vendredi 29 mars 2024
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Réseau virtuel, danger réel

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Derrière leur côté ludique, les réseaux sociaux regorgent de menaces pour la vie privée et professionnelle des internautes. Ces sites qui renferment une quantité astronomique d’informations personnelles peuvent porter directement atteinte à l’intimité des utilisateurs. Quels sont ces dangers et comment s’en préserver??

Tribune politique pour les uns, plateforme d’expression et d’échange pour les autres, les réseaux sociaux ont littéralement envahi la vie des internautes. Qu’il s’agisse de Twitter et de ses micromessages, de Facebook et ses millions de vrais et faux « amis » ou de sites plus professionnels comme LinkedIn, Tumblr, ou encore Viadeo, impossible d’échapper à ce « tsunami » numérique. Des réseaux communautaires sur lesquels des pans entiers de vie privée sont livrés clés en main sur la Toile et où la frontière entre vie privée et vie publique disparaît totalement. Le phénomène a pris une ampleur vertigineuse. Jusque dans l’Histoire. « Tout le monde garde à l’esprit le rôle crucial des réseaux sociaux dans les révolutions de jasmin, mais aussi dans la diffusion d’informations que les gouvernements chinois, iraniens ou syriens ont voulu cacher au monde entier et à leurs propres citoyens?! », rappelle l’élu de la majorité Bernard Marquet. Des sites qui offrent une puissance de relais sans précédent et « où les distances n’ont plus aucune signification et l’immédiateté devient la norme?! », rajoute cet élu.

Elus et gouvernement dans l’arène
Selon les chiffres publiés par la commission de contrôle des informations nominatives (CCIN) — équivalent monégasque de la CNIL — au plan mondial, le plus populaire d’entre eux, Facebook, comptait, en mai 2011, 700 millions d’inscrits. Avec chaque jour 30 milliards de contributions postées sur le site. Alors que 77 % des internautes français sont membres d’au moins un réseau social selon l’Institut français d’opinion publique (Ifop), difficile à Monaco d’avoir des chiffres dans ce domaine. Seule certitude?: Monaco Telecom compte aujourd’hui plus de 14?800 clients internet. Et donc potentiellement autant d’adeptes de ces sites communautaires. Même les élus du conseil national ont envahi l’arène virtuelle (voir l’article 2013, la bataille du web) tout comme le gouvernement monégasque. Depuis janvier 2012, des petites mains de l’administration postent à leur tour des tweets institutionnels. Le web et les réseaux sociaux sont aussi devenus le nouveau terrain des revendications citoyennes.

Coups de gueule citoyens
Monégasques et résidents profitent désormais de la Toile pour pousser leurs coups de gueule sur l’actualité. Sur Facebook essentiellement, où plusieurs pages ont été créées. Pèle-mêle?: « Non à la destruction du Sporting d’hiver de Monaco » (234 membres), « Contre la disparition programmée du marché de la Condamine » (760 membres), « Non à la fermeture du Moods » (219 membres), ou encore « Pour ceux qui en ont marre du monopole de Monaco Telecom » (443 membres)… Les pétitions elles aussi se multiplient en ligne. Après une récente pétition revendiquant la couverture de Monaco par Free Mobile, une autre a été nommément adressée au conseiller Stéphane Valeri le 12 janvier dernier sur mesopinions.com. Baptisée?: « Nous sommes tous précaires?! Nous signons?! », cette pétition du Syndicat des cuisiniers et pâtissiers (affilié à l’USM) indique noir sur blanc?: « A Monaco, comme ailleurs, dans le privé comme dans le public, se développe le cancer des contrats à durée déterminée, du travail intérimaire, des suppléances, des astreintes, des vacations, des extras, du temps partiel subi… A Monaco, pire qu’ailleurs, le patronat et l’État, ont fait du licenciement sans motif la pire arme jamais inventée pour fragiliser le contrat à durée indéterminée et la situation de chaque salarié?! » Une pétition qui n’a pas eu pour l’heure un franc succès. Seulement une vingtaine de signatures.

Suppression du compte… ou presque
Derrière cette communication virtuelle tous azimuts, se cachent pourtant des menaces réelles pour les internautes. Notamment pour ceux qui font un étalage démesuré de leur vie privée en ligne, sans en mesurer les risques potentiels… C’est pourquoi la CCIN a décidé de tirer la sonnette d’alarme sur les dangers du plus fréquenté des réseaux sociaux?: Facebook. En janvier dernier, la commission a ainsi diffusé à 4?000 exemplaires dans les foyers monégasques son courrier « Droit d’@ccès ». Une brochure de 8 pages montrant la face cachée et les dérives potentielles de ce réseau social. Pas une volonté de « diaboliser », assure Eric Rosenal, juriste à la CCIN mais de « responsabiliser les internautes. Car à partir du moment où les données personnelles sont visibles en ligne, nous n’avons aucun contrôle sur leur devenir. » En clair, les informations que vous diffusez de votre main, tags, photos, commentaires, et autre détails intimes, deviennent la propriété de Facebook et peuvent ainsi être utilisées et dévoyées. « Même lorsque vous supprimez un élément, celui-ci devient en réalité seulement invisible sur votre profil. Tout est conservé. Et la durée de conservation de ces données est indéterminée », alerte la CCIN. Car aujourd’hui le fameux « droit à l’oubli numérique » n’est toujours par assuré. Bien que l’Europe se soit saisie concrètement du problème et qu’une directive de la commission européenne pourrait bien bousculer la donne (voir encadré). « Dans les conditions générales d’utilisation de Facebook, il existe une multitude de petites subtilités qui indiquent qu’à partir du moment où vous mettez votre photo ou vos vidéos sur le site internet, Facebook peut en devenir « propriétaire ». Le flou repose véritablement dans les conditions générales d’utilisation que personne ne lit. Certaines dispositions sont totalement contraire à la loi monégasque et européenne, notamment en ce qui concerne le droit à l’oubli, mais Facebook ayant ses hébergements à l’étranger se sent à l’abri », rajoute Eric Rosenal. Exemple?: lorsque vous publiez du contenu ou des informations avec le paramètre « tout le monde », cela signifie que vous permettez à tout le monde, y compris aux personnes qui n’utilisent pas Facebook, d’accéder à ces informations et de les utiliser, mais aussi de les associer à vous. C’est-à-dire, à votre nom et à l’image de votre profil. Par ailleurs, le 7 mars dernier, Facebook a subi sa première panne mondiale. Pendant près de deux heures, le site était totalement inaccessible. « Beaucoup se demandent si les données personnelles sur le site n’auraient pas été piratées ou détournées », insiste le juriste. Le réseau social, lui, s’est contenté d’un mot d’excuse envers les internautes européens publié sur son blog, sans avancer d’explications sur les raisons de ce bug technique…

Licenciements en ligne
Ceux qui sont à la recherche d’un emploi feraient bien aussi de veiller à ce qu’ils publient sur le site. Car les employeurs profitent de plus en plus de ce « trou de serrure virtuel » pour fouiller en amont dans la vie intime des candidats. En menant une petite enquête préalable. « Les recruteurs se basent aujourd’hui sur Facebook ou sur d’autres réseaux sociaux pour cerner votre personnalité et vos activités. Ce qui peut vous porter préjudice si vous avez des photos qui ne sont pas à votre avantage ou des commentaires désobligeants », alerte Jean-Phillipe Noat, directeur technique de l’association Action innocence. Dans sa brochure, la CCIN a d’ailleurs révélé des cas très concrets. En automne 2009, une Québécoise en arrêt maladie pour dépression a ainsi vu ses allocations suspendues. La raison?? Les photos qu’elle avait publiées sur Facebook démontraient qu’elle était en état de reprendre le travail. Ces photos la montraient en train de s’amuser lors d’un spectacle de Chippendales, d’une fête d’anniversaire, ou encore en vacances. Autre exemple?: « En novembre dernier, un salarié d’une entreprise belge s’est fait licencier pour avoir critiqué son employeur sur son compte Facebook », explique la CCIN. Ouvert à tous, ce profil a été reconnu comme étant un espace public par le tribunal qui a validé le licenciement. « La jurisprudence sur ce point est encore fluctuante, rappelle toutefois Eric Rosenal. Cela tâtonne encore un peu selon si le profil est privé ou pas. Mais des salariés ont été effectivement licenciés pour avoir critiqué une décision ou un patron. »

Sauvez votre e-réputation
Certaines sociétés ont d’ailleurs profité de ces dérives pour exploiter un nouveau filon?: les sociétés de e-réputation, appelées également plus prosaïquement les « nettoyeurs du web ». Leur rôle?? Effacer sur la toile, toute trace de rumeur, de diffamations, d’injures ou de ragots qui circule à votre sujet sur Internet. « Ces sociétés vont faire en sorte par exemple de modifier le résultat de recherche sur Google et chercher toutes les informations en vue de les supprimer. Si le filon est en train de se développer, c’est qu’il y a une véritable demande, explique Eric Rosenal Ce sont essentiellement les personnes qui sont à la recherche d’un emploi qui les utilisent. » Quant au coût de la prestation, « il dépend de la complexité du problème, explique Jean-Philippe Notat. Mais cela peut aller jusqu’à plusieurs milliers d’euros. »


La publicité ciblée
Ne vous étonnez pas non plus de voir s’afficher sur votre page Facebook des publicités qui correspondent étrangement à vos goûts et à vos activités… Pas vraiment une coïncidence. « C’est que l’on appelle la publicité ciblée, explique Eric Rosenal. Grâce aux données personnelles que vous avez insérées, vos informations sont mises à la disposition d’annonceurs. » Sur votre page s’affichent ainsi des liens renvoyant par exemple à des concerts à Monaco, ou à des restaurants à Nice. Quand d’autres vous invitent à découvrir des artistes qui collent étrangement au style musical que vous affectionnez le plus… « Facebook a développé un marketing extrêmement sophistiqué, rajoute Jean-Philippe Noat. En captant votre adresse IP, des rapprochements sont faits avec l’adresse mail ou les préférences de l’utilisateur. Des rapprochements, de ce fait, sont effectués avec les autres sites qu’à fréquenté l’utilisateur et donc une centralisation des données le concernant… Techniquement Facebook récupère les traces laissées par les autres sites (cookies) et les analyse. » Une méthode pas si étonnante lorsque l’on sait que Facebook vit presque exclusivement des rémunérations de la publicité. « Ainsi, si vous cliquez sur un lien publicitaire, Facebook sera rémunéré sur ce lien. Le site va donc gagner de l’argent grâce à ce que vous aimez. Pourquoi Facebook est gratuit?? Parce que nous, internautes, nous sommes le produit », lance Eric Rosenal.

Cambriolage et divorce
Autre mise en garde de la CCIN?: les dérives de la géolocalisation. Car de nombreux internautes n’hésitent pas à publier des informations très précises sur leur localisation par le biais du système de géolocalisation « Facebook lieux » ou de leur propre statut. Statuts qui révèlent noir sur blanc où ils passent leurs vacances et les dates de leur absence… Du pain béni donc pour les voleurs. Pour peu que leur profil soit public, « les cambrioleurs se basent sur ces informations postées en temps réel et aménagent ainsi leur emploi du temps en fonction », explique la CCIN. Facebook est devenu également un nouveau moyen pour prouver l’adultère… La CCIN rappelle en effet « qu’aux Etats-Unis, l’American academy of matrimonial lawyers a chiffré à 66 % la quantité de preuves constituées à partir de Facebook dans les affaires de divorce. Le réseau social est impliqué dans 1 divorce sur 5 et est à l’origine de nombreuses dégradations de relations de couple, aboutissant à une séparation. » Il n’est donc pas à exclure que les réseaux sociaux envahissent un jour aussi les tribunaux monégasques…

(1) Selon l’Ifop, en 2011, Facebook conserve sa place de réseau social le plus connu des internautes en France (95 %, et devance toujours Youtube, dont la notoriété reste élevée (92 %). Twitter prend la troisième place du podium (85 %) au détriment de Copains d’Avant (82 %, -6).

Protégez-vous
Vous êtes les premiers responsables de ce que vous décidez de publier ou non sur les réseaux sociaux. Il est ainsi impératif de ne pas diffuser des photos compromettantes ou des informations trop personnelles — comme son téléphone mobile — sur Facebook… Faites en sorte également de ne pas rendre votre profil public et donc accessible à tous. Pour cela, il suffit d’en permettre l’accès uniquement à vos amis, — les « vrais » de préférence — en vous rendant dans « Accueil puis Paramètres de confidentialité » en haut à droit de votre page Facebook et de choisir la rubrique « amis » ou « personnalisé ». Si vous ne voulez pas que des ennemis potentiels trouvent votre compte, il suffit de se rendre dans la même rubrique et dans l’onglet « Personnes et applications bloquées ». Insérez le nom de l’indésirable, « celui-ci ne pourra plus accéder à vos informations, vous trouver dans le moteur de recherche ou vous contacter », précise la CCIN. Evitez également de laisser vos coordonnées bancaires sur ce réseau social. Si Facebook vous propose d’acheter des crédits pour accéder à certaines fonctionnalités ou à des jeux, les applications vous proposent généralement de payer directement via Paypal pour accéder à un service taxé. Meilleure option donc. La CCIN conseille enfin que votre mot de passe ne soit pas en lien avec un élément de votre vie privée?: « Pas de date de naissance, pas de nom, de votre enfant ou de l’animal de compagnie. Il doit être un mélange de chiffres, de lettres majuscules et minuscules et être composé d’au moins 8 caractères. »
L’Europe réclame « un droit à l’oubli numérique »
C’est un texte fondamental que la commission européenne a rendu public le 25 janvier dernier?: une révision de la directive européenne sur la protection des données personnelles et leur circulation (1). « L’Europe s’est saisie fermement de ce problème de droit à l’oubli numérique sur Internet. A l’heure actuelle, il y a encore des problèmes d’harmonisation. Avec des pays qui seront beaucoup plus incisifs sur ce genre de démarche alors que d’autres le seront moins », explique Eric Rosenal, juriste à la CCIN. Cette réforme devrait ainsi obliger, notamment les réseaux sociaux, à supprimer les données personnelles (photographies et autres commentaires postés par les utilisateurs eux-mêmes ou à leur insu) aux internautes qui le demanderont. « Soit les réseaux sociaux consentiront à faire des efforts pour s’adapter à la législation européenne, soit il y aura des amendes relativement importantes. Voire une solution plus extrême, l’interdiction du réseau social sur l’ensemble du territoire européen », rajoute Eric Rosenal. A suivre.

(1) La précédente directive sur le sujet datait de 1995.

Jean-Philippe Noat
Jean-Philippe Noat © Photo Monaco Hebdo

«?Le sujet ne doit pas être tabou?»

Enfants et adolescents étalent à longueur de journée des photos, des commentaires et des détails de leur vie privée sur les réseaux sociaux sans forcément en mesurer les dangers. Le directeur technique de l’association Action innocence Jean-Philippe Noat met en garde contre les dérives de ces sites communautaires.

Monaco hebdo?: Quels sont les dangers auxquels se retrouvent confrontés les enfants et les adolescents sur Internet et les réseaux sociaux??
Jean-Philippe Noat?: Les adolescents peuvent être confrontés à plusieurs types de dangers et de dérives. Certains d’entre eux, y compris à Monaco, ont été par exemple victimes d’intimidation et d’humiliation sur les réseaux sociaux. Le dénigrement sur Facebook parait gratuit et impuni car l’on se croit à l’abri derrière un écran. Or, tout dénigrement peut parfaitement justifier une plainte. Il ne faut donc pas utiliser les réseaux sociaux comme défouloir. D’ailleurs, les adolescents ne sont pas les seuls concernés. Des professeurs et des proviseurs subissent également des humiliations sur Facebook. Des collégiens et des lycéens peuvent également être contactés via ce réseau social par des prédateurs sexuels (1). Il y a également le « happy slapping », une pratique qui consiste à filmer l’agression physique d’une personne à l’aide d’un téléphone portable. Vidéo ensuite diffusée sur la Toile. C’est arrivé en gare de Monaco il y a un an et demi environ.

M.H.?: D’autres dangers??
J-P.N.?: Parmi les autres dérives, il y a également une pratique que l’on appelle « le sexting ». Un adolescent par exemple prend une photo de sa petite amie plus ou moins dénudée lors d’une soirée et la diffuse à son insu sur des réseaux sociaux. Avec l’effet boule de neige que l’on connaît. Les adolescents doivent également se méfier de Chatroulette. C’est un tchat aléatoire, qui permet de converser via sa webcam avec n’importe qui dans le monde. Des adolescents peuvent très bien tomber sur des hommes qui se masturbent devant leur écran à l’autre bout de la planète…

M.H.?: Avez-vous constaté des comportements addictifs des jeunes à l’égard de Facebook??
J-P.N.?: Ce site est effectivement très chronophage… Certains adolescents peuvent passer la nuit à s’envoyer des messages sur Facebook. Ce qui est très dangereux c’est que, même si les parents coupent Internet à domicile, les adolescents peuvent y accéder sur leur mobile.

M.H.?: Existe-il un arsenal juridique à Monaco pour la protection des enfants et des adolescents sur Internet??
J-P.N.?: Il existe évidemment des textes à Monaco qui punissent les atteintes aux mineurs. Ces délits, qu’ils soient commis sur Internet ou par un autre biais, sont dans tous les cas punissables. Les textes de loi s’appliquent. Internet n’est qu’un moyen. La notion d’atteinte aux mineurs suffit pour qu’il y ait une condamnation.

M.H.?: Que conseillez-vous aux parents??
J-P.N.?: De renouer le dialogue familial parents/enfants. Le sujet ne doit pas être tabou dans les foyers. Il faut également que les parents les sensibilisent sur la notion « d’ami ». Bien distinguer ce qu’est un ami dans la vraie vie et ce qu’est un ami selon Facebook. Ce n’est pas quelque chose de technique. Les parents peuvent donc aisément l’expliquer. Le terme « ami » sur Facebook doit ainsi être démystifié, car il est évidemment purement marketing. Les parents doivent aussi dire à leurs enfants de ne jamais accepter l’ami d’un ami, s’ils ne le connaissent pas physiquement (voir encadré).

M.H.?: D’autres conseils??
J-P.N.?: Leur faire comprendre qu’Internet est une immense machine qui capture et garde tous les évènements privés associés à un nom et à un prénom. Que tout ce qu’ils diffusent n’est pas accessible qu’à eux seuls et à leurs amis, mais bel et bien à tout le monde. Il n’y a pas non plus d’oubli numérique. Que ce soit leurs photos, leurs commentaires ou d’autres amis qui parlent d’eux… Rien ne disparait. Y compris lorsque l’on supprime son propre compte Facebook. Le compte est effacé mais pas désactivé. Et tout ceci pourrait très bien leur desservir dans 10 ans si des photos ou des commentaires peu flatteurs ont été diffusés à leur sujet sur Internet.

M.H.?: Les systèmes de contrôles parentaux sont-ils efficaces??
J-P.N.?: Ces systèmes permettent par exemple que les enfants qui surfent sur Internet n’atteignent pas des sites choquants, pornographiques, pédopornographiques, ou violents. Il y a également des systèmes de filtrage qui traquent les mots clés au contenu par exemple sexuel mais qui, en revanche, ne filtrent pas le contenu. C’est-à-dire qu’un mot aussi innocent que « Blanche neige » peut parfaitement être détourné de son « usage » initiale et renvoyé à un site pornographique. Les systèmes de contrôles ne sont donc pas la panacée, d’autant que les enfants savent les désactiver.

M.H.?: Il y a-t-il un âge « recommandé » pour commencer à surfer sur Internet??
J-P.N.?: Le psychiatre et psychanalyste Serge Tisseron a développé la règle du « 3-6-9-12 ». Grosso modo?: pas de télévision avant 3 ans, pas de console de jeu portable avant 6 ans et pas d’Internet avant 9 ans. Et l’usage d’Internet seul à partir de 12 ans. Il faut savoir également que Facebook est interdit aux enfants de moins de 13 ans. Or, il est très simple de déjouer les restrictions d’âge. Il suffit par exemple de mentir sur sa date de naissance au moment de l’inscription. Facebook n’a évidemment aucun moyen de vérifier.

M.H.?: Lors de vos réunions de sensibilisation, constatez-vous que les parents sont désormais plus familiers avec ces outils interactifs??
J-P.N.?: Aujourd’hui, les parents maîtrisent beaucoup plus les réseaux sociaux qu’autrefois. Notamment Facebook car la plupart ont à leur tour créé un compte. C’est l’absence de dialogue parents/enfants qui est réellement problématique. Nous rencontrons des parents qui ont très peur de ces réseaux sociaux, d’autres sont au contraire totalement indifférents. Il faut un juste milieu. Il est en tout cas indispensable que les parents regardent ce que font leurs enfants sur Facebook et fassent des commentaires sur leur manière de l’utiliser.

M. H?: Les parents doivent-ils justement être « amis » avec leurs enfants sur Facebook pour vérifier ce qu’ils y font??
J-P. N?: Le « flicage » ne mène à rien. Il est beaucoup plus sain de créer du dialogue et de la confiance avec son enfant. D’autant que l’adolescent peut très bien créer parallèlement un deuxième compte pour être à l’abri du regard des parents et y faire ce que bon lui semble. D’ailleurs, lors de nos réunions de prévention dans les établissements scolaires à Monaco avec Action innocence, on ne demande plus aux élèves « Qui n’a pas de compte Facebook?? » — puisque tous, à 100 %, en ont un — mais « Qui a plusieurs comptes Facebook?? ». Beaucoup en ont deux ou trois. Pour faire la course à celui qui a le plus d’amis, des adolescents acceptent d’ailleurs n’importe qui…

(1) En juin 2011, un homme de 41 ans a été condamné par le tribunal correctionnel de Monaco à deux ans de prison ferme. L’homme était rentré en contact avec 24 collégiens et lycéens de la principauté, via Facebook, en vue de commettre des actes sexuels.

De vrais « faux amis »
Selon les chiffres publiés par la CCIN, les mineurs ont en moyenne 210 amis sur les réseaux sociaux. Une moyenne qui s’élève à 260 pour les lycéens. « Sauf que 30 % d’entre eux acceptent comme amis des personnes qu’ils n’ont jamais vues. Résultat, un tiers d’entre eux est connecté avec des inconnus », indique la commission. Des mineurs à qui ils arrivent parfois aussi des situations ubuesques. Début juin 2011, une jeune allemande de 16 ans, a créé une page Facebook pour son anniversaire. Elle a cependant oublié de préciser que l’évènement était privé. « Environ 1?500 jeunes se sont invités à la fête incendiant de nombreuses poubelles et détériorant les voitures du voisinage », rappelle la CCIN. Autre exemple mis en lumière par la commission?: en février 2011, des collégiens ont créé un groupe « anti-Marie » du nom de l’adolescente qu’ils avaient décidé d’humilier publiquement sur le réseau social. 150 personnes ont rejoint le groupe…
Laurent Nouvion
La dernière AG de R&E a été le premier événement politique monégasque en « live tweet ». Le 29 mars, l'UDM fera-t-elle de même?? © Photo EdWImages

2013, la bataille du web

La bataille électorale en 2013 à Monaco se jouera-t-elle aussi sur le web et les réseaux sociaux?? Si certains mouvements politiques à Monaco sont, pour l’heure, absents de la Toile, d’autres ont décidé de développer une véritable stratégie de com’ sur le web.

La politique monégasque a envahi à son tour l’arène numérique. Alors qu’en France, tous les candidats à l’élection présidentielle et leurs partis ont « franchi le Rubicon » en trustant les réseaux sociaux (Facebook, Myspace, Twitter…) et autres blogs et forums (voir interview Arnaud Mercier p. 34), la présence politique des partis monégasques sur le Net est encore marginale. Ou plutôt très inégale selon les partis. Très loin évidemment des webcampagnes menées chez nos voisins où chaque candidat dispose d’une armada de conseillers Internet. A Monaco, sur ce terrain « virtuel », c’est l’opposition Rassemblement & Enjeux qui a pris une longueur d’avance. Le mouvement a décidé d’investir plusieurs outils interactifs et de mener clairement une stratégie de communication sur la Toile.

« Remporter la bataille » en ligne
Après une page Facebook ouverte en 2008, l’opposition et son chef de file Laurent Nouvion ont également ouvert chacun un compte Twitter en janvier 2012, régulièrement alimentés. « C’est un nouveau territoire et sur ce terrain là aussi, nous avons l’intention de remporter la bataille, lance R&E. Nous sommes la seule formation, avec Synergie Monégasque, à avoir conservé un site internet (www.rassemblement-enjeux.org) même hors campagne électorale. Un nouveau site sera également actif en avril 2012. » Pour l’opposition, ces outils « 2.0 » sont devenus un « nouveau mode de communication politique. Il faut non seulement en tenir compte mais l’inscrire dans une stratégie de communication politique globale. » De son côté, l’Union des Monégasques (UDM) — qui n’a pas pour le moment de site officiel — a également franchi le pas des réseaux sociaux. « Nous avons ouvert la page Facebook de l’UDM, en juin 2011 ainsi qu’un compte Twitter, depuis février dernier. Mais le moyen de communication le plus apprécié reste La Tribune de l’UDM, notre journal d’information », souligne l’élu de la majorité Bernard Marquet. Selon ce parlementaire, la communication en ligne ne saurait en aucun cas se substituer aux rencontres de terrain. Les yeux dans les yeux avec les électeurs. « Rien ne vaut un dialogue franc, direct et constructif avec nos compatriotes, précise l’élu. Dans les relations avec nos adhérents, nous privilégions les contacts directs, par email, courrier et téléphone, afin de communiquer des informations sur les séances publiques, les Cafés citoyens et plus généralement sur la vie du parti. »

Les absents
D’autres mouvements en revanche traînent la patte. En étant, peu ou pas du tout présents sur le web. Manque de temps, de moyens humains ou faute peut-être de maîtrise des « codes » numériques… C’est le cas de l’Union pour la principauté (UP), ou encore de l’Union nationale pour l’avenir de Monaco (UNAM). Quant à Synergie monégasque, « ce type de communication nécessite un engagement régulier d’une certaine intensité. Etant donné nos effectifs — une douzaine seulement — nous ne pouvons pas nous le permettre », explique son président Claude Boisson, qui affirme ainsi se cantonner à une communication externe via les médias traditionnels. Le mouvement affirme qu’il bénéficiera du réseau social du groupe politique auquel il décidera de se rallier pour les prochaines élections.

Gagner des adhérents
Ces outils de communication sont-ils alors de simples « gadgets » ou au contraire une plateforme d’expression utile et décisive pour les prochaines élections?? Pour certains, ces réseaux sociaux ont un intérêt très relatif étant donné la taille du pays. « Facebook, Twitter, site web… ne sont que des supports d’une politique et d’un programme, et non un but en soi. L’UP est plus encline à favoriser la parole et les échanges directs que des mots impersonnels postés sur des murs. Si ce genre d’outils peut se comprendre dans des grands Etats afin de toucher une population plus large, la taille de Monaco permet heureusement de garder une proximité et dimension humaine très importantes, explique Anne Poyard Vatrican, présidente de l’UP. Par ailleurs les outils comme Twitter ou Facebook nécessitent de gros moyens notamment humains afin de modérer les contenus et d’éviter les dérives d’autant plus faciles qu’elles se déroulent par écrans interposés. Par contre nous envisageons de faire évoluer notre site internet que nous mettrons en ligne au moment que nous jugerons opportun. » Les partis les plus investis y voient en tout cas un avantage certain?: jouer la carte de la modernité, de la proximité et de l’interaction avec les citoyens. « C’est un moyen de garder le contact, de discuter, de recueillir des avis, d’écouter nos compatriotes et de les tenir informés de notre actualité », résume R&E.
Même son de cloche à l’UDM. « Ce sont des espaces d’interaction privilégiés avec nos adhérents et bien évidemment un support où la liberté de ton est un peu plus grande », dixit Bernard Marquet. Car au-delà des articles de presse, des interventions en séances publiques ou des liens photos ou vidéos, les pages Facebook de R&E et de l’UDM regorgent aussi de mini-débats en ligne, où les élus répondent directement, souvent de leurs mains, aux internautes sur les dossiers chauds du moment Autre avantage?: ces réseaux sociaux permettent sans doute de capter un public plus large que les seuls adhérents du parti. « Nous avons reçu de nombreux nouveaux adhérents via les réseaux sociaux. Les internautes présents et actifs sur Twitter et Facebook sont en général des personnes qui comptent en société. En ce sens que ce sont, de fait, des relais d’opinions. Des acteurs de l’opinion parfois aussi, précise R&E. Les réseaux sociaux les mieux structurés et les plus actifs pourront à la marge apporter des réponses et fédérer des personnes qui ne seraient pas touchées par les autres modes de communication. »

Influence dans les urnes
Facebook est aussi (et surtout??) devenu un nouveau terrain de jeu où les politiques aiment à se tacler mutuellement. Et souvent sans ménagement (voir article « Je t’attaque, tu m’attaques sur Facebook »). Quant à savoir si ces outils auront une influence directe dans les urnes, les spécialistes de communication politique s’accordent à dire qu’ils ne peuvent pas, à eux seuls, inverser une tendance. Bref, la crédibilité d’un homme ou d’un projet politique ne dépend pas — heureusement — de l’usage qu’il fait des nouvelles technologies ou de son degré de présence en ligne… Mais plutôt de sa capacité d’action et de conviction. « L’habit ne fait pas le moine en quelque sorte… Certains ont trop vite fait de tomber dans l’écueil de l’écran de fumée en cachant le vide de leur programme derrière la modernité dernier cri de leur site, comptes Facebook ou Twitter. La nouveauté n’apporte pas grand-chose si elle ne sert pas, avant tout, de bonnes idées », rajoute sur ce point l’élu UDM Bernard Marquet, en fustigeant au passage l’opposition. Reste donc à savoir qui saura le plus convaincre les Monégasques en février 2013… Avec ou sans réseaux sociaux.

Et les blogs??
Il est sans doute le seul blog politique encore actif et suivi à Monaco. Celui du galeriste et membre de la CCIN Daniel Boeri. Créé en 2007, le site www.danielboeri.com attire encore aujourd’hui selon l’intéressé entre 200 et 300 visiteurs par jour. « Je l’ai lancé à l’origine car j’ai toujours eu envie de me prononcer sur des thèmes d’actualité politique ou économique. C’était un moyen également à l’époque de me faire connaître au moment des élections », explique Daniel Boeri. Aujourd’hui, l’homme veut en faire d’abord un lieu de débat et d’expression sur l’actualité monégasque et internationale. Un blog qui a connu aussi ses dérapages verbaux et ses commentaires parfois virulents. « J’ai comme principe de base la liberté d’expression sans exercer de filtrage sur les commentaires postés. Même s’il y a évidemment une charte de déontologie à respecter. Mais j’ai décidé à présent que lorsqu’un internaute publie un post de manière anonyme en critiquant nominativement quelqu’un, je supprime le commentaire. A une époque je les laissais sur le blog. Mais c’était une bêtise. Là, il n’en est plus question. » Autre blog politique crée en 2007 lors des précédentes élections, celui du mouvement politique Synergie Monégasque http://synergiemonegasque.over-blog.com. Désormais à l’abandon, il devrait totalement disparaître de la toile prochainement selon son président Claude Boisson. De son côté, l’opposition — qui avait également lancé son blog en septembre 2007, actif jusqu’à l’été 2008 — envisage d’en relancer un autre prochainement pour la bataille électorale de 2013.
Boxeur
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Je t’attaque, tu m’attaques… sur Facebook

Facebook est devenu le nouveau terrain de jeu des politiques. Tacles et contre-attaques sont régulièrement postés par la majorité et l’opposition. Extraits.

Passés maîtres dans l’art des petites phrases cinglantes, les élus du conseil national profitent désormais de la vitrine offerte pas Facebook pour en remettre une couche. Les missiles ne sont donc plus uniquement envoyés par voie de presse, lors des séances publiques ou pendant les meetings. L’affrontement politique se joue aussi régulièrement sur le web. Des attaques qui animeront un peu plus la bataille électorale pour 2013. Il suffit de jeter un œil sur les « murs » respectifs des deux mouvements pour se rendre compte que chaque feuilleton politique et chaque faits et gestes des élus du camp d’en face sont commentés… et souvent vilipendés. Exemple tiré au hasard?: l’épisode qui a touché l’élu de la majorité Jean-Charles Gardetto. Lors d’une conférence de presse en février dernier, l’avocat monégasque avait remis en cause le fondement juridique de la direction des services judiciaires. L’opposition ne s’est pas privée de laisser un petit commentaire sur sa page. « La Présidence UDM du conseil national a dérapé une nouvelle fois aux frontières du changement de régime, par idéologie peut-être, par usure du pouvoir sans doute. » Réplique de la majorité?: « Les représentants de l’opposition auront pratiqué la politique de la chaise vide à toutes les séances d’examen de la proposition de loi sur les avocats. Un comportement qui démontre tout l’intérêt que ces gens là portent à la justice monégasque, sauf bien sûr, lorsqu’il s’agit de polémiquer. »

Caricatures
Autre feuilleton croustillant?: « l’affaire » des caricatures. Dans son numéro de janvier 2012, le journal d’information de l’UDM La Tribune a publié une caricature montrant le chef de l’opposition Laurent Nouvion sur une chaise à porteur. Réplique de l’intéressé sur Facebook?: « Très joli journal de nos adversaires… une stratégie de com’ fantastique. On copie jusqu’au format. Et on désinforme à souhait. Merci?! » Un épisode commenté à nouveau par la majorité « Visiblement la une de notre journal, à la façon du Monde, a ému les courtisans du chef de l’opposition… ils ne peuvent pas faire moins que de protester publiquement mais chacun sait qu’ils sont les premiers à en rire sournoisement. Une nouvelle version de l’arroseur arrosé?! ». Car dans le même registre, la majorité a rappelé le 5 février dernier sur sa page que « Rassemblement & Enjeux vient de retirer les nombreuses caricatures du Président du Conseil National (dont certaines carrément injurieuses) qui étaient présentes depuis plus d’un an sur sa page Facebook… dommage nous avons largement eu le temps de faire des copies… » En naviguant sur les pages, les internautes tomberont également pèle-mêle sur des messages d’autosatisfaction…?: « Il est incontestable que les élus de l’UDM sont les seuls à avoir le courage politique nécessaire pour s’exprimer sur les grands sujets de société ». Quand d’autres profitent de Facebook pour se « chauffer » avant de rentrer dans l’hémicycle… « Examen du Budget Primitif 2012 à 17h. Bienvenue dans le monde du consensus préalable et de l’invective permanente. Bienvenue dans la gestion approximative, dans les attaques politiciennes, dans l’autosatisfaction, dans la démagogie et dans la quête perpétuelle de reconnaissance personnelle », lance R&E. Voilà qui est dit…

Arnaud Mercier
Arnaud Mercier © Photo D.R.

«?Un effet d’image?»

Internet et les réseaux sociaux sont devenus un outil incontournable de l’élection présidentielle en France et ont bouleversé l’univers de la « com’ politique ». L’analyse d’Arnaud Mercier, chercheur associé au laboratoire communication et politique (LCP) du CNRS et professeur en sciences de l’information et de la communication à l’Université de Lorraine.

Monaco hebdo?: Que recherchent les candidats à l’élection présidentielle en s’affichant sur ces réseaux sociaux??
Arnaud Mercier?: La motivation première des candidats et des partis politiques est d’abord un effet d’image. A savoir, apparaître moderne et dans le coup. Ne pas prendre ainsi le risque de passer pour un parti ou un candidat ringard si l’on y figure pas. C’est également un encart publicitaire supplémentaire. Comme un agenda virtuel. Si l’on regarde les pages Facebook des candidats, on peut y lire essentiellement « retrouvez notre candidat dans telle émission ou dans telle ville, retrouvez telle vidéo de tel candidat en campagne… » Une des logiques profondes du réseau social est également ce que j’appelle « la désintermédiation ». C’est-à-dire que vous n’avez plus besoin d’avoir des intermédiaires comme les journalistes pour être directement en lien avec les électeurs. C’est comme si un candidat disposait de son propre média. Si vous arrivez à fédérer 500?000 personnes sur votre compte Facebook comme Nicolas Sarkozy, vous avez potentiellement le moyen de rentrer en contact avec ces 500?000 personnes sans avoir à passer par les canaux traditionnels, télévision, radio ou presse écrite.

M.H.?: D’autres avantages??
A.M.?: Les petits candidats misent beaucoup sur Internet puisqu’ils ont un accès bien moindre aux médias de masse que les gros candidats. Les réseaux sociaux sont en ce sens un outil très pratique puisqu’ils offrent une communication rapide, directe et efficace auprès des militants et des sympathisants mais aussi au-delà. Car Facebook a un rôle démultiplicateur par son effet boule de neige. Chaque militant qui reçoit une info peut en effet à son tour la transmettre à son réseau d’amis.

M. H?: Les candidats misent-ils aussi sur ces réseaux sociaux pour capter un électorat plus jeune??
A.M.?: Il y a deux catégories de population qui sont bien plus présentes sur les réseaux sociaux que les autres?: les cadres, des individus donc généralement très diplômés, et les 15/30 ans. En revanche, on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif. C’est-à-dire que des jeunes très peu politisés n’iront pas s’intéresser au compte Facebook de François Hollande… Internet peut donc avoir un rôle d’information important auprès des jeunes s’ils sont politisés mais ne ramènera par aux urnes des électeurs qui ne s’intéressent pas à la politique.

M.H.?: Les hommes politiques ont également de plus en plus leur propre compte Twitter. Que recherchent-ils sur ce réseau instantané??
A.M.?: On voit très bien ce que les hommes politiques cherchent à en faire?: un outil de polémique et essayer en quelque sorte de créer le buzz. Twitter est d’ailleurs très adapté à une partie du fonctionnement de la vie politique et médiatique qui est celui de « la petite phrase » qui fera mouche. En revanche, ces réseaux sociaux comme Twitter et Facebook sont délicats à gérer en raison des dérapages verbaux que l’on peut y trouver. Vous pouvez vous faire interpeller directement et parfois violemment.

M.H.?: On entend souvent que la webcampagne menée par Barack Obama aux Etats-Unis en 2008 a été très efficace. Pourquoi??
A.M.?: Barack Obama a en effet mené une campagne systématique de l’occupation de l’espace Internet et des réseaux sociaux. Il a ouvert des comptes sur tout les réseaux existants. En décembre dernier, il a encore annoncé qu’il ouvrait sa page « Tumblr ». Le président américain est également très présent sur des réseaux spécialisés de type communautaire. Coréen, afro-américain ou encore latino. Ce qui lui permet de créer un lien direct avec ces communautés.

M.H.?: Son élection a donc été en partie gagnée grâce à Internet??
A. M.?: Disons que le web a été en effet un outil redoutable. Aux Etats-Unis, la tradition veut que les militants soient mobilisés pour faire du porte-à-porte, ou du phoning. Le jour du scrutin, ils tapent à toutes les portes pour inciter les citoyens à aller voter. Les réseaux sociaux ont en partie remplacer ce type d’activité et l’ont même redoublé. Dans le marketing électoral américain, il y a également une pratique qui consiste à téléphoner pour trouver de l’argent pour financer des campagnes électorales qui se chiffrent à plusieurs centaines de millions de dollars. Des fonds ont donc aussi été récoltés grâce à ces réseaux sociaux.

M.H.?: Le modèle américain a-t-il inspiré les candidats français à l’élection présidentielle??
A.M.?: Evidemment. D’ailleurs, l’équipe de communication de François d’Hollande a reçu l’ancienne équipe de campagne com’ de 2008 de Barack Obama. Mais cela se fait aussi dans l’autre sens. En 2007, des responsables américains de communication sont venus observer ce que faisait Ségolène Royal avec Désir d’avenir (1) ou la stratégie com’ de Nicolas Sarkozy.

M. H?: Dans un petit territoire comme Monaco, pensez-vous que les réseaux sociaux puissent avoir une influence réelle dans une élection??
A. M.?: Je ne connais pas bien les rouages de la politique monégasque. Difficile donc d’y répondre. On peut sans douter comparer cela à une élection locale en France et potentiellement imaginer que dans une petite ville comme Monaco, 2/3 des électeurs soient inscrits sur un réseau social comme Facebook. Et qu’un parti politique ayant un réseau social bien structuré puisse avoir un avantage.

(1) Ségolène Royal a fondé sa campagne sur l’idée de démocratie participative par le biais notamment de forums participatifs.

Course aux chiffres
Quelle est la « e-réputation » des candidats à l’élection présidentielle?? Un site spécialisé dans le web politique www.elus20.fr a eu l’idée de mesurer régulièrement la popularité sur Internet des présidentiables 2012 et des partis politiques. Sur Twitter, c’est ainsi le candidat socialiste François Hollande qui recueille actuellement le plus de followers?: plus de 180?000 contre 110?000 pour son rival direct Nicolas Sarkozy. Les deux candidats sont suivis par le centriste François Bayrou qui enregistre plus de 85?000 « suiveurs ». L’actuel président français a en revanche une grosse longueur d’avance sur Facebook. Plus de 550?000 internautes ont en effet cliqué « j’aime » sur la page du candidat UMP, contre 66?000 pour François Hollande. La troisième place revient à Marine Le Pen avec plus de 44?000 personnes qui « aiment » sa page. Si le budget de la campagne web de Nicolas Sarkozy n’est pas encore connu, celui du candidat du PS a, lui, été révélé?: deux millions d’euros soit 10 % de son budget global. Parallèlement, l’équipe web de Nicolas Sarkozy a lancé le site officiel de la campagne www.lafranceforte.fr ainsi qu’une page officielle sur Foursquare. De leur côté, les socialistes, après l’annonce de la candidature du président Sarkozy, ont réagi sur Twitter en créant l’hashtag #Sarkoçasuffit très largement repris. Ils ont ensuite créer un site pour détourner l’affiche officielle de campagne?: www.mafranceforte.com.