jeudi 18 avril 2024
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Budget 2012 :
Priorité à la rentabilité

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Michel Roger Piccinini et Robillon en séance publique le 15 décembre
© Photo Conseil National.

Le budget primitif 2012 a été adopté en séance publique le 15 décembre. Les élus appellent le gouvernement à engager des investissements rentables pour Monaco.

En temps normal, les votes de budget sont animés dans l’hémicycle monégasque. Il n’en aura rien été le 15 décembre, pour le primitif 2012, expédié en 1h20 dans une ambiance feutrée. La présence de trois représentants de la presse française (Les Echos, Challenges, L’Expansion, voir encadré), en visite en principauté, a certainement dissuadé nombre d’élus de passionner leur motivation de vote. Le budget primitif 2012, qui s’élève à 833 millions d’euros, a donc été adopté. Cinq élus se sont abstenus de le voter?: Laurent Nouvion, Marc Burini, Christophe Steiner (Rassemblement & Enjeux), Christophe Spiliotis-Saquet (indépendant) et Michèle Dittlot (UNAM). Le président de la commission des Finances et de l’Economie nationale, Alexandre Bordero, s’est au préalable « félicité de la qualité des débats entre le conseil national et le gouvernement ». « En de nombreux points, le budget primitif 2012 fait preuve de sagesse. L’UDM partage pleinement les actions menées par les services de l’Etat pour revenir au plus vite à l’équilibre budgétaire. Pour y parvenir, actionner les leviers de l’optimisation des dépenses est aujourd’hui primordial. Nous en sommes tous convaincus à condition que notre modèle social ne soit pas mis en difficulté ». Ajoutant plus loin qu’aujourd’hui, « la priorité concerne la construction de bureaux et de surfaces commerciales rentables ». Même son de cloche du côté de Claude Cellario?: « L’UNAM considère qu’il faut diversifier les entreprises qui viennent s’installer en principauté et privilégier celles qui génèrent des recettes de TVA. Les investissements rentables doivent être notre priorité ». L’UNAM soutient également la politique du gouvernement « engagé sur le chemin vertueux de la maîtrise des dépenses ».

Pas de « Dysneyland pour riches »

L’UP s’est également prononcée en faveur du primitif 2012 tout en mettant en garde le gouvernement. « Au sein de l’UP la position est claire. Oui à des dépenses plus raisonnées, non à la rigueur, non à l’équilibre budgétaire érigé comme un dogme censé attirer les riches investisseurs de la planète. […] Mes compatriotes me le disent chaque jour, personne ne veut d’un Disneyland pour riches. Notre authenticité vient de notre mixité sociale », a indiqué sa présidente Anne Poyard-Vatrican.
Du côté de l’opposition, on s’est réjoui que « certaines propositions de R&E ont carrément été reprises par le gouvernement ». « Avec 60 millions d’euros de déficit prévu en 2012, c’est encore un budget en déséquilibre structurel que la majorité s’apprête une fois de plus à voter sans sourciller », a souligné Laurent Nouvion, leader de Rassemblement & Enjeux. « Cette majorité est divisée, se pose des questions, elle est obsédée par son propre avenir, tournée vers elle-même, ses propres fragilités, ses incohérences, tous les jours plus criantes. Nous, nous sommes tournés vers les monégasques, vers le progrès, vers l’avenir, vers le changement », a-t-il poursuivi, précisant qu’il n’avait jamais vu de « débats aussi faibles » depuis son élection en 2008. L’opposition s’est par ailleurs redite favorable au développement de partenariats public-privé. Elle s’est néanmoins abstenue de voter le budget — ce dernier étant cette année encore en déficit — tout comme Michèle Dittlot. L’élue UNAM a expliqué son vote en raison de son « mécontentement vis-à-vis du traitement infligé à la culture ».

Quand le conseil national se met au lobbying…
Pour sortir de l’image glamour ou sulfureuse de paradis fiscal qui colle à la peau de la Principauté, le conseil national a orchestré, le 15 décembre, une opération commando. Un voyage de presse a été organisé avec les journalistes de trois titres de la presse économique française « afin de mieux faire connaître les réalités monégasques ». Les journalistes ont ainsi rencontré le président de l’assemblée Jean-François Robillon, le ministre d’Etat Michel Roger, ainsi que les dirigeants des deux SBM de la place?: Tony Mace, Pdg de la Single Buoy Moorings et Jean-Louis Masurel, administrateur délégué de la Société des Bains de Mer. Résultat, Challenges en a tiré une interview de Jean-François Robillon expliquant « comment Monaco dope ses recettes fiscales en baissant les impôts ». Le président du conseil national y milite pour « en finir avec cette image de paradis fiscal. » Avec un argument de poids?: « 75 % des recettes de l’Etat viennent des impôts et taxes — le reste étant apporté par les monopoles. » Avant de s’insurger contre le fait que les Français de Monaco payent des impôts en France, « alors que ce n’est pas le cas lorsqu’ils vivent dans d’autres pays, comme la Belgique, par exemple. Est-ce juste?? Surtout si l’on considère qu’un Français installé à Monaco aura beaucoup d’occasions de multiplier les dépenses en France — dont les frontières ne se trouvent jamais à plus d’un kilomètre?! — ce qui est moins vrai s’il habite outre-Quiévrain. »

Alexandre Bordero
Alexandre Bordero © Photo Conseil National.

Non au tunnel, oui aux bureaux

Parmi la multitude de sujets abordés en séance publique, la semaine passée, celui du tunnel descendant a fait l’unanimité. Les élus préfèrent des bureaux mais s’inquiètent du partenariat public-privé.

Le tunnel descendant s’est incrusté dans les débats pour le budget primitif 2012 et personne, au sein de l’hémicycle monégasque, n’en voit le bout. Pis, le projet, dont les prémices remontent à 2007 et pour lequel le gouvernement a préparé une enveloppe de 100 millions d’euros, a fait l’unanimité contre lui. Douze voix contre et trois abstentions parmi les élus présents. Le tunnel descendant doit permettre de fluidifier la circulation dans Monaco en reliant le haut du boulevard du Jardin Exotique à Fontvieille. Le conseil national lui préfère la construction de centaines de bureaux. « Le tunnel ne fera que déplacer les problèmes sans les résoudre. La majorité émet des doutes sur cette opération et craint que le coût de 100 millions d’euros ne soit dépassé. Il est étonnant que le tunnel descendant soit prioritaire alors qu’il ne devrait pas amener de recettes à l’Etat. Nous serions certains du retour sur investissement de la construction de bureaux », a ainsi déclaré le président du conseil national, Jean-François Robillon. Le gouvernement a brandi de son côté « le risque de caducité » de la déclaration d’utilité publique. « Le tunnel ne fera pas renoncer aux bureaux », a répondu le ministre d’Etat Michel Roger. « Le gouvernement n’a pas eu une révélation et assume sa décision. Ce tunnel est un grand chantier qui va faire travailler des entreprises monégasques. En 2025, ce sont 63?000 véhicules qui sortiront de la Principauté contre 52?500 aujourd’hui. Je ne veux pas que dans vingt ans, nos successeurs nous en veulent d’avoir pris la mauvaise décision », a-t-il précisé.

Loi de désaffectation

« Il y a, vis-à-vis de ces bureaux, une forte attente de nos nationaux qui sont désireux de créer ou d’étendre leur entreprise. Le partenariat public-privé appelle à la plus grande prudence. L’Etat doit garder une part substantielle des bureaux qui seront construits », a estimé Claude Cellario, président de l’UNAM. Selon Michel Roger, « aucun contact n’a été pris avec des investisseurs pour la construction de bureaux ». « Le partenariat public-privé passera par le vote de la loi de désaffectation. C’est la meilleure garantie qui puisse être donnée aux élus pour que la priorité aille aux entrepreneurs monégasques », a-t-il spécifié. Plusieurs élus ont rappelé la nécessité que l’Etat garde la maîtrise d’une partie des constructions faisant l’objet d’un partenariat public-privé. L’élu UDM, Alexandre Bordero rappelait ainsi que le projet de Testimonio comportait une tour privée et une tour publique avant d’être abandonné. Quant à l’élu indépendant Philippe Clérissi, il a exhorté le gouvernement à accélérer le processus de la construction de bureaux et du centre commercial de Fontvieille. Il a également raillé l’affirmation du ministre d’Etat concernant le rôle des entreprises monégasques dans la réalisation du tunnel descendant. « Je cherche encore qui va percer le trou… »

Echos du conseil national

Usine d’incinération
Faut-il délocaliser ou non l’usine d’incinération des déchets de Fontvieille?? Le débat est revenu sur la table en séance publique. Michel Roger a affirmé que toutes les solutions restaient « à l’étude ». « C’est un sujet aussi important que l’hôpital. On a besoin d’une expertise pour prendre une décision. Il faut regarder quel est l’avantage d’une mutualisation des déchets avec la communauté urbaine de Nice dans une grande usine d’incinération. Nous aurons des éléments à l’été 2012 », a martelé le ministre d’Etat. L’élu Christophe Spiliotis-Saquet s’est montré partisan d’« une remise aux normes draconienne du site actuel » et a jugé « inenvisageable » l’idée que des camions remplis d’ordures monégasques puissent quitter le pays. « Le site dans le pays voisin serait aussi grand que le site actuel. S’il y a une grève des transporteurs, il n’y aura pas de ramassage des ordures. On se retrouvera avec des petits animaux qui courent partout », s’est-il exclamé, faisant référence aux rats. Bernard Marquet, conseiller UDM, a soulevé un autre problème?: « Quelle solution permettra de chauffer et refroidir Fontvieille dans le cas d’une délocalisation?? ». « Soit le gaz naturel, soit l’énergie électrique », a rétorqué Marie-Pierre Gramaglia, conseiller de gouvernement pour l’Equipement. La présidente de l’UP a remis le photovoltaïque sur le devant de la scène. Ce à quoi Marie-Pierre Gramaglia a répondu que l’ambassadeur de Monaco en Allemagne faisait actuellement une étude de marché sur le domaine.//A.P.

Usine d'incinération de la SMA
© Photo Monaco Hebdo.

Tabac
L’élu UDM, Jean-Charles Gardetto a vilipendé l’irrespect de la loi anti-tabac. Cette dernière ne serait, selon le conseiller, pas appliquée par tous les établissements de la Principauté. Jean-Charles Gardetto a dénoncé « le laxisme des services de l’Etat envers les récalcitrants ». Stéphane Valeri, le conseiller de gouvernement pour la Santé, a répondu que la loi était appliquée et que les amendes le seraient également pour les établissements qui ne la respecteraient pas. Sur le sujet, on retiendra aussi la sortie de Roland Marquet, autre élu de la majorité, qui a assimilé les fumeurs à des « toxicomanes », demandant une « obligation de soins » pour les personnes concernées.//A.P.

Pouvoir d’achat
Au 1er janvier 2012, le point d’indice des traitements et des retraites de la fonction publique sera revalorisé de 1,3 %. « 0,8 % pour atteindre le taux d’inflation de 2011 et 0,5 % pour anticiper l’inflation de 2012 », a détaillé le ministre d’Etat, Michel Roger, en séance publique.//A.P.

Fonction publique
Les fonctionnaires ont-ils un coup de blues?? C’est la question qu’a posée Jean-Charles Gardetto à propos du mal-être de fonctionnaires monégasques. « Ces troubles sont malheureusement en progression », a indiqué M. Gardetto avant de demander quels services étaient les plus touchés. Stéphane Valeri, conseiller de gouvernement pour la Santé, a refusé de « stigmatiser un service » mais a confirmé que le phénomène était palpable dans la Fonction publique. « Il y a en effet une évolution à la hausse des affections psychiatriques. On constate un plus grand nombre de congés longue durée », a-t-il indiqué. Dans le même temps, le projet de loi très attendu portant sur le statut des fonctionnaires a été déposé au conseil national.//A.P.

Fonds de réserve
Jean-François Robillon est revenu sur la suggestion d’une réflexion sur l’utilisation d’une partie des disponibilités du Fonds de réserve constitutionnel (FRC) comme d’une banque pour financer la construction d’investissements rentables. L’idée a été rejetée par le gouvernement. Le président de l’assemblée s’est dit « surpris de constater que le gouvernement propose, dans le même temps, au conseil national de voter un budget 2012 dont le déficit dit primaire serait aggravé par une provision de 40 millions d’euros destiné à thésauriser une partie des sommes nécessaires à la construction du nouvel hôpital ». « Cette constitution de provision revient donc, sans le dire, à faire supporter le financement du nouvel hôpital par le Fonds de réserve constitutionnel, équipement qui à mon sens ne sera pas ce qu’il y a de plus rentable », a poursuivi M. Robillon. Réponse de Michel Roger?: « Le gouvernement n’a pas écrit que plus jamais le FRC ne servirait à construire ou faire des investissements rentables. On ne peut pas comparer une avance de trésorerie et un investissement rentable ». Ce qui rouvre le débat sur les modalités du financement des investissements publics?? A suivre.//A.P.