vendredi 29 mars 2024
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Taxis-VTC
La discorde

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Depuis le 1er janvier, Monaco impose aux VTC et taxis étrangers l’achat d’une vignette et le respect de règles strictes pour travailler en Principauté. Avec la montée en puissance de start-up comme Uber (1), les taxis monégasques restent vigilants.

Par Raphaël Brun

 

« Je déteste le socialisme et la régulation » a lancé à nos collègues de Capital le cofondateur d’Uber, Travis Kalanick. Cette application disponible sur smartphones connait un énorme succès. Avec un système très simple : proposer de réserver une limousine via Uber X ou un chauffeur occasionnel dans son propre véhicule grâce à UberPop. Avec le succès vient la contestation. Dans le monde entier, des chauffeurs de taxis protestent contre cette entreprise en dénonçant une « concurrence déloyale. » Parce que le VTC est un transporteur plus ou moins haut de gamme, sauf que, contrairement au taxi, le chauffeur n’est pas obligé d’acheter une licence pour exercer son métier.

 

40 milliards

Ce qui n’empêche pas Travis Kalanick qui possède 10 % d’Uber, d’accumuler les réussites en compagnie de l’autre cofondateur et ami, Garrett Camp. Les deux hommes ont lancé leur entreprise en 2010 à San Francisco, avant de couvrir assez vite les Etats-Unis, puis de s’attaquer au reste du monde fin 2011. Uber est désormais présent dans 250 villes. En France et à Monaco, l’appli aurait été téléchargée environ 500 000 fois. Une fois enregistrés, les chauffeurs doivent reverser une commission de 20 % sur chaque course, mais ils restent indépendants et sans lien juridique avec Uber. En août 2013, la valeur d’Uber tournait autour de 1,3 milliard de dollars. En juin 2014, après une nouvelle levée de fonds, la valorisation passait à 17 milliards. Et en décembre dernier, après l’arrivée de nouveaux investisseurs dans le capital, sa valeur est passée à 40 milliards. L’an dernier, le chiffre d’affaires frôlait 1,5 milliard de dollars pour un résultat net de 300 millions.

 

Sauvages

Paris, fin 2011. Uber est lancé. Plusieurs déclinaisons du service sont proposées. UberBlack et son chauffeur professionnel à bord d’une berline ou d’un van. Ou encore UberX, moins cher, moins chic mais « fiable » promet Uber. Selon l’AFP, il y avait 55 000 taxis et 10 000 VTC en France. A Monaco, on compte 89 taxis et l’Association Monégasque des Professionnels de la Grande Remise (AMPGR) regroupe 16 entreprises qui affichent une flotte de 100 véhicules de luxe avec « autant » de chauffeurs professionnels. Or, en Principauté, le marché n’est pas extensible. Plus le nombre d’acteurs augmente et plus le chiffre d’affaires de chacun baisse. Voilà pourquoi les 89 taxis monégasques sont protégés. En effet, à Monaco, un client doit théoriquement solliciter un taxi monégasque. A l’exception du client venu à Monaco dans un taxi étranger, qui est alors autorisé à repartir avec ce même taxi dans un délai maximum de 8 heures. Ce qui n’empêche pas quelques taxis étrangers de faire quelques courses sauvages en Principauté. Quitte à s’exposer à des poursuites.

 

Explosion

« Les VTC viennent charger des clients en Principauté sans reverser la moindre TVA à Monaco. De plus, ils travaillent avec certains concierges de la Principauté qui leur envoient des clients. Quant à leurs tarifs, ils les font un peu à la carte… Ils peuvent casser les prix ou afficher des prix astronomiques. Pour nous, c’est une gangrène », s’indigne le président de l’association des exploitants de taxis indépendants de Monaco (AETIM), Jérémy Bottin (voir son interview par ailleurs). Du coup, le gouvernement a décidé d’obliger les VTC étrangers à payer une vignette. De 1 800 euros par an, elle a finalement été ramenée à 900 euros par an. Autre obligation : faire une déclaration préalable de course. Avec un délai de 2 heures avant la prise en charge entre le 1er mai et le 31 octobre. Et de 4 heures entre le 1er novembre et le 30 avril. En septembre dernier, le conseiller aux finances, Jean Castellini (voir son interview par ailleurs), a justifié cette mesure par l’explosion du nombre de VTC en France : « 3 824 contre 413 en 2010. Dont 660 dans les Alpes-Maritimes. » Si les professionnels du collectif des VTC français réclament « un accord territorial » au gouvernement monégasque (voir leur interview par ailleurs), les élus du Conseil national apprécient la position prise par le gouvernement monégasque.

 

UberPop

Une agitation qui n’a pas empêché Uber de dégainer un nouveau service, où les chauffeurs sont de simples particuliers : UberPop. « Vous conduisez votre voiture durant votre temps libre, vous emmenez les utilisateurs de votre ville à leur destination, et vous gagnez de l’argent pour chaque trajet », résume UberPop sur son site qui permet de mettre en relation des automobilistes non professionnels et des passagers potentiels. Seules conditions : avoir une voiture de moins de 10 ans, être âgé de plus de 21 ans, avoir le permis B depuis un an au moins, présenter un casier judiciaire vierge et une assurance à son nom et valide bien sûr. Déclaré illégal par la loi Thévenoud qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2015, UberPop est désormais dans le collimateur de la justice. En France, le procureur de la République aurait reçu plus de 30 dossiers portant sur ces particuliers exerçant une activité de chauffeur de taxi UberPop, selon Le Monde. Condamné en France à 100 000 euros d’amende par le tribunal correctionnel, Uber a fait appel. Et Travis Kalanick jure que son entreprise pourrait créer 50 000 emplois en Europe en 2015. L’Angleterre, les Pays-Bas, l’Inde ou l’Allemagne ont aussi condamné Uber. Mais Kalanick n’est pas du genre à renoncer si facilement.

 

« Arbitre »

Illégal en France, UberPop doit aussi l’être à Monaco, estime Jérémy Bottin : « Les gens qui font du UberPop sont parfois des retraités qui cherchent à améliorer leur retraite. Ce que je peux comprendre. Mais nous, on fait comment pour améliorer notre retraite ? » Au Conseil national, l’élu de la majorité Horizon Monaco (HM), Claude Boisson, se dit contre UberPop, là encore pour « concurrence déloyale. » Son collègue HM, Thierry Poyet, est plus dubitatif : « Est-il vraiment possible d’interdire UberPop, du fait d’internet et de la liberté qu’il engendre ? Il faut remettre à plat toutes les règles du jeu : les taxis et les VTC monégasques, en tenant compte des demandes des clients. Dès que les règles du jeu sont fixées et qu’un « arbitre » les fait respecter, il n’y a pas lieu de s’inquiéter. » L’élu Union Monégasque (UM), Jean-Louis Grinda, parle aussi de « concurrence déloyale. » Avant d’ajouter : « Dans une ville-Etat où le tourisme est si important, nous devons considérer le service des taxis comme un service public avec toutes les contraintes inhérentes : astreintes, contrôles… Mais aussi avec toutes les protections correspondantes. Imagine-t-on un service de bus privé et occasionnel se substituant à la Compagnie des Autobus de Monaco (CAM) ? » Pas vraiment la tasse de thé de Travis Kalanick qui a clairement exposé sa position à Capital : « La désobéissance civile est nécessaire pour défendre les bonnes causes. » Ça promet.

 

Taxis, Uber… Qui peut faire quoi ?

Taxis

• Signalétique lumineuse obligatoire

• Réservation (internet, téléphone…) ou dans la rue (main levée, bornes…)

• Disposent de voies de circulation qui leur sont réservées

• Tarif non forfaitaire (kilométrique + prise en charge) et forfait pour l’aéroport de Nice (90 euros)

• Concerne les 89 professionnels qui possèdent une licence monégasque (les taxis étrangers sont soumis à des règles contraignantes sur le territoire monégasque)

 VTC

(véhicule de tourisme avec chauffeur)

• Pas de signalétique lumineuse

• Réservation obligatoire (internet, téléphone)

• Interdiction de prendre des clients dans la rue s’ils n’ont pas réservé en amont

• Tarif forfaitaire (donné dès la prise en charge du client)

• Concerne les entreprises de chauffeurs privées, comme Uber, Allocab, SnapCar…

 Co-voiturage

• Pas de signalétique lumineuse : tout automobiliste peut se lancer dans cette activité en utilisant sa propre voiture

• Réservation obligatoire (internet, téléphone)

• Tarif : participation aux frais

• Concerne des entreprises comme UberPop, IDVroom, BlablaCar…

 

« Les professionnels monégasques ont fait part de leur crainte »

Le conseiller pour les finances et l’économie, Jean Castellini, explique pourquoi une vignette payante a été créée pour les VTC et les taxis étrangers.

Propos recueillis par Raphaël Brun

 

Comment a évolué le nombre de taxis à Monaco ?

Le nombre de licences de taxis est passé de 75 en 2002 à 90 depuis 2012 jusqu’à aujourd’hui. Sur les 90 licences, 89 sont attribuées.

Le nombre de stations de taxi est suffisant ?

A la mi 2014, la Direction de l’Aménagement Urbain (DAU) a piloté un groupe de travail composé de la Direction de l’Expansion Economique (DEE), de la Direction de la Sûreté Publique (DSP), du Service des Titres de Circulation (STC) et de l’Association des Exploitants de Taxis Indépendants de Monaco (AETIM). L’objectif était de faire un état des lieux des zones de stationnement réservées aux taxis, au nombre de 41 places réparties sur 12 zones, ainsi que la validation de création de nouvelles zones.

Des décisions ont été prises ?

A ce jour, suite à des travaux sur les zones existantes exécutés par la DAU, le nombre de places disponibles est porté à 49, dont la création de deux nouvelles zones réservées aux taxis.

Où sont ces nouvelles zones ?

Ces nouvelles zones sont situées sur le boulevard Albert II, au droit du parvis du Stade, avec 2 emplacements. Deux autres emplacements ont été installés sur le boulevard Princesse Charlotte, sur la voie amont, au début de la voie de bus du Pont Sainte Dévote. Le nombre total de zones réservées aux taxis est donc à ce jour de 14.

Difficile de faire plus ?

Les études établies pour la création d’une zone située dans le quartier Le Rocher et sur la place des Moulins, n’ont pas permis de proposer un emplacement.

Comment faire alors ?

La DAU va implanter 20 bornes spécifiques d’appel « taxi » sur le territoire de la Principauté dans le courant de l’année 2015. Ce qui permettra à l’usager de demander un taxi sur des sites ne pouvant accueillir des zones de stationnement.

Vous êtes favorable à la création de sociétés de taxis ?

Cette activité est réglementée par l’ordonnance souveraine n° 1720 du 4 juillet 2008 relative à la réglementation des taxis, des véhicules de remises et des véhicules de service de ville et ne prévoit pas la création de société de taxis.

Le partage d’une licence de taxi à plusieurs pour permettre à un véhicule de fonctionner 24h sur 24, c’est une bonne idée ?

Le gouvernement a souhaité mettre en place des licences saisonnières, sans en limiter le nombre. Mais les professionnels ne souhaitent pas partager leur véhicule.

Combien de licences de taxis peuvent être vendues ?

Sur 90 licences, 50 sont non cessibles et 40 sont cessibles (voir notre tableau, par ailleurs).

Comment obtenir une licence non cessible ?

L’attribution d’une licence de taxi non cessible est soumise à un appel à candidatures au Journal de Monaco dès que celle-ci est vacante lors de la cessation d’activité d’un artisan taxi ou de la création d’une nouvelle licence. Les candidats doivent satisfaire à un certain nombre de critères. Notamment un niveau correct à l’oral en anglais et en italien, au regard de la clientèle cosmopolite de la Principauté.

A Monaco, les embouteillages entraînent une hausse du prix de la course ?

Les tarifs sont réglementés et réajustés annuellement. Tout en tenant compte de l’évolution de l’économie et, bien entendu, des tarifs pratiqués en France, eux même publiés par arrêté préfectoral. L’objectif, c’est d’éviter une trop grande disparité de service entre les deux pays.

Quel système de réservation est utilisé aujourd’hui ?

Le système utilisé aujourd’hui est développé par la SARL Art of Move. Ils ont remporté l’appel d’offres lancé par le gouvernement en 2014. Un standard téléphonique a été installé à Monaco.

Comment protéger les taxis monégasques de la concurrence sauvage ?

Tous les policiers connaissent la réglementation en vigueur et sont à même de la faire appliquer. Le tout, sous la supervision d’un fonctionnaire de police affecté plus précisément au contrôle général du transport de personnes.

Sous quelles conditions un taxi étranger peut travailler à Monaco ?

Actuellement, l’ordonnance souveraine n° 1720 du 4 juillet 2008 relative à la réglementation des taxis, des véhicules de remise et des véhicules de service de ville, stipule que « le transport de personnes et de leurs bagages pris en charge sur le territoire de la Principauté peut être effectué par des taxis étrangers ou des véhicules étrangers dont les exploitants ont préalablement été autorisés par la Direction de la Sûreté Publique. Cette mention de cette autorisation doit être apposée dans l’habitacle du véhicule et visible de l’extérieur. »

Quelles limites fixe cette loi ?

L’article 46 de cette loi précise qu’« un taxi étranger peut transporter à Monaco des personnes et leurs bagages pris en charge à l’extérieur du territoire national et se tenir à la disposition de la clientèle pour une durée qui ne saurait excéder six heures. De même, un taxi étranger ayant déposé à Monaco des personnes et leurs bagages peut revenir dans la Principauté aux fins de ramener cette clientèle à l’extérieur à la condition que cette prise en charge s’effectue dans un délai d’au plus six heures à compter du dépôt. Ce délai ne s’applique pas au transport de personnes qui nécessitent des soins médicaux sur le territoire national. »

Pourquoi avoir imposé une vignette à 900 euros par an aux transporteurs étrangers ?

Après de nombreux échanges avec le collectif français, le gouvernement a présenté des dispositions d’aménagement de la réglementation devant permettre de répondre aux préoccupations des professionnels monégasques, tout en prenant en compte certaines demandes du collectif.

Vous avez ressenti une véritable inquiétude de la part des taxis monégasques ?

Face à une augmentation significative du nombre d’entreprises étrangères en concurrence directe avec les professionnels monégasques, ces derniers ont fait part de leur crainte quant à la viabilité de leur profession au regard de cette concurrence.

Votre réaction ?

Afin d’encadrer au mieux la prise en charge sur Monaco par des professionnels étrangers, et d’identifier les véhicules étrangers autorisés à charger des clients en Principauté, l’Association des Exploitants de Taxis Indépendants de Monaco et de l’Association Monégasque des Professionnels de la Grande Remise ont demandé au gouvernement l’instauration d’une vignette. Cette vignette est payante. De plus, elle est assortie d’une obligation préalable de déclaration de course, avec un délai de prise en charge significatif.

 

Taxis monégasques : évolution des prix de 2008 à 2014

 

2008 :

Prise en charge jour 5,25 euros

Prise en charge nuit 5,50 euros

Forfait aéroport 82,50 euros de 1 à 4 personnes tout compris

 

2011 :

Prise en charge jour 5,40 euros

Prise en charge nuit 5,65 euros

Forfait aéroport 87 euros

 

2012 :

Prise en charge jour 5,55 euros

Prise en charge nuit 5,85 euros

Forfait aéroport 90 euros

 

2014 :

Prise en charge jour 5,55 euros

Prise en charge nuit 5,85 euros

Forfait aéroport 90 euros

Source : Gouvernement de Monaco.

 

« Les VTC sont une gangrène »

Jérémy Bottin, 41 ans, président de l’association des exploitants de taxis indépendants de Monaco, s’inquiète de la concurrence des VTC et d’UberPop.

A la demande de l’interviewé, cette interview a été relue et modifiée par ses soins. Propos recueillis par Raphaël Brun

 

Quels problèmes posent les VTC à Monaco ?

Les VTC viennent charger des clients en Principauté sans reverser la moindre TVA à Monaco. De plus, ils travaillent avec certains concierges de la Principauté qui leur envoient des clients. Quant à leurs tarifs, ils les font un peu à la carte… Ils peuvent casser les prix ou afficher des prix astronomiques. Pour nous, c’est une gangrène.

A ce point ?

Que des VTC amènent des clients à Monaco depuis la France ou l’Italie et qu’ils les récupèrent ensuite pour les ramener à leur point de départ ne me pose aucun problème. Ils peuvent attendre en Principauté deux heures l’été et quatre heures l’hiver pour ramener leurs clients à leur point de départ.

A quand remonte ce problème avec les VTC ?

En 2010, on en parlait déjà… Mais année après année, ce problème s’accentue. Le pire c’est pendant le Grand Prix et le festival de Cannes : là, les VTC chargent des clients en Principauté sans aucune autorisation. Ce n’est pas juste.

Pourquoi ?

Parce que nous, on est obligé d’obtenir un examen. Et certains d’entre nous investissent beaucoup d’argent pour avoir leur licence de taxi.

On parle de 800 000 euros pour une licence à Monaco ?

En Principauté, la licence est très chère. Mais des reventes de licence autour de 800 000 euros, c’est possible, oui. Attention : on a aussi des frais. Pour les Monégasques, la licence nous est prêtée. Lorsqu’on arrête, on la rend au gouvernement.

Quels sont les principaux frais ?

Déjà, on est seul. Ensuite, il faut acheter un véhicule de qualité et en assurer l’entretien. La voiture doit être écologique puisqu’elle ne doit pas dépasser 169 pour le taux de CO2. On la change tous les deux ou trois ans. Et à Monaco, impossible d’acheter une Dacia…

Vous aimeriez pouvoir vendre votre licence ?

Oui. Mais ce n’est pas à l’ordre du jour. Car nos retraites sont faibles. Par exemple, si je cotise pendant 25 ans, je toucherai seulement 700 euros de retraite.

On parle d’un chiffre d’affaires d’environ 7 000 euros/mois pour un chauffeur de taxi à Monaco ?

Je ne peux pas vous dire avec précision. Ça dépend de beaucoup de facteurs. Si pendant l’été votre voiture tombe en panne, votre chiffre d’affaires tombe à zéro. Pour 89 taxis en Principauté, notre association possède deux véhicules que l’on propose de louer 20 centimes du kilomètre en cas de panne. De plus, il faut savoir que pendant l’hiver, il m’arrive de faire 3 courses par jour, ce qui peut faire 30 euros… Et le samedi soir, quand un client ivre vomit dans votre taxi, la soirée est perdue. Parfois, la journée du lendemain aussi…

89 taxis c’est suffisant ?

L’été c’est insuffisant et l’hiver, c’est trop.

La solution, c’est plusieurs chauffeurs sur un seul véhicule qui tournerait 24h/24 ?

Ils ont déjà essayé en France mais ça n’a pas marché. Si je suis le propriétaire du taxi et que je le loue à un autre chauffeur qui travaille la nuit par exemple et qu’il me casse la voiture, je fais quoi ? Ça immobilise deux chauffeurs.

Que faire alors ?

On teste quelques solutions. Par exemple, on souhaite que chaque taxi postule au minimum à 250 courses par mois et par véhicule de mai à fin octobre. Le week-end on assurera une astreinte à 10 ou 15 taxis au minimum, 24h/24, sur chaque tranche horaire.

Que risque un taxi monégasque s’il ne respecte pas cette directive ?

On a demandé à ce qu’il y ait des sanctions. Mais si un taxi refuse une course, il perd automatiquement un client. Et un peu de sa crédibilité. 99 % des taxis monégasques sont des gens bien. Mais on souhaite que le gouvernement sanctionne ceux qui ne jouent pas le jeu.

Les contrôles sont suffisant pour empêcher les taxis étrangers de charger des clients à Monaco sans autorisation ?

Pour le contrôle des VTC, je salue le bon travail fait par la sûreté publique. Mais on pourrait faire mieux. Le problème, c’est qu’il est difficile de vraiment savoir qui fait quoi.

Pourquoi ?

Parce que si un VTC se fait contrôler, il peut toujours dire qu’il emmène des amis à Monaco. Comme les VTC sont des véhicules sans signe distinctif, ça complique la tâche de la sûreté publique. En fait, ça rend presque leur travail impossible.

Pour vous protéger, le gouvernement a mis en place une vignette annuelle à 1 800 euros pour les transporteurs étrangers ?

L’idée est bonne. Mais suite à une série de réunions, le prix de cette vignette est déjà passé de 1 800 à 900 euros par an. Elle aurait dû être lancée en juillet mais elle est en place depuis le 1er janvier. On espère que le prix de cette vignette dissuadera quelques VTC. Même si 75 euros par mois, c’est bien peu…

En fait, vous voulez éliminer toute forme de concurrence ?

Pas du tout ! On souhaite juste que le client ait un choix clair et transparent. Taxis, limousines, VTC… Avec des prix affichés. Notamment chez les concierges. On en a discuté avec le gouvernement et avec certains directeurs d’hôtels qui sont pour.

UberPop est illégal en France depuis le 1er janvier, mais Monaco pourrait ne pas être épargné ?

Il faut aussi interdire UberPop en Principauté. Les gens qui font du UberPop sont parfois des retraités qui cherchent à améliorer leur retraite. Ce que je peux comprendre. Mais nous, on fait comment pour améliorer notre retraite ?

UberPop vous inquiète plus que les VTC ?

Pour le moment, on n’a pas trop vu de chauffeurs UberPop à Monaco. Mais les clients qui font appel à Uber ne savent pas trop sur qui ils vont tomber, ni sur quel véhicule. Nous, on a passé des examens. On est des professionnels, avec des voitures de qualité.

Mais les VTC sont moins chers !

Le prix n’est pas vraiment vécu comme un problème à Monaco. Car nos clients préfèrent souvent payer plus cher que pour un VTC et s’assurer d’un service de qualité.

Votre profession se mobilise contre les VTC ?

Au mois de mai 2014, les taxis monégasques sont allés manifester en solidarité avec nos collègues des Alpes-Maritimes contre les VTC. Mais il y a des choses que je ne comprend pas.

Lesquelles ?

Je ne comprends pas que certains services de l’Etat fassent appel à des VTC français pour se déplacer. Pourquoi ne pas faire travailler des entreprises monégasques ? Surtout de la part de l’Etat…

Le nouveau système de réservation de taxis est plus performant ?

Le nouveau système est fourni par l’entreprise AOM, avec un central à Monaco qui fonctionne très bien. Même si le système qui a été lancé en avril 2014, pendant les Masters de tennis de Monte-Carlo, n’est pas encore tout à fait rôdé.

Comment ça marche ?

C’est une tablette tactile qui a présenté quelques bugs. De plus le GPS ne marche pas toujours très bien à cause notamment des immeubles. Du coup, on a perdu quelques clients. Et donc de l’argent.

Qui paie ce système AOM ?

Le gouvernement assure les frais de notre système d’appels. Toujours pour les transports, l’Etat subventionne la Compagnie des Autobus de Monaco (CAM) ou Héli Air par exemple.

Quels dossiers restent en suspens ?

Sans être décisionnaire, on aimerait avoir un droit de regard sur les postulants à notre métier. Car notre profession fait beaucoup d’effort.

On va encore dire que votre profession se plaint tout le temps…

Ce n’est pas vrai. On fait le maximum pour satisfaire tout le monde. Et j’invite les membres du gouvernement et les élus du Conseil national à venir passer une journée ou une nuit avec nous afin de mieux percevoir les réalités de notre métier et sa pénibilité.

Les tarifs vous conviennent ?

On aimerait pouvoir proposer des tarifs précis à nos clients pour chaque destination. Parce que lorsqu’un client entre dans nos taxis, la première question qu’il pose c’est : « Combien ça coûte ? » Pour faire Monaco-aéroport de Nice, c’est 90 euros. Il faudrait des tarifs pré-définis pour Cannes ou Sanremo par exemple. Parce que les clients ont besoin de savoir le prix  avant de faire la course.

Vous êtes pour la création de sociétés de taxis ?

Je suis contre. A Monaco, chaque taxi est un travailleur indépendant. Ça a toujours été comme ça. Il faut responsabiliser tout le monde.

 

UberPop : une trentaine de chauffeurs arrêtés

UberPop est proposé par des particuliers qui travaillent avec leur propre véhicule. Ils ne sont pas salariés d’Uber qui prélève tout de même le prix des courses pour en reverser 75 % aux chauffeurs. Pour exercice illégal de la profession de taxi, les chauffeurs UberPop risquent jusqu’à un an de prison, 15 000 euros d’amende, une suspension de cinq ans du permis de conduire et la confiscation de leur voiture. UberPop a été déclaré illégal par la loi Thévenoud en France. Depuis le 1er janvier, une trentaine de chauffeurs UberPop ont été arrêtés.

« Se protéger de cette invasion déloyale »

 

Franck Lusigani et Serge Pactus, président et secrétaire général de l’association monégasque des professionnels de la grande remise [1], estiment que la mise en place d’une vignette payante est indispensable.

Propos recueillis par Aymeric Brégoin

 

Il y a un vrai problème avec les VTC étrangers ?

Aujourd’hui, avec l’étiquette VTC, on ne sait plus qui fait quoi. Pouvoir obtenir ce statut en trois clics sur internet a diminué les valeurs des entreprises de la grande remise. Les nouveaux arrivants ont cassé les tarifs. Sur la Côte d’Azur, plusieurs centaines d’entreprise ont été créées en quelques mois. À Monaco, on a le devoir de se protéger de cette invasion déloyale.

Pourquoi « déloyale » ?

Monaco est un territoire riche et envié du monde entier. On veut que les étrangers aient les même prérogatives que les nôtres. Or, il est facile de prendre une autorisation dans une commune limitrophe et de venir ensuite travailler en Principauté. La concurrence, c’est très bien pour le business. Mais il faut que les transporteurs étrangers aient des tarifs qui correspondent aux nôtres.

C’est du protectionnisme ?

C’est une précaution qui demande à tout le monde de respecter des critères d’éthique et de propreté commerciale. Il est tout à fait logique que Monaco sache quelles sont les entreprises qui viennent chercher des clients sur notre territoire.

La vignette, c’est la solution idéale ?

Avec les taxis monégasques, nous avons demandé au gouvernement un moyen de freiner cette invasion. Ça se matérialise par une vignette. C’est une dépense qu’une entreprise étrangère doit faire à Monaco. Mais à notre sens, elle n’est pas assez significative. Elle est rentabilisée en trois courses par mois. Pourquoi acheter une licence monégasque alors que depuis les communes limitrophes, on peut faire le même travail pour 900 euros par an ?

Les taxis azuréens sont des concurrents ?

Nous avons d’excellents rapports avec eux. Il n’y a pas de concurrence. D’ailleurs, nous sommes contre le fait que dans la loi, les taxis et les VTC soient considérés de la même manière. On aurait préféré que les taxis soient désolidarisés du texte. Et que ceux de Nice ou de Cannes n’aient pas à payer cette vignette. Car elle est dissuasive vis-à-vis des taxis des communes limitrophes, qui représentent une menace plus réelle. Mais cette vignette est inutile pour les taxis des autres communes.

Mais vous ne payez rien lorsque vous allez en France !

Nos démarches de prises en charge partent presque toujours de Monaco. Nous n’avons pas besoin d’aller ailleurs. A part à l’aéroport de Nice, que l’on considère comme une zone indépendante qui appartient à tout le monde. D’ailleurs, on paie un droit de stationnement pour y récupérer nos clients.

Et Uber ?

Aujourd’hui, ce n’est pas une menace à Monaco. Mais le principe d’Uber, c’est n’importe quoi ! A l’origine, Uber autorisait des privés à faire du transport en complément de leur travail, comme du covoiturage. Or c’est du taxi, avec des réservations, un standard téléphonique… Mais ils sont sans qualifications. Et qu’en est-il des assurances et de la responsabilité civile ? Si demain on a ça à Monaco, on peut mettre la clé sous la porte.

 

(1) À Monaco, l’Association Monégasque des Professionnels de la Grande Remise (AMPGR) regroupe une vingtaine d’entreprises, pour un parc d’une centaine de véhicules de luxe et emploie environ 150 chauffeurs professionnels.

 

VTC : « Nous voulons un accord territorial »

Même si le prix de la vignette obligatoire pour les VTC et les taxis étrangers a été ramené de 1 800 à 900 euros par an, le gouvernement monégasque reste ferme sur ce dossier. Le collectif des Transporteurs de Voyageurs de la Côte d’Azur dénonce « une taxe supplémentaire » et souhaite continuer à négocier.

Par Aymeric Brégoin

 

Pour entrer en Principauté, il faut payer. Le 1er janvier 2015, le gouvernement monégasque a confirmé l’obligation pour tous les Véhicules de Transport avec Chauffeur (VTC) et les taxis étrangers de s’acquitter d’une vignette annuelle pour pouvoir prendre en charge leurs clients à Monaco. Son coût : 900 euros, au lieu des 1 800 euros initialement prévus par la loi du 1er juillet 2014. Une loi qui a provoqué la colère des quelque 500 entreprises azuréennes de VTC — soit une flotte de près de 3 000 véhicules — et qui les a même poussés à se fédérer au sein d’un collectif.

 

Pare-brise

Ce sont surtout les contraintes qu’elle impose que dénonce le collectif des Transporteurs de Voyageurs de la Côte d’Azur (TVCA). Les VTC devaient déjà envoyer une déclaration de prise en charge auprès de la Sûreté publique monégasque et recevaient en retour une vignette à apposer sur le pare-brise du véhicule. Une procédure administrative lourde, mais à laquelle les VTC se pliaient. Maintenant, elles doivent s’annoncer plus de quatre heures auparavant (1). Et surtout ne pas rester plus de huit heures consécutives sur le territoire monégasque. « Inacceptable » pour le collectif, qui mène depuis six mois des négociations avec le gouvernement monégasque.

 

« Taxe »

Julie Casuccio, porte-parole du collectif, est la directrice générale de Tour Azur, l’une des plus grandes entreprises de VTC azuréenne. Même à 900 euros la vignette, soit 75 euros par mois, si elle devait équiper sa quinzaine de véhicules, l’opération ne serait pas rentable pour elle, loin de là. « On n’a pas autant de clients à chercher sur Monaco », explique cette dirigeante, en dénonçant ce qu’elle considère comme « une taxe supplémentaire. »

 

Délai

Avec l’instauration d’un délai pour la déclaration de prise en charge des clients, « nous perdons toute flexibilité. Car il arrive que les clients changent leur emploi du temps, même si c’est rare. Un client du Samsung Forum a avancé au matin son vol initialement prévu le soir. Avec le délai de quatre heures imposé, le chauffeur n’a pas pu aller le chercher… », raconte la porte-parole. Mêmes doléances concernant les huit heures de présence maximale sur le territoire monégasque. « Si j’amène un client à un dîner, je vais l’attendre. Mais s’il décide à la dernière minute d’aller jouer au casino, je dépasse le délai. Et je ne peux plus le récupérer », explique encore le collectif.

 

« Protectionniste »

Le collectif évoque aussi un manque de réciprocité et estiment que les transporteurs monégasques peuvent entrer et sortir librement sur le territoire français. C’est cette « politique protectionniste » qu’ils ne comprennent pas. Pour eux, ils ne font en aucun cas de l’ombre aux transporteurs de la Principauté : « On ne démarche pas. On s’occupe des clients de nos agences. » Pas question d’aller braconner sur les terres monégasques, se défend ce collectif.

 

Côte d’Azur

Autre argument avancé par le collectif TVCA, cette vignette nuirait à l’attractivité de la Côte d’Azur : « Un même client peut aller à Cannes, Saint-Tropez ou à Monaco. Sauf qu’on nous empêche de s’occuper de clients français qui veulent consommer en Principauté ! Et si on ne peut pas les amener à Monaco, même s’il ne s’agit que d’une destination parmi d’autres, on perd des marchés sur toute la Côte d’Azur », lance Julie Casuccio. Avec son fort attrait touristique, ses nombreux congrès et sa clientèle de luxe, « Monaco a besoin des VTC azuréens. Car les transporteurs monégasques ne peuvent gérer à eux seuls tous les flux de personnes ».

 

Négociations

« C’est une atteinte à la liberté de circulation pour nous, pour le client et une atteinte au commerce ! », avance le collectif. Si les VTC se disent « contraints et forcés » de payer la vignette, ils ont l’espoir que les négociations puissent reprendre. Le 12 février, le collectif a adressé un courrier à Jean Castellini, conseiller pour les finances et l’économie, en lui demandant de revoir sa position. En expliquant qu’il accepte le principe d’une vignette « à moindre coût », tout en réclamant la suppression du délai pour la déclaration préalable et la limitation de présence.

 

Manifestations

Le collectif prône « un accord territorial » pour tous les transporteurs azuréens. « Un aménagement particulier pour les entreprises de Monaco et de la région », expliquent les transporteurs azuréens. En attendant une réponse, ce collectif se prépare à l’action : des manifestations pourraient avoir lieu, comme en juillet dernier devant la préfecture des Alpes-Maritimes ou en septembre à l’entrée de la Principauté. « On ne lâchera rien », promettent-ils.

 

(1) Les VTC doivent remplir une déclaration préalable de course auprès de la Sûreté publique de Monaco au moins quatre heures avant la prise en charge des clients du 1er novembre au 30 avril, et deux heures du 1er mai au 31 octobre en indiquant : le nom de l’entreprise, le modèle, la couleur et l’immatriculation du véhicule, l’heure et le lieu de prise en charge, l’identité et le nombre de clients, le donneur d’ordre (agence de voyage) et enfin le nom du chauffeur avec ses permis et déclarations en règle.

 

VTC et taxis : quelles différences ?

Dans la loi monégasque, aucune distinction n’est faite entre taxis et VTC. C’est ce qui dérange le plus le collectif. « Il s’agit de deux métiers différents. Nous sommes issus de la Grande remise, c’est-à-dire des chauffeurs privés haut de gamme. Nous ne fonctionnons que sur commande », explique Julie Casuccio. Contrairement aux taxis, qui fonctionnent à la course. « Ce qui est en contradiction avec notre métier de service, où le client est maître de nos disponibilités. » Or, seuls les taxis ont le droit au stationnement et à la prise en charge de clients sur la voie publique. En 2009, « il y a eu une libéralisation de la profession qui a débouché sur une période de flou artistique. N’importe qui a pu s’installer. Cette concurrence déloyale a cassé les prix, se souvient la porte-parole du collectif des Transporteurs de Voyageurs de la Côte d’Azur (TVCA). Nous étions autant en colère que les taxis… » L’ancienne Grande remise, qui fait maintenant partie du fourre-tout des VTC, refuse l’amalgame. Cela signifierait que VTC et taxis sont concurrents. « Avec cette loi, ils ont créé une animosité qu’il n’y avait pas », résume ce collectif.

 

Taxis des Alpes-Maritimes

« On ne va plus à Monaco »

 

Patrick Giovagnoli, directeur administratif de la centrale des taxis niçois Taxi Riviera qui regroupe 350 véhicules, s’insurge contre la vignette payante monégasque et s’inquiète de l’arrivée d’UberPop, qu’il juge « pas assez sûr.

Propos recueillis par Aymeric Brégoin

 

Payer une vignette à Monaco, ça vous inspire quoi ?

Cette nouvelle loi, on la subit. Cela nous pénalise. Car de temps en temps, on allait récupérer des clients à Monaco. Une ou deux fois par semaine. Majoritairement, ce sont des clients titres, c’est-à-dire qu’ils ne paient pas la course directement. On était prêt à rechercher nos clients pour ne pas les perdre. Je voulais bien prendre une vignette, mais il faut qu’elle s’adapte à tous les taxis.

Vous vous êtes acquitté de cette vignette ?

Aucun des 350 taxis niçois ne s’est acquitté de la vignette. On ne va plus à Monaco depuis l’entrée en vigueur de la loi. C’est dommage. Les clients ne comprennent pas. Surtout que les taxis monégasques sont toute la journée à l’aéroport de Nice pour récupérer des clients. Ils sont plus souvent à Nice que nous ne sommes à Monaco…

Pourquoi ce choix ?

Parce que ce n’est pas du tout rentable. Pourtant, on a toujours joué le jeu avec Monaco. On faisait la déclaration préalable de course : quand on envoyait un taxi, on envoyait un fax à la police. Mais là, on préfère perdre la clientèle que de payer. Sur les 350 taxis, il y en a qui ne vont jamais à Monaco de l’année. Il faut que ce soit un miracle pour que deux courses à Monaco tombent sur un même taxi équipé de cette fameuse vignette.

Quels sont vos rapports avec les VTC ?

On n’a pas de soucis avec les VTC. Chaque profession a ses caractéristiques. Nous, taxis niçois, on est sur la voie publique. Quand les gens sortent de l’aéroport, ils montent dans un taxi, pas dans un VTC. Bien sûr, il y a des détournements. Mais les disponibilités entre taxis et VTC ne sont pas les mêmes. Les VTC font leur boulot. Du travail, il y en a pour tout le monde.

Et avec les taxis monégasques ?

Bien entendu, on voit d’un mauvais œil le fait que les taxis monégasques puissent venir librement à Nice. D’ailleurs, les taxis monégasques n’étaient pas tous d’accord que nous soyons pénalisés avec ce système de vignette payante. Au fond, ils veulent seulement éviter la maraude. Car ils comprennent bien qu’un taxi niçois ne va pas faire 35 kilomètres pour venir faire de la maraude sur Monaco.

Alors pourquoi cette loi ?

Monaco a créé cette vignette pour contrer les VTC qui sont toute la journée sur Monaco. 900 euros, ça ne représente pas grand chose. Ils sont en Principauté beaucoup plus souvent que nous, comme par exemple lors du Grand Prix de Monaco. Il y a beaucoup plus de transporteurs que de taxis. Au départ, cette loi a été faite pour les communes limitrophes et les frontaliers. Pas pour nous. C’est donc dommage pour nous…

Vous approuvez cette politique ?

C’est trop protectionniste. Si nous allons chercher quelqu’un à Monaco, c’est parce qu’on l’a amené. Et quand on vient le chercher, il ne s’acquitte pas de la course dans l’immédiat, car il s’agit d’une course commandée. On ne vient pas faire de la maraude. Si on s’amuse à faire la même chose à Nice, comment vont réagir les taxis monégasques ? Ils vivent surtout grâce à l’aéroport… Si on les taxe, comment ils vont faire ?

Les VTC ne veulent pas non plus payer cette vignette…

Chacun défend sa paroisse. Je comprends le combat des VTC qui essayent de ne pas s’en acquitter. C’est une taxe supplémentaire. Or, on a suffisamment de frais comme ça. En plus, c’est un peu plus calme que les années précédentes.

C’est-à-dire ?

Entre 10 % et 20 % en moins. La Principauté est obligée de faire un effort si elle veut travailler en bonne entente avec la communauté des taxis et des transporteurs. Dans leur ensemble, les taxis monégasques en sont tout à fait conscients.

Et côté français, la loi Thévenoud vous satisfait ?

Il y a beaucoup de choses dans la loi Thévenoud, mais rien n’est encore fait. Il y a à la fois des mesures qui à mon goût ne vont pas dans le bon sens, mais aussi d’autres positives, comme le terminal de cartes bleues qui doit être mis en place dans les taxis. Mais aussi les voyants lumineux vert et rouge, pour savoir quand un taxi est libre ou pas. Le transport est en train de changer. Il faut s’adapter.

Face à Uber et UberPop, vous êtes obligé de vous adapter ?

Uber, c’est une catastrophe ! Les gars travaillent la journée et le soir. Ils se mettent chez UberPop et font des courses. Tout ça ne tient pas debout ! Ce n’est pas professionnel ! En plus, ce sont les personnes d’Uber qui tirent les marrons du feux. Ce sont eux qui se prennent les bénéfices [à hauteur de 20 %, N.D.L.R.], pas les chauffeurs. Ce n’est pas pour rien qu’UberPop a été interdit dans beaucoup de pays européens.

Les raisons de ces interdictions ?

Le passager ne sait même pas par qui il est transporté. Et il n’est même pas sûr d’être couvert en cas d’accident ! UberPop fonctionne avec des véhicules privés. Or, on ne sait pas dans quel état ils sont… Bref, beaucoup de choses restent floues. Ce n’est pas pour rien qu’UberPop a été interdit en France.

Au fond, UberPop, c’est du covoiturage ?

Justement non ! C’est du transport. Et c’est bien ça le problème ! Ce sont des taxis déguisés, sans la moindre règlementation. C’est une concurrence déloyale. De toutes façons, Uber ou UberPop, c’est du même acabit. Ils n’ont pas de tarifs fixes. Ils peuvent majorer leurs prix quand il n’y a pas assez de véhicules qui circulent dans une zone… Et ils font travailler qui, au fait ? Des autoentreprises ? Des gens qui arrondissent leurs fins de mois ?

Les taxis sont assez encadrés par la loi ?

La règlementation est très stricte. Nous payons une assurance spécifique pour le transport, qui couvre tous les dommages. Cette assurance coûte entre 2 000 et 3 000 euros par an. Nous devons avoir une voiture qui a moins de dix ans, régulièrement entretenue, avec un contrôle technique tous les ans. À Nice, la licence coûte 350 000 euros. C’est un gros investissement. Et puis on paye tout : le droit de stationner sur l’aéroport, le droit de voirie… On ne conteste pas tout ça. Mais pendant ce temps, Uber fait tout ça sans garantie.