vendredi 29 mars 2024
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TER : pour la Cour des comptes,
le service se « dégrade »

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Un rapport de la Cour des comptes épingle le service aux usagers sur les TER en France, ainsi que les coûts. La ligne Nice-Monaco-Vintimille n’est pas épargnée par les critiques. Explications.

Pour la Cour des comptes, il n’y a aucun doute. Dans un rapport rendu public le 23 octobre 2019, cette institution pointe du doigt une « dégradation continue de la qualité de service », et ce, même si les dépenses restent « élevées ». Globalement, l’état du réseau est mauvais, puisque SNCF Réseau, qui est propriétaire des voies et en assure leur entretien, indique que seulement 29 % des lignes régionales sont satisfaisantes. Un constat qui explique, en partie, quelques-uns des retards ou annulations de trains entre Nice, Monaco et Vintimille. Conséquence ou non, ce qui est sûr, c’est que le nombre de voyageurs empruntant les TER est en baisse : de 82 voyageurs par train en 2012, on est passé à 78 usagers en 2017. La Cour des comptes souligne que 285 gares en France accueillent moins de trois voyageurs par jour, et elle évoque aussi de « nombreux trains » circulant avec « moins de 10 voyageurs ». Mais pas question pour autant de fermer ces lignes ou ces gares peu fréquentées. « Pour assurer la desserte de territoires souvent isolés, plusieurs autres solutions sont envisageables : le plan de transport peut souvent être amélioré ; la ligne peut être gérée de façon plus économique par un exploitant autre que SNCF Mobilités ; des cars, minibus ou taxis, réguliers ou à la demande, peuvent remplacer certains trains. Pour effectuer ces choix, il est indispensable que les régions disposent d’une analyse économique, sociale et environnementale pour chacune de ces lignes régionales peu fréquentées », propose la Cour. Quant aux dépenses, elles sont abyssales. Pour couvrir à la fois l’exploitation, les coûts liés à l’environnement, les investissements et les retraites de ses salariés, cette activité nécessite « environ 8,5 milliards d’euros en 2017, soit un coût moyen par voyageur/kilomètre de 61 centimes d’euros : cela fait du TER le mode de transport le plus coûteux, à l’exception du taxi à un ou deux voyageurs ». Au final, la Cour note que 88 % des dépenses pour les TER sont assumées par des subventions publiques. Du coup, au final, les clients ne paient que 12 % de la note.

Sous-dimensionnement

En Paca, la situation n’est pas différente, bien au contraire. Comme le rappelle la Cour des comptes, il ne faut pas rêver, les « TER sont un service public qui ne peut être équilibré par les seules contributions des usagers en raison de coûts de structure très importants ». Du coup, en 2015, les usagers des TER Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) finançaient directement environ « un cinquième du coût du service qu’ils utilisent. Les 80 % restants provenaient de financements publics, essentiellement du subventionnement du conseil régional ». Si la qualité de service continue de se « dégrader » comme l’estime la Cour, c’est, selon elle, à cause du sous-dimensionnement du réseau ferroviaire. La chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) met aussi en avant les difficultés de maintenance du matériel roulant, « la taille des installations n’ayant pas suffisamment suivi l’évolution de la flotte ». Autre problème soulevé : l’absence « d’itinéraire bis » entre Marseille et Vintimille. Or, cette ligne est jugée « particulièrement saturée », avec plus de 180 trains qui l’empruntent chaque jour, que ce soit des TER, des TGV, des trains de fret ou des Thello. Enfin, si les infrastructures sont en train d’être modernisées, cet effort devrait se traduire par un volume important de travaux au moins jusqu’en 2021, ce qui représente 18 % du réseau, contre 7 % au niveau national. En revanche, les conséquences économiques liées aux dysfonctionnements des TER qui desservent chaque jour Monaco, et parfois de façon très chaotique, n’ont pas été chiffrées par la chambre régionale des comptes Paca : « La chambre a travaillé dans le cadre d’un plan de contrôle arrêté par la Cour des comptes au sein d’une enquête nationale et devait évaluer la politique de transports express régionaux. Ce contrôle n’abordait pas l’aménagement de la région dans son ensemble et l’attractivité de Monaco. » Ce qui n’empêche pas que l’impact est bien réel pour l’économie de la principauté.

Financements monégasques

Alors que l’Etat monégasque a financé l’achat de 5 rames de TER mises en service le 19 septembre 2008 pour un total de 50 millions d’euros, que peut faire de plus la principauté ? Si la chambre évoque la mise en place d’une « contractualisation entre la principauté monégasque et l’exploitant ferroviaire assurant la desserte de son territoire », elle estime aussi que « le versement de subventions d’investissements par Monaco à la SNCF, comme cela a pu se faire par le passé en matière d’achat de rames, soulève aujourd’hui, à l’approche de l’ouverture à la concurrence du secteur, un certain nombre de réserves, au regard des avantages que cela pourrait procurer à la SNCF par rapport à d’autres entreprises ferroviaires. » En décembre 2019 (lire Monaco Hebdo n° 1133), le gouvernement a annoncé en séance publique au Conseil national, qu’il allait injecter 11,5 millions d’euros pour améliorer la desserte des TER en gare de Monaco. Environ 3,5 millions seront investis pour moderniser les 5 rames TER achetées par la principauté, notamment pour assurer leur compatibilité avec le système européen de gestion du trafic ferroviaire. Ce qui permettra aussi de rendre possible la circulation de 6 trains par heure. Pour le reste, 8 millions par an seront payés par l’Etat monégasque pour améliorer la desserte des TER en principauté. Le ministre d’Etat, Serge Telle, a aussi indiqué qu’après une série de discussions avec la région Paca, « une convention portant sur les modalités de financement des TER sera signée avec SNCF Mobilités d’ici au printemps 2020 ». Depuis le 15 décembre 2019, une double rame de TER supplémentaire par sens circule aux heures de pointe. Sauf qu’avec les grèves liées à la réforme des retraites en France, on ne peut pas dire que l’effet s’est fait nettement ressentir… En tout cas, pour répondre à l’inquiétude de la « bonne utilisation » des financements de la principauté, le gouvernement monégasque sera destinataire d’un rapport annuel réalisé par le service TER et la région Sud. Un rapport dans lequel on retrouvera notamment le différentiel entre le nombre de TER espéré en gare de Monaco et le nombre de TER qui ont effectivement circulé, mais aussi l’évolution de la fréquentation et le nombre d’abonnés qui ont pour destination Monaco, ou qui en partent. Enfin, le gouvernement a aussi révélé qu’il s’était associé avec le département des Alpes-Maritimes pour intégrer dès septembre 2020 le Pass Sud Azur qui permet de circuler sur ces deux territoires, que ce soit en train, en tram ou en bus. Plus localement, un ticket unique, le One Ticket, devrait voir le jour en 2020 permettant d’utiliser indifféremment les bus, les vélos électriques, les parkings publics et le service d’auto partage Mobee.

Réponse

Plus globalement, pour améliorer la circulation des TER en France, la Cour préconise de rendre plus lisible le rôle des différents acteurs impliqués dans ce dossier, tout en autorisant les régions à devenir propriétaires des lignes dont elles assurent le financement. Il est aussi question de chercher à faire des économies, en diminuant les coûts liés à l’exploitation, « notamment en ajustant le niveau de présence d’agents en gare et à bord des trains au strict nécessaire ». De son côté, la SNCF ne nie pas le constat réalisé par la Cour des comptes pour la période 2012-2017. Pour se défendre, l’entreprise évoque le « vaste plan de transformation » initié en 2017, à partir duquel la « dynamique » se serait « accélérée » sur « tous les points soulevés par le rapport ». Du coup, la SNCF l’assure : la fréquentation des trains serait à la hausse, tout comme le niveau de satisfaction des usagers, et la régularité : « 30 % des trains en retard ont été remis à l’heure ». Dans la région sud, la régularité atteindrait « quasiment 90 % ». Dans sa réponse, la SNCF assure aussi que « TER a regagné plus de voyageurs que ceux perdus entre 2012 et 2016 » et que les coûts d’exploitation sont en baisse : « En deux ans, entre 2017 et aujourd’hui, le coût du voyageur-kilomètre, hors taxe sur les salaires, a baissé de 3,4 %, passant de 21,69 centimes d’euros à 20,96 centimes d’euros. » Rappelant que la SNCF s’est lancée dans un programme global de réduction des frais de structure, avec un « accent particulier sur l’activité TER à travers la mutualisation des fonctions support au niveau des directions régionales TER », la SNCF indique avoir dopé sa lutte anti-fraude car cela « constitue également un levier d’action déterminant pour augmenter les recettes ». D’après la SNCF, le taux de fraude serait passé de 11 % en 2016, à 9,2 % en 2018.

Combien coûte la desserte ferroviaire de Monaco ?

Pour répondre à cette question, la Chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) évoque un audit qui remonte à 2017, réalisé par la principauté et la région Paca. Ce document laisse apparaître les chiffres suivants :

• Le coût net total de cette desserte sur le périmètre étudié, c’est-à-dire entre Mandelieu-la-Napoule et Vintimille, déduction faite des recettes, s’élèverait à 58,8 millions d’euros en 2018.

• Le coût de ces circulations pour la région, en 2018, s’élèverait à 55,6 millions d’euros (en intégrant la compensation versée à la SNCF par la région et l’amortissement des matériels TER).

• Pour la principauté, les dépenses s’élèveraient à 3,2 millions d’euros en 2018, en intégrant l’amortissement des cinq rames financées par Monaco en 2006.

• En 2017, on dénombrait 780 abonnés domiciliés à Vintimille, donc a priori italiens pour la plupart, et ayant déclaré comme trajet privilégié Vintimille — Monaco. Selon l’exploitant, ceux-ci génèrent 400 000 euros de recettes directes par an. La région verse à la SNCF un montant de 710 000 euros pour compenser les pertes de recettes liées à ces 780 abonnements.

Face à ce constat, la Chambre régionale des comptes Paca estime « surprenant » que le contribuable Paca soit « mis à contribution pour subventionner des voyages profitant à des clients reliant directement des gares situées sur les territoires de deux Etats étrangers ». Du coup, cette institution invite le conseil régional à prendre « les mesures ad hoc pour se faire rembourser cette somme par les autorités concernées de la principauté et de l’Italie, dans le cadre des négociations en cours, ou à venir, avec lesdits Etats ». Mais ce n’est pas tout. Dans les recettes de la période 2012-2016, on trouve un versement annuel de 1,4 million d’euros, qui vient en déduction de la contribution de la région. Cet argent était versé par Rete ferroviaria italiana (RFI), qui est le gestionnaire du réseau ferroviaire national italien, pour l’utilisation de la ligne Vintimille-Monaco. Mais « depuis 2012, RFI ne verse plus cette compensation à la SNCF, dans la mesure où elle considère trop élevé le coût laissé à sa charge concernant cette ligne. RFI serait donc en attente d’une renégociation des accords conclus entre les gouvernements français et italiens », indique la Chambre régionale des comptes Paca.


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