dimanche 2 avril 2023
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Comment attirer plus de femmes vers la tech et la finance

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Alors que les femmes peinent encore à endosser des postes à responsabilités dans les secteurs de la tech et de la finance, le Monaco Women in Finance Institute (MWF) a organisé une conférence chez MonacoTech pour inciter au leadership et à l’engagement dans ces domaines.

Source de clichés, de fantasmes, et d’inepties, le rapport des femmes à l’argent est un sujet qui semble encore se heurter au plafond de verre de la démagogie. Ce sujet révèle pourtant des problématiques bien réelles, que ce soit en entreprise ou au travers de la vie personnelle : comment les femmes placent ou investissent leur argent ? Ont-elles une stratégie d’impact, social, ou environnemental ? Mais aussi, et surtout, sont-elles suffisamment formées aux métiers de la tech et de la finance, comparé aux hommes ? En écho à la journée internationale du droit des femmes, une conférence était organisée le lendemain, jeudi 9 mars 2023, par le Monaco Women in Finance Institute (MWF), dans les locaux de MonacoTech, sur le thème des « femmes dans le milieu de la tech et de la finance ». Deux univers encore trop modelés et imaginés pour les hommes, et par les hommes, comme l’a regretté Céline Cottalorda, déléguée interministérielle pour les droits des femmes, invitée pour introduire cet événement au féminin. Pendant les deux heures de conférence co-animée par Patricia Cressot, présidente de MWF, et Joana Foglia, fondatrice de Wealth Monaco et consultante finance durable auprès du conseiller-ministre de l’économie Jean Castellini, plusieurs idées ont été présentées pour tenter de faire avancer ce débat.

Monaco Women in Finance Institute Femmes
« En 2022, l’indice Wealth Equity, qui est l’indice d’équité de richesse développé en collaboration avec le World Economic Forum, a quantifié l’écart de richesse entre hommes et femmes au moment de la retraite, et il est sans appel : ce n’est qu’à l’âge de la retraite que le niveau de fortune des femmes rattrape celui des hommes, sans atteindre son équivalent, toutefois. » Samantha Avizou-Durante. Directrice exécutive et ambassadrice finance durable chez Julius Baer Monaco. © Photo Clément Martinet / Monaco Hebdo

«Ce n’est qu’à l’âge de la retraite que le niveau de fortune des femmes rattrape celui des hommes, sans atteindre son équivalent, toutefois. En moyenne les femmes atteignent 74 % de la richesse accumulée par les hommes, la différence entre tous les pays sondés allant de 60 % à 90 %»

Samantha Avizou-Durante. Directrice exécutive et ambassadrice finance durable chez Julius Baer Monaco

Encourager le mentorat

La fortune des femmes est différente de celle des hommes. Ce premier constat, posé par la première intervenante, Samantha Avizou-Durante, directrice exécutive et ambassadrice finance durable chez Julius Baer Monaco, ne sort pas de nulle part. En 2022, l’indice Wealth Equity, qui est l’indice d’équité de richesse développé en collaboration avec le World Economic Forum, a quantifié l’écart de richesse entre hommes et femmes au moment de la retraite. Et il est sans appel : ce n’est qu’à l’âge de la retraite que le niveau de fortune des femmes rattrape celui des hommes, sans atteindre son équivalent, toutefois. En moyenne les femmes atteignent 74 % de la richesse accumulée par les hommes, la différence entre tous les pays sondés allant de 60 % à 90 %. Pourtant, les choses évoluent. Selon une autre étude présentée par Samantha Avizou-Durante, cette fois du Boston Consulting Group, la fortune des femmes pourrait dépasser peu à peu celle des hommes à compter de 2023. Alors qu’elle représente 40 % de la fortune mondiale aujourd’hui, la fortune des femmes devrait croître de 7 % par an, alors que celle des hommes devrait progresser de 5,2 % par an. Les raisons sont multiples, mais deux ressortent davantage.

Il y a d’abord l’appel universel des Nations Unies en 2015 en faveur de l’égalité entre les sexes, par l’intermédiaire de son objectif de développement durable (ODD) numéro 5, qui reste une référence en la matière. Ensuite, l’adoption de la directive européenne baptisée « Woman on Boards », le 22 novembre 2022, qui entend augmenter la présence des femmes à la tête des grandes entreprises cotées en bourse dans l’Union européenne (UE) d’ici 2026, pèse aussi. Sous peine de sanctions dissuasives, notamment des amendes, 40 % des postes d’administrateurs non exécutifs devront ainsi être occupés par le sexe sous-représenté, le conseil d’administration d’une entreprise pouvant être dissous pour imposer cette directive. En conséquence, cette étude prévoit que le niveau de vie des femmes des pays sondés devrait naturellement croître. Mais ce n’est peut-être pas aussi simple. Selon Samantha Avizou-Durante, il faut aussi travailler sur les biais inconscients, qui brident la prise d’initiative, et encourage le mentorat, pour accompagner les plans de carrière des femmes qui aimeraient évoluer. Encore faut-il qu’elles osent.

« Les hommes ne rencontrent pas moins d’obstacles que les femmes, mais nous avons tendance à nous poser comme inférieures dans notre société moderne. Les problématiques, nous nous les créons nous-mêmes, la plupart du temps »

Charlotte Dubosc-Ebel. Vice-présidente et « investment solutions » à la CMB Monaco
Monaco Women in Finance Institute Femmes Charlotte Dubosc Ebel
Charlotte Dubosc-Ebel. Vice-présidente et « investment solutions » à la CMB Monaco. © Photo Clément Martinet / Monaco Hebdo

Oser entreprendre

Il existe encore des barrières mentales, et des freins personnels, qui empêchent des femmes à prétendre à des postes à responsabilités, plus rémunérateurs, ou à entreprendre en dehors du salariat. Charlotte Dubosc-Ebel vice-présidente et « investment solutions » à la CMB Monaco, est intervenue en ce sens, lors de cette conférence : « Les hommes ne rencontrent pas moins d’obstacles que les femmes, mais nous avons tendance à nous poser comme inférieures dans notre société moderne. Les problématiques, nous nous les créons nous-mêmes, la plupart du temps. » Selon elle, l’important consiste davantage à trouver des outils pour mieux favoriser l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle des femmes, plutôt que de se pencher sur des enjeux plus structurels, qui provoqueraient ces inégalités d’ordre financier. « Se cacher derrière l’idée qu’une femme ne pourra pas réussir car elle a des enfants, selon moi, c’est une fausse excuse. Si vous avez de l’ambition, il y a assez peu de limites, à part vous-même. Ce qui compte, c’est l’engagement, le travail, et la confiance en soi. » Comme le relève Charlotte Dubosc-Ebel, les femmes peinent encore à lever des fonds dans la tech. En 2021 en France, 88 % du montant levé par les start-up de ce secteur a été capté par des équipes fondatrices entièrement masculines. Si une manière de lire ce chiffre voudrait que les femmes soient boudées des investisseurs, une autre impliquerait plutôt que trop peu de femmes encore osent prendre le risque de l’aventure entrepreneuriale. D’où la nécessité de créer des ponts et des réseaux féminins pour accompagner l’initiative. Un club d’investisseurs au féminin devrait ainsi voir le jour courant 2023 via la CMB Monaco, sans en exclure les hommes, pour sensibiliser davantage à l’investissement et à l’éducation financière.

« Dans certaines familles, on brise des projets de carrière des femmes. On les incite à rejoindre des postes sécurisés et sécurisants pour pouvoir être disponible pour les enfants. On va les instruire dans l’esprit du temps partiel »

Laurence Vanin. Docteure en philosophie politique, et directrice de la Chaire Smart City à Sophia Antipolis

Comprendre l’effacement

S’il ne suffisait que de volonté, les choses seraient toutefois bien simples. Les inégalités financières entre hommes et femmes sont aussi le résultat de déséquilibres plus profonds, engendrés par toute une série de mécanismes conscients et inconscients dans les rapports entre les sexes. La troisième intervenante de cette conférence, Laurence Vanin, docteure en philosophie politique, et directrice de la chaire Smart City à Sophia Antipolis, s’est penchée à la fois sur les étapes qui amènent peu à peu à l’effacement des femmes dans leur carrière et sur la gestion de leur fortune : « Dans certaines familles, on brise des projets de carrière des femmes. On les incite à rejoindre des postes sécurisés et sécurisants pour pouvoir être disponible pour les enfants. On va les instruire dans l’esprit du temps partiel. Même les femmes le font aussi d’elles-mêmes : elles s’imposent des freins par leur affect, qui les empêche d’exister pour elles seules. » Cela se mesure aussi dans les livres d’Histoire et les récits rattachés aux grands penseurs. Ces oublis volontaires de femmes pionnières en tous domaines, on retient Platon (428 / 427 av. J.-C. – 348 / 347 av. J.-C.) et Aristote (384 av. J.-C. – 322 av. J.-C.), mais on oublie les pythagoriciennes et les épicuriennes. On prête à Sartre (1905-1980) la paternité de l’existentialisme, au détriment de Simone de Beauvoir (1908-1986) et on oublie que Marie Curie (1867-1934) n’a d’abord pu être écoutée qu’en sa qualité de « madame » Curie. « J’appelle ça la mauvaise foi de certains hommes, à laquelle succède la tyrannie, avec le patriarcat, puis la ligue contre les femmes, la ligue des irresponsables, qui rabaisse les femmes par des petites remarques, des petites boutades grivoises au quotidien, même quand ils n’y adhèrent pas vraiment eux-mêmes. » Il faut donc passer au-delà de ces étapes, selon Laurence Vanin, pour réussir dans la tech et dans la finance. « Mais il faut aussi qu’elles aient la finance pour faire de la finance », ajoute cette philosophe. Et rien de tel pour cela que de suivre sa vocation. À condition de s’y tenir.

Monaco Women in Finance Institute Femmes
Laurence Vanin. Docteure en philosophie politique, et directrice de la chaire Smart City à Sophia Antipolis. © Photo Clément Martinet / Monaco Hebdo

Entretenir ses ambitions

« À 4 ans, je voulais être médecin. C’était mon rêve absolu jusqu’à 18 ans, mais on m’a découragée. J’étais dans une famille matriarcale. Le rêve de ma mère était que je devienne mannequin, et mon père voulait que je sois femme au foyer. Il m’a même dit un jour, alors que j’étais mère de quatre enfants, qu’il ne paierait des études qu’aux garçons. Finalement, ce sont les deux filles qui ont fait des études. » Pascale Caron, quatrième intervenante de cette conférence, n’est peut-être pas devenue médecin, mais sa carrière est riche. Ingénieure informatique et marketing, forte de vingt ans d’expérience dans les technologies de l’information (IT), elle est aujourd’hui la patronne et fondatrice de Yunova, une entreprise spécialisée en innovation et en digitalisation pour le secteur de la santé. Preuve que l’on peut revenir à ses premières amours après une longue carrière dans un autre domaine. L’important, selon Pascale Caron, est de s’écouter, pour sa santé, et pour ses projets : « On peut avoir différentes vies dans la tech. On apprend toute notre vie. L’important consiste à toujours se remettre en question. Je vous encourage, mesdames, à faire attention à vous. »

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