mardi 28 mars 2023
AccueilDossierChristophe Robino : « Pour qu’il y ait dialogue, il faut être au...

Christophe Robino : « Pour qu’il y ait dialogue, il faut être au moins deux »

Publié le

Le président de la commission des intérêts sociaux et des affaires diverses, l’élu Priorité Monaco (Primo !) Christophe Robino, confie à Monaco Hebdo son ressenti sur cette rentrée sociale 2021. Interview.

Comment jugez-vous l’état du climat social en cette rentrée 2021 ?

Je ne vous apprendrai rien en vous disant qu’il pourrait être meilleur. Malheureusement, entre l’impact réel de la crise du Covid-19, qui dure maintenant depuis près de deux ans, et les tentatives de récupération et d’amalgame par certains pour relancer des revendications sociales récurrentes, il ne faut pas mettre en péril la cohésion nationale et la solidarité indispensables pour faire face aux difficultés et aux conséquences de la crise sanitaire, faciliter la reprise économique et la relance de l’emploi.

Quels sont les dossiers les plus sensibles ?

Ce sont bien évidemment ceux liés à l’actualité de la crise sanitaire, avec notamment les débats sur la question de l’obligation vaccinale, sur la nécessité de rappels, sur le maintien des mesures sanitaires, dont, bien sûr, celui du passe sanitaire, mais aussi du port du masque ou des mesures de distanciation, en plus des revendications habituelles et récurrentes sur le droit du travail, le droit social et la retraite.

L’obligation vaccinale dans les établissements de santé a débouché sur une grève dans l’après-midi du 14 septembre 2021, quelques heures avant le vote du texte de loi devant le Conseil national : votre réaction ?

Je trouve regrettable, quand l’on connaît les tensions opérationnelles et les difficultés qui préexistaient à cette crise sanitaire dans la plupart des établissements, et notamment certains services comme les services d’accueil des urgences, que certains poussent à la grève, au risque de déstabiliser encore plus ces services, au détriment de la prise en charge des patients. Je ne sous-estime évidemment pas les problèmes, et je peux entendre certaines revendications. Mais les médecins et les soignants, ainsi d’ailleurs que les établissements de santé, ont des responsabilités et des devoirs vis-à-vis des patients qu’ils accueillent. Dans le contexte actuel, la vaccination représente une réponse proportionnée et adaptée pour faire face à cette pandémie mondiale. Je sais que le plus grand nombre en a conscience.

« Entre l’impact réel de la crise du Covid-19, qui dure maintenant depuis près de deux ans, et les tentatives de récupération et d’amalgame par certains pour relancer des revendications sociales récurrentes, il ne faut pas mettre en péril la cohésion nationale et la solidarité »

Entre les démissions possibles et les suspensions de salariés refusant de se faire vacciner, faut-il craindre une paralysie de certains services dans les établissements de santé, alors que la quatrième vague de Covid-19 est déjà là ?

Bien évidemment, la question peut se poser. Ce qui compte avant tout, c’est la bonne prise en charge du patient et la capacité régulière à délivrer des diagnostics et à prodiguer des soins. J’ai confiance dans l’immense majorité des soignants qui savent que leur devoir est de tout faire pour protéger les patients, et donc se vacciner. De plus, les suspensions des réfractaires viendraient encore aggraver les conditions et la charge de travail de leurs collègues, déjà extrêmement lourde dans de nombreux services.

En France, début août 2021, la Fédération SUD-Santé Sociaux et la CGT ont appelé les personnels soignants à la grève contre l’obligation vaccinale et le passe sanitaire : comment éviter cela à Monaco ?

Tout d’abord, il faut rappeler que la situation des établissements français n’est pas comparable à celle de l’hôpital public de Monaco. Les conditions de travail, les ratios de personnels y sont bien supérieurs à ceux des établissements français, et la grande majorité des personnels ne sont pas opposés à la vaccination. C’est la raison pour laquelle les mouvements de grève sont, en général, peu suivis. De plus, pour limiter ce risque de grève, nous avons travaillé, par nos amendements au projet de loi 1043 relative à l’obligation vaccinale contre le Covid-19 de certaines catégories de personnes, pour bien circonscrire le périmètre d’application de la loi et accompagner par des mesures humaines, sociales et les plus justes possibles ceux qui ne se feraient pas vacciner, en distinguant bien le cas de ceux qui ne pourraient pas, pour des raisons médicales, de celui de ceux qui ne voudraient pas, par choix personnel. Enfin, il faut distinguer les questions de la vaccination et du passe sanitaire : il n’est aujourd’hui question que de la vaccination de certaines catégories de personnels, pas de la généralisation de la vaccination, et encore moins de la question du passe sanitaire qui est, à Monaco, du ressort de l’exécutif, et traité par voie réglementaire.

Entre la gestion des cas contacts et la vaccination qui ne réduit pas à zéro le risque d’être malade, et donc contaminant, l’économie monégasque pourrait souffrir et manquer de salariés : que faire ?

La seule réponse possible, c’est d’encourager à la vaccination la plus large possible, de maintenir les mesures barrières tant que la circulation du virus restera importante, de continuer à adapter les mesures au strict nécessaire, et de renforcer l’image du « Monaco safe » pour espérer sortir de la crise, à l’exemple du Danemark, un pays où 73,5 % des habitants sont complètement vaccinés et 96 % pour les plus de 65 ans.

Pour éviter de bloquer l’économie, est-il souhaitable de ne plus isoler les cas contacts qui ont été vaccinés ?

C’est effectivement une piste à envisager, sous réserve qu’ils respectent de façon rigoureuse les gestes barrières pendant la période d’incubation, et, bien évidemment, qu’ils reprennent après un test négatif.

Jusqu’à quand faut-il prolonger les aides Covid et comment les financer ?

Il est aujourd’hui difficile de faire des prévisions, mais les crédits votés par les élus et mis à la disposition du gouvernement permettent largement de faire face au financement de ces aides pendant encore plusieurs mois et le maintien de ces aides sera à évaluer secteur par secteur : celui des loisirs et des voyages étant, bien sûr, le plus touché, et probablement le plus lent à redémarrer.

Sur Facebook, le groupe « Manifestation pacifique contre le passe sanitaire à Monaco » regroupe plus de 4 000 personnes : que répondre à ces opposants protéiformes qui pèsent près de 10 % de la population locale ?

Sur le fond, il est difficile de débattre, car même si toutes les opinions sont respectables, j’ai l’impression que les représentants de ce groupe ont tendance à mélanger les questions d’obligation vaccinale avec celle du passe sanitaire, les questions de liberté individuelle avec les considérations d’intérêt général. En pratique, s’ils représentent 10 % de la population locale (sans compter que ce chiffre est gonflé par de nombreux pendulaires), que pensent les autres 90 % ? Leurs positions sont-elles compatibles avec les mesures visant à favoriser la sortie de la crise sanitaire, la relance économique et le retour à l’emploi ? C’est à mon avis là que se situent les vrais enjeux, le vrai débat.

« La création d’une caisse autonome nécessitera, pour être à l’équilibre, et donc “autonome”, des sommes bien plus importantes que celles actuellement cantonnées. Et il faudra plusieurs exercices budgétaires excédentaires pour y parvenir. Mais c’est probablement le seul moyen, à terme, pour sécuriser durablement la retraite des fonctionnaires »

Le projet de loi sur l’aménagement du temps de travail a suscité colère et incompréhension chez les syndicats, qui estiment ne pas avoir eu connaissance du texte définitif qui a été voté : est-ce un passage en force de la part du gouvernement et des élus ?

Avant de voter le texte définitif, l’ensemble des partenaires sociaux ont été consultés à deux reprises. Avec le président Valeri, nous avons personnellement reçu ceux qui nous ont sollicités et, bien sûr, répondu à toutes leurs interrogations. De plus, le texte définitif amendé, en toute transparence, a été mis en ligne sur le site Internet de notre assemblée, comme pour tous les autres projets de loi. Je regrette que certains aient refusé le dialogue. Mais au terme du processus législatif, nous avons voté ce texte qui nous semble équilibré, repose sur le respect de l’avis de la majorité des salariés concernés par un éventuel accord et en garantit les contreparties.

Le 30 juin 2021, alors que l’Union des syndicats de Monaco (USM) a été interdite de manifester devant le Conseil national concernant le projet de loi sur l’aménagement du temps de travail, le secrétaire général de l’USM, Olivier Cardot a évoqué une « atteinte au droit syndical » et une « déclaration de guerre envers le monde des travailleurs » : qu’en pensez-vous ?

Le droit de manifester est garanti par la Constitution. Si le gouvernement a estimé, pour des raisons de sécurité, devoir limiter l’accès du Rocher aux manifestants, la manifestation a pour autant bien eu lieu. Je ne vois pas en quoi cela porte atteinte au droit syndical.

Comme l’été 2020, l’été 2021 est marqué par la pandémie de Covid-19 et les résultats financiers de la SBM risquent encore d’en pâtir : faut-il s’attendre à un nouveau plan social ?

Non au contraire, les mois de juillet et août 2021 ont été aussi bons que ceux de 2019. Il n’y a donc aucun risque d’un nouveau plan social.

Après cet été 2021, la casse sociale dans l’hôtellerie et la restauration pourrait se poursuivre : que peut faire l’État ?

Cette question n’est par conséquent pas d’actualité, comme je viens de le préciser.

Où en est le projet de création d’une caisse autonome de retraite complémentaire monégasque ?

Je crois que le projet avance bien, il présente des avantages financiers certains pour la principauté et fait encore l’objet d’échanges entre le gouvernement, les partenaires sociaux, notamment au sujet de la représentativité syndicale, et, bien sûr, les organismes de retraites français. C’est avant tout à eux qu’il faut poser cette question, qui n’est pour le moment pas du ressort du Conseil national. Notre assemblée ne sera saisie que lorsqu’un projet de loi sera déposé par le gouvernement.

Le maintien dans les caisses sociales monégasques pour les futurs retraités est-il possible ?

Ce n’est pas le principe retenu par les règles de coordination européennes, qui prévoient que la couverture maladie pour les retraités soit prise en charge par les organismes où ils résident, et non dans celui où ils ont travaillé. C’est également la règle qui prévaut dans notre convention bilatérale avec la France. Au vu du surcoût que cela représenterait pour les caisses sociales monégasques, cette question n’est pas d’actualité.

Pour la retraite des fonctionnaires, le principe du cantonnement a été maintenu par le gouvernement : faut-il créer un fonds de retraite des fonctionnaires spécifique et pourquoi ?

C’est un sujet récurrent. La question de la retraite des fonctionnaires et de son financement fait débat depuis plusieurs législatures. Aujourd’hui, le financement de la retraite des fonctionnaires repose entièrement sur le budget de l’État, et la création d’un canton est une première étape significative obtenue par notre assemblée depuis son élection en 2018. La création d’une caisse autonome nécessitera, pour être à l’équilibre, et donc « autonome », des sommes bien plus importantes que celles actuellement cantonnées. Et il faudra plusieurs exercices budgétaires excédentaires pour y parvenir. Mais c’est probablement le seul moyen, à terme, pour sécuriser durablement la retraite des fonctionnaires. C’est une demande forte du Conseil national.

« Il faut distinguer les questions de la vaccination et du passe sanitaire : il n’est aujourd’hui question que de la vaccination de certaines catégories de personnels,  pas de la généralisation de la vaccination »

Une revalorisation des pensions de retraite, réclamée par les syndicats, est-elle nécessaire et possible ?

Dans un système déficitaire, l’objectif social premier doit être le maintien du pouvoir d’achat, et donc l’évolution des pensions indexées sur l’inflation.

L’USM réclame notamment un salaire minimum monégasque de 2 250 euros brut et un meilleur remboursement des actes médicaux : est-ce légitime ?

Le salaire minimum et le salaire moyen monégasques sont déjà bien supérieurs à leurs équivalents français ou italiens. Pareil pour les prestations médicales, où notre système de base rembourse 80 %, contre 60 % par exemple en France. On peut toujours demander davantage, mais il faut savoir être raisonnable.

Le maintien de la « paix sociale » est désormais compromis a estimé le secrétaire général de l’USM, Olivier Cardot : comment renouer le dialogue avec l’USM ?

En tant que président de la commission des intérêts sociaux et des affaires diverses (Cisad), je n’ai jamais refusé le dialogue. Mais, pour qu’il y ait dialogue, il faut être au moins deux. Il faut que les deux soient ouverts à la discussion, et pas seulement présents, pour rappeler des positions idéologiques historiques comme des fins de non-recevoir. Avec le président Valeri, nous sommes toujours pragmatiques, et prêts à des échanges ouverts et constructifs, avec pour seul objectif de préserver cette paix sociale, dans le respect de chacun, droits des employeurs et protection des salariés. En évitant, bien sûr, autant que faire se peut, d’agiter les menaces sociales et d’user d’attaques ad hominem.

Comment jugez-vous la qualité du dialogue avec la Fedem et la F2SM ?

Même si nous ne sommes évidemment pas toujours d’accord avec les prétentions des uns ou des autres, et cela est bien normal, les intérêts défendus par ces deux partenaires sociaux n’étant pas les mêmes, les échanges que nous avons pu avoir, ont toujours été enrichissants, et constructifs. Ils nous ont permis de mieux appréhender les problématiques posées et de dégager des solutions médianes, à mêmes de préserver au mieux les intérêts des deux partenaires. J’espère sincèrement que nous pourrons continuer à travailler ensemble dans l’intérêt de notre pays, des employeurs et des salariés, pour continuer à développer et à enrichir notre modèle économique et social.

Pour lire la suite de notre dossier sur la rentrée des partenaires sociaux, cliquez ici

Publié le

Les plus lus

BMW Series 4 Cabriolet

BMW série 4 Cabriolet : de la souplesse avant tout

Le cabriolet n’est pas mort. BMW en fait la démonstration, avec un modèle doté d’une capote semi-rigide, qui permet de voyager dans un confort haut de gamme. Une virée aux pays des cabriolets pour un ticket d’entrée à 56 200 euros. Le test de Monaco Hebdo, c’est par ici.
Monaco Hebdo