vendredi 19 avril 2024
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Or durable : « Il faut éduquer à la fois les acteurs de l’industrie et les clients »

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Pour garantir le passage à l’or durable chez les professionnels de l’industrie aurifère, le Responsible Jewellery Council (RJC) veille au grain. Avec 1 500 entreprises membres dans 71 pays, dont la principauté et Aurum Monaco, le RJC est l’un des principaux organes de contrôle du marché. Iris Van der Veken, sa directrice exécutive, explique à Monaco Hebdo ses objectifs et ses méthodes (1).

Qu’est-ce que le Responsible Jewellery Council ?

Le Responsible Jewellery Council (RJC) est l’un des principaux organes de contrôle du marché mondial de bijoux et de montres, réunissant plus de 1 500 entreprises membres dans 71 pays. Nos membres représentent chaque maillon de la chaîne logistique du marché de l’or, de la mine jusqu’à la vente. Certains membres figurent également parmi les institutions financières et associations commerciales.

Comment être certifié RJC ?

Le RJC se conforme à deux normes : le “Code of Practices” (COP) [code de conduite — NDLR] et le “Chain of Custody” (COC) [chaîne de surveillance — NDLR]. Le code de conduite COP apporte de solides pratiques managériales permettant d’assurer le caractère responsable d’une activité. Cela inclut, par exemple, le contrôle des droits du travail et des droits de l’Homme, de santé et de sécurité, d’égalité des genres, d’éthique, de transparence, et d’action pour le climat. La dernière version de ce code, distribué à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à Paris en avril 2019, s’aligne avec le guide de diligence de l’OCDE, et le guide des Nations Unies, le “Guiding Principles of Business and Human Rights”. Ce dernier a été étendu aux pierres précieuses et à l’argent. La chaîne de surveillance COC concerne, quant à elle, l’exercice de ségrégation et la traçabilité.

Qui contrôle les bonnes pratiques de vos membres ?

Nos entreprises membres doivent se soumettre à un tiers, et à un audit indépendant, pour prouver leur conformité aux normes RJC (2). Partout où cela s’est avéré possible, le code de conduite COP s’est aligné aux principales normes mondiales en matière de pratiques commerciales responsables, comme le “Sustainable Development Goals” (SDGs). Ce SDGs répertorie les enjeux prioritaires des acteurs du marché de la bijouterie, qui sont essentiels au développement de politiques dédiées. Le code de conduite COP et le SDGs sont intrinsèquement liés. Et le fait d’appliquer ce code peut avoir un impact positif sur plusieurs objectifs SDGs. Par exemple, l’application du COP20 relatif au travail forcé va promouvoir le SDG 8 sur le travail décent et la prospérité économique.

« Nos entreprises membres doivent se soumettre à un tiers, et à un audit indépendant, pour prouver leur conformité aux normes RJC »

Quelles sont les valeurs qui vous poussent à agir ?

Le “Decade of Action” [objectifs fixés par les Nations Unies en matière de développement responsable ­— NDLR] nous appelle à accélérer les actions propres aux plus grands défis mondiaux, de la question du genre en passant par le climat, la paix et la purification de l’eau. Le RJC s’engage ainsi à inclure les secteurs de la bijouterie et de l’horlogerie parmi ces efforts, en engageant des initiatives, et en mettant en place un bureau de travail permettant à l’industrie de la bijouterie et de la montre de contribuer, elle aussi, aux réalisations du “Sustainable Development Goalds” (SGDs) d’ici 2030.

Qu’est-ce que votre “taskforce”, à laquelle est rattachée Aurum Monaco ?

Nous croyons en l’importance des partenariats afin d’aboutir vers des solutions évolutives qui auront un réel impact. C’est donc dans ce sens que nous avons créé la “SDG Taskforce”, pour concrétiser nos engagements. Mis en place en 2021, le bureau de travail “SDG Taskforce” regroupe 26 membres, en plus du directeur exécutif. Ce bureau est co-présidé par Feriel Zerouki, senior vice-présidente des affaires commerciales du groupe De Beers. Il y a également Matthew Kilgarriff, directeur commercial en “social responsibility” chez Richemont. Notre guide stratégique a été élaboré avec Georg Kell, fondateur et ex-directeur exécutif du programme Global Compact des Nations Unies.

Quels sont les objectifs de ce bureau de travail ?

Le rôle du “Taskforce” est de se conformer à l’agenda 2030 des Nations Unies en matière de développement responsable, dont nos membres suivront les 17 objectifs. Les 26 membres de la “SDG Taskforce” forment un groupe multipartite représentant tous les aspects des secteurs de la bijouterie et de la montre. Leurs objectifs consistent donc à coordonner leurs efforts pour servir de guides dans l’application des SDGs.

« Nous croyons en l’importance des partenariats afin d’aboutir vers des solutions évolutives qui auront un réel impact. C’est donc dans ce sens que vous avons crée la “SDG Taskforce”, pour concrétiser nos engagements »

Quel type d’entreprises travaille avec le RJC ?

L’étendue des membres est unique au RJC. Ils vont de la mine jusqu’aux boutiques, incluant des marques leaders du marché mondial comme Bvlgari, Cartier, Chanel, Hermes, Piaget, IWC, Jaeger Le Coultre, Tiffany, ALROSA and De Beers, mais aussi des entreprises indépendantes. Nous sommes passés de 14 membres fondateurs en 2005 à plus de 1 500, dont 60 % représentent des petites entreprises, reparties dans 71 pays. Malgré le Covid, le RJC a continué de se développer, preuve de l’engagement de l’industrie à accélérer l’approvisionnement en produits responsables.

Avez-vous noué des partenariats avec des entreprises de Monaco  ? 

Le RJC compte la raffinerie Aurum Monaco parmi ses membres. Nous travaillons également avec Claude Cardone, président de la chambre monégasque de l’horlogerie et de la joaillerie. Je lui témoigne d’ailleurs de ma profonde gratitude pour avoir introduit parmi nous tant d’acteurs de la joaillerie parmi l’industrie monégasque. Nous espérons engager encore davantage de partenariats à Monaco, et construire de solides relations.

Comment rendre le marché de l’or plus responsable ?

C’est l’une des missions du RJC. Cependant, il n’y a pas une seule réponse unique, mais plusieurs domaines d’action à prendre en compte au contraire, comme cela est détaillé dans notre code de pratique COP, afin de contribuer à améliorer les bonnes pratiques du marché. Mais, en premier, je dirais qu’il est nécessaire d’assurer la “due diligence” [diligence raisonnable, soit l’ensemble des vérifications réalisées avant une transaction, par un acheteur ou un investisseur — NDLR], et de connaître vos collaborateurs. Il faut en effet identifier, évaluer et répondre aux risques au sein de la chaîne logistique.

« Les petits exploitants ont besoin de soutien pour accéder à des équipements alternatifs, et à y être formés. Ils ont également besoin d’accéder au financement du marché traditionnel. » © Photo PactWorld

Mais encore ?

Deuxièmement, il faut faire preuve de transparence. Il faut collecter et distribuer des informations claires, sur la provenance du produit, savoir s’il a été miné ou recyclé. Ce qui permettra aux clients et aux utilisateurs de prendre des choix en toute connaissance de cause. Troisièmement, il faut éduquer à la fois les acteurs de l’industrie et les consommateurs sur les questions de durabilité, particulièrement les petites ou moyennes entreprises qui opèrent sur le marché. Enfin, je dirais que la collaboration entre les entreprises est primordiale pour obtenir un impact significatif. Si elles agissent chacune sur un domaine bien précis, des résultats visibles feront surface, sans aucun doute.

Quelles certifications garantissent la durabilité ?

Le RJC offre deux normes qui sont applicables au marché de l’or, en complément d’autres matériaux : le code de pratique et la chaîne de surveillance. Je pense qu’ils apportent une valeur ajoutée à la longévité des entreprises, en leur conférant un sérieux modèle de management qui intègre pleinement la durabilité dans la stratégie commerciale. Cela permet d’agir en accord avec la législation, et de conserver la confiance des clients (3).

« Parmi ses membres, le RJC compte la raffinerie Aurum Monaco. Nous travaillons également avec Claude Cardone, président de la chambre monégasque de l’horlogerie et de la joaillerie »

Quel est l’impact du RJC dans le marché durable ?

Le RJC n’a pas cessé de se développer et de gagner en maturité depuis sa création en 2005, en passant de 14 membres fondateurs à plus de 1 500. Nous intégrons la durabilité comme une pièce maîtresse de la stratégie commerciale de nos membres. Nous travaillons ainsi dans le but d’inspirer la confiance des clients dans l’industrie de la bijouterie et de la montrer. La connaissance et la transparence sont deux éléments centraux de notre code de bonnes pratiques COP, qui permet aux membres de mieux connaître les ressorts de leurs chaînes logistiques. Nous travaillons en effet sur la lutte contre le blanchiment d’argent, la “due diligence”, les droits de l’Homme, la santé, les droits du travail, les exigences de sécurité. Tout cela a un impact direct sur la chaîne de travail. Qu’il s’agisse de nos membres, mais aussi de leurs collaborateurs, leurs fournisseurs, leurs prestataires, et leurs employés. Tous continuent de progresser chaque jour sur ces domaines.

Quelles difficultés pouvez-vous rencontrer ?

Je ne parlerais pas de difficultés, mais plutôt d’opportunités. En tant que membre d’une organisation, je crois fermement en la collaboration. Il est de notre rôle de soutenir nos membres dans leur processus de durabilité et de responsabilisation de leur activité. Cela demande du temps, et beaucoup de travail. Nos membres avancent à différents degrés, et notre objectif est d’aider chacun d’entre eux à atteindre au plus vite un meilleur niveau. Je pense que l’éducation est la clé. Et notre travail, avec le programme Global Compact des Nations Unies, mais aussi avec la Confédération internationale de bijouterie, joaillerie, orfèvrerie des diamants, perles et pierres (CIBJO), ainsi que toutes nos associations commerciales, soutient cette montée en compétences sur l’ensemble de l’industrie.

Comment convaincre les petits exploitants d’or à ne plus utiliser de mercure ?

Grâce à l’éducation et à l’innovation. Techniquement, il n’est pas compliqué de mettre fin à l’usage de mercure. Il existe de nombreux facteurs socio-économiques qui incitent à l’utilisation du mercure. Dans les mines de petite échelle et artisanales, les mineurs sont en effet confrontés à certaines contraintes. Depuis l’adoption de la convention de Minamata sur le mercure [à ce sujet, lire notre article Monaco engagée avec les Nations Unies contre l’orpaillage illégal, dans ce dossier spécial — NDLR], les États ont commencé à engager des plans pour éradiquer simultanément l’usage de mercure dans les mines.

De quoi ont-ils besoin pour y mettre fin ?

Les petits exploitants ont besoin de soutien pour accéder à des équipements alternatifs, et à y être formés. Ils ont également besoin d’accéder au financement du marché traditionnel. C’est pourquoi le RJC s’associe avec des organisations comme le Swiss Better Gold Association (SBGA) et le Better Gold Initiative (BGI), mais aussi l’Alliance for Responsible Mining (ARM), qui travaillent de près avec les petits exploitants, afin de les éduquer et de leur fournir toutes les informations nécessaires pour les aider à sortir de l’usage de mercure. Nous applaudissons aussi le travail mené par Pure Earth et Mercury Free Mining, deux organisations avec qui nous avons déjà collaboré pour instaurer des solutions sans mercure.

1) Cette interview est traduite de l’anglais.

2) Pour plus de détails sur la certification RJC : https://www.responsiblejewellery.com/membership/how-to-join/.

3) À propos des normes du RJC : https://www.responsiblejewellery.com/standards/.

Pour lire la suite de notre dossier  » la ruée vers l’or propre », cliquez ici.