mardi 16 avril 2024
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Vaccination obligatoire à Monaco : les raisons d’une loi, pour 18 mois

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À compter du 30 octobre 2021, la vaccination deviendra obligatoire pour une liste bien précise de personnes travaillant dans les établissements de soins et de santé. L’obligation portée par le projet de loi, voté le mardi 14 septembre 2021, sera applicable 18 mois. Trop ou pas assez selon certains, Monaco  Hebdo fait le point sur ce texte qui n’a pas fait l’unanimité au Conseil national.

Si tout le monde en principauté est fortement incité à se faire vacciner pour conserver un semblant de vie normale, l’obligation vaccinale, aux yeux de la loi cette fois, ne concernera, pour le moment, qu’une catégorie de personnes à Monaco, à compter du samedi 30 octobre 2021. La liste de personnels a en effet été précisée dans le projet de loi n°1043, qui a été voté au Conseil national mardi 14 septembre 2021 au soir, avec 15 votes « pour », 4 « contre », et 2 abstentions. Trois élus étaient absents. Ce n’était donc pas l’union sacrée, surtout que les abstentions et les votes « contre » sont venus de la majorité Priorité Monaco (Primo !), et pas de l’opposition [à ce sujet, lire notre article Ces élus qui n’approuvent pas la loi sur l’obligation vaccinale, publié dans ce numéro — NDLR].

La liste des concernés limitée

D’un point de vue légal, l’obligation vaccinale s’appliquera donc aux personnes travaillant dans les établissements de soins et de santé. Cela comprend, dans le détail, les personnels qui exercent dans un établissement ayant pour mission d’accueillir les personnes âgées d’au moins 60 ans, ainsi que des personnes dépendantes et handicapées. Également, les médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens et préparateurs en pharmacie, les auxiliaires médicaux, comme les kinésithérapeutes et orthophonistes, ainsi que les ostéopathes. Figurent aussi tout militaire du corps des sapeurs-pompiers, toute personne assurant une activité de transport sanitaire. Et, enfin, toute personne exerçant une activité d’aide à domicile auprès de personnes âgées d’au moins 60 ans, ou dépendantes et handicapées. Petite précision, toutefois : un intervenant extérieur qui n’exerce que ponctuellement dans l’un de ces établissements et qui, à cette occasion, ne côtoie pas les personnes qui y résident, ne sera pas tenu de se faire vacciner. Cette liste ne pourra pas être étendue à d’autres catégories socioprofessionnelles, comme l’ont promis à la fois le gouvernement et le Conseil national, lors du débat dans l’hémicycle, mardi 14 septembre 2021. « Toute modification de la liste passera par un projet de loi », a assuré le ministre d’État Pierre Dartout. Pour que cette liste soit modifiée, il faudra donc obligatoirement passer par un nouveau vote. Quant à savoir pourquoi cette obligation ne concerne que les professionnels des soins et de la santé, le président du Conseil national, Stéphane Valeri, a donné son avis lors de la séance : « Les personnes dont nous parlons ont, par la nature de leur activité, une obligation déontologique ou morale, de tout mettre en œuvre pour remplir cette mission de protection, et donc de se faire vacciner. Il s’agit de protéger les autres, et de se protéger soi-même, car le vaccin protège. Il protège dans des proportions qui peuvent, certes, faire l’objet de commentaires, mais qui ne peuvent pas faire l’objet d’une remise en question du principe médical de la vaccination contre le Covid-19, validé à l’appui de données statistiques éprouvées. » Cela signifie que cette liste de personnels, et seulement celle-ci, d’un point de vue juridique, se verra ainsi infliger un certain nombre de sanctions en cas de manquement et refus.

© Photo Manuel Vitali / Direction de la Communication

« Les personnes dont nous parlons ont, par la nature de leur activité, une obligation déontologique ou morale, de tout mettre en œuvre pour remplir cette mission de protection »

Stéphane Valeri. Président du Conseil national

Des sanctions aménageables

Ces sanctions pourront aller de la suspension jusqu’au licenciement pur et simple. Toutefois, le Conseil national a précisé que les personnes suspendues pourront encore bénéficier de la couverture maladie, des prestations familiales, des avantages sociaux, et des allocations pour elles et leurs proches. La suspension générera également des congés payés, sous réserve que la personne réintègre son poste avant douze semaines de suspension. L’idée étant d’éviter qu’un employé ne perçoive pas de rémunération, mais demeure rattaché à l’entreprise, sans possibilité de retrouver un travail. De son côté, l’employeur évite la contrainte de devoir recruter une personne qui, à tout moment, pourrait solliciter sa réintégration au sein de l’effectif. Car en effet, Stéphane Valeri l’a également rappelé : « Une fois les mesures levées, la réembauche des personnes concernées [par un licenciement ou une suspension — NDLR], à cause de leur choix, sera prioritaire. » Le texte de loi prévoit également de permettre aux personnes concernées, qui ont refusé de se faire vacciner, de tout de même percevoir un revenu de substitution et de rechercher un nouvel emploi qui ne serait pas soumis à l’obligation vaccinale. C’est pourquoi la loi prévoit aussi la prise en charge par l’État des conséquences financières de ces mesures. Le licenciement pouvant apparaître moins préjudiciable, pour certains, que le maintien en suspension sans rémunération, le texte amendé propose ainsi d’encadrer cette possibilité, en la rendant acceptable également pour l’employeur, par la prise en charge, par l’État, sous certaines conditions, de la moitié de la rémunération. Le texte permet ainsi, sauf si la personne s’y oppose, de procéder à son licenciement, afin que celle-ci puisse, d’une part, percevoir des indemnités chômage et, d’autre part, rechercher un nouvel emploi. Ce licenciement interviendra après un délai minimum de quatre semaines, prononcé par l’employeur en raison de l’incapacité du salarié à occuper le poste de travail, et non pas de l’inaptitude, qui doit être médicalement constatée. « Nous voulions éviter toute intervention trop abrupte à l’encontre de ceux qui refuseraient le vaccin, il ne s’agit pas de les stigmatiser ou de les sanctionner, a expliqué le conseiller-ministre de la santé et des affaires sociales Didier Gamerdinger, mardi devant l’hémicycle. Attention au repli individualiste : notre vraie force s’appuie sur la solidarité. Le modèle social monégasque en est l’expression. » Les réfractaires qui souhaiteraient finalement se faire vacciner disposeront aussi d’un délai supplémentaire pour obtenir un schéma vaccinal complet : « S’ils peuvent justifier d’une première dose à l’entrée en vigueur de la loi, ils ne feront pas l’objet de sanction, dans le délai médical prévu pour la seconde dose », explique Stéphane Valeri.

Les personnes suspendues pourront encore bénéficier de la couverture maladie, des prestations familiales, des avantages sociaux, et des allocations pour elles et leurs proches

L’exception de la contre-indication médicale

En ce qui concerne les personnes qui ne peuvent pas se faire vacciner, pour raisons médicales, l’obligation n’entrera pas en compte. Le principe de maintien en poste a en effet été retenu par la loi, accompagné d’un renforcement des gestes barrières, sans exclure la possibilité de solliciter un reclassement si celui-ci est possible. Il fallait en effet éviter de sanctionner injustement les personnes justifiant d’une contre-indication médicale à la vaccination contre la Covid-19 du fait de leur état de santé. Cette exception sera également valable pour les personnes exerçant une profession libérale médicale ou paramédicale. En cas de contre-indication médicale à la vaccination, elles pourront continuer à exercer, mais elles auront l’obligation de le faire savoir à leurs patients, pour assurer leur libre choix. « Ces personnes sont déjà privées de l’accès au vaccin qui protège, nous ne pouvions envisager en plus de leur infliger une sanction professionnelle », note Stéphane Valeri. La loi sera applicable 18 mois, à compter du 30 octobre 2021 et pourra même être abrogée avant cette date, suivie de la suppression des mesures réglementaires. Pour prolonger cette loi et ses mesures, il faudrait ainsi passer par un nouveau vote au Conseil national. À l’origine, le gouvernement princier n’avait pas fixé de délai et conditionnait l’application de la loi à l’évolution du contexte sanitaire. Le Conseil national a donc souhaité figer ce délai maximal au sein de la loi. « Nous avons été guidés par des considérations humaines, sociales et pragmatiques, dans l’étude des dispositifs, pour assouplir autant que possible les conséquences de cette loi, a conclu Stéphane Valeri. Cette crise a généré une succession de moments humainement difficiles, durant lesquels nous avons dû, chacun à notre place, assumer nos responsabilités, dans la solidarité et la poursuite d’un objectif prioritaire, protéger les autres et en finir avec cette pandémie. » Un avis partagé par le ministre d’État Pierre Dartout : « Nous devons reprendre une vie normale. Se battre pour retrouver nos libertés, c’est se battre pour préserver celles des autres. C’est un combat que nous avons à mener en commun, et ce projet de loi s’intègre dans ce combat. Il vise à protéger les personnes les plus vulnérables, celles les plus exposées aux formes graves. » Mais le combat n’est pas suffisant aux yeux de tous. Dans l’opposition, l’élu Union Monégasque (UM), Jean-Louis Grinda, juge qu’il faudrait faire plus encore, tout en apportant son vote positif au projet de loi. Cet élu demande en effet au gouvernement « d’assumer ses choix politiques » par « l’extension du passe sanitaire en principauté, et non l’extension de l’obligation vaccinale. » Le tout, selon lui, pour inspirer davantage de confiance en principauté : « Notre pays a capitalisé, avec raison, sur le label “Monaco Safe”, gage de sécurité pour nos visiteurs. Aujourd’hui, l’absence de passe sanitaire pour les personnels travaillant dans des établissements recevant du public, appelés communément les ERP, est un manque dommageable qui satisfait sans doute une minorité, mais risque de nous faire perdre à terme nos clients et nos visiteurs, plus enclins, par exemple, à organiser leurs congrès dans un environnement différent. » Avant de conclure par cette formule : « La démocratie, c’est le respect des minorités. »

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