mardi 19 mars 2024
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Sécurité routière « Les accidents graves concernent essentiellement les deux roues »

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Comment inclure les nouvelles mobilités dans les rues de la principauté ? Les élus Priorité Monaco (Primo !) du Conseil national, Karen Aliprendi, et le président de la commission de législation, Thomas Brezzo, ont répondu aux questions de Monaco  Hebdo. Interview.

Comment jugez-vous l’évolution de la sécurité routière à Monaco ?

Karen Aliprendi : La sensibilisation à la sécurité routière se fait dès le plus jeune âge, en milieu scolaire, avec des formations qui sont effectuées en partenariat avec la direction de la sûreté publique. Elles portent sur la connaissance des risques et des règles applicables pour chaque usager de la route et elles visent à favoriser la compréhension du rapport entre la règle, le risque, et l’accident. Dès 12 ans, les élèves de la principauté passent des examens permettant d’acquérir les attestations de la sécurité routière (ASSR) qui permettent de connaître les principaux comportements à adopter sur la route. La réglementation est en perpétuelle évolution selon les modes de transport utilisés. D’ailleurs, nous avons récemment échangé avec le gouvernement sur la modification du code de la route qui a eu lieu en février 2020, dont le but était de favoriser la mobilité douce. Les trottinettes électriques ont été autorisées à circuler sur la chaussée et dans les couloirs de bus, et le porte du casque a été rendu obligatoire dès début 2022, pour toute personne utilisatrice d’un engin motorisé, à l’exception des voitures bien sûr.

Quelles sont les plus grosses difficultés à gérer sur le territoire monégasque ?

K.A. : La plus grosse difficulté, pour notre territoire de 2 km2, est de concilier à la fois la micromobilité, les différents moyens de transport, et la mobilité piétonne, avec les modifications, voire les fermetures de voiries ou de tunnels pour des raisons de travaux ou événementielles. Une logistique pointilleuse doit être mise en place pour coordonner tous ces flux, en prenant également en considération les heures d’affluence. L’exiguïté de notre territoire accentue la difficulté.

« La plus grosse difficulté, pour notre territoire de 2 km2, est de concilier à la fois la micromobilité, les différents moyens de transport, et la mobilité piétonne, avec les modifications, voire les fermetures de voiries ou de tunnels »

Karen Aliprendi. Elue Primo !

Selon quelle logique aménager le territoire de la principauté, qui est très exigu, pour absorber la multiplication des modes de transport, et l’explosion de la « micromobilité » urbaine ?

K.A. : Aujourd’hui, nos voies publiques ne sont malheureusement pas assez larges pour allouer une parcelle de voirie sans discontinuité à la micromobilité. En revanche, il faut trouver un juste équilibre qui permette à tous les usagers de la route de cohabiter en toute sécurité. Des travaux majeurs sont en cours d’achèvement, afin de continuer le plan d’action pour la mobilité douce. En premier lieu un parking relais, Evos, à l’entrée ouest sera relié à la gallerie des Salines pour desservir le côté ouest de la principauté. En second lieu, le Conseil national appelle de ses vœux la concrétisation d’un parking à l’entrée est, afin de disposer d’une autre zone tampon à la frontière, et de permettre ainsi une meilleure fluidité intramuros.

Comment jugez-vous la gestion du stationnement des engins de déplacement personnel ?

K.A. : Aujourd’hui, la gestion du stationnement des engins de déplacement personnel n’est pas optimum, et des moyens matériels doivent être mis en place. Nous devrions mettre à disposition dans les parkings et les immeubles davantage d’emplacements dédiés à cet effet.

Certains estiment que les radars sauvent des vies : faut-il miser davantage sur les radars et équiper le territoire monégasque ?

Thomas Brezzo : Nous ne pouvons pas comparer le territoire monégasque, où la vitesse maximum autorisée ne dépasse pas les 50 km/h, avec les pays voisins qui disposent d’autoroutes, de routes de montagnes ou de campagnes, où la limite de vitesse est bien supérieure, et qui sont davantage accidentogènes. À mon sens, l’emplacement d’un radar fixe serait immédiatement connu de tous, et tout conducteur ralentirait à son approche pour éviter d’être verbalisé. Le recouvrement des contraventions adressées aux conducteurs étrangers serait, en outre, particulièrement compliqué. Je ne pense pas que la solution de radars fixes serait efficace. La présence policière à Monaco est déjà dissuasive, et les contrôles de vitesse aléatoires trouvent plus de sens.

« Il faudrait connaître les statistiques en matière d’accidents graves ou mortels impliquant des voitures à Monaco […], mais si ces chiffres étaient significatifs je ne doute pas que le gouvernement aurait déjà réagi, et imposé le port de la ceinture »

Thomas Brezzo. Elu Primo !

Historiquement, pourquoi le port de la ceinture de sécurité n’est pas obligatoire à Monaco et faut-il le rendre obligatoire ?

T.B. : J’imagine qu’il s’agit, là encore, de la configuration du territoire, et le fait que la vitesse maximum autorisée ne dépasse pas les 50 km/h. Il faudrait connaître les statistiques en matière d’accidents graves ou mortels impliquant des voitures à Monaco pour répondre à cette question, mais si ces chiffres étaient significatifs je ne doute pas que le gouvernement aurait déjà réagi, et imposé le port de la ceinture.

Où en est votre demande faite en séance publique, en octobre 2019, concernant l’installation de rétroviseurs sur les vélos électriques en libre-service ?

T.B. : Nous n’avons plus évoqué ce sujet depuis, et cette proposition n’a pas été suivie d’effet. En revanche, le gouvernement a pris des mesures pour améliorer la sécurité des usagers, notamment en imposant le port du casque pour les mineurs.

Comment expliquer que les engins de déplacement personnel se soient développés de façon anarchique dans l’espace public, avec une réaction quelque peu tardive des politiques, puisqu’il a fallu attendre mars 2020 pour qu’une réglementation spécifique voit le jour ?

T.B. : Cela relève des prérogatives du gouvernement. Il a fallu s’adapter au comportement des usagers et aux spécificités de ces engins. Pour autant, il faut rappeler que lorsqu’ils sont utilisés sur route, leurs usagers restent soumis aux dispositions du code de la route.

Pour des raisons de sécurité, certains estiment que les trottinettes électriques devraient soit être interdites, soit bénéficier d’infrastructures dédiées ?

T.B. : Interdire les trottinettes reviendrait à pénaliser un grand nombre de leurs usagers, à cause du comportement de quelques inconscients. Je ne pense pas que ce soit la solution. Dans un monde idéal, bien évidemment qu’on souhaiterait qu’une voie de circulation soit dédiée aux vélos et aux trottinettes sur tout le territoire. Mais là encore, il faut tenir compte des spécificités de la principauté, alors que nous avons déjà du mal à trouver des solutions efficaces pour réduire les bouchons.

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@ DR

À Paris, les trottinettes électriques sont bridées à 10 km/h : faut-il faire de même ?

T.B. : À Paris, seules les trottinettes en libre-service sont bridées à 10 km/h, mais cette mesure ne concerne pas les engins personnels. Or, il n’y a pas de trottinette en libre-service à Monaco, et il serait impossible d’obliger les constructeurs à brider leurs engins. En revanche, que les contrevenants au code de la route (conduite sur les trottoirs, port du casque, sens interdits, feux rouges…) soient davantage réprimés, permettrait de limiter certains comportements dangereux.

Le port du casque est devenu obligatoire pour les usagers de trottinettes électriques, « quel que soit l’âge de l’utilisateur », depuis le 24 janvier 2022 : faudrait-il aller plus loin et le généraliser aux autres engins de déplacement personnel ?

T.B. : En général, je ne suis pas favorable pour tout règlementer. Le port du casque à vélo est déjà obligatoire pour les mineurs. Pour les majeurs, je pense qu’il faut laisser à chacun le choix de s’équiper d’un casque ou des autres équipements de sécurité ou non, notamment en fonction de l’usage dont ils en font, de leur conduite, des conditions de circulation, du trajet qu’ils effectuent…

Alors que Monaco est de plus en plus congestionnée, la trottinette électrique en libre-service serait-elle une bonne idée, puisqu’elle est souvent associée aux mobilités douces et au respect de l’environnement ?

K.A. : Monaco a fait le choix de déployer dans un premier temps les Mobee et les vélos électriques. La réflexion sur la trottinette électrique en libre-service n’est pas écartée, mais elle présente d’autres aspects de sécurité, d’autonomie différente lorsqu’elle est utilisée en libre-service plutôt qu’en utilisation personnelle. C’est la raison pour laquelle elle a été réglementée en 2020 au code de la route.

« La réflexion sur la trottinette électrique en libre-service n’est pas écartée, mais elle présente d’autres aspects de sécurité, d’autonomie différente lorsqu’elle est utilisée en libre-service »

Thomas Brezzo. Elu Primo !

Quels sont les projets sur lesquels la principauté pourrait travailler pour améliorer encore la sécurité routière à Monaco ?

T.B. : À Monaco, les accidents graves concernent essentiellement les deux roues, et à mon sens, c’est sur ce type de véhicules qu’il faut mettre l’accent en matière de sécurité. Pour autant, nous ne sommes pas confrontés aux mêmes difficultés qu’en France, et notamment la problématique des glissières de sécurité ou l’état des routes. L’essentiel doit porter sur les comportements et la prévention des risques. Peut-être pourrait-on envisager d’imposer des stages de sensibilisation pour les auteurs de certaines infractions. Outre le coût qui serait à leur charge en lieu et place ou en sus d’une amende, la prise de conscience de la réalité de certains dangers ne serait que bénéfique.

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