jeudi 25 avril 2024
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Surfaces de bureaux : la pénurie ?

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Les surfaces de bureaux à Monaco sont une denrée rare. Alors que de nombreux professionnels considèrent l’offre sur le marché limitée et inadaptée, où construire de nouveaux bureaux, comment les financer et quelles activités privilégier?? Monaco Hebdo a donné la parole au gouvernement, aux élus et à divers acteurs économiques de la Principauté.

Le gouvernement l’a suffisamment dit et répété. La quête de nouveaux investisseurs est devenue l’un des leitmotiv au sommet de l’Etat. Une attractivité déclinée à toutes les sauces. Avec un gouvernement qui s’est d’abord échiné à gommer les lourdeurs administratives, puis à « draguer » — à grand renfort de communication à gros budget — les investisseurs du monde entier. Tout en soignant l’accueil, avec notamment la création du Monaco welcome & business office (MBWO). Une « boussole » destinée à aiguiller les primo-arrivants dans leurs démarches administratives. Le tout enfin appuyé par la création d’un « think tank » monégasque, le Conseil stratégique à l’attractivité (CSA), regroupant une trentaine de forces vives de la principauté. Un laboratoire d’idées missionné par le gouvernement pour faire des propositions concrètes destinées à booster l’attractivité monégasque. Et faire de la Principauté « the place to be » pour les entrepreneurs.
Il est pourtant un domaine, plus terre à terre, sur lequel les acteurs économiques de la place, les professionnels et les élus s’inquiètent?: les surfaces de bureaux. « C’est le b.a-ba de notre activité économique. Le poumon indispensable pour doper notre chiffre d’affaires. Non seulement pour accueillir de nouvelles activités, mais aussi pour permettre à celles déjà existantes de croître », note un observateur. Sauf que, dans un territoire de 2 km2 avec des possibilités d’extension limitées et abritant déjà plus de 5?000 entreprises, difficile de voir l’avenir sereinement.

« Rareté »
Du côté du gouvernement, à la question de savoir si Monaco manque ou non de surfaces de bureaux, le département des finances préfère parler plutôt de « rareté » et de « difficulté permanente » à trouver des surfaces. Un décalage entre l’offre… et une demande qui ne ralentit pas. A titre d’exemple, selon les chiffres du département des finances, pour l’année 2011 et le premier trimestre 2012, la Commission technique a examiné 26 dossiers d’entreprises pour des demandes en surfaces nouvelles de bureaux au-delà de 185 m². « Or, les locaux qui sont disponibles sont souvent accessibles à un coût très élevé. Cela peut constituer effectivement un obstacle en terme d’attractivité pour les investisseurs étrangers contraints ainsi à envisager des solutions alternatives, concède le gouvernement. L’administration des domaines est régulièrement sollicitée, notamment par des personnes de nationalité monégasque. Lors de chaque appel à candidatures publié au journal de Monaco, l’administration reçoit en moyenne une dizaine de dossiers. »
Autre point important?: sur les trois dernières années une augmentation importante de locaux partagés entre plusieurs entités a été constatée par le gouvernement. « Ce type de demande constituait en 2010 9,52 % des dossiers examinés en Commission technique, 15,21 % en 2011 et représente déjà 18,82 % pour le premier trimestre de l’année 2012 », détaille le gouvernement.

Alexandre Bordero
« En attendant une hypothétique extension en mer, la solution passe obligatoirement par la construction de tours », selon le président de la commission des finances, Alexandre Bordero. © Photo Conseil National.

Centre d’affaires
Pas étonnant donc que les élus du conseil national réclament à corps et à cris la construction de nouveaux bureaux. Voire de centres d’affaires. « Comme il en existe partout dans le monde », note Alexandre Bordero, le président de la commission des finances UDM. Des centres d’affaires avec ses « plusieurs dizaines de milliers de m2 de plancher » incarnant « le symbole du dynamisme de l’économie monégasque. » Et en attendant une hypothétique extension en mer, la solution passe obligatoirement, selon cet élu, par la construction de tours. « Ces immeubles de grande hauteur, résolument technologiques, écologiques et fonctionnels pourraient accueillir les sièges sociaux d’entreprises internationales et de sociétés de pointe, notamment du secteur des télécommunications et de l’Internet, rajoute-t-il. Un autre ensemble pourrait regrouper les services administratifs, actuellement dispersés, afin de faciliter les démarches administratives et libérer les surfaces actuellement occupées. »

Laurent Nouvion
Laurent Nouvion suggère que dans les immeubles domaniaux, les surfaces des 1er et 2ème étages « non-conformes aux conditions de confort et de qualité de vie de nos compatriotes » soient affectées à la location de bureaux. © Photo Monaco Hebdo.

Dans les domaniaux
De son côté, Rassemblement & Enjeux suggère que dans les immeubles domaniaux, les surfaces des 1er et 2ème étages « non-conformes aux conditions de confort et de qualité de vie de nos compatriotes » soient affectées à la location de bureaux. « Etant donné l’importance des différents programmes domaniaux en cours et à venir, cela aura 3 avantages?: ces surfaces (appartement) ne seront pas refusées après la commission d’attribution comme c’est le cas sur l’ilot Rainier III, explique le leader de l’opposition Laurent Nouvion. Ces bureaux seront offerts à la location soit à nos compatriotes en priorité, soit à des investisseurs et/ou des acteurs privés de Monaco qui cherchent désespérément des surfaces neuves et équipées. Cela rendrait les immeubles domaniaux mixtes avec bureaux et à majeure partie d’habitation ce qui permettrait de rentabiliser mieux encore ces immeubles nouvellement construits. Cela ne pourra avoir qu’un effet bénéfique pour le budget de l’Etat. » Le président de Synergie Monégasque Claude Boisson dénonce, lui, cette pénurie de bureaux — les surfaces disponibles étant à des prix élevés dans le secteur privé — mais aussi le manque de visibilité des projets à venir. « Cela fait 20 ans que des élus du conseil national, de diverses sensibilités réclament des surfaces de bureaux. Tous les espoirs étaient et sont fondés sur les délaissés SNCF. Donc rien entre temps n’a pu se faire et aucun programme défini n’a jamais été présenté, même si l’on sait que des surfaces sont prévues, explique-t-il. Il est donc urgent de savoir précisément quels sont les projets en matière de surfaces commerciales, de bureaux et de planchers industriels, qui vont être faits dans les prochaines années. »

Offre limitée et inadaptée
Mais sur le terrain, très concrètement, le manque de surfaces de bureaux, comment se fait-il ressentir?? Premier constat, les agents immobiliers parlent plutôt d’un problème « d’offre limitée. » Car face à des investisseurs internationaux habitués ailleurs dans le monde à avoir une offre pléthorique, le « parc » monégasque disponible peut paraître bien dérisoire. Autre problème?: l’offre actuelle sur le marché serait inadaptée à la demande des investisseurs. Pourquoi?? Car Monaco possède finalement assez peu d’immeubles de bureaux stricto sensu. A savoir spécifiquement crées ou aménagés pour des activités de bureaux. L’essentiel de l’offre réside en ce que l’on appelle « les appartements à usage mixte. » Des habitations dans lesquelles il n’est pas rare de voir par exemple, des salles de bain classiques transformées en… salle de photocopieurs. En clair, il s’agit en quelque sorte de surfaces « deux en un. » Qui peuvent, dans une première déclinaison, faire office à la fois d’habitation et de bureaux. « Ce qui est un avantage pour les créateurs de SARL sans salarié. Puisqu’ils peuvent exercer pendant deux ans leur activité professionnelle à leur domicile. Il en est de même pour certaines activités en nom personnel sans limitation de durée et sans salariés. Ce qui leur permet de louer un seul local pour les deux besoins. C’est une demande que l’on a assez fréquemment », explique l’agent immobilier Marina Mazza. Deuxième déclinaison possible?: le propriétaire des lieux peut faire le choix de réaménager son appartement en espace de bureaux et ensuite le louer. Ces derniers peuvent aussi laisser l’appartement dans un format habitation classique avec par exemple une vraie salle de bain et une vraie cuisine. Ce sont après les locataires qui aménagent les locaux selon leurs besoins. Ces « appartements à usage mixte » sont surtout présents dans les immeubles résidentiels anciens à Monaco. Et c’est le règlement de copropriété qui offre la possibilité aux propriétaires d’accueillir dans leurs appartements des activités professionnelles. Commerciales ou encore libérales. Les investisseurs ont alors le choix entre se contenter de petites surfaces. Ou dès le départ anticiper leurs besoins futurs. « Nous avons essentiellement des demandes pour de grands espaces. Car, pour avoir plus de flexibilité, les investisseurs préfèrent louer dès le départ des locaux plus grands, anticipant le fait que leur activité puisse s’accroître dans le futur. Ils sont aussi conscients qu’il est extrêmement difficile ensuite de trouver des espaces de grande taille », explique Daniel Masnaghetti, directeur général de John Taylor corporate.

Départ de sociétés
Autre question fondamentale?: des entreprises sont-elles parties du territoire monégasque en raison d’un manque de surface disponible?? Le gouvernement l’affirme?: « Aucune société n’a transféré son activité en dehors de la Principauté pour cette raison, indique le département des finances. Au contraire, d’importantes activités internationales se sont installées dernièrement à Monaco telles que la société Tyrus Capital ou encore la firme Ince & Co qui a ouvert une agence. » Seuls départs notoires intervenus dernièrement note le gouvernement?: des activités industrielles dans le cadre de restructurations de groupe. « En revanche, des entreprises monégasques industrielles en recherche de surfaces supplémentaires pourraient envisager de développer leur activité voire de la transférer en dehors de la Principauté, compte tenu du manque de place », rajoute le gouvernement. Ces activités industrielles très gourmandes en m2, cumulent également d’autres handicaps selon le président de la commission des finances Alexandre Bordero?: « Les difficultés d’exploitation en étage et la cherté des loyers. Au point que l’Etat attribue aux entreprises exerçant une activité industrielle une prime pouvant aller jusqu’à 100?000 euros. »

Déclin industriel
Est-ce à déduire que les activités industrielles sont vouées à disparaître à Monaco?? Et que la Principauté a tout intérêt à accueillir des secteurs qui exigent peu d’espace. Par exemple des activités financières. Selon certains observateurs, si l’industrie lourde et massive n’a pas forcément un avenir radieux, ce sont des industries plus légères à haute valeur ajoutée qui pourraient de plus en plus émerger à Monaco. A l’image de la prestigieuse société d’horlogerie suisse Franck Muller qui est en cours d’installation à Monaco sur 1?000 m2 à Fontvieille pour faire de la fabrication. Autre mutation potentielle?: que les bâtiments ayant abrité autrefois ces industries lourdes — et qui ont désormais quitté la Principauté — soient recyclés en surfaces de bureaux. C’est d’ailleurs ce qui est en train de se profiler dans les anciens locaux de Biotherm à Fontvieille (environ 15?000 m2). Des travaux d’aménagement sont actuellement en cours pour accueillir des surfaces de bureaux destinées à l’entreprise privée… Single Buoy Moorings qui en ferait ainsi son nouveau QG. Un nouveau locataire qui pourrait ainsi doubler sa capacité de surface. Ou alors laisser tout ou partie de ses bureaux actuels à d’autres sociétés.
Alors face à un espace restreint, l’industrie lourde sera-t-elle dans l’économie monégasque réduite à peau de chagrin?? Selon certains observateurs, « les autorités monégasques tiennent à ce que l’on conserve, même en pourcentage relativement limité, des activités industrielles de ce type. Car il ne faut pas qu’en terme d’image, Monaco soit uniquement le domaine des riches. La Principauté c’est aussi une vie normale où il y a toutes sortes de métiers, aussi bien des emplois surqualifiés que des ouvriers professionnels. » L’avenir nous le dira.

Quel financement??
Autre point capital à aborder?: le financement de potentiels futurs immeubles à usage professionnel. Le gouvernement fera-t-il appel à des fonds privés ou à un partenariat public/privé?? Le département des finances indique n’avoir à ce jour, « pas pris de position. » Pourtant, la possibilité de faire appel à des opérateurs privés a refait surface ces derniers mois. Le ministre d’Etat Michel Roger a évoqué la piste des partenariats avec le privé, sur la base de différentes formules dont certaines ont déjà été testées dans plusieurs pays. Avec des réussites mais aussi de cuisants échecs. Et si cette méthode de financement est aujourd’hui étudiée à Monaco, ce n’est en tout cas pas un hasard. « La situation budgétaire et le fonds de réserve constitutionnel ne nous permettent plus de nous autofinancer », résume ainsi le leader de Rassemblement & Enjeux Laurent Nouvion. Même constat pour la majorité qui considère « que le budget de l’Etat ne permet pas actuellement d’investir suffisamment pour répondre aux besoins de l’économie monégasque », avance le président de la commission des finances Alexandre Bordero.

Loi de désaffectation
Pour Synergie Monégasque, l’association de capitaux privés à des capitaux publics est positive si l’Etat conserve la maîtrise de la totalité ou d’une partie du bien. « Dans ce type de démarche, il faut viser l’objectif gagnant – gagnant, pour l’Etat, pour l’investisseur et pour le public », indique son président Claude Boisson. Autre principe de base à respecter selon Rassemblement & Enjeux?: « La priorité nationale doit s’appliquer en faisant travailler tous les corps de métier représentés dans les sociétés monégasques, qui doivent en profiter en priorité », rajoute-t-il. Concernant les partenariats avec le privé, majorité et opposition sont en tout cas d’accord sur un point?: aucune opération à capitaux privés sur un terrain public ne pourra être envisagée sans le vote d’une loi de désaffectation et sans que le conseil national ne soit consulté.

Quels prix??
Selon les chiffres du gouvernement, le prix des locaux domaniaux à usage de bureaux nouvellement offerts à la location varie dans une fourchette comprise entre 270 et 330 euros TTC le mètre carré par an. Soit un m2 mensuel entre 22,5 et 27,50 euros TTC. Le montant du loyer est fixé préalablement sur une annonce au Journal de Monaco en fonction de divers critères. Entre autres?: le standing les prestations de l’immeuble, l’exposition et l’état du local. Dans le privé, les prix pratiqués sont aussi très variables. Selon les professionnels interrogés, la moyenne se situerait entre 400 et 600 euros le m2 par an dans le quartier de Fontvieille. Et de 900 à 1?500 euros le m2 par an dans le quartier plus huppé de Monte-Carlo (30?000 euros le m2 à la vente dans ce quartier). Des prix qui varient selon l’emplacement, le quartier, la surface, les charges, ou encore la présence de parking.
« Concurrence déloyale »
Que l’Etat construise des espaces de bureaux oui… Encore faut-il que cela ne crée pas de concurrence déloyale au niveau des prix avec le marché privé. C’est en substance le message qui revient dans la bouche des professionnels de l’immobilier. Ainsi, pour ne pas perturber le marché et ne pas pénaliser les particuliers, il est donc nécessaire selon eux de garder un « certain équilibre des prix » entre le privé et les offres de l’Etat.
Des baux à usage professionnel
Autre revendication plus technique des professionnels — également exprimée par la commission immobilier du CSA?: que des baux à usage strictement professionnel soit créés. Car à l’heure actuelle il n’existe que des baux commerciaux sur un système appelé « 3-6-9 », soit un bail renouvelé tous les 3 ans. Les professionnels réclament donc qu’une dissociation soit faite dans les textes entre les locaux commerciaux et de bureaux. Avec de vrais contrats de bureaux et la mise en place d’une réglementation spécifique dans la loi monégasque. Un pas devrait être franchi en juillet prochain, avec le vote du « code de modernisation du droit des affaires. » Récemment, le ministre d’Etat avait ainsi indiqué que les locaux commerciaux seraient bientôt encadrés?: « L’objectif est double. Il s’agit de protéger le bailleur contre une dérive vers le bail commercial par le locataire mais aussi de protéger le locataire en lui assurant une durée de bail garantie – sans doute de 3 ans — avec une indexation du loyer sur l’indice Insee. »
Michel Dotta
Michel Dotta, président de la Chambre de développement économique : « La fourchette des prix est très large. De 240 euros le m2 par an dans des locaux au boulevard des Moulins ou à Fontvieille. Jusqu’à 1?200 euros ou plus le m2 dans le Carré d’or. » © Photo CDE

Surface de bureaux?: l’inventaire

Avoir des donnés statistiques précises sur les surfaces de bureaux à Monaco… C’est une demande récurrente des acteurs économiques de la place. Le département des finances nous a livré quelques éléments.

Par Sabrina Bonarrigo.

Si les élus et les acteurs économiques réclament la création de surfaces de bureaux à Monaco, voire de « centres d’affaires », ils souhaiteraient tout autant pouvoir s’appuyer sur des statistiques précises… qu’ils n’ont, pour l’heure, jamais eues entre les mains. Des chiffres aussi bien sur les surfaces de bureaux déjà existantes, celles disponibles, celles actuellement en cours de réalisation et enfin celles qui verront le jour dans les années à venir. Si le département des finances n’a pas été en mesure de dresser un inventaire des bureaux appartenant à des propriétaires privés, il a toutefois livré quelques éléments sur le « parc » de bureaux dans les domaines. Selon les chiffres du gouvernement, l’Etat est donc actuellement propriétaire d’une surface totale d’environ 25?000 m2. Principalement répartie entre le stade Louis II, le quai Antoine Ier, les immeubles « L’Athos Palace » (rue de la Lüjerneta) et « Patio Palace » (avenue Hector Otto). Donnée importante?: ces chiffres ne comptent pas les locaux occupés par les services administratifs de l’Etat.

« Une misère » aujourd’hui
Du côté de l’Annonciade, l’opération phare en cours de réalisation est évidemment la Tour Odéon, dont la livraison est prévue pour le deuxième semestre de l’année 2014. Si le projet donne le vertige par sa hauteur et son coût, il est en revanche bien moins impressionnant concernant les m2 qui seront consacrés aux bureaux?: environ 1?500. « Une misère pour un projet aussi pharaonique, souligne le leader de Rassemblement & Enjeux Laurent Nouvion. C’est du gâchis, un manque de vision, de courage politique et un manque d’optimisation de nos ressources foncières pourtant bien maigres. »
Autre projet en cours de construction?: l’opération « Téotista » dans le quartier du Jardin exotique (avenue Hector Otto). Sauf que les bureaux seront réservés… à la direction du Nouveau musée national de Monaco (NMNM) situé à quelques encablures de là.

Quartier d’affaires à l’Annonciade
A plus long terme encore, le gouvernement évoque enfin l’Ilot Canton sur les terrains des délaissés SNCF sans préciser toutefois le nombre de m2 qui seront consacrés aux bureaux. Alors qu’à l’horizon 2016-2017, c’est un véritable quartier d’affaires — avec la Tour Odéon en guise de locomotive pour le quartier selon certains observateurs — qui pourrait naître à l’Annonciade. C’est en tout cas sur ce quoi planche la direction de la prospective de l’urbanisme et de la mobilité depuis un bout de temps. Grâce aux démolitions successives du lycée technique et du collège Charles III — deux bâtiment délocalisés sur les délaissés SNCF — des terrains vont en effet être libérés dans ce quartier. Mais pas avant 4 à 5 ans. Un nouvel espace qui offrirait une surface substantielle de 16?000 m2, hors voiries. « Un autre terrain, rappelle Rassemblement & Enjeux, est l’îlot Charles III, en face du cimetière, qui doit naturellement faire l’objet d’un schéma directeur digne de ce nom, présenté au gouvernement par le Conseil national. » Mais tous ces programmes ont un défaut commun?: être livrés dans 4 ou 5 ans alors que les besoins impérieux en bureaux s’expriment maintenant…

Athos-Palace
© Photo D.R.

« Créer un business center à Fontvieille »

Michel Dotta, président de la Chambre de développement économique (CDE), regrette l’absence d’un inventaire précis des surfaces de bureaux existantes. Et milite pour la construction d’une tour à des prix corrects à Fontvieille comme de nouveaux bureaux de représentation dans le Carré d’Or.

Propos recueillis par Sabrina Bonarrigo.

Monaco Hebdo?: La Principauté manque globalement de surfaces de bureaux. Quels sont les besoins actuels de la clientèle ou des investisseurs??
Michel Dotta?: Avant de l’affirmer, encore faut-il avoir des chiffres précis sur les surfaces existantes, celles actuellement en cours de construction et celles qui seront réalisées dans les années à venir. Il est indispensable d’avoir ces éléments statistiques. Or, pour l’heure, aucun inventaire clair n’a été dressé. Il y a par ailleurs à mon sens une inadéquation entre l’offre et ce que les investisseurs désirent?: à savoir de véritables surfaces de bureaux. Or, à Monaco, il existe essentiellement des locaux d’habitation dans des immeubles anciens — ou des locaux industriels — transformés en bureaux. Avec, par exemple, des salles de bains ou des cuisines transformées en salles de photocopieurs. Très peu d’immeubles à usage exclusivement de bureaux ont donc été construits.

M.H.?: Est-ce un frein à l’attractivité??
M.D.?: Ce qui peut constituer un frein à l’attractivité, ce n’est pas le fait qu’il n’y ait pas de surface de bureaux à Monaco mais qu’il y en ait peu. Le choix est inexorablement limité en principauté du fait de sa superficie. Or, les entrepreneurs sont habitués à avoir ailleurs à leur disposition un large choix. Nous avons également constaté que certains entrepreneurs qui souhaitaient s’installer à Monaco croyaient pouvoir obtenir des bureaux avec vue mer, grand luxe, salle de gym, salle de restaurant, etc. Et ce, à des loyers relativement bas. Ce qui est évidemment impossible.

M.H.?: Justement les prix pratiqués sur le marché sont-ils selon vous excessifs??
M.D.?: Quand on dit que les loyers des bureaux sont très chers, je m’inscris totalement en faux. Si vous comparez le Carré d’or à Monaco et le Triangle d’or à Paris, les prix sont nettement inférieurs chez nous. En revanche, on ne peut évidemment pas comparer l’Ile de France à Fontvieille. A l’heure actuelle, les prix sont très variables. La moyenne à la location est d’environ 600 euros le m2 par an. Mais la fourchette des prix est très large. De 240 euros le m2 par an dans des locaux au boulevard des Moulins ou à Fontvieille. Jusqu’à 1?200 euros et plus le m2 dans le Carré d’or.

M.H.?: A votre connaissance des entreprises sont-elles parties de la Principauté en raison d’un manque de surface??
M.D.?: A ma connaissance, pas une seule société de gestion ou une banque n’est partie de Monaco pour cette raison. Il ne faut pas confondre les industries lourdes et les bureaux qui pratiquent des activités de services. Ce sont surtout les activités industrielles qui peuvent rencontrer des problèmes en raison d’un manque de surface. Ou d’un manque de surface adaptée. Avec par exemple des locaux qui ne correspondent plus aux normes de sécurité.

M.H.?: Quelles sont alors vos propositions??
M.D.?: Au sein de la commission urbanisme du Conseil économique et social, nous militons depuis de nombreuses années pour la création d’une sorte de « Business Center » à Fontvieille avec la construction d’une tour de bureaux à des prix corrects. Dans le Carré d’or, il serait sans doute également judicieux de créer des bureaux de représentation à des loyers plus élevés. Il faut également un règlement de voirie plus incitatif?: il est nécessaire qu’il soit plus adapté à la construction de bureaux.

M.H.?: Dans les propositions émises par le Conseil stratégique à l’attractivité (CSA), la commission immobilier que vous présidez indique vouloir dissocier dans les textes, les locaux commerciaux des locaux de bureaux??
M.D.?: Nous voulons créer en effet un bail spécifique à usage de bureaux. Car aujourd’hui il y a des bureaux mais à usage commercial. Ce qui n’est pas incitatif pour des investisseurs privés.

M.H.?: Les opérations en cours de réalisation comme la Tour Odéon ou l’opération sur l’Ilot Canton sont-elles selon vous suffisantes??
M.D.?: On parle tout le temps de la Tour Odéon. Mais c’est une méconnaissance du dossier car il n’y aura que 1?500 m2 de bureaux. C’est très peu. De plus, je crois savoir que le promoteur entend y installer ses propres bureaux… Que l’Etat construise des bureaux, c’est une très bonne idée.
Reste à savoir pour qui, sur quels secteurs et surtout à quels prix. Car il ne faudrait pas créer une concurrence déloyale vis-à-vis des particuliers qui ont déjà eux-mêmes investi dans des bureaux.

Mission impossible au Carré d’or??

Les attentes des investisseurs concernant les bureaux varient selon les quartiers. Mais c’est sans doute dans le Carré d’Or qu’il est quasi-impossible de trouver son bonheur aujourd’hui.

Par Sabrina Bonarrigo.

Quelles sont les demandes des investisseurs qui souhaitent s’installer en principauté?? Le Monaco welcome and business office (MBWO), nous a livré quelques éléments de tendance. Premiers besoins identifiés?: des bureaux traditionnels pour l’implantation d’activités administratives, pouvant accueillir au moins deux personnes, d’une surface minimale de 30 m², à des prix « raisonnables ». Autres demandes?: des surfaces de bureaux plus grandes pour accueillir des sociétés internationales avec de nombreux salariés et ce, dans des immeubles de standing, près du Port ou du Carré d’Or en général. « Le lieu et les conditions de travail représentent dans ces cas un poids considérable dans le choix d’implantation du décisionnaire », indique d’ailleurs le gouvernement. Enfin, en matière de surfaces commerciales, les enseignes de renommée recherchent des surfaces pouvant aller de 300 à 1?000 m². Ces enseignes haut de gamme souhaitent évidemment s’installer au sein du Carré d’Or.

« Petites surfaces »
Or c’est précisément dans ce quartier que la pénurie en l’état actuel est manifestement la plus forte. « Le Carré d’or est en effet une demande récurrente puisque c’est le quartier le plus prisé de la Principauté. Car c’est un peu considéré comme un quartier d’affaires. Les demandes s’étendent généralement dans un périmètre allant du Monte-Carlo Star jusqu’à l’avenue d’Ostende. Par rapport à Fontvieille, il est donc vrai qu’il y a une pénurie de bureaux, avec un décalage entre l’offre et la demande », explique-t-on notamment à l’agence Bollati immobilier. Même son de cloche à l’agence Atlantic Agency. « Dans ce quartier, nous avons essentiellement des demandes de petites surfaces allant de 15 à 45 m². Mais les produits sont effectivement rares », indique un responsable. « La demande pour des locations dans ce quartier est assez importante. Mais il n’y a pas beaucoup de surfaces grandes surfaces disponibles »,confirme Daniel Masnaghetti, directeur général de l’agence John Taylor Corporate. C’est pourquoi le président de la Chambre de développement économique Michel Dotta propose notamment de créer des bureaux de représentation dans ce quartier. Reste à savoir où et qui investira dans de telles opérations qui nécessitent des remembrements.

Odile Qéré
Odile Qéré : « Il y a eu plusieurs combats à mener. A l’époque, le gouvernement n’était pas ouvert à ce type de prestations. » © Photo Monaco Hebdo.

Centres d’affaires?: des bureaux livrés clé en main

Alternative aux agences immobilières et aux Domaines pour trouver une surface de bureau?: les centres d’affaires. Leur offre?: la location de bureaux déjà équipés et prêts à l’emploi. Avec à la clé, plusieurs prestations de services.

Par Sabrina Bonarrigo.

Elle est la première à Monaco à avoir lancé cette formule. Odile Qéré est la gérante de la société Cats business center. Un centre d’affaires créé en 1993 qui propose aux entrepreneurs souhaitant démarrer une activité professionnelle à Monaco des bureaux équipés, en fonction de leurs besoins et du statut juridique de leur société. Tous les bureaux — d’une surface de 9 à 25 m2 — sont centralisés sur deux étages dans l’immeuble Le Forum au 28 boulevard princesse Charlotte. Une cinquantaine de sociétés — aussi bien des courtiers que des entreprises d’import-export — y ont déjà élu domicile. Parfois pour 6 mois seulement. D’autres y sont déjà installées depuis plus de 10 ans. Le principe est simple?: une location sur mesure, presque à la carte, avec diverses formules proposées. Les entrepreneurs peuvent par exemple choisir une « formule primo », réservée uniquement aux activités en nom personnel, sans employé, et sans limitation de durée, à partir de 490 euros HT par mois. La « formule campus » propose de son côté, pendant deux années maximum, un bureau partagé dès 800 euros HT par mois pour les SCS, les SNC, ainsi que les SARL en création. Enfin, la formule « bureau exclusif », est, elle, disponible pour toutes les structures juridiques, avec ou sans employé, à partir de 800 euros HT par mois.

Prestations
L’avantage de ces formules, c’est qu’elles comprennent en sus plusieurs prestations de services. Entre autres?: l’accueil et la réception de la clientèle, un standard téléphonique commun, la réception du courrier, le nettoyage quotidien des bureaux, ainsi qu’un espace commun cuisine et sanitaire. Une infrastructure donc complète livrée clé en main. « Par rapport à une agence immobilière, nos bureaux sont plus chers au niveau du m2. Mais moins chers sur la globalité. Car lorsqu’on loue un bureau, il y a plusieurs frais supplémentaires?: le mobilier, le téléphone, un employé pour effectuer le ménage, la structure informatique ainsi que différentes charges. Ici, l’avantage, c’est qu’il y a tout sur place moyennant un forfait. Au final, c’est donc moins onéreux », assure Odile Qéré. Seul bémol?: ces formules ne sont pas véritablement adaptées aux grosses structures. Elles sont destinées davantage à héberger des entreprises naissantes qui ont besoin de peu de m2 et qui n’ont pas, ou alors très peu, de personnel.
Si la formule marche, étonnamment, sur le marché, seuls deux autres centres d’affaires ont été créés?: le Monaco Business center à Fontvieille et le centre Regus au boulevard d’Italie.

Philippe Ortelli, président de la Fédération patronale monégasque
Philippe Ortelli, président de la Fédération patronale monégasque : « L’important est que soient rapidement construits des bureaux à tous les niveaux de prix. » © Photo Monaco Hebdo.

« L’offre actuelle n’est pas adaptée »

Pour Philippe Ortelli, président de la Fédération patronale monégasque (FPM), l’offre monégasque ne correspond pas à la demande. Beaucoup d’entreprises monégasques sont obligées de s’installer dans des appartements voire dans des locaux à usage industriel, reconvertis en bureaux.

Propos recueillis par Sabrina Bonarrigo.

Monaco hebdo?: Y a-t-il selon vous un réel manque de surfaces de bureaux à Monaco?? Peut-on parler de pénurie??
Philippe Ortelli?: Nous ne disposons actuellement d’aucune données statistiques répertoriant l’ensemble des surfaces disponibles à Monaco. La Fédération avait, il y a plusieurs années, demandé à la CDE de collecter toutes les offres immobilières, mais sans succès… En l’absence d’un état des lieux exhaustif sur les espaces existant ou sur ceux qui seront construits, le constat qui se dégage est que l’offre actuelle n’est pas adaptée à la demande. En effet?: les investisseurs étrangers susceptibles de venir s’établir à Monaco souhaitent disposer de vraies surfaces de bureaux. Or, en principauté, les bâtiments conçus pour un usage exclusivement de bureaux ne sont pas nombreux. Pour preuve, bon nombre d’entreprises monégasques sont installées dans des appartements, souvent situés dans des immeubles anciens, voire dans des locaux à usage industriel, reconvertis en bureaux.

M.H.?: Estimez-vous qu’il y a urgence à lancer un vaste programme de construction de bureaux à Monaco??
P.O.?: Les entreprises, plus particulièrement les PME, sont le socle du développement futur de Monaco. Or, pour attirer des entreprises à haute valeur ajoutée, il faut développer l’offre de bureaux. Cela passe notamment par la création d’un vrai quartier d’affaires à Fontvieille avec la construction d’un second immeuble de bureaux proche du Gildo Pastor Center, pour créer une vraie synergie. Selon nos estimations, le différentiel des loyers professionnels entre Monaco et la région économique voisine pour les locaux commerciaux et de bureaux est en 2012 d’environ 30 euros/m²/mois.

M.H.?: Les opérations en cours de réalisation (Tour Odéon ou l’Îlot Canton par exemple) sont-elles selon vous suffisantes??
P.O.?: Pour les opérations en cours de réalisation, la Tour Odéon ne sera pas exclusivement dédiée aux espaces de bureaux. Cet ouvrage ne disposera en effet que de 1?500 m² de bureaux, ce qui, selon nos calculs, devrait permettre de placer seulement 150 à 200 salariés. Ce n’est pas beaucoup?! Quant à l’Ilot Canton, à notre connaissance, cette opération verra certes la construction de 68 logements, d’une crèche et des locaux d’activités, mais ne sera pas, là encore, entièrement dédiée aux espaces de bureaux. Par ailleurs, il n’y a actuellement aucun nouveau projet de tour, ni d’immeuble de bureaux, ni de nouveau projet d’infrastructure de transport. Or, pour être attractif, Monaco doit agir sur son développement économique. C’est à cette seule condition qu’il sera possible d’augmenter la population salariée, sachant que quelque 1?000 salariés supplémentaires viennent chaque année travailler en principauté. C’est une stratégie proactive globale que Monaco doit adopter en construisant des immeubles de bureaux, mais aussi en mettant en place les infrastructures de transports et de logements nécessaires pour que nos salariés puissent résider dans les communes limitrophes. Alors la vision d’un Monaco pourvoyeur d’emplois pour plus de 120?000 salariés en 2050 pourrait devenir crédible.

M.H.?: En matière de méthode de financement, quels seraient les avantages et les risques pour le gouvernement de faire appel à des fonds privés et/ou à un partenariat public/privé??
P.O.?: L’important est que soient rapidement construits des bureaux à tous les niveaux de prix. En effet, l’administration des domaines loue actuellement ses bureaux à 130 euros/m²/an alors que dans le privé, pour les mêmes prestations, les prix sont plutôt de l’ordre de 350 euros/m²/an, avec des incertitudes à chaque renouvellement de bail. Peu nous importe qui sera le promoteur et le propriétaire. L’essentiel, c’est l’arrivée sur le marché d’immeubles de bureaux adaptés aux besoins des entreprises.