samedi 20 avril 2024
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Gérard Luccio : « Quand on est professionnel de santé, on a des obligations »

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Fort d’une couverture vaccinale proche des 90 %, Gérard Luccio aborde la nouvelle obligation vaccinale avec sérénité. Mais, conscient qu’il lui sera difficile de convaincre les plus sceptiques, le directeur général de l’Institut Monégasque de Médecine du Sport (IM2S) anticipe d’ores et déjà leur départ.

Quel est le taux de vaccination à l’IM2S ?

Le taux de vaccination est élevé. Si nous prenons l’ensemble de nos 155 collaborateurs, c’est-à-dire à la fois les personnels non médicaux et les médecins, nous avons 139 personnes vaccinées. Ce qui représente un taux de 89,68 %. À ces 139 vaccinés s’ajoutent également trois personnels, essentiellement non médicaux, qui ont un certificat de rétablissement au Covid valable jusqu’en février 2022.

Qu’avez-vous prévu pour convaincre les plus réfractaires ?

Il ne s’agit pas non plus de harceler les agents. Il s’agit simplement d’avoir un dialogue avec eux pour indiquer dans quelle situation ils vont se trouver quand la loi entrera en vigueur et pour vérifier si leurs motivations demeurent intactes ou s’il y a une volonté de commencer à s’interroger sur le bien-fondé de la vaccination. Depuis maintenant deux mois, nous avons un infectiologue qui échange avec ceux qui ont des interrogations sur la vaccination. Ce travail d’information et d’explication nous a permis d’obtenir ces 139 personnes vaccinées sur 155.

Avez-vous estimé la part des agents qui refuse catégoriquement la vaccination ?

À ce jour, quatre agents nous ont opposé un refus ferme. Il s’agit de personnels qui participent aux soins. Un autre agent est en attente de confirmation de sa contre-indication médicale. Cinq autres nous ont indiqué qu’ils allaient se faire vacciner avec une première dose avant le 30 octobre 2021, mais cela reste à confirmer. Ensuite, un collaborateur est en partance parce qu’il a un projet professionnel autre. Enfin, deux personnels se trouvent actuellement en absence pour longue durée.

Comprenez-vous leur choix ?

Tout a été dit. L’influence des réseaux sociaux est connue. Elle est grande, à mon sens. La contre-information est importante aussi. Après, on revient aux racines du débat. Quand on est professionnel de santé, on a des obligations. Un de nos agents a décidé de s’inscrire dans un projet professionnel différent, car il ne souhaitait pas se faire vacciner.

Comment comptez-vous pallier ces potentielles défaillances ?

Ces refus se sont confirmés et durcis au fil du temps. Nous avons donc déjà un peu anticipé. Soit pour avoir des personnels en formation qui seront en mesure de reprendre la suite s’il s’agit de refus définitifs. Soit pour se mettre en recherche active afin de les remplacer. Nous appliquerons la loi telle qu’elle est définie.

Avez-vous été consulté pour ce projet de loi ?

Étant en congés annuels, le directeur médical de l’IM2S, Philippe Ballerio, s’est rendu avec la directrice des soins et la chargée des relations humaines devant la haute assemblée [le Conseil national — NDLR], qui a pris en compte un certain nombre de nos préoccupations.

« Nous avons de plus en plus de problèmes de recrutement. Nous avons une pénurie face à nous. Est-ce lié à l’obligation vaccinale ou à la conjoncture économique ? Je n’ai pas encore identifié le problème »

Quelles étaient vos préoccupations ?

La principale préoccupation, c’était de savoir comment on allait arriver à assumer le service que l’on doit rendre aux patients avec des incertitudes quant à la qualité des personnes qui sont à même à prendre ce service. L’idée, c’était de voir comment arriver à gérer à la fois une absence, dont on ne connaît pas la durée, avec des recrutements ? Ce qui est difficile à gérer, c’est à la fois cette obligation de maintenir une continuité des soins et le respect des décisions que chaque professionnel prend par rapport à ses convictions.

N’y avait-il pas d’autre choix que cette obligation vaccinale ?

Il vient un moment où vous ne pouvez pas arriver à convaincre des personnes qui ont des idées bien arrêtées par rapport au vaccin, par rapport à leurs libertés individuelles, par rapport à leurs craintes sur le fait d’être vacciné ou sur l’évolution de leur état de santé à la suite d’une vaccination… Après, que faites-vous ? Vous êtes face à un problème humain. Il n’y a malheureusement pas grand-chose à faire, si ce n’est accepter leur décision.

Quels sont les rapports entre vaccinés et non vaccinés à l’IM2S ?

Ça se passe bien. Les débats se font entre eux lors des pauses ou quand ils se croisent à l’extérieur de l’établissement. Il n’y a pas de cristallisation, ni de camp, entre ceux qui sont favorables au vaccin et ceux qui sont contre. Nous sommes dans une ambiance apaisée à l’IM2S. Chacun respecte ce que l’autre fait et heureusement. Car, si vous rajoutez cette cristallisation à ce problème de continuité des soins, cela peut créer des complications dans les prises de service, dans les échanges… Il est important de ne pas venir travailler avec la boule au ventre.

Quel rôle allez-vous jouer avec les plus réfractaires ?

Nous regretterons leur position mais nous leur laisserons une porte ouverte en les informant de ce que prévoit la loi avec la possibilité de réintégration une fois que leurs congés annuels et leurs récupérations seront épuisés, la possibilité d’être rémunéré à 50 % encore au-delà. Nous sommes dans le dialogue. Toutefois, je ne suis pas persuadé qu’avec cette minorité, nous arriverons encore à dialoguer, puisque nous l’avons fait jusqu’au bout. Mais nous le ferons encore.

Craigniez-vous une baisse des vocations en raison de l’obligation vaccinale ?

Quand on est soignant, on a une vocation à l’être. Ce n’est pas un métier auquel on adhère par hasard. Faut-il craindre une baisse des vocations parce que les contraintes augmentent avec la vaccination ? De manière passagère, pourquoi pas. Mais je ne pense pas que cette obligation vaccinale aura des effets, même sur le court et long terme. Nous sommes actuellement dans une période où une décroissance est constatée un peu partout, avec une prise de conscience sur les gestes barrières qu’il faut continuer à maintenir. Il y a une très forte pression sur les soignants. Mais, heureusement, dans la plupart des cas, elle est un peu moins importante par rapport aux différentes vagues que nous avons connues.

Cette obligation vaccinale ne met-elle pas en péril la santé des patients de l’IM2S ?

Vu notre taux de vaccination, non. Nous répondons largement aux besoins. Et nous avons un peu anticipé dans un certain nombre de cas, parce qu’il y a des positions que l’on sentait bien affirmées et dont on savait qu’elles n’évolueraient pas. Cela nous pousse à avoir un petit sureffectif lié au temps de formation, car sur tel ou tel poste, vous savez que vous allez devoir composer avec des départs.

Rencontrez-vous des difficultés de recrutement ?

Nous avons de plus en plus de problèmes de recrutement. Nous avons une pénurie face à nous. Est-ce lié à l’obligation vaccinale ou à la conjoncture économique ? Je n’ai pas encore identifié le problème. Le bassin de population est tel que, souvent, sur des postes spécialisés, nous n’avons pas trop de souci. En revanche, nous avons des problèmes sur les postes administratifs ou techniques, où la rémunération est moins bonne. Nous avons du mal à être attractifs dans ce cas.