vendredi 29 mars 2024
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Retraites: la réforme n’attendra pas

Publié le

Une majorité des élus du conseil national avaient annoncé leur volonté de ne pas examiner « en urgence » le projet de loi sur la réforme des retraites. Le chef d’Etat monégasque en a décidé autrement et a mis fin à la discussion. Albert II a fixé un examen du texte fin septembre, en session extraordinaire.

La riposte a été quasi immédiate. Le vote du projet de loi sur la réforme des retraites aura bel et bien lieu avant le 30 septembre. Date limite qu’avait fixée le gouvernement. C’est le chef d’Etat monégasque en personne qui l’a confirmé dans un communiqué sans ambiguïté. « Le maintien de notre système de retraite par répartition est l’un des enjeux de la décennie qui s’ouvre. C’est pourquoi j’ai demandé à mon gouvernement, il y a maintenant plusieurs mois, d’œuvrer de façon résolue à la recherche d’une solution juste et positive pour assurer sa pérennité, écrit Albert II. Les études réalisées et les éléments dont disposent les caisses de retraite elles-mêmes convergeaient en effet vers un même constat?: celui de l’incapacité du système de retraite monégasque, si rien n’est fait, à honorer ses engagements dans moins de vingt ans. » Après ce constat général, le prince Albert a demandé aux élus de voter le texte gouvernemental à l’échéance prévue?: « J’entends que ce texte, qui a reçu mon entière approbation, soit examiné sans tarder et sans qu’il soit nécessaire d’entreprendre à nouveau des études au demeurant déjà réalisées par le gouvernement dont c’est la tâche. C’est pourquoi, conformément aux dispositions des articles 59 et 62, alinéa 2, de la constitution, qui me confèrent ce pouvoir, j’ai décidé que le conseil national se réunira en session extraordinaire la dernière semaine du mois de septembre prochain afin d’examiner le projet dont il est saisi », a encore défendu le chef d’Etat. Avant de conclure?: « Il est des responsabilités auxquelles on ne peut se soustraire. »

« Précipitation »
Un message clairement adressé à la majorité du conseil national, aux deux élus indépendants Philippe Clérissi et Pierre Svara et à l’UNAM, qui, lors d’une conférence de presse commune le 11 mai, avaient d’une même voix refusé de voter ce texte en urgence. Jugeant le calendrier bien trop « précipité. » C’est le président de l’UDM, Jean-Sébastien Fiorucci, qui avait annoncé la couleur?: « Il n’y aura pas de session extraordinaire en septembre pour voter la réforme des retraites. On a aucun préjugé sur le contenu du texte. On ne prend pas une posture. On est tous parfaitement convaincus de la nécessité d’une réforme, a-t-il indiqué. Mais ce serait totalement irrespectueux pour la population active de voter le texte dans la précipitation, sans prendre le temps d’en discuter avec les partenaires sociaux. La méthode proposée par le gouvernement n’a pas créé le consensus. Nous voulons étudier le texte sérieusement et sereinement. »
Cette remise en cause du calendrier n’était en réalité qu’une demi-surprise. Car dès le départ, les élus — tous bords politiques confondus — avaient émis de lourdes réserves sur le timing du vote. Entre un mois de mai rempli de jours fériés — ponctué de deux Grands prix — de nombreuses obligations parlementaires en juin, et un déménagement dans le nouveau conseil national en juillet… difficile selon les élus de trouver le temps nécessaire pour analyser le texte sereinement et consulter les partenaires sociaux. « On était tous convaincus que d’ici le 30 septembre, c’était impossible, déraisonnable et irresponsable de voter le projet de loi dans une telle précipitation. D’autant que nous suggérons de mandater un expert indépendant pour qu’il contre-expertise le travail fait par les caisses sociales et le gouvernement, a ajouté Fiorucci. On ne peut pas dire Amen à ce texte sans ce travail. La Haute assemblée est en droit de garder son esprit critique. Le conseil national c’est le pouvoir législatif. Et le pouvoir législatif est indépendant de l’exécutif. »

« Pas un désaveu »
Pas question donc que l’assemblée parlementaire devienne une simple chambre d’enregistrement. Les élus sont pleinement dans leur « rôle constitutionnel, estimait l’élu Guillaume Rose. Il ne s’agit en aucun cas d’un désaveu du gouvernement. Le conseil national ne peut pas accepter en l’état toute décision du gouvernement sans prendre ses responsabilités d’élus. » Pour bien prouver le consensus au-delà des clivages partisans, les élus indépendants Philippe Clérissi et Pierre Svara s’étaient également ralliés à la cause. Peut-être fallait-il y voir aussi un premier signe de rapprochement pour les élections de février 2013 — mais est-ce encore d’actualité après le réaction princière?? —… « Le conseil national partage le pouvoir législatif avec le gouvernement. Il est donc normal qu’il prenne le temps d’étudier une loi qui engage l’avenir d’un régime jusqu’en 2?050 », avait estimé Clérissi. Convaincu lui aussi qu’une réforme est indispensable. Même son de cloche pour le président de l’UNAM Claude Cellario?: « Sur le constat qu’il faut une réforme, nous sommes tous d’accord. Il est en revanche tout à fait légitime que le conseil national prenne son temps pour étudier ce projet de loi. Ce serait de l’irresponsabilité que de ne pas prendre un minimum de précaution pour bien voir la faisabilité de ce dispositif que nous donne le gouvernement. »
En quelques lignes, le prince a donc mis fin à toute discussion. Fait exceptionnel, en l’espace de 3 mois, c’est la deuxième fois que le chef d’Etat monégasque monte à titre personnel au créneau. En février dernier, Albert II avait déjà réagi publiquement pour défendre la direction des services judiciaires. La légitimité de la DSJ avait été remise en cause par l’actuel bâtonnier et élu de la majorité Jean-Charles Gardetto, qui s’appuyait sur l’étude d’un juriste français, le professeur Renoux.

La carte de l’apaisement
Après ce communiqué tranchant venu du sommet de l’Etat, comment réagir?? Courber l’échine ou faire dans la surenchère?? Les élus concernés ont finalement décidé de jouer la carte de l’apaisement.
Au lendemain de la réaction du palais, 12 élus ont à leur tour cosigné un communiqué commun. Exceptés, l’UNAM Eric Guazzone et les élus indépendants Philippe Clérissi et Pierre Svara. Ces « défections » présagent-elles l’absence de ralliement à la majorité pour les prochaines élections?? A voir. En tout cas, les élus signataires indiquent que « La majorité du conseil national s’est toujours montrée très attachée au respect des institutions qui prévoient notamment la possibilité de provoquer une session extraordinaire du conseil national soit sur convocation du prince, soit, à la demande des deux tiers au moins des membres, sur convocation de son président. C’est pourquoi, les élus du groupe majoritaire prennent acte de la décision du prince de convoquer une session extraordinaire du conseil national. » Avant de rajouter?: « Le groupe majoritaire rappelle cependant qu’il a exprimé des réserves sur le projet déposé par le gouvernement notamment en concerne l’absence de dispositions relatives à l’instauration d’une retraite minimale. » Et de conclure?: « Le groupe majoritaire a pris acte du souhait du prince et examinera ce projet de loi durant la dernière semaine du mois de septembre prochain. »

l'UDM et l'UNAM
© Photo Monaco Hebdo.

Parade juridique
Pourtant, pour prendre le temps d’éplucher le projet de loi et « contourner » la deadline fixée par le gouvernement, les élus avaient trouvé une parade juridique, qui paraissait sur le papier infaillible. En dissociant les deux volets du projet de loi. Le texte comprend en effet d’une part, une modification des conditions de financement du fonds social de la CAR. D’autre part, des mesures visant « à assurer le financement des retraites pour les quarante prochaines années. » C’est pour le premier volet que le texte devait justement être voté coûte que coûte avant le 30 septembre. Car à défaut, il aurait été impossible, en l’état actuel de la loi, de verser à compter du mois d’octobre 2012 l’intégralité de l’allocation conjoint versée aux retraités les plus modestes et de verser l’allocation décès. (1) Pour assurer le financement de ce fonds d’action social et lever ainsi cet obstacle juridique, la majorité parlementaire s’était dit disposée à voter, sans délai, un projet de loi qui reprendrait les dispositions de l’article 8 du texte ficelé par le gouvernement. Une mesure qui aurait ainsi réglé cette urgence. Et ce, avec un vote possible dès le mois de juin. Pour le deuxième volet en revanche, à savoir le financement des retraites, il n’y avait pas d’urgence immédiate selon les élus. « Car le fonds de réserve de la CAR existe. Il permet de financer temporairement un déficit. Ce qui est le cas depuis 2 ans. On pourrait donc, si nécessaire, continuer à financer le déficit pendant encore une année. Il n’y a donc pas d’urgence à faire une réforme dans les mois qui suivent », avait expliqué le trésorier de l’UDM, Claude Cottalorda, lors de la conférence de presse.

Dialogue social
Pour étayer son argumentaire, Fiorucci s’était également basé sur une lettre de Philippe Ortelli, président de la fédération patronale monégasque. Lettre envoyée au ministre d’Etat qui disait en substance ceci?: « Il nous parait essentiel de prendre tout le temps nécessaire pour étudier les modifications législatives proposées par votre gouvernement sur un sujet aussi capital et ne pas agir dans l’urgence juste pour régler un problème mineur. » Le « séisme » provoqué par le communiqué du prince a même bouleversé le calendrier des élus. Le mardi 15 mai — soit le lendemain de la riposte princière — une réunion était prévue entre le conseil national et la fédération patronale. Réunion finalement annulée. « Sans motif », pouvait-on lire sur le mur Facebook de Rassemblement & Enjeux. Qui n’a pas hésité à en remettre une couche?: « La Haute assemblée est à la dérive. »
Quant au dialogue social et son échec cuisant — malgré 10 années de débats entre patronat et syndicat et 6 récentes réunions, toutes infructueuses — la majorité du conseil national espérait même pouvoir apporter une pierre à l’édifice. « Peut-être que là où le gouvernement a échoué, le conseil national va réussir. On ne tire pas de plans sur la comète mais les élus sont aussi des médiateurs entre le gouvernement et d’autres entités. Il y a des questions idéologiques difficiles à résoudre mais le conseil national pourra peut-être jouer un rôle, expliquait encore Fiorucci la semaine dernière. Je pense que le gouvernement sera capable de comprendre notre démarche. » Le prince Albert en aura finalement décidé autrement.

(1) Le projet de loi prévoit d’affecter une part des cotisations à ce fonds d’action sociale, alors qu’il était précédemment alimenté par une part des intérêts du fonds de réserve de la CAR.

USM?: Appel à la grève le 21 juin
Sans surprise, l’Union des syndicats de Monaco a soutenu sans réserve les élus qui ont refusé de voter le texte « au pas de charge. » Et pour cause. « Dès le mois de janvier nous avions demandé au gouvernement d’envisager séparément et dans l’immédiat la modification de l’article 31 ter de la loi n° 455 concernant les sommes à affecter au Fonds d’action sociale. Cela nous paraissait la meilleure manière pour examiner dans la sérénité, hors de toute précipitation, les mesures d’ajustement et les mesures plus fondamentales préconisées par l’Union des syndicats dont la mise en œuvre ne devrait pas être envisagée, selon nous, dans le même temps et de manière globalisée. Le gouvernement avait refusé, prétextant que les élus n’accepteraient pas de voter cette seule mesure isolément », indique l’USM dans un communiqué. Avant d’ajouter?: « S’il y a peut être eu consultation de la part du gouvernement au cours des derniers mois, il n’y a certes pas eu concertation car toutes nos idées ont été écartées sans être étudiées. Ceci avait d’ailleurs donné lieu à un échange de courriers assez vif entre le gouvernement et l’USM qui avait acté une fin de non recevoir, un chantage exercé à partir de la question du Fonds d’Action Sociale et une menace laissant supposer que les débats puissent se dérouler sans la participation de notre organisation. » Quant à la réaction du prince Albert, l’USM répond?: « Le communiqué princier confirme la volonté de passer le projet coûte que coûte et à la hâte. Il est d’ailleurs significatif qu’un courrier ait déjà été adressé par le gouvernement à l’ensemble des salariés et retraités, même aux non concernés du CHPG, laissant ainsi supposer le projet comme inéluctable et acquis au vote?! Une opération de propagande qui a dû coûter fort cher, et qui pose la question de l’implication des diverses Caisses à l’origine de cette expédition, organismes indépendants de droit privé, qui ont usé pour le compte d’un tiers, de données personnelles des assurés sociaux, dont il est permis de se demander si elles ont bien été collectées pour pareille finalité. » L’USM appelle enfin les salariés à faire entendre leur voix lors d’une grève le 21 juin prochain.

Retraites?: ce que prévoit le projet de loi

Le projet de loi sur la réforme des retraites ficelé par le gouvernement entend répartir l’effort de manière « équitable » entre salariés et employeurs. Les retraités ne seront pas concernés par les mesures.

Malgré les remous autour du calendrier, la nécessité d’une réforme du régime des retraites ne fait pas l’ombre d’un doute pour la Haute assemblée. Les élus, tous bords politique confondus, l’ont suffisamment dit et répété. C’est peut-être sur le détail des « mesures d’ajustement » proposées par le gouvernement que le consensus sera moins évident. Réponse dans les prochains mois. En attendant, le gouvernement défend bec et ongle son projet de loi. Un texte qui, selon l’Exécutif, préservera « le régime des retraites jusqu’en 2050. » Et le conseiller aux affaires sociales Stéphane Valeri de rappeler les perspectives alarmistes qui attendent le pays en cas d’inaction?: « En l’absence de mesures de protection, le paiement des retraites ne pourrait être honoré à l’horizon 2030, sauf à diminuer de près d’un tiers la valeur des pensions. » Le refrain est désormais bien connu. Entre 2003 et 2011, trois études ont été menées par deux actuaires différents. « Elles concluent toutes au déséquilibre structurel du régime et à l’épuisement des réserves à l’horizon 2030, avec pour conséquence, en l’absence de décisions courageuses, une diminution drastique des retraites », continue le gouvernement. Une dégradation des comptes qui s’explique selon l’Exécutif pour deux raisons majeures?: la forte augmentation de l’espérance de vie et donc — à fortiori — l’allongement de la durée de perception des pensions. Et avec pour corollaire, la dégradation du ratio nombre de salariés cotisants par rapport au nombre de retraités. « En 1970, la durée moyenne de perception des pensions était en effet de 7 ans. Or, elle est passée à 19 ans en 2010 », a encore détaillé le gouvernement.

Hausse du taux de cotisation
Pas question non plus pour le gouvernement que les retraités aient à assumer une part de l’effort?: « Ils n’ont pas à subir une diminution de leur pouvoir d’achat qui leur serait particulièrement préjudiciable, cette catégorie de population n’étant plus en mesure de s’assurer un complément de revenus. » Le projet de loi prévoit donc une augmentation qualifiée de « raisonnable et progressive » du taux de cotisation à la charge de l’employeur entre 0,8 et 1,3 %. Pour le salarié, la hausse sera comprise entre 0,4 et 0,7 %. Aujourd’hui, le taux des cotisations patronales et salariales est de 6,15 %. Autre mesure phare?: le gouvernement a décidé de coupler la hausse des cotisations salariales avec la dissociation de la valeur du point de retraite et du salaire de base. Pour comprendre concrètement la teneur des changements qui se préparent, dans son courrier envoyé à 74?000 salariés, retraités et employeurs, le gouvernement a exposé un exemple précis?: un employé percevant aujourd’hui le salaire moyen cotisé, soit 2?818,92 euros bruts mensuels, va voir sa cotisation augmenter de 11,28 euros par mois (19,73 euros au maximum lorsque le plafond de cotisation additionnelle sera atteint). Son employeur devra cotiser 22,55 euros en plus par mois (36,65 euros au maximum). Ce salarié, dont le salaire brut a toujours été équivalent au salaire moyen entre 1993 et 2012, obtenait en 1992, 27 points de retraite par an, et 31 cette année. Dans le futur, si son salaire continue à progresser comme le salaire moyen (inflation +1,1 point), il continuera à obtenir 31 points par an. « Sa retraite sera donc stabilisée », conclut le gouvernement.

Michel Roger
« Les 5 mois dont dispose le conseil national depuis le dépôt du texte jusqu’à son examen en séance publique, fin septembre, permettent un examen approfondi et sans précipitation des 10 articles du projet. » © Photo Monaco Hebdo.

« Cette décision s’impose à tous et chacun doit la respecter »

Pour le ministre d’Etat Michel Roger, il n’y pas de doute?: le projet de loi gouvernemental devrait être examiné et adopté fin septembre. Le gouvernement se dit prêt à discuter, de tout amendement que souhaiterait apporter le conseil national, « sous la réserve que les principes fondamentaux du projet — effort partagé par les employeurs et les salariés consacré en 1947 lors de la création du régime des retraites, pas d’effort demandé aux retraités actuels — soient respectés ».

Monaco hebdo?: La majorité du conseil national et quelques élus indépendants ont annoncé en conférence de presse le 11 mai qu’ils ne souhaitaient pas voter la réforme des retraites en septembre, en session extraordinaire, comme le souhaitait l’Exécutif. Le prince vient de réagir fermement en indiquant qu’au contraire, cette session aura bien lieu. Quel est votre sentiment par rapport à cette annonce??
Michel Roger?: J’ai effectivement pris connaissance dans la presse de cette déclaration du président de l’UDM. La constitution (articles 59 et 62 alinéa 2) réserve au prince le droit propre de convoquer en session extraordinaire le conseil national et d’en fixer l’ordre du jour. Aujourd’hui, le prince souverain a tranché en décidant, en application de ces articles de la constitution, de réunir fin septembre le conseil national en session extraordinaire. Cette décision souveraine s’impose à tous et chacun doit la respecter.

M.H.?: Comprenez-vous que la majorité parlementaire considère que le calendrier était trop serré pour effectuer un vote fin septembre??
M.R.?: Rappelons que le gouvernement, conformément aux instructions du prince, a procédé à une large concertation des partenaires sociaux (6 réunions), à plusieurs simulations réalisées par un actuaire et à la rédaction de ce projet de loi, tout cela en 4 mois. Les 5 mois dont dispose le conseil national depuis le dépôt du texte jusqu’à son examen en séance publique, fin septembre, permettent un examen approfondi et sans précipitation des 10 articles du projet. Les élus disposent même d’un mois de plus que le gouvernement pour, eux aussi, rencontrer les partenaires sociaux, faire procéder, s’ils le souhaitent, à une expertise et, éventuellement, proposer des amendements. Il faut rappeler que tous les groupes politiques, majoritaires et minoritaires, de l’Assemblée, ont pressé le gouvernement, lors des débats budgétaires de décembre 2011, de déposer, dans les meilleurs délais, un projet de loi pour sauver le régime de retraite par répartition. C’est ce qu’a fait le gouvernement, selon les orientations fixées par le prince, dans l’intérêt du pays, en prenant ses responsabilités et en proposant des mesures justes et équilibrées, absolument nécessaires pour protéger notre système de retraites par répartition.

M.H?: Pour assurer le financement du fonds social et lever « l’obstacle juridique », la majorité du conseil national se disait disposée à voter, sans délai, un projet de loi qui reprendrait les dispositions de l’article 8 du projet de loi déposé par le gouvernement. Que pensez-vous de cette proposition??
M.R.?: Les mesures de protection du régime des retraites constituent un tout qui doit être examiné globalement. Scinder le débat ne peut qu’introduire de la confusion sur un sujet qui mérite plus d’attention. En effet, il est illusoire de penser que l’examen de l’article 8 puisse se faire sans donner lieu à un débat général sur l’ensemble du problème des retraites. Comment imaginer de pérenniser une dépense par le fonds social, sans avoir en même temps réfléchi et décidé des moyens de la financer??

M.H.?: Que pensez-vous de la démarche de la majorité du conseil national de faire analyser le projet de loi par un expert indépendant??
M.R.?: Il me semble normal que le conseil national, pour examiner le projet gouvernemental, sollicite l’avis d’un expert. En revanche, si cette expertise devait conduire à refaire les études d’actuaires déjà réalisées à plusieurs reprises et en toute indépendance par les Caisses sociales, organisme paritaire, ce serait le signe qu’il n’y a pas de volonté politique d’adopter les mesures nécessaires à la sauvegarde des retraites. Le délai de 5 mois paraît donc largement suffisant pour formuler cet avis.

M.H.?: Si la session extraordinaire a bien lieu en septembre, craignez-vous que le texte ne soit pas voté??
M.R.?: Il y aura bien, comme l’a annoncé le prince, une session extraordinaire du conseil national en septembre sur ce projet. Le gouvernement ne peut imaginer qu’il ne soit pas voté. Je suis persuadé que la volonté de protéger notre système de retraite, si souvent formulée par l’ensemble des élus et attendue par les Monégasques, l’emportera sur toute autre considération. L’intérêt général commande que ce texte soit adopté non dans l’urgence mais dans un délai raisonnable, c’est-à-dire fin septembre.

M.H.?: Hypothèse de politique fiction?: si ce n’est pas le cas, cela impliquerait-il une crise politique avant le vote du budget et juste avant les élections nationales??
M.R.?: Je n’ai pas le sentiment qu’il y ait de divergences profondes avec les élus tant sur les mesures que sur leur équilibre. La réaction de certains élus me semblait porter plutôt sur le calendrier. Une question de calendrier, qui ne se pose d’ailleurs plus aujourd’hui, ne justifie pas une crise politique. En tout cas, le gouvernement, dans l’intérêt du pays, ne le souhaite pas. L’esprit et la lettre de nos institutions commandent que le gouvernement et le conseil national trouvent un consensus sur tout projet de loi. Le gouvernement, en ce qui le concerne, est prêt à discuter, dans un esprit constructif, de tout amendement que souhaiterait apporter le conseil national, sous la réserve que les principes fondamentaux du projet — effort partagé par les employeurs et les salariés consacré en 1947 lors de la création du régime des retraites, pas d’effort demandé aux retraités actuels- soient respectés.

Les politiques réagissent

Alors que l’opposition Rassemblement et enjeux dénonce la position « irresponsable » de la majorité du conseil national, l’élue UP Anne Poyard-Vatrican s’en prend sans ménagement au président de l’UDM, Jean-Sébastien Fiorucci.

Anne-Poyard Vatrican
Anne-Poyard Vatrican © Photo Monaco Hebdo.

UP?: « Une crise provoquée par l’UDM »

«Comme beaucoup de Monégasques j’en suis certaine, vous avez lu le communiqué de notre prince sur les retraites, et êtes soulagés par la certitude que le modèle social monégasque sera préservé à l’issue de la session extraordinaire qu’Il convoquera en septembre. Comme vous, j’ai à cœur que notre système par répartition qui verse aujourd’hui des retraites très supérieures à celles de la France, puisse continuer d’exister afin de sauvegarder nos avantages pour les générations à venir, car ce système fait partie de nos spécificités et de nos facteurs d’attractivité.
Pour cela, il faut agir, car 2 des 3 seuils d’alerte mis en place avec les partenaires sociaux sont passés au rouge et, si rien n’est fait, le fonds de réserve de la CAR sera à zéro en 2030 et le montant des retraites gravement compromis. Nous devons également intervenir car le président de l’UDM et chef de cabinet du président du conseil national, entendait bien prendre en otage le sujet des retraites à des fins électorales en repoussant aux calendes grecques le débat et les décisions liées.
Rassurez-vous, cette attitude lourdement sanctionnée par le souverain aujourd’hui émane d’un non-élu, qui a eu la présomption de vouloir lui imposer son propre calendrier sur le projet de loi des retraites, au mépris de notre constitution. Non-élu qui a su tromper certains conseillers nationaux qui n’ont pas détecté la manipulation.
L’UP, quant à elle, reste fidèle à ses valeurs fondatrices et rappelées lors de l’assemblée générale du 17 avril dernier?: le respect de nos institutions, de la constitution, de la famille princière et de nos spécificités monégasques.
Essentiel, le sujet des retraites demande un débat responsable et approfondi. Ainsi, afin de sortir de cette crise provoquée par l’UDM, je soutiens la proposition du Président de l’UP faite dès lundi, de créer un groupe de travail spécifique sur les retraites — composé d’un membre de chaque parti au conseil national. Il faut se mettre au travail dès à présent sur le texte du gouvernement, recevoir les acteurs concernés et faire les ajustements que nous pourrions juger justes et légitimes afin que l’on soit prêt pour septembre. Je ne doute pas que la plupart des élus auront à cœur de s’élever au-dessus des partis sur ce sujet d’importance.
En dépit de signes préoccupants, comme l’annulation le 15 mai par l’UDM de la réunion de concertation avec la Fédération patronale sur le sujet des retraites, les Monégasques doivent rester confiants dans notre volonté de les représenter pour préserver le modèle social auquel ils sont tant attachés, dans la logique d’évolution sereine qui nous a toujours guidé. »

Laurent Nouvion
© Photo Monaco Hebdo.

R&E?: « Une mise au point, on ne peut plus claire »

«Le projet de loi réformant le régime des retraites (de la CAR) pour assurer sa pérennité n’est pas parfait, et certaines dispositions méritent d’être débattues, mais ce texte nous paraît globalement sérieux et équilibré. C’est une base de travail de qualité pour les partenaires sociaux et pour le conseil national qui devra assumer ses responsabilités. Nous regrettons que des positions inconciliables au niveau des partenaires sociaux n’aient pas permis, à ce stade, un accord a minima sur ce texte dont l’urgence est réelle et réclamée par les élus R&E au conseil national depuis 2008 et même enfin par ceux de la majorité restante fin 2011.
Nous regrettons encore plus la position irresponsable de cette même majorité UDM-UNAM du conseil national qui, c’est une première dans l’histoire récente de la Haute Assemblée, a reçu deux communiqués en moins de 3 mois de la part du prince Albert et de son cabinet. Ce dernier, daté du 14 mai 2012, a répondu à la volonté des élus majoritaires de bloquer ce texte, sous des prétextes fallacieux où la défense des intérêts des Monégasques passe loin après la défense des intérêts d’un parti en mal d’existence. Le communiqué adressé ce jour par notre souverain, premier garant de notre régime politique, la monarchie constitutionnelle et héréditaire, est une mise au point on ne peut plus claire, et un deuxième recadrage adressé en quelques semaines à la majorité, après celle concernant la prise de position hasardeuse sur la légitimité de la Direction des services judiciaires.
Une nouvelle fois, R&E rappelle son attachement à un fonctionnement strict des institutions, que certains veulent en permanence dévoyer à leur profit, et son soutien sans réserves au prince lorsqu’il rappelle ces principes de notre constitution. Il ne s’agit pas là, pour nous, d’accorder un blanc-seing permanent au gouvernement, qui ne le mérite pas toujours, ni de minorer le rôle du conseil national, dont nous pensons qu’il doit être fort et respecté, mais de rappeler que l’intérêt du pays suppose une collaboration réelle et efficace entre les diverses institutions, que les errements de l’actuelle majorité compromettent de plus en plus. Dans ce contexte, nous souscrivons à la proposition faite ce jour par l’UP de créer un groupe de travail multi-partis au conseil national pour examiner sans délai ce texte avec tout le sérieux qu’il requiert. »

Synergie monégasque?: « La confiance doit prévaloir »

«Depuis le début de l’année notre mouvement a pris une position claire en faveur d’un ajustement des cotisations pour les retraites, considérant que l’effort devait être partagé entre les employeurs et les salariés, sans que les retraités qui ont cotisé dans le passé en soient affectés et que cela se fasse dans des délais raisonnables. Nous avons toujours considéré que lorsqu’il est impossible de parvenir à un consensus entre les partis opposés, le gouvernement doit trancher et prendre ses responsabilités. On observe que c’est le cas sur ce sujet?! Nous avons pris connaissance que les élus de la majorité du conseil national n’envisageaient pas de voter le projet de loi du gouvernement cet automne. Autant nous souhaitons que le conseil national remplisse pleinement son rôle institutionnel à l’égard du gouvernement, autant nous considérons que dans certains cas d’intérêt public et général, lorsqu’il y a un caractère de nécessité à court terme, la confiance doit prévaloir. C’est celle ci qui doit s’appliquer en respectant les souhaits du souverain qui a décidé conformément à son pouvoir constitutionnel, que le conseil national se réunira en session extraordinaire en septembre. Mais qui osera maintenant s’opposer à cette décision et donc au pouvoir du Prince et retarder le vote de cette loi?? Synergie Monégasque, dans la continuité de son raisonnement soutient pleinement cette position. »