jeudi 25 avril 2024
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Covid-19 : 259 millions d’euros de pertes pour Monaco

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Si la principauté n’a pas opté pour le confinement en 2021, et même si les activités économiques se sont maintenues sous conditions, le chiffre d’affaires de Monaco a tout de même fortement chuté du fait des contraintes sanitaires.

C’est ce que révèle le rapport consacré au premier trimestre 2021 de l’Institut monégasque de la statistique et des études économiques.

Le contexte reste inédit. L’Institut monégasque de la statistique et des études économiques (Imsee), tenait bien à le rappeler avant de publier son dernier rapport trimestriel qui, on l’imaginait bien, annoncerait peu de bonnes nouvelles. Le premier trimestre 2021 aura été, en effet, toujours aussi marqué par la pandémie de coronavirus. Au 31 mars 2021, le chiffre d’affaires de la principauté, hors activités financières et d’assurance, s’élevait à 3,22 milliards d’euros, ce qui correspond à un recul de 259 millions d’euros par rapport à 2020. Soit une chute de 7,4 % du chiffre d’affaires de Monaco. Parmi les grands secteurs d’activité, dits GSA, huit ont perdu du chiffre d’affaires. Mais, tout n’est pas perdu, puisque quatre secteurs ont vu progresser le leur au premier trimestre 2021. C’est le cas du commerce de détail, avec une hausse de 66 millions d’euros, ce qui s’explique principalement par l’augmentation du commerce automobile, des bijouteries et des galeries d’art. Même chose pour la fabrication de produits en caoutchouc et en plastique et de l’industrie pharmaceutique (+ 14 millions), peut-être en lien avec la production de gel hydroalcoolique. Le chiffre d’affaires du secteur de l’information et de la communication progresse également, mais plus modestement (+ 5 millions d’euros). Quant à la construction, son niveau reste stable (+ 0,1 %) mais sur un niveau de chiffre d’affaires historique pour un premier trimestre, à 464,5 millions d’euros, annonce l’Imsee. En revanche, les résultats sont bien plus moroses pour les activités scientifiques et techniques, ainsi que les services administratifs et de soutien, qui enregistrent conjointement la plus forte baisse du chiffre d’affaires en valeur, avec une perte affichée de 108 millions d’euros (- 16,2 %). Ce secteur est particulièrement pénalisé par le fort recul de celui des activités des agences de voyages explique l’Imsee, et de la location-bail de propriété intellectuelle. Les activités de marchands de biens et des agences immobilières, dans une moindre mesure, tirent quant à elles le secteur de l’immobilier vers le bas, avec une douloureuse perte de 96 millions de chiffre d’affaires (- 41,3 %). Fort recul également pour le commerce de gros, avec une perte de 78 millions d’euros (- 7,4 %), qui s’explique essentiellement par la dégringolade du marché des produits pétroliers. Le chiffre d’affaires du transport et de l’entreposage diminue également de 10 millions d’euros, mais de façon plus modérée (- 8,5 %) en raison de la baisse des services auxiliaires des transports. Enfin, les autres activités de services se limitent à une baisse de 3 millions de chiffre d’affaires (- 1,7 %) grâce aux bons résultats des activités sportives, récréatives et de loisirs.

L’hébergement et la restauration sont les secteurs les plus pénalisés par la crise, avec une baisse de plus de 41 % du nombre d’heures travaillées cumulé au premier trimestre 2021, par rapport à celui de 2020. Cette baisse correspond à plus d’un million d’heures perdues dans ce secteur

Près de 2000 emplois perdus

L’année 2020 s’était plutôt bien terminée pour l’emploi du secteur privé, qui prenait même une pente ascendante selon l’Imsee, avant de trébucher dès le mois de janvier 2021. Ainsi, entre le premier trimestre 2020 et le premier trimestre 2021, 2 064 emplois ont disparu à Monaco, soit une perte de 3,9 %. Pour rappel, le mois de mars 2020 avait été marqué par la mise en place du dispositif de chômage total temporaire renforcé (CTTR) et des mesures de confinement. C’est encore le secteur de l’hébergement et de la restauration qui subit la plus grosse perte du nombre d’emplois par rapport à l’année précédente, en valeur comme en volume, avec 1 737 emplois en moins (- 23,2 %). Le transport et l’entreposage suit derrière, avec une perte moins importante, de 153 emplois (- 7,5 %). Cependant, le secteur de la construction progresse de son côté, avec une augmentation de 249 emplois supplémentaires sur la période. Dans l’ensemble, le secteur privé compte 6 163 employeurs en mars 2021 selon l’Imsee, ce qui correspond à un résultat relativement stable par rapport à l’exercice 2020, avec 44 entités supplémentaires (+ 0,7 %).

« Les gens ont envie de voyager. On lève certaines restrictions, ce qui redonne envie de consommer. On amorce les prémices d’une meilleure saison touristique. » Sophie Vincent. Directrice de l’Imsee. © Photo Clément Martinet / Monaco Hebdo.

« Les entreprises tiennent le coup et résistent, et les aides du gouvernement ont l’air de fonctionner »

Sophie Vincent. Directrice de l’Imsee

Le CTTR limite encore la casse

Le recours au CTTR a toutefois sauvé 750 emplois, même si toutes les demandes n’ont pas été accordées par le gouvernement. Mis en place dès mars 2020 pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire sur l’économie et l’emploi, le CTTR a été prolongé jusqu’au 31 mars, puis jusqu’au 31 juillet 2021. Mais, à partir du 1er novembre 2020, seules les activités en forte tension, ou en tension, du fait de la perte de fréquentation ou la suppression d’événements, y étaient éligibles. De plus, précise l’Imsee, l’éligibilité du CTTR n’était possible que si l’employeur n’avait pas décidé de procéder à la fermeture de son établissement. Le CTTR s’est donc conditionné à la poursuite d’activité quand celle-ci n’était pas rendue interdite par décision ministérielle. Les activités financières et d’assurance, ainsi que l’administration, l’enseignement, la santé et l’action sociale sont des secteurs qui ont le moins fait appel au CTTR. En revanche, le secteur des activités de services reste le plus important avec 810 demandes sur les douze mois. Viennent ensuite les activités scientifiques et techniques, les services administratifs et de soutien (le premier secteur pourvoyeur d’emplois à Monaco, selon l’Imsee), avec 460 demandes accordées, suivies par la construction. En termes de répartition du CTTR, le secteur des activités de service reste celui qui a compté le plus d’employeurs ayant fait une demande du dispositif entre mars 2020 et mars 2021. Et plus de 40 % des salariés concernés par un chômage partiel ou total sur cette période relèvent du secteur de l’hébergement et restauration. Une proportion en hausse par rapport au trimestre précédent (+ 4,6 points par rapport à décembre 2020). Le CTTR a d’ailleurs concerné jusqu’à plus de 21 000 salariés du secteur privé au pic de la crise sanitaire, et moins de 4 500 personnes au minimum en août 2020. Après une sensible remontée au dernier trimestre 2020, le nombre de salariés bénéficiant du CTTR s’est stabilisé en 2021. En mars, il s’élève à environ 6 200 personnes encore concernées par le dispositif, toujours avec le secteur hébergement et restauration en tête.

Grosses pertes d’heures travaillées

Si la perte d’emplois a été atténuée grâce au CTTR, l’impact sur le nombre d’heures perdues est en revanche bien plus visible et instantané. À la fin du premier trimestre 2021 en effet, 800 000 heures de travail ont été perdues. Le nombre total d’heures travaillées dans le secteur privé, qui s’élève à plus de 20,6 millions en cumulé, est inférieur de 3,8 % au premier trimestre de 2020. Sans surprise, l’hébergement et la restauration sont les secteurs les plus pénalisés par la crise, avec une baisse de plus de 41 % du nombre d’heures travaillées cumulé au premier trimestre 2021, par rapport à celui de 2020. Cette baisse correspond à plus d’un million d’heures perdues dans ce secteur.

« Le second trimestre marquera certainement le redémarrage de l’activité. La clé de la reprise sera liée à une activité touristique, espérons-le, la plus soutenue possible, avec le retour des touristes et des grandes manifestations et congrès » 

Jean Castellini. Conseiller-ministre des finances et de l’économie

Les entreprises tiennent bon

Malgré ces mauvais chiffres, le nombre de radiations d’établissements, toutes catégories confondues est en léger recul, avec 118 radiations contre 130 au premier trimestre 2020 : « Cela montre que les entreprises tiennent le coup et résistent. Et que les aides du gouvernement ont l’air de fonctionner », commente Sophie Vincent, la directrice de l’Imsee. Le nombre de créations d’établissements diminue et s’établit à 188, contre 208 en 2020 à la même période (- 10,6 %).

Le commerce extérieur se redresse

Autre signe d’embellie, malgré la crise : le commerce extérieur de la principauté se redresse nettement par rapport au premier trimestre 2020. Il affiche un montant de plus de 625 millions d’euros, et le volume global des échanges, hors de France, progresse de 13,2 %. Les biens les plus échangés restent principalement les articles de joaillerie et bijouterie, ainsi que les instruments de musique, devant l’industrie automobile. Les livraisons vers l’Italie augmentent d’ailleurs de plus de 30 % et atteignent leur plus haut historique avec 43 millions d’euros sur le premier trimestre, grâce notamment à l’industrie de l’habillement. La hausse des exportations, plus marquée que celle des importations, réduit ainsi mécaniquement le déficit de la balance commerciale de 91 millions d’euros. Mais, malheureusement, le volume global des échanges reste très inférieur aux niveaux de 2018 et 2019, rappelle l’Imsee.

Les banques en bonne forme

L’évolution du montant des actifs des banques affiche une belle progression de 13 % sur les douze derniers mois. Le montant des crédits octroyés poursuit également sa progression (+5,5 %), alors que le montant des dépôts recule un peu (- 4 %). Ainsi, sur le premier trimestre 2021, une collecte de l’ordre de 1,3 milliard d’euros, conjuguée à l’impact positif des effets de marché et de change, permet d’afficher une augmentation de 4,9 % du montant des actifs sous gestion.

© Photo Clément Martinet / Monaco Hebdo.

Autre signe d’embellie, le commerce extérieur de la principauté se redresse nettement par rapport au premier trimestre 2020. Il affiche un montant de plus de 625 millions d’euros, et le volume global des échanges, hors de France, progresse de 13,2 %

Le tourisme attendu au tournant

À cause de la pandémie de Covid-19, les chiffres sont catastrophiques pour l’hôtellerie et les croisières. La durée moyenne de séjour a diminué de 10 % et 22 063 arrivées en moins ont été enregistrées par rapport à 2020. Pire, le nombre de chambres occupées a chuté de moitié. Mécaniquement, le taux d’occupation est tombé à 20,2 % ce trimestre, contre 38,2 % en 2020, et 52,3 % en 2019. Les taux d’occupation mensuels ont aussi nettement diminué en 2021 en janvier et février alors qu’ils étaient sur la même tendance les deux années précédentes, précise l’Imsee. En 2019, le mois de mars affichait un taux de près de 57 %, alors qu’il n’atteint pas les 20 % en 2020 et 2021. Enfin, les ports monégasques restant fermés depuis mars 2020 à cause de l’épidémie de Covid-19, les croisières ne sont pas prêtes de reprendre de sitôt. Ce n’est guère mieux pour le secteur des transports, alors que le trafic aérien est toujours en net recul avec une perte de 58,8 % des vols et de 70,7 % de passagers. Ce qui équivaut à 2 163 mouvements et 6 220 passagers en moins. Le nombre de passagers n’a jamais été aussi bas que cette année, selon l’Imsee. Malgré tout, les conseillers de gouvernement-ministres des finances et de l’économie, Jean Castellini, et des affaires sociales et de la santé, Didier Gamerdinger, se sont montrés optimistes quant à la reprise de l’activité économique de la principauté. « Il y a certes un recul de l’économie au premier trimestre, mais il y a lieu de rester positif, car elle s’est avérée à la fois résiliente et performante. Le second trimestre marquera certainement le redémarrage de l’activité. La clé de la reprise sera liée à une activité touristique, espérons-le, la plus soutenue possible, avec le retour des touristes et des grandes manifestations et congrès » a souligné Jean Castellini. Un positionnement également partagé par la directrice de l’Imsee, Sophie Vincent : « On va peut-être vers une amélioration. On connait la maladie, aujourd’hui on a des traitements, et la situation sanitaire semble contrôlée, alors que le taux d’incidence reste bas. On devrait aller vers une meilleure saison touristique. Les gens ont envie de voyager. On lève certaines restrictions, ce qui redonne envie de consommer. On amorce les prémices d’une meilleure saison touristique. »