jeudi 28 mars 2024
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Covid-19 : Fermeture des salles de sport, entre inquiétude et incompréhension

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Fermées depuis une quinzaine de jours et sans garantie de réouverture en décembre, les salles de sport de Monaco souffrent.

Après avoir déjà dû tirer le rideau en mars, avril et mai 2020, certains s’inquiètent et redoutent des faillites.

Depuis le 1er novembre 2020 et la mise en place d’un couvre-feu à Monaco, les salles de sport de la principauté ont à nouveau fermé leurs portes. Comme lors du confinement qui s’est étalé du 17 mars au 4 mai 2020, les sportifs doivent donc se débrouiller autrement s’ils souhaitent continuer à pratiquer une activité physique. Interrogé par Monaco Hebdo, le gouvernement estime que « dans les salles de sport, et quelle que soit l’attention de leurs responsables, les pratiquants ne peuvent porter le masque, ils sont proches les uns des autres et respirent de manière plus intense du fait précisément de l’exercice physique. Ce sont autant de facteurs de risques. C’est au demeurant la raison pour laquelle lors de la levée progressive du confinement aux mois de mai et juin 2020 la réouverture des salles de sport avait été différée et prudente ». Du coup, la logique est restée la même lorsque la deuxième vague de Covid-19 s’est présentée, comme l’explique le département de la santé : « Ce sont ces mêmes considérations qui ont conduit les autorités de la principauté, comme l’ont fait celles des Etats voisins, à suspendre temporairement l’activité des salles de sport, compte tenu de la phase actuelle de circulation plus active du virus. »

© Photo Michael Alesi / Direction de la Communication

Comme beaucoup d’autres, le eClub Monaco propose des cours en ligne diffusés sur Internet pour leurs abonnés. Mais sur le plan comptable, cela ne permettra pas de compenser le manque à gagner

Cas par cas

Un point de vue que les professionnels ne comprennent pas toujours. « Je ne comprends absolument pas la décision qui a été prise. On sait déjà que le Covid-19 ne se transmet pas par la transpiration. On sait aussi que les foyers de contamination sont plutôt à rechercher du côté des réunions familiales, des universités et des restaurants », estime Hervé Adonto, patron du eClub Monaco, une salle historique ouverte en principauté en 1987. Puis, il balaie les arguments qui devraient, selon lui, permettre à sa salle de sport de rester ouverte : « Nous avons rouvert en juin 2020, j’ai en moyenne 300 adhérents tous les mois qui passent et nous n’avons pas eu la moindre contamination. Dans ma salle, je peux aérer, car j’ai des fenêtres sur toute la longueur de mon établissement. Selon le ministère des solidarités et de la santé français, il faut rester en face à face au moins 15 minutes  (1). Or, en musculation ou pendant les cours, on n’est pas statique. De plus, je dispose de machines contactées, donc on se déplace de machine en machine selon un circuit, ce qui permet de ne pas se croiser. » Le président de l’union des commerçants et artisans de Monaco (Ucam), Nicolas Matile-Narmino a, pour sa part, regretté que le gouvernement ne se soit pas déplacé dans chaque salle de sport de la principauté, afin de mettre en place des mesures au cas par cas (lire son interview dans Monaco Hebdo n° 1172) : « Il faut établir un nombre de pratiquants à ne pas dépasser par rapport au nombre de m2 dont dispose chaque salle de sport. A Monaco, on peut faire du cas par cas, et permettre aux dirigeants de salles de sport d’établir des plannings, avec des gens qui s’inscrivent par tranche horaire d’une heure. »

« Fragiles »

Ce n’est pourtant pas la stratégie retenue par le gouvernement, qui a donc choisi une fermeture généralisée à tous les établissements sportifs de la principauté. Ce qui déçoit les professionnels qui rappellent les efforts et les investissements déjà réalisés pour éviter les contaminations : « Chez nous, la distanciation sociale est respectée, tout comme les gestes barrières, et on nettoie les machines et le matériel avant et après utilisation. De plus, nous avons installé un système de réservation heure par heure pour limiter le nombre de personnes présentes. Mais on a jamais atteint les quotas. En étant ouvert de 6 heures du matin à 22 heures le monde se répartit très bien sur la journée. Seules les personnes âgées ou fragiles qui ont peur ne viennent plus », détaille Hervé Adonto. En attendant, toutes les salles de sport de Monaco ont dû fermer, que ce soit la salle municipale le Hercule Fitness Club, la salle et la piscine du Monte-Carlo Bay, ou celle des Thermes, notamment. Fatalistes, désormais les professionnels ont les yeux rivés sur leurs comptes qui ont plongé dans le rouge depuis le début de la pandémie de Covid-19. En France, le syndicat FranceActive-Fneapl, qui rassemble une dizaine d’enseignes, estime que 10 % des 4 500 salles de sport pourraient faire faillite dans les mois à venir. A Monaco, l’inquiétude commence aussi à se faire sentir. « Mon propriétaire a procédé à l’augmentation légale de mon loyer pendant la période du confinement, donc je paie désormais un loyer de 7 300 euros par mois. Mon loyer représente un peu moins de 30 % de mes charges. Economiquement, c’est catastrophique. Sur octobre et novembre 2020, j’ai perdu 80 % de mon chiffre d’affaires par rapport à octobre et novembre 2019. Après le premier confinement, on a touché 5 000 euros par mois. Ce qui ne couvre pas mon loyer, ni mes charges. Pour cette année 2020, je vais perdre 200 000 euros », raconte Hervé Adonto.

Hervé Adonto. Patron du eClub Monaco © Photo DR

« Il ne faudrait pas qu’en décembre 2020 on doive rester fermé. Ou que pendant notre meilleur mois, le mois de janvier 2021, juste après les fêtes, on subisse une troisième vague et qu’on fasse encore fermer les salles de sport. Sinon, on ne s’en sortira pas » Hervé Adonto. Patron du eClub Monaco

Cours en ligne

Le gouvernement (lire le point de vue du département des affaires sociales et de la santé), rappelle qu’il assumera à 100 % le chômage total temporaire renforcé (CTTR) et promet d’actionner « les aides prévues pour soutenir l’entreprise », tout en affirmant comprendre la « lassitude exprimée par certains » : « Mais il faut pouvoir le plus efficacement possible lutter contre la deuxième vague. Plus nous respecterons les protocoles sanitaires, plus vite nous pourrons retrouver une vie la plus normale possible. » L’exécutif compte donc maintenir le cap et, alors que Monaco Hebdo bouclait ce numéro le 10 novembre 2020, ne prévoyait pas de réouverture des salles de sport de la principauté dans les jours à venir. Ce qui préoccupe fortement du côté des professionnels. « Il ne faudrait pas qu’en décembre 2020 on doive rester fermé. Ou que pendant notre meilleur mois, le mois de janvier 2021, juste après les fêtes, on subisse une troisième vague et qu’on fasse encore fermer les salles de sport. Sinon, on ne s’en sortira pas », prévient le patron du eClub Monaco. Comme beaucoup d’autres, cette salle propose des cours en ligne diffusés sur Internet pour leurs abonnés. Mais sur le plan comptable, cela ne permettra pas de compenser le manque à gagner. En France, Neoness a lancé une plateforme vidéo, Neoness Live. Cette offre est facturée de 10 à 15 euros par mois, et environ 10 000 personnes se sont abonnées depuis mi-mars 2020. En principauté, ce n’est pas ce choix-là qui a été fait par Hervé Adonto : « Pour garder le contact avec nos abonnés, nous avons lancé des cours vidéo sur Zoom qui sont gratuits pour eux. Nous ne tirons donc pas de revenus de ces vidéos, c’est juste un service supplémentaire que nous offrons à nos abonnés, car nous estimons que nous ne devons pas les laisser tomber dans ces moments-là. J’espère que eux aussi ne nous laisseront pas tomber… » En tout cas, pour ce professionnel, la vidéo en ligne n’est pas l’avenir du sport : « Les gens préfèrent être dans une salle de gym physique. Car lorsqu’on est à la maison, on trouve toujours une bonne raison pour ne pas faire de sport. Faire la démarche de se déplacer pour aller jusqu’à la salle de gym, faire son cours et repartir chez soi, pour la régularité, c’est toujours mieux. » Mais pour cela, il faudra attendre la réouverture des salles de sport.

1) Santé publique France définit comme « contact à risque » toute personne « ayant eu un contact direct avec un cas, en face-à-face, à moins d’un mètre, quelle que soit la durée (ex. conversation, repas, flirt, accolades, embrassades) », précisant que « des personnes croisées dans l’espace public de manière fugace ne sont pas considérées comme des personnes-contacts à risque ».

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