jeudi 28 mars 2024
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A quoi ressemblera le futur système monégasque de retraite complémentaire ?

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La création d’une caisse autonome pour gérer les retraites complémentaires des Monégasques est à l’étude depuis 2013.

Outre la lourdeur administrative pour reconstituer l’ensemble des carrières qui était jusqu’alors rattaché au régime complémentaire français Agirc-Arrco, les débats vont s’ouvrir pour identifier les contours de cette future caisse. Or, dès 2013, les jalons ont été posés conjointement par l’Union des syndicats de Monaco (USM) et la Fédération des entreprises monégasques (Fedem).

Une caisse autonome de retraite complémentaire est en cours de création en principauté. Accouplée à la Caisse autonome des retraites (CAR), qui gère la retraite de base, la future caisse monégasque gèrera les pensions complémentaires, qui étaient jusqu’ici gérées par le régime français Agirc-Arrco. Deux associations existaient à Monaco, pour compenser, recevoir et distribuer ces pensions : l’Association monégasque pour la structure financière (AMSF), et l’Association monégasque des retraites par répartition (AMRR). La dissolution de la première a été décidée début décembre, après 21 ans d’existence. Elle servait à maintenir la possibilité pour les retraités monégasques de partir à 60 ans. La seconde va accompagner la transition jusqu’à l’instauration, d’ici deux ans de la Caisse de retraite complémentaire monégasque (CRCM). Plusieurs motivations président à la création de cette caisse autonome de retraite complémentaire. Dès 2013, l’Union des syndicats de Monaco (USM) et la Fédération des entreprises monégasques (FEDEM), par la cosignature d’un avenant à la convention collective nationale de travail, avaient entériné la création de cette CRCM. Selon l’avenant, le numéro 21, ils détaillent plusieurs raisons : « La divergence entre les règles françaises et monégasques en matière de conditions d’ouverture du droit et de liquidation des pensions », « la dégradation du régime de retraite complémentaire français », « la situation économique permettant le financement et la gestion complémentaire spécifique à Monaco ». Ce à quoi souscrivent le gouvernement (lire ci-après) ainsi que François Ringaud, directeur de l’AMRR. « Le système de retraite français, de protection sociale même, évolue, et ces évolutions rendent de plus en plus compliqué de conserver les objectifs de protection sociale de Monaco », explique-t-il.

© Photo Monaco Hebdo.

« L’USM et la FEDEM ont géré de façon magistrale, pendant plus de 50 ans, puisque cette caisse est largement bénéficiaire en millions d’euros ». Christophe Glasser. Secrétaire général de l’USM.

Système actuel

Le système monégasque actuel est un système à points par répartition (voir glossaire ci-après). La situation du régime complémentaire monégasque (assiette de cotisation large, actifs bien plus nombreux que les retraités, salaires élevés en principauté donc produits des cotisations élevées) permet une situation actuelle qui est excédentaire. Le projet de réforme actuel du système français prévoit la fusion des régimes de base et des régimes complémentaires en un unique système dit universel. Or, Monaco souhaite conserver la distinction, avec deux régimes. Mais pourquoi un régime de retraite complémentaire est-il nécessaire en complément du régime de base ? « On est dans un système par répartition en tout état de cause. Mais on peut avoir des règles de solidarité plus ou moins fortes entre le régime de base et le régime complémentaire. Par exemple, sur la prise en compte d’éléments familiaux, d’éléments périphériques. Le projet français prévoit de traiter de manière uniforme la partie base et complémentaire. A Monaco, on est dans une volonté de conserver une latitude sur un régime complémentaire qui peut avoir des règles d’attribution un peu différentes », dévoile François Ringaud.

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Rapport de force politique

L’institution du point permet une mainmise par l’organisme de gestion sur le calcul de la pension. En cas de crise économique, le point peut être gelé afin de conserver l’équilibre du système, parfois au détriment des pensions. « Nous ici, à Monaco, on aura le même système, les paramètres sont les mêmes. On a effectivement un taux de cotisation. Ce que l’on appelle un salaire de référence qui permet de calculer le nombre de points que vous allez avoir par année de cotisation. Et on a la valeur du point. On peut jouer avec ces trois paramètres. Le taux de rendement peut varier en fonction des orientations que vous donnez à ces trois paramètres. Baisser ou monter les pensions », détaille Angèle Braquetti, présidente de l’Union des retraités monégasques (URM), affiliée à l’USM. La valeur du point est déterminée par le comité de contrôle des caisses. La composition du futur conseil d’administration de la caisse complémentaire monégasque est donc déterminante. Comment sera gérée la future caisse ? Selon l’USM, le gouvernement souhaiterait disposer de sièges dans le conseil d’administration. Ce qui viendrait à mettre en minorité l’USM sur la plupart des décisions. « Pour nous, c’est inacceptable, car on sait très bien que si on rentre dans une tripartite, on se retrouve avec deux opposants. Pourquoi modifier des règles qui fonctionnent très bien aujourd’hui ? L’USM et la Fedem ont géré de façon magistrale, pendant plus de 50 ans, puisque cette caisse est largement bénéficiaire en millions d’euros », rappelle Christophe Glasser, secrétaire général de l’USM. Cette tripartition en trois collèges compose actuellement le comité de contrôle de la CAR. L’USM entend bien faire appliquer l’avenant numéro 21, signé en 2013 avec la FEDEM, lequel contient les fondements du régime complémentaire monégasque à venir. Au-delà d’une composition paritaire du futur conseil d’administration, l’USM tient à ce que les excédents actuels du régime complémentaire, à hauteur de « 50 millions chaque année » selon Christophe Glasser, soient reversés dans un fonds de réserve nouvellement créé. Celui-ci sera rempli jusqu’à contenir « six années de prestation », toujours selon l’avenant 21. Au-delà de ce seuil, les excédents seront alloués à un fonds d’action sociale pour les retraités et les actifs en difficulté, ainsi qu’à un financement des baisses de cotisations afin de redonner du pouvoir d’achat. « Nos inquiétudes : le bénéfice de la caisse pourra être réinjecté dans la CAR. Ce n’est pas ce qu’on a signé. […] On veut créer la structure qui ressemble le plus à ce qu’on a signé en 2013 », s’inquiète Christophe Glasser. De plus, il entend permettre une « bonification » des pensions, grâce à un taux de rendement supérieur au taux actuel.

© Photo Iulian Giurca – Monaco Hebdo.

« Je suis là pour gérer le système, pas pour le construire. Ce sont les politiques qui le construisent. Moi, j’accompagne d’un point de vue technique le dossier ». François Ringaud, directeur de l’AMRR.

Problèmes techniques pour le rapatriement des dossiers

« La préparation de cette sortie est effectivement assujettie à un certain nombre de négociations avec la fédération Agirc-Arrco, ainsi qu’à des travaux techniques et informatiques importants, afin de mener à leur terme, et avec efficience, les rapprochements des données de carrière, pour les actifs, les allocataires et les personnes percevant une pension de réversion. Le but étant que cette transition puisse s’effectuer sans rupture de paiement et sans différentiel en termes de revenus. Les travaux menés ont d’ores et déjà permis de rapprocher 90 % des carrières mixtes [carrière comprenant une partie étrangère et une partie monégasque — N.D.L.R.] examinées », explique l’AMRR, dans un communiqué suite à son assemblée générale annuelle en novembre dernier. « Il y a beaucoup de travaux techniques qui sont menés conjointement par l’Agirc-Arrco, les caisses sociales de Monaco et l’AMRR. Il faut qu’on s’assure bien que la caisse de retraite complémentaire monégasque soit en situation de pouvoir reprendre à l’exact les droits des personnes qui ont déjà eu leur retraite liquidée, ou qui ont acquis des droits qu’ils liquideront dans l’avenir. Il y a vraiment un travail d’identification sur l’ensemble des carrières des personnes qui ont un jour travaillé à Monaco. Et il y en a plus de 300 000 personnes. Donc, c’est un travail de longue haleine qui nécessite du temps et de la rigueur », justifie François Ringaud, concernant la complexité pour rapatrier les données et reconstituer toutes les carrières afin de ne léser personne. Après le rapatriement de ces milliers de dossiers, aux situations sociales et aux durées de cotisations très diverses, viendra un encadrement législatif, dont les discussions sont en cours afin de régler les questions de gestion. Si aujourd’hui, les convergences sur la nécessité de l’institution d’une caisse autonome de retraite complémentaire semblent de mise, les dissensions se font jour sur la gestion et la redistribution des richesses. Pour l’instant, rien ne sort des discussions entre le gouvernement et les partenaires sociaux. Patience, donc. « Je suis là pour gérer le système, pas pour le construire. Ce sont les politiques qui le construisent. Moi, j’accompagne d’un point de vue technique le dossier », esquive François Ringaud, lorsqu’on le questionne sur ses visées pour la future caisse. L’USM critique, elle cette technicité, du système. « Ça pourrait être simple. On cotise, on reverse », déplore Angèle Braquetti. « En créant cette haute technicité, on crée un écran d’incompréhension pour le salarié lambda, et même, parfois, nos militants », juge Christophe Glasser. Il est vrai que décrypter ces questions n’est pas simple. Néanmoins, il demeure important de s’y plonger, car ce ne sont jamais des sujets purement techniques. Derrière chaque réforme, se nichent des projets de société.

Glossaire retraite

Cotisation : Part prélevée sur la valeur ajoutée. C’est-à-dire sur la richesse produite par le travailleur. Cette cotisation correspond à une assurance contre les risques liés à la vie (maladie, vieillesse, accident du travail, famille, chômage). Les employeurs et salariés cotisent. Ces cotisations sont ensuite gérées par des caisses, souvent de manière paritaire, à égale mesure entre représentants salariés et patronaux. La cotisation donne droit ensuite à des allocations en conséquence. On parle alors de salaire différé.

Régime par répartition : Les cotisations prélevées sur les salaires des actifs sont directement reversées sous forme de pensions aux retraités. On parle de système fondé sur la solidarité intergénérationnelle. Il peut être basé sur un nombre de trimestres mininum à accumuler, comme c’est le cas aujourd’hui en France. C’est-à-dire, à contributions définies. Ou bien, il peut être basé sur un système de points comme le prévoit la réforme en cours côté français, et comme c’est déjà le cas à Monaco. Le point permet à l’organisme de gestion, étatique, syndicale ou mixte, de maîtriser les dépenses au gré des situations économiques. On peut accumuler 4 points maximum par mois à Monaco, les contributions étant plafonnées. Au moment de la retraite, on multiplie le nombre de points accumulés durant la carrière par la valeur du point à cet instant.

Régime par capitalisation : Chaque travailleur cotise pour soi-même. Il épargne une partie de son salaire dans l’organisme de son choix. Souvent, dans des fonds de pension qui investissent cette épargne sur les marchés financiers. Le rendement est fonction de la fluctuation des marchés sur lesquels les produits financiers sont placés.

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