous le faisons à travers une plateforme, mais derrière, bien évidemment, il y a une revue des projets et un approfondissement sur chaque dossier. Lorsqu’il y a une levée de fonds, Monaco Crowdfunding prélève une partie, quelques pourcents, qui permet de couvrir les frais de l’entreprise, comme les salaires, les charges ou encore le fonctionnement du site internet. Nous prélevons une partie de l’argent levé par le porteur de projet. Il paye notre service de mise en relation auprès des investisseurs.

Cette part que vous prélevez, elle est fixe ou variable ?

Tout dépend du projet et des montants. Nous pouvons lever des sommes de quelques dizaines de milliers d’euros, comme des sommes de plusieurs centaines de milliers d’euros voire des millions. Je ne peux pas me permettre de prendre le même pourcentage sur un projet à 10 000 euros et sur un projet à 10 millions d’euros ! Il faut que ce soit cohérent, en rapport avec le service rendu. Par ailleurs, sur l’outil philanthropique, donc le don, nous prélevons moins que sur l’outil investissement. Ce qui est normal, pour aider les associations monégasques, par exemple, à lever de l’argent à moindre frais.

Vous mettez des projets en avant sur votre site : selon quels critères ?

C’est souvent du coup de cœur. En ce moment, il s’agit du projet d’un jeune musicien monégasque qui participe au MC Summer Concert. C’est un jeune garçon fan de musique, un petit génie qui est d’ailleurs major du lycée François d’Assise – Nicolas Barré (FANB) en termes de notes scolaires, et qui a été accepté à la prestigieuse université américaine du Berklee College of Music. Malheureusement, ses parents n’ont pas beaucoup d’argent et les frais de scolarité dans cette école sont très importants. Pour cette première année, il a besoin de quelques capitaux. Pour nous, c’est un pari fondé sur le don, c’est un projet philanthropique. Et surtout, c’est un vrai coup de cœur.

Quel est l’intérêt d’avoir une plateforme de crowdfunding dédiée à Monaco ?

Premièrement parce que nous sommes un pays indépendant. Ensuite, car nous pouvons vivre de notre identité. Nous sommes la seule plateforme à Monaco et nous avons des cartes à jouer comme la proximité avec la population et avec des gens qui ont la capacité financière de soutenir des projets. Tous ces gens ne seraient peut-être pas allés vers des plateformes internationales, car elles sont loin et n’ont pas ce rapport humain. Nous, nous sommes ancrés à Monaco. La plateforme est ici, nos équipes sont ici, et les investisseurs habitent ici. Nous pouvons très facilement nous connecter. Notre force, c’est ce travail sur la proximité et le bénéfice que l’écosystème monégasque offre.

Comment rivaliser avec les grandes plateformes comme Ulule ou Tipeee ?

Nous ne sommes pas sur le même segment. Des études ont été faites. Nous sommes la plateforme avec le ticket investisseur moyen le plus important d’Europe. Sur les grandes plateformes, il s’agit surtout de micro-crowdfunding. Les gens vont donner quelques dizaines ou quelques centaines d’euros. Nous, nous sommes plus sur quelques milliers d’euros, minimum. Nous n’avons pas la même façon de fonctionner. Quand quelqu’un vient nous voir, il ne veut pas vraiment faire du crowdfunding pur, avec une myriade de petits investisseurs. Il veut faire une levée de fonds avec un, deux voire trois gros investisseurs. C’est là notre force.

Comment convaincre celles et ceux qui sont encore réticents face au crowdfunding ?

J’aimerais dire aux gens qu’il ne faut pas avoir peur. Au début, il y avait des réticences du type « qui sont-ils » ou « d’où viennent-ils ? ». Je suis monégasque, l’entreprise est basée à Monaco, et nos locaux sont ici. N’ayez pas peur !