vendredi 19 avril 2024
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« Le tourisme de demain sera encore plus écologique »

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Refusant d’opposer tourisme haut de gamme et tourisme de masse, les élus de la majorité Priorité Monaco (Primo !), Corinne Bertani et Balthazar Seydoux (1)(2), estiment que Monaco doit avant tout penser à se tourner vers un tourisme plus écolo. Interview.

Depuis le début de la pandémie de Covid-19, le tourisme de masse s’est effondré : du coup, Monaco doit-il davantage miser sur un tourisme très haut de gamme ?

Balthazar Seydoux : Il me semble que vous mettez en opposition deux typologies de clientèle, qui sont complémentaires. En effet, nous avons d’un côté, une clientèle qui séjourne à Monaco. Celle que vous qualifiez de « haut de gamme », mais qui est surtout celle qui occupe nos chambres d’hôtels. Cette clientèle va, en temps normal, du congressiste qui loge dans un trois étoiles, au client qui loue la suite la plus chère dans un hôtel de luxe. De l’autre côté, nous avons une clientèle « à la journée », qui reste à Monaco quelques heures, cette clientèle que vous appelez « de masse », mais qui inclut autant des personnes séjournant autour de Monaco que, par exemple, des croisiéristes. Les attentes de ces clientèles sont différentes et complémentaires. Et l’intérêt de Monaco est de préserver une offre pour les deux.

Les boutiques de souvenirs du Rocher souffrent énormément depuis le début de la crise sanitaire : est-ce le signe qu’il faut changer d’activité pour ces boutiques ?

Corinne Bertani : Toute l’activité commerciale du Rocher souffre depuis presque un an. Les boutiques de souvenirs, les snacks et les restaurants sont très impactés par l’absence de touristes et croisiéristes. Au sein de la Commission d’accompagnement de la relance économique (Care), Balthazar Seydoux et moi-même soutenons les demandes légitimes de l’ensemble des commerçants du Rocher qui font appel à l’aide de l’Etat. Bien sûr, cette zone touristique, avec ses nombreux atouts, comme la quotidienne relève de la garde, la cathédrale, les jardins Saint Martin et le musée océanographique, doit se préparer à la reprise, même si elle n’est pas encore d’actualité. Le tourisme de loisirs devrait reprendre.

Vraiment ?

C.B. : Les gens sont prêts à voyager à nouveau, dès que possible, pour visiter des lieux d’exception, comme Monaco. Concernant une éventuelle transformation des activités présentes sur le Rocher, l’heure n’est pas vraiment à des investissements lourds pour les professionnels de la place. Mais cela n’empêche pas d’envisager une diversification pour l’avenir, si cela est leur souhait. Il faudrait en effet réfléchir à des positionnements qui permettent une activité à l’année sur le Rocher, et pas uniquement en haute saison.

Le secteur du Rocher pourrait-il devenir une deuxième “place du Casino” avec de nouvelles boutiques de luxe, complémentaires de celles déjà installées en principauté ?

C.B. : La façon dont le Rocher pourrait évoluer dans l’avenir est principalement entre les mains de celles et ceux qui auront un projet commercial, une idée, un concept, et surtout une appréciation juste du potentiel économique de leur projet. La plupart des commerces sont privés, et c’est aux entrepreneurs qu’il revient d’innover en la matière. Mais je doute que la vocation du Rocher soit d’accueillir des activités de grand luxe.

Balthazar Seydoux © Photo Conseil National.

« Il nous faut continuer à attirer à la fois une clientèle haut de gamme, voire très haut de gamme, et des visiteurs à la journée qui font vivre nos commerces, mais également constituent une part du cœur vivant de la principauté, notamment en été »

Pour électrifier le port Hercule, il faudrait investir environ 10 millions d’euros et réaliser 3 à 5 ans de travaux : cet investissement est-il nécessaire pour attirer une clientèle haut de gamme, plus soucieuse d’un tourisme durable ?

B.S. : L’électrification des ports de Monaco est une évolution en cours. Le pays s’est engagé à la neutralité carbone à l’horizon 2050, et l’activité nautique ne fait pas exception à la règle. Ce n’est pas seulement un investissement destiné à une clientèle haut de gamme, mais également une partie de l’engagement du pays vers un modèle durable.

Monaco a déjà l’image d’une destination “chère” : si les prix sont élevés, la qualité doit donc l’être aussi, et de façon systématique ?

C.B. : Certes, l’image de Monaco est associée à celle du luxe, et donc d’une destination « chère ». Pourtant, si l’on se compare à nos principaux concurrents, Paris, Londres, ou Cannes, par exemple, nous sommes très compétitifs. Nous avons une offre hôtelière qui va d’une étoile à 5 étoiles « luxe », de la restauration pour toutes les bourses. Et, si nous disposons de la plupart des enseignes de luxe, nous avons aussi des boutiques abordables. De plus, Monaco a un fonctionnement saisonnier, et les prix, notamment dans les hôtels, sont adaptés à la demande. Ils sont donc plus bas l’hiver que l’été. La destination propose des activités très « exclusives ». Mais, là encore, il est possible d’assister à un ballet, à un concert, à un opéra ou de visiter des musées avec des tarifs plus que raisonnables.

Et concernant la qualité ?

C.B. : Concernant la qualité, Monaco, ses professionnels du tourisme et ses commerçants recherchent toujours l’excellence. Là encore, si l’on se compare à des destinations avec une offre « haut de gamme », Monaco n’a pas à rougir de la qualité des prestations offertes aux touristes qui viennent chez nous. Ajoutez à cela un environnement superbe, une sécurité très élevée, une destination qui fonctionne aussi bien pour la famille, les couples, les voyages d’affaires et les congrès, et vous avez une recette qui fonctionne très bien depuis plus de 150 ans.

Désormais, quel serait le bon “mix” de clientèle qui vient consommer à Monaco ? 

B.S. : Comme je le disais au début de cet entretien, il nous faut continuer à attirer à la fois une clientèle haut de gamme, voire très haut de gamme, et des visiteurs à la journée qui font vivre nos commerces, mais également constituent une part du cœur vivant de la principauté, notamment en été.

Comment le tourisme, qu’il soit de luxe ou non, peut-il être compatible avec l’écologie et l’urgence climatique ?

C.B. : Les professionnels du tourisme ont compris que le virage écologique doit être pris. Depuis plusieurs années, les hôtels, restaurants ou encore le Grimaldi Forum, ont transformé leurs établissements et leurs services pour un modèle plus responsable, plus durable. L’industrie du tourisme s’adapte. Comme tous les secteurs, elle sait que la clientèle demande un respect de l’environnement : des infrastructures durables, des menus avec des produits de saison, locaux, voire bio, et des espaces propres. L’engagement du prince souverain en faveur de l’écologie donne à Monaco une image forte et une crédibilité en ce domaine.

Et les croisiéristes ?

C.B. : Les croisiéristes, également, sont tout à fait conscients du challenge de la croisière « moins polluante ». Cela fait des années qu’ils travaillent sur des projets de bateaux plus « propres », et des procédures pour préserver la planète. Ils en connaissent l’enjeu et travaillent pour s’adapter au mode de vacances de demain. Le tourisme de demain sera encore plus écologique. Pas uniquement parce que c’est le bon choix d’avenir pour Monaco, mais plus simplement parce que ce sera une exigence de plus en plus forte de la clientèle.

Le chiffre d’affaires du tourisme peut-il réellement augmenter encore, ou est-ce qu’un plafond de verre a été atteint ?

B.S. : Effectivement, 2020 et 2021 ne sont définitivement pas de bonnes années, pour répondre à cette question. Notre offre continue d’évoluer, de s’améliorer : l’hôtel de Paris vient d’être refait de fond en comble, le One Monte-Carlo est sorti de terre il y a peu, les secteurs du Portier et du Larvotto sont également complètement rénovés. L’ensemble de ces investissements ne sert pas qu’à conforter une clientèle qui est déjà là, mais bel et bien à aussi en attirer une nouvelle. Nous devons continuellement nous adapter. Et ces adaptations sont de nature à attirer de nouveaux clients.

À quoi ressemblera le tourisme post-Covid à Monaco ?

B.S. : Il est encore impossible d’anticiper la forme que prendra la reprise et le temps nécessaire à celle-ci. Nous sommes encore au cœur de la crise. Et, pour le moment, tous les acteurs du tourisme monégasque s’adaptent à la situation au jour le jour.

1) Corinne Bertani est élue au Conseil national, en charge des questions liées au commerce. Balthazar Seydoux est président de la commission des finances et de l’économie nationale du Conseil national.

2) Interrogés par Monaco Hebdo, les élus Horizon Monaco (HM), Béatrice Fresko-Rolfo et Jacques Rit, n’ont pas répondu à nos questions avant le bouclage de ce numéro, le 2 mars 2021.

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