jeudi 25 avril 2024
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Hausse du nombre de salariés : est-ce une bonne nouvelle ?

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En l’espace de dix ans, près de 14 000 emplois du privé et du public ont été créés à Monaco depuis 2013, selon l’Institut Monégasque de la Statistique et des Études Économiques (IMSEE). Mais l’écrasante majorité des salariés vit en dehors de la principauté, ce qui surcharge toujours plus les routes et les réseaux de transport vers Monaco. Des transformations s’imposent pour poursuivre le recrutement sur le même rythme.

Le nombre de salariés a considérablement augmenté à Monaco. En l’espace de dix ans, l’emploi en principauté a augmenté de 24,6 % depuis 2013, ce qui représente pas moins de 14 000 nouveaux postes créés, et quasiment autant de nouveaux salariés, selon l’Institut monégasque de la statistique et des études économiques (IMSEE) et son premier Observatoire de l’emploi, publié en avril 2023. Selon ce rapport, Monaco compte en effet 8 873 salariés de plus qu’il y a dix ans, rien que dans le secteur privé, ce qui représente une augmentation de 19 %. Et cette tendance a continué de progresser même après la pandémie de Covid, puisque 55 472 salariés étaient recensés dans le secteur privé en décembre 2022, ce qui correspond à 2 324 personnes en plus, par rapport à la même période en 2021, soit une progression de 4,4 %. Dans le secteur public également, le nombre de salariés a augmenté de 19,2 % en dix ans. Il passe en effet de 4 336 de la fin 2013, à 5 047 à la fin 2022, soit 812 salariés de plus. La courbe est donc quasiment identique à celle du recrutement dans le privé. À noter que de plus en plus de pendulaires travaillent dans la fonction publique, Nice et Menton regroupant respectivement 11,7 % et 7,7 % de l’effectif, puis 22,9 % des communes limitrophes, pour 45 % des salariés résidant à Monaco. Signe de vitalité indéniable de l’économie monégasque, cette progression du recrutement à Monaco pose cependant question en termes d’accessibilité, alors que ces nouveaux salariés vivent en dehors de la principauté. Selon l’IMSEE, près de 90 % d’entre eux ne vivent pas en principauté, et un quart des salariés du privé réside à Nice.

Nice Côte d'Azur Salarié
En moyenne, 8 salariés de Monaco sur 10 vivent en France, soit 43 700 personnes environ, et 25,5 % de la population salariée du privé vit à Nice, qui représente la première commune de résidence des salariés du privé, avec près de 13 900 travailleurs. © Photo Fantasy Ua / Shutterstock

En l’espace de dix ans, l’emploi en principauté a augmenté de 24,6 % depuis 2013, ce qui représente pas moins de 14 000 nouveaux postes créés, et quasiment autant de nouveaux salariés

Nice, première commune de résidence des salariés du privé

Sur les dernières années, la population salariée du secteur privé s’est progressivement éloignée de son lieu de travail monégasque. La proportion de salariés habitant en principauté n’a cessé de diminuer, passant de 13,4 % en 2017 à 11,0 % en 2022, selon l’IMSEE. Et la part de résidents des communes limitrophes s’est elle aussi repliée, puisqu’ils étaient 25,5 % dans ce cas en 2017, contre 23,0 % cinq ans plus tard. Dans le même temps, de plus en plus de salariés du secteur privé se sont domiciliés dans les Alpes-Maritimes, mais hors des communes limitrophes (52,4 % en 2017 et 56,6 % en 2022) ou au-delà des Alpes-Maritimes, y compris en Italie (respectivement 8,8 % et 9,4 % en 2017 et 2022). En moyenne, 8 salariés de Monaco sur 10 vivent en France, soit 43 700 personnes environ, et 25,5 % de la population salariée du privé vit à Nice, qui représente la première commune de résidence des salariés du privé, avec près de 13 900 travailleurs. Vient ensuite Menton, qui rassemble 12,2 % des salariés (6 654) et arrive en deuxième position, devant Monaco (5 987 personnes). Puis, les communes limitrophes de Beausoleil et de Roquebrune-Cap-Martin, qui regroupent respectivement 10,6 % et 7,8 % de la main d’œuvre. La ville italienne de Vintimille, et ses 2 300 salariés, devance les deux autres communes limitrophes, à savoir Cap d’Ail et La Turbie, souligne l’IMSEE. Dans le détail, en 2022, six villes des Alpes-Maritimes comptent au minimum 100 salariés du secteur privé de Monaco supplémentaires par rapport à 2017, Nice figurant en tête. Les travailleurs domiciliés à Nice étaient en effet 2 676 de plus en 2022 qu’en 2017. Le nombre de salariés habitant à Menton a, quant à lui, augmenté de près de 900 personnes, alors que les trois villes italiennes de Vintimille, Bordighera et Sanremo, ont gagné plus de 100 salariés du secteur privé. En revanche, Monaco a perdu 558 résidents salariés du privé sur la période 2017-2022, et Beausoleil 172. Rien qu’en 2021, le prix de l’immobilier à Monaco a bondi de +9% en moyenne selon l’IMSEE, avec une répercution sur celui des communes limitrophes. Ceci pouvant, en partie, expliquer cela.

Signe de vitalité indéniable de l’économie monégasque, cette progression du recrutement à Monaco pose cependant question en termes d’accessibilité, alors que ces nouveaux salariés vivent de plus en plus éloignés de la principauté. Selon l’IMSEE, près de 90 % d’entre eux ne vivent pas en principauté, et un quart des salariés du privé réside à Nice

Restauration salariés
L’hébergement et la restauration représente le deuxième secteur en termes d’effectif, à hauteur de 14,1 % de la population du privé. Enfin, le personnel de maison a connu une croissance plus dynamique que l’ensemble des salariés du secteur privé sur la période 2013-2022. © Photo DR

Des postes en présentiel, pour l’essentiel

Parmi ces nouveaux postes, et parmi les douze grands secteurs d’activité qui constituent l’économie monégasque, c’est celui de la construction qui a connu la croissance la plus importante en volume sur la période 2013-2022 (+42,7 %), et la deuxième en valeur (+1 836 salariés). À la fin de l’année 2022, les activités scientifiques et techniques, services administratifs et de soutien, qui incluent notamment l’intérim, regroupaient plus de 13 400 personnes, soit près d’un quart des salariés du secteur privé. Elles comptent 3 396 personnes supplémentaires en dix ans, soit +33,9 %. Puis, avec 28,0 % d’effectifs en plus qu’en 2013, l’information et communication complète le podium. Seul le secteur des industries manufacturières, extractives et autres a perdu des salariés sur cette période, à hauteur de 615 personnes (-19,1 %). L’hébergement et la restauration représente le deuxième secteur en termes d’effectif, à hauteur de 14,1 % de la population du privé. Enfin, le personnel de maison a connu une croissance plus dynamique que l’ensemble des salariés du secteur privé sur la période 2013-2022 : son effectif a progressé de 23,0 % depuis 2013, contre 19,0 % pour la population salariée globale. Pour l’essentiel de ces recrutements, l’activité se fait donc en « présentiel », et implique de se déplacer quotidiennement à Monaco pour travailler. Faut-il alors compter sur les activités et les entreprises capables d’instaurer régulièrement du télétravail pour désengorger autant que se peut les accès vers Monaco ?

Faut-il inciter à la poursuite, voire au développement, du télétravail en principauté quand le nombre de salariés promet d’augmenter encore ? Alors que d’importants bouchons provoqués à l’aune des Masters de Monte-Carlo ont bloqué pendant plusieurs heures les principaux axes de Monaco les 8 et 9 avril 2023, les élus du Conseil national ont publiquement témoigné leur mécontentement

La solution du télétravail

Quand le télétravail est applicable en entreprise, difficile de mesurer réellement s’il est suffisamment utilisé à Monaco de manière structurelle. En décembre 2022, après plus de cinq ans de mise en œuvre, près de 200 employeurs du secteur privé assurent avoir recours au télétravail, contre une quinzaine au démarrage du dispositif en 2017, indique l’IMSEE. Ainsi, à la fin de l’année 2022, dans le secteur privé, 4 324 salariés pouvaient pratiquer le télétravail, ce qui ne signifie pas qu’ils le pratiquent pour autant. Ils restent cependant 24 fois plus nombreux à être concernés par cette forme d’organisation du travail dans leur entreprise qu’au premier trimestre 2017. La crise sanitaire s’étant estompée, reste à savoir si le recours au télétravail se poursuivra encore pour les années à venir. Le cap des 1 000 télétravailleurs avait été atteint en novembre 2019, pour ensuite atteindre les seuils des 2 000, puis 3 000, et 4 000 personnes entre janvier et novembre 2022, alors que la mesure d’urgence avait été prolongée à plusieurs reprises par le gouvernement monégasque. Faut-il inciter à la poursuite, voire au développement, du télétravail en principauté, quand le nombre de salariés promet d’augmenter encore ? Récemment encore, d’importants bouchons provoqués à l’aune des Masters de Monte-Carlo ont bloqué pendant plusieurs heures les principaux axes de Monaco les 8 et 9 avril 2023. Les élus du Conseil national ont publiquement témoigné leur mécontentement, et soumis des idées, pour désengorger la principauté en heures de pointe : utiliser le tunnel « descendant » dans le sens montant, et utiliser le boulevard du Larvotto à double sens notamment, pour limiter la congestion [à ce sujet, lire notre article Trains bondés, routes engorgées… Les premiers signaux d’alerte avant la pleine saison]. Au-delà des événements sportifs et culturels, l’engorgement des accès à Monaco reste une problématique qui cherche encore ses solutions. D’une certaine façon, la principauté est victime de son succès.