jeudi 25 avril 2024
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Hervé Adonto : « L’avenir du sport,
c’est le sport santé »

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La crise du Covid-19 oblige les salles de sport à se réinventer. Ouvert en principauté depuis 1987, le propriétaire de la salle de sport E Club Monaco, Hervé Adonto, explique à Monaco Hebdo comment il tente de faire face à cette crise sanitaire.

Quelle est la situation pour votre salle de sport ?

Nous sommes fermés depuis le 16 mars 2020. J’ai mis mes employés en chômage partiel. Comme tous les commerçants, j’ai touché une aide de 5 000 euros. Ce qui est bien, mais cela ne couvre évidemment pas l’ensemble de mes frais. Notamment mon loyer, qui est de 7 000 euros par mois, et que je continue de payer, faute d’accord avec le propriétaire.

Vous avez décidé de suspendre les mensualités de vos adhérents, ou de prolonger leurs abonnements annuels ?

Pour les abonnements qui sont prélevés chaque mois, j’ai demandé, par solidarité, que ces prélèvements ne soient pas suspendus. Les mois confinés seront ajoutés, et viendront prolonger ces abonnements. Cela m’évite d’avoir une perte trop grande immédiatement et d’afficher un chiffre d’affaires à 0. Mais c’est reculer pour mieux sauter. Sur mes 200 adhérents qui sont abonnés à l’année, je vais être obligé de faire un geste commercial, même si la fermeture n’est pas de mon fait. Certains abonnés ont demandé un remboursement de leur abonnement, ce que j’ai refusé. C’est compliqué.

Entre mi-mars 2020 et mi-mai 2020, à combien estimez-vous les pertes ?

Ma salle est ouverte à Monaco depuis 1987. Mais j’ai changé de concept en me tournant vers le sport santé depuis octobre 2020. Je ne peux donc me baser que sur mes chiffres d’octobre 2019 à mars 2020. Entre la perte de chiffre d’affaires et, au minimum, les deux mois d’abonnement que je devrai reporter si je rouvre en juin 2020, on peut estimer les pertes à 25 000 euros par mois.

Le problème numéro 1, ce sont les loyers ?

Absolument. J’aimerais que le gouvernement légifère sur les loyers commerciaux. De cette façon, les propriétaires auraient été solidaires : dans un bail commercial, en cas de crise, pourquoi seul le commerçant en pâtirait et pas le propriétaire des lieux ?

Les aides du gouvernement vous permettent de vous en sortir financièrement ?

Non. D’ailleurs, je vais faire une demande de prêt à ma banque pour les mois à venir. Car même en cas de réouverture, l’activité va reprendre doucement, et il faudra tenir au moins jusqu’en septembre 2020. Ma banque m’a laissé entendre qu’au vu des bilans de ces derniers mois, jusqu’à 50 000 euros, ça devrait passer. Mais j’attends une réponse définitive.

Votre salle de sport est-elle en danger ?

Si la réouverture a lieu en juin 2020, non. Je serai ouvert en juillet et août 2020, notamment pour assumer le report des abonnements suite au confinement, mais ce ne sont pas des mois où l’activité est forte. L’activité est soutenue en juin, ensuite il y a une pause, et les choses reprennent en septembre et octobre. Donc rouvrir en juin, c’est important.

Des cours en ligne sont proposés par de nombreux clubs, parfois gratuitement sur leur compte Facebook ou Instagram, ou de façon payante : vous allez vous lancer si la crise dure ?

Nous avons proposé gratuitement deux cours par jour en Facebook Live. L’objectif était de garder le lien avec nos adhérents et aussi de les remercier, pour certains, de ne pas avoir suspendu leurs prélèvements.

Si la fermeture des salles de sport était prolongée, vous pourriez proposer des cours en ligne payants, cette fois ?

De toute façon, ce ne pourrait être qu’un complément d’activité. Mais je me vois mal facturer un abonnement mensuel et, en plus, réclamer un supplément pour des cours sur Facebook ou Instagram. Je préfère inclure ces cours à distance dans mon forfait mensuel.

Entre distanciation sociale et gestes barrière obligatoires, à quoi ressemblera une salle de sport lors de la réouverture ?

On va déplacer nos machines connectées et installer des plexiglass entre certaines machines. Les cours et la salle de musculation devront être réservés sur Internet, puisque nous avons une application qui nous permet de gérer des réservations. Nous voulons éviter de devoir refuser des abonnés à l’entrée de la salle. Même si nous pensons que cette rentrée se fera en douceur, avec, dans un premier temps, peu de monde. Nous mettrons cette période plus tranquille à profit pour nous roder.

Combien de personnes pourrez-vous accueillir, au maximum ?

On peut estimer qu’il faut une personne pour 4 m2. Ce qui me permet d’accueillir 15 personnes dans la salle de cours et 15 personnes en musculation. Les réservations seront disponibles heure par heure, avec des entraînements de 45 minutes. Ce qui nous laissera le temps de nettoyer la salle après chaque passage.

Les cours collectifs, avec des gens qui transpirent côte à côte dans un espace confiné, sont-ils condamnés ?

Je pense que si on laisse 1,50 mètre entre chaque personne, avec un marquage au sol, il ne devrait pas y avoir de problèmes.

L’accès aux sanitaires, vestiaires et douches doit-il être restreint, voire interdit ?

Je serai à l’écoute du gouvernement. A priori, les douches seront fermées et on laissera seulement un accès aux WC. Les gens devront venir à la salle en tenue de sport, avec uniquement une paire de chaussure qu’ils mettront une fois arrivés sur place. Et inversement, en partant. Pour éviter que les gens ne se croisent, il y aura une entrée et une sortie différente.

Le port du masque sera obligatoire ?

Dans les sports cardio, avec une personne seule sur un tapis de course, et un plexiglass entre chaque tapis, il faudra voir s’il est possible de ne pas mettre de masque. Si le manque est obligatoire, au lieu de courir 30 minutes, les gens ne courront peut-être que 20 minutes, mais l’effort sera quand même là.

© Photo DR

« Entre la perte de chiffre d’affaires et, au minimum, les deux mois d’abonnement que je devrai reporter si je rouvre en juin 2020, on peut estimer les pertes à 25 000 euros par mois »

Il y aussi la possibilité de porter une visière, même si elles ne protègent pas des particules restant en suspension ?

C’est intéressant pour faire du sport, car on respire évidemment beaucoup mieux qu’avec un masque. Mais s’il faut absolument porter un masque qui, lui, offre une protection respiratoire, on s’adaptera et on en portera.

Il y aura d’autres adaptations face au Covid-19 ?

Depuis octobre 2020, j’ai recentré ma salle sur un créneau « santé et sport », avec des machines de sport connectées. En juin 2020, nous espérons lancer un programme premium “immunity boost” que je vais offrir à mes adhérents. Ce sera une manière de travailler pour stimuler nos défenses immunitaires. Parallèlement à ça, une diététicienne sera là. Elle proposera des programmes pour les gens qui ont besoin de mincir, mais aussi pour stimuler leurs défenses immunitaires. S’il y a une deuxième vague de Covid-19, l’objectif c’est d’être résistant face au virus.

C’est l’avenir du sport ?

L’avenir du sport, c’est le sport santé. Parce que ça coûte toujours moins cher pour les caisses de l’Etat de prévenir que de guérir. Cela débouche sur moins d’absentéisme au travail, et sur des économies pour les caisses de sécurité sociale. La prévention par le sport est essentielle. D’ailleus, pour inciter les gens à faire du sport, certaines villes en France ont proposé des chèques cadeaux. Pourquoi ne pas imaginer le même genre de dispositif à Monaco ?

Maintenant que l’épidémie de Covid-19 est là, certains abonnés de salles de sport estiment que les conditions ne sont plus les mêmes que lors de leur début d’abonnement, et qu’en conséquence, le prix doit être revu à la baisse ?

Si on devait limiter l’accès à la salle de sport à une fois par semaine par abonné, je comprendrais. Mais si on peut garantir aux membre un accès d’une heure au moins trois fois par semaine, ça reste raisonnable. Car il faut bien comprendre que tous les aménagements que nécessitent le Covid-19, comme la pose de plexiglass, les marquages au sol, le gel hydroalcoolique, ou les nettoyages plus fréquents, ont un coût pour nous. Nous sommes donc condamnés à investir. J’ai ouvert ce que je considère être une nouvelle salle de sport en octobre 2019. Et là, je vais faire une deuxième réouverture.

Avec toutes ces restrictions, comment rester rentable ?

Il faudra être bien organisé et remplir tous les créneaux de façon équilibrée. Il faudra ajouter des cours afin d’avoir un flux d’abonnés plus dilué sur la journée. Il faudra éviter les pics de fréquentation entre 12 et 14 heures, et le soir à 18 heures. Nous seront ouverts de 7 heures à 22 heures, en espérant que les gens puissent différer leur venue. En Chine, les salles de sport ont rouvert à 20 % de leur capacité. Mais au bout de semaine, elles étaient à plus de 100 %. Les premiers clients qui reprendront le chemin de la salle de sport seront des ambassadeurs : s’ils sont satisfaits, s’ils se sentent en sécurité, ils le feront savoir autour d’eux.

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