mercredi 24 avril 2024
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Monaco Telecom :
Xavier Niel, futur patron

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Le fondateur de Free et milliardaire français Xavier Niel va devenir l’actionnaire majoritaire de Monaco Telecom en rachetant, via sa holding NJJ Capital, 55 % des parts de l’opérateur monégasque à Cable&Wireless Communications. Décryptage.

« Est-ce une révolution ou une autre approche de la téléphonie mobile ? Je ne sais pas. » C’était en janvier 2012, peu après le lancement ultra-médiatisé de Free Mobile par Xavier Niel, le patron d’Iliad, maison mère de Free. Monaco Hebdo interrogeait alors le directeur général de Monaco Telecom, Martin Peronnet, sur la stratégie des forfaits à deux et vingt euros par mois, proposés par le tout nouvel opérateur de téléphonie mobile français. « Il est évident que c’est un challenge énorme porté au métier. Si Free met les mêmes investissements que nous mettons dans notre réseau ou que les autres opérateurs mettent dans les leurs, je ne vois pas comment Free va pouvoir tenir à terme », se demandait à l’époque Martin Peronnet. Manifestement, le directeur général de Monaco Telecom a manqué de vision. Plus de deux ans se sont écoulés. Depuis, Free Mobile a totalement bouleversé le marché des télécoms, obligeant ses concurrents à créer des « sous-marques » (Sosh, Red, B&You) pour le suivre sur le terrain du low cost et incitant l’opérateur monégasque à revoir sa gamme de tarifs. Preuve que le milieu évolue très rapidement, Xavier Niel devrait apporter des réponses très prochainement aux questions de Martin Peronnet. Il appartiendra bientôt au patron de Free d’investir en personne dans le réseau de Monaco Telecom.

55 % du capital
A la mi-mai, sauf rebondissement de dernière minute, Xavier Niel deviendra le nouvel actionnaire majoritaire de l’opérateur de la principauté. Le 25 avril dernier, le groupe Cable&Wireless Communications (CWC), jusqu’alors premier porteur dans le capital de Monaco Telecom, et le gouvernement monégasque ont officialisé l’accord trouvé entre CWC et le dirigeant de Free. Prix de la transaction : 321,7 millions d’euros. Cette fois-ci, pas de montage bancal comme ce fut le cas avec Batelco (lire par ailleurs). Xavier Niel va racheter la Compagnie Monégasque de Communication (CMC) à CWC. Soit 55 % des parts de Monaco Telecom, via sa holding NJJ Capital. Celle-ci est adossée à un fonds d’investissement, Kima Ventures, qu’il a co-fondé avec Jérémie Berrebi en 2010. Lequel a pour objectif d’« investir dans une à deux start-up par semaine à travers le monde. » Contactée par Monaco Hebdo, la holding NJJ Capital reste prudente : « L’opération doit encore recueillir l’approbation des actionnaires de Cable&Wireless et nous ne souhaitons donc pas commenter avant ce vote. » Sollicitée également, la direction de Monaco Telecom n’a pas souhaité apporter de commentaire.

Satisfaction
Cable&Wireless Communications cherche à se dégager de Monaco Telecom depuis deux ans afin de se recentrer sur ses activités dans les Caraïbes et en Amérique Latine. Le groupe trouve son compte dans cette cession dont il estime que « le montant reflète les performances financières et la position de marché de Monaco Telecom. » Avec ses 35 000 clients mobile, 34 000 lignes fixes et 17 000 clients Internet, Monaco Telecom, présent aussi en Afghanistan et au Kosovo, était valorisé à 388 millions d’euros en septembre 2013 par CWC. L’actuel actionnaire majoritaire avait racheté l’entreprise à hauteur de 162 millions d’euros en 2004. « Nous sommes heureux d’avoir trouvé un accord sur la vente de notre participation dans Monaco Telecom, avec le soutien de la Principauté de Monaco. Après 10 ans de management CWC et en partenariat avec la Principauté, nous avons amélioré le service à nos clients grand public, entreprise, et internationaux, et assuré des retours importants », a commenté Phil Bentley, directeur général de CWC. Au cours de l’exercice 2012-2013, Monaco Telecom a réalisé un chiffre d’affaires de 194,6 millions d’euros. Son résultat net s’est soldé à 32,5 millions d’euros. De son côté, le gouvernement exprime « sa satisfaction », précisant que Xavier Niel « s’était enquis préalablement des conditions établies par la Principauté pour un possible partenariat. »

Le gros coup de Monaco
Au-delà du rachat de Monaco Telecom, Xavier Niel s’apparente à un gros coup pour l’image de la Principauté. Pourquoi ? Parce que Niel, c’est un nom. Une référence. Pile le genre d’investisseurs que le gouvernement veut voir venir à Monaco lorsqu’il vend au monde l’attractivité du territoire monégasque. « A Monaco, on recherche des success-stories. Xavier Niel en est une », résume le président de la Chambre de développement économique de Monaco, Michel Dotta. « Son arrivée va amplifier le dynamisme monégasque. Il peut très certainement amener de l’innovation. Ça peut donner des idées à d’autres entrepreneurs et faire un effet boule-de-neige », poursuit-il.

Shenzhen-Monaco-Telecom
En juin 2013, une délégation monégasque emmenée par le président de la CDE de Monaco, Michel Dotta et le directeur général de Monaco Telecom, Martin Peronnet, a visité les locaux de Huawei à Shenzhen. © Photo Monaco Hebdo.

Jean-Philippe Claret, président de la chambre des nouvelles technologies, se réjouit lui aussi de l’arrivée de l’homme d’affaires français. « C’est une excellente nouvelle pour Monaco et Monaco Telecom. Il intervient au travers de son fonds d’investissement. Il y aurait eu un coté gênant si cela avait été au travers de Free. Le paysage aurait été bousculé mais là il s’agit d’un investissement sur du long terme qui stabilise l’actionnariat de Monaco Telecom pour les prochaines années », dit-il. Xavier Niel, qui investit dans des centaines de start-up créatrices de technologies innovantes, pourrait permettre de booster le secteur prometteur de l’économie numérique en principauté. Bien que les ordonnances découlant de la loi censée réglementer le secteur et votée en juin 2011 tardent à arriver. « Ce sera un investisseur qui connaît parfaitement ce marché et pourra apporter son expertise », souligne Jean-Philippe Claret. Marie-Pierre Gramaglia, conseiller de gouvernement pour l’Equipement, n’avait-elle pas déclaré, en février dernier, à L’Observateur de Monaco : « Ma responsabilité est de faire en sorte que le partenaire de Monaco Telecom, quel que soit ce partenaire, adhère aux obligations d’intérêt général de la concession et à un nouveau plan industriel adapté aux enjeux du numérique. »

Nouveaux prix et nouveau management ?
Mais Niel, c’est aussi une méthode, une approche de management différente. Son arrivée aux rênes de Monaco Telecom, si elle se concrétise, risque de détonner. Selon Hervé Collignon, partenaire du cabinet d’analyse AT Kearney, « Xavier Niel a prouvé sa capacité à innover, à créer des ruptures dans la gestion d’un opérateur. » Pour lui, l’arrivée du businessman français est « une bonne nouvelle pour un opérateur en quête de relais de croissance. » Il pourrait impulser un fonctionnement radicalement différent à Monaco Telecom. Son style est rôdé : des campagnes marketing attractives, des offres agressives, un opérateur qui prend les devants au lieu de s’aligner, un profit maximal tout en jouissant d’une image très positive auprès de la population. Pas vraiment dans les habitudes de l’opérateur monégasque, souvent critiqué pour le manque d’évolution dans ses offres et ses prix excessifs. Même si une campagne visant à redonner du crédit à l’image de Monaco Telecom est en cours et qu’une offre 4Play est en préparation.
Les abonnés bénissent sans doute la possible arrivée du fondateur de Free à la tête de leur opérateur. Notamment pour sa croisade sur les tarifs proposés dans la téléphonie mobile. D’après une étude de l’association UFC-Que Choisir sur le secteur des télécoms, publiée le 28 avril, Free a fait gagner 7 milliards d’euros aux Français alors que les tarifs étaient arrivés à « un plus haut historique » avant 2011. Voyant Free arriver, les opérateurs classiques (Bouygues, SFR, Orange) avaient alors commencé à baisser leurs prix.
Les abonnés de Monaco Telecom n’en demanderont sans doute pas tant. Mais lorsqu’ils reçoivent leurs factures, nombre d’entre eux s’identifient aux « pigeons » que le fondateur de Free a caractérisés lors du lancement de Free Mobile en janvier 2012. « Nous avons l’ambition de faire progresser notre opérateur via la concession, tant sur le plan de la qualité de service que des tarifs. La stratégie tarifaire restera l’un des points importants de notre prochaine négociation du plan industriel », avait affirmé Marie-Pierre Gramaglia dans L’Observateur de Monaco en février. A sa décharge, Monaco Telecom réalise des investissements conséquents dans ses réseaux et sa qualité de service à hauteur de 11 % de son CA et dans des infrastructures d’avenir (câble EIG, datacenters,…). L’opérateur a aussi développé des partenariats intéressants (Huawei) et a des obligations de concession vis-à-vis de l’Etat monégasque à tenir. Enfin, l’exiguïté de la Principauté impose certaines contraintes.

Low cost ?
« Le marché français, qui reste le plus compétitif en Europe, voire au monde, a subi une telle baisse des tarifs, qu’il est extrêmement difficile de s’aligner pour un opérateur de la taille de Monaco Telecom », expliquait Marie-Pierre Gramaglia à L’Observateur de Monaco. Les prix n’ont pas fini de baisser. Le 11 avril sur RTL, Xavier Niel laissait entendre qu’il les ferait encore descendre sur le marché de la téléphonie mobile français. Le fondateur de Free importera-t-il pour autant le low cost à Monaco Telecom ? « La stratégie à Monaco ne sera pas nécessairement low cost comme elle l’a été en France, les ARPU (revenu ou chiffre d’affaires moyen par abonné et par an, N.D.L.R.) exceptionnels du marché monégasque sont un actif à préserver pour l’actionnaire. Par ailleurs, la position de Monaco Telecom est celle d’un acteur dominant », répond Hervé Collignon.
Martin Peronnet, directeur général général de Monaco Telecom, estimait dans nos colonnes en janvier 2012, que le low cost ne correspondait pas à la principauté. « Ils s’adressent à une catégorie de gens qui n’ont pas besoin de services. L’offre de Free Mobile ne correspond pas à ce que souhaitent les clients à Monaco. » Avant de se montrer plus catégorique à Monaco Hebdo en juin 2012 : « Aujourd’hui, il y a deux marchés. D’abord le low cost où il n’y a pas de services et pas de téléphone. Ce qui implique que les gens se débrouillent pour acheter leur téléphone à crédit avec aujourd’hui des problématiques de réseau… On voit d’ailleurs un reflux des clients de Free, insatisfaits. Le second marché est un marché plus haut de gamme avec des services clientèles plus développés et des investissements réseaux élevés. Monaco Telecom en fait partie. »
Peut-être Xavier Niel prendra-t-il le contre-pied de ce qu’il a réalisé en France ? A savoir, faire de Monaco Telecom un opérateur vraiment haut de gamme. Un joyau des télécoms à l’échelle internationale. Ce n’est là qu’une hypothèse. Dans tous les cas, la Principauté pourra aussi lui servir de terrain d’expérimentation pour tester ses nouvelles technologies. Monaco a une tradition de quinze ans sur ce plan. « Monaco est un laboratoire d’idées. Pas seulement dans le secteur des technologies de l’information. D’autres domaines sont concernés comme la construction. Et puis si vous vous ratez à Monaco, le risque est minime sur deux kilomètres carrés. Ce n’est pas le même en France », souligne Michel Dotta.

Roaming
Les abonnés Monaco Telecom attendront aussi que les choses bougent au sujet du roaming. Autrement dit, les frais d’itinérance payés lors d’une communication passée ou d’un SMS/MMS envoyé depuis ou vers un autre pays autre que Monaco et la France. A ce jour, pour les particuliers, Monaco Telecom dispose de deux forfaits incluant le roaming et nécessitant un engagement de 24 mois : l’Europe à 69 euros et l’Europe + à 99 euros. Dans les deux cas, le roaming ne marche que dans un seul sens. Il se limite aux seuls appels illimités, certes 24h/24, 7 j/7, depuis Monaco et la France vers les fixes et mobiles de l’Europe, les Etats-Unis, le Canada, la Suisse et Andorre. Pour l’Europe +, l’abonné peut obtenir le meilleur tarif pour ses appels passés depuis l’Europe, la Suisse et Andorre vers cinq zones (France, Monaco, Europe, Suisse, Andorre).
Or, avec Free Mobile, Xavier Niel a adopté un roaming à double sens. Dans son forfait à 19,99 euros par mois, Free Mobile inclut les appels illimités vers les mobiles en France métropolitaine, aux Etats-Unis, au Canada, Chine, dans les DOM et vers les fixes en France et de 100 destinations à travers le monde. Aussi permet-il à ses abonnés, 35 jours par année civile, de communiquer sans aucun surcoût depuis huit pays (Autriche, Pologne, Israël, Pays-Bas, Allemagne, Italie, Portugal, Antilles et Guyane française). Cela prend en compte les appels, les SMS, les MMS.
A Monaco, où 119 nationalités cohabitent, Xavier Niel peut innover en matière de roaming. D’autant que la politique tarifaire de Monaco Telecom sur le sujet ne sera plus tenable bien longtemps. Le 3 avril dernier, le Parlement européen a voté la fin du roaming dans les pays de l’Union européenne à partir du 15 décembre 2015. Mesure qui doit encore être approuvée par le Conseil de l’UE. Certes, Monaco n’aura toujours pas intégré l’UE en 2015 mais cette mesure permettra à tout citoyen de l’UE d’appeler et envoyer des SMS/MMS gracieusement vers et depuis n’importe quel pays de l’UE. Idem pour l’usage de l’Internet mobile qui ne sera plus surtaxé dans la zone UE. De quoi mettre en rogne les abonnés de Monaco Telecom si la politique tarifaire en reste là.

Free Mobile à Monaco ?
Il faut dissocier Monaco Telecom et Free Mobile. Ce n’est pas parce que Xavier Niel peut devenir le prochain actionnaire majoritaire de l’opérateur que les abonnés Free Mobile, travailleurs en principauté et habitants des communes avoisinantes, capteront le réseau à Monaco. Pour autant, une continuité de service avait été proposée à Free Mobile par Monaco Telecom. Les discussions techniques, bien avancées, se poursuivaient encore fin 2013. Et dans le « possible partenariat » évoqué par le gouvernement, on peut supposer qu’il a été question de l’installation de Free Mobile.
Un paradoxe cocasse peut être relevé si la cession est validée par les actionnaires de CWC. En France, dès son entrée sur le marché, Free Mobile a signé un accord d’itinérance 2G/3G avec Orange, permettant aux abonnés Free Mobile de pouvoir communiquer et d’utiliser l’Internet mobile via le réseau Orange en France. Un accord que Stéphane Richard, le PDG d’Orange, a régulièrement menacé de rompre en réponse aux provocations de Xavier Niel. Or, Monaco Telecom et Orange bénéficient d’un accord bilatéral pour la continuité de service de leurs réseaux respectifs. Orange serait donc raccordé au réseau de Xavier Niel en principauté. Quid de SFR-Numéricable qui mène des projets communs avec Monaco Telecom pour sa couverture de la principauté ? « Pour SFR, cela ne remet rien en cause. Nous avons des accords avec l’entité juridique de Monaco Telecom », indique Bernard Crozes, directeur des relations régionales SFR Méditerranée. A noter qu’il sera intéressant de voir quels parts de marché Xavier Niel parviendra à grappiller à Bouygues, Orange et SFR en principauté. Fin 2012, Monaco Telecom frôlait les 40 % de parts de marché.

Boutique-Monaco-Telecom-4G

Emplois
Xavier Niel jouit d’une double image dans le monde des télécoms. Celle d’un créateur comme d’un destructeur d’emplois. Le 10 décembre 2013, une passe d’armes est survenue sur Twitter entre le fondateur de Free et Arnaud Montebourg, alors ministre du Redressement productif français. L’entrepreneur venait, le matin même, d’annoncer une 4G offerte aux abonnés du mini-forfait de Free à 1,99 euros par mois. « Toujours plus de destruction d’emplois dans les télécoms grâce aux excès low cost de #FreeMobile », avait commenté Montebourg. « Telecom : 124 000 emplois directs en 2009, 129 000 en 2012. + 5 000 emplois créés grâce à #FreeMobile. Et votre bilan M. le Ministre ? », avait répliqué Niel. La récente étude de l’UFC-Que Choisir a montré que les emplois avaient baissé jusqu’en 2010 dans le secteur des télécoms avant d’augmenter constamment.
Xavier Niel avait attaqué en justice un professeur d’économie auteur d’une étude sur l’impact de l’arrivée de Free sur le marché des télécoms mobiles. Conclusions de l’étude, publiées par l’enseignant dans Les Echos en juin 2012 : « une baisse de chiffre d’affaires dans le secteur des télécoms mobiles » estimée à 6,5 milliards d’euros et « la destruction nette de 55 000 emplois dans les deux années suivantes ». L’homme d’affaires avait été débouté de son action en mars 2013.
Reste que des critiques sur le management avaient été émises de la part d’anciens employés des boutiques de Free Mobile. Toutefois, en février, Xavier Niel été sacré patron préféré des Français après la publication d’un baromètre consacré réalisé par Promise Consulting Inc pour le Huffington Post. Sur un échantillon de 1 001 Français âgés de 18 ans et plus, 39 % pensaient qu’il était le chef d’entreprise idéal ou proche de l’être. 16 % pensaient l’inverse. Les 45 % restants n’avaient pas d’opinion tranchée. Si la cession est validée, ce sera aux salariés de Monaco Telecom de se faire leur propre opinion de Xavier Niel.

Monaco Telecom, chronologie de la privatisation

• 12 mars 1999 : Privatisation de Monaco Telecom. Avec 51 % des parts, Cegetel, filiale du groupe Vivendi Universal, devient le premier actionnaire majoritaire étranger de l’opérateur. Coût de l’opération : 740 millions de francs (112,8 millions d’euros).
• Décembre 2001 : Lancement du réseau UMTS/3G et test du NEC, ancêtre des smartphones actuels.
• Juin 2004 : Cegetel cède ses parts, soit 55 % de Monaco Telecom, à Cable&Wireless International pour 162 millions d’euros.
• 2009 : Raccordement de Monaco à l’Europe India Gateway (EIG), autoroute câblée et sous-marine de l’information virtuelle, reliant Londres à Bombay.
• Printemps 2011 : Test de la 4G avec la société Ericsson à Monaco.
• Octobre 2012 : Cable&Wireless Communications cherche à vendre ses parts de Monaco Telecom. La presse britannique se fait l’écho d’un rachat par Batelco.
• 3 décembre 2012 : Accord trouvé entre Batelco et Cable & Wireless Communications pour le rachat de la branche Monaco&Iles de CWC. Batelco peut acquérir diverses activités insulaires de CWC et 25 % de la Compagnie monégasque de communication (CMC), soit 13,75 % du capital de Monaco Telecom. Coût de la transaction : 570 millions de dollars (443 millions d’euros) Pour 345 millions de dollars supplémentaires (263 millions d’euros), Batelco peut prendre une participation de contrôle dans les 75 % restants de la CMC. C’est-à-dire devenir actionnaire majoritaire.
• 18 décembre 2012 : Michel Roger, ministre d’Etat : « Le gouvernement ne donnera jamais son accord pour que Batelco prenne le contrôle de Monaco Telecom. »
• 3 avril 2013 : Batelco officialise son entrée au capital de Monaco Telecom à hauteur de 13,75 %.
• Mai 2013 : Déploiement de la 4G par Huawei durant le Grand Prix de Formule 1.
• 1er octobre 2013 : Lancement du réseau 4G en principauté en partenariat avec Huawei. Objectif : couvrir 98 % du territoire monégasque en extérieur et 40 % en intérieur.
• 31 mars 2014 : Batelco revend ses parts et récupère sa mise.
• 25 avril 2014 : Accord conclu pour la revente des parts de CWC, soit 55 % du capital de Monaco Telecom, à Xavier Niel, via sa holding NJJ Capital. Prix du rachat : 321,7 millions d’euros. La cession devrait être validée à la mi-mai par les actionnaires de CWC.

Businessman Freestyle

Habitué des grands coups et expert en petites provocations, Xavier Niel préfère rester discret sur sa réussite. Un succès qui fascine autant qu’il dérange.

A 46 ans, Xavier Niel a et s’est déjà beaucoup investi. Notamment dans plus de 800 start-up, une dizaine de sites d’informations et de médias (Le Monde, Le Nouvel Observateur, Atlantico, Médiapart,…) et la création d’une école gratuite du numérique baptisée 42. Sa plus belle réussite, le groupe Free (Internet, téléphonie mobile), a réalisé, en 2013, un chiffre d’affaires de 3,7 milliards d’euros, un bénéfice net de 265,4 millions. Sa branche mobile compte plus de 7,5 millions d’abonnés, soit 12 % de parts de marché, et celle d’Internet, plus de 5,5 millions d’abonnés, ce qui en fait le deuxième fournisseur d’accès Internet en France. Celui que l’on surnomme parfois le « Steve Jobs français » est aujourd’hui la dixième fortune de France d’après la revue Challenges avec un patrimoine évalué à 5,9 milliards d’euros.

« Pas un personnage public »
Subtile nuance, Xavier Niel aime faire parler de lui mais déteste parler de lui. Dans un courriel adressé en novembre 2012 à un journaliste de Médiapart désireux de retracer son parcours et retranscrit par Le Point.fr en janvier 2013, Xavier Niel indiquait qu’il n’estimait « pas être une « personnalité très importante des affaires. » « Je n’ai aucune médaille, le pouvoir en place me (nous) tape toujours dessus qu’il soit de gauche ou de droite, je ne fais partie d’aucun cercle, d’aucun syndicat, d’aucune loge ou équivalent, je ne suis donc ni un personnage « public » ni un personnage « important »», expliquait-il.

Minitel
Autodidacte, le jeune passionné d’informatique a débuté son aventure entrepreneuriale en 1986. A cette époque, son avenir s’annonce rose minitel. Il délaisse sa prépa maths sup’ pour travailler dans le business de l’érotisme et de rencontres sur minitel ainsi que dans la gérance de sex-shops. En 1991, il s’offre Fermic Multimédia, entreprise qui officie dans le secteur. L’activité du minitel rose déclinant, Xavier Niel se diversifie dans le milieu des années 90. Il crée des services dont l’annuaire inversé « 3617 ANNU », permettant de retrouver le nom de l’appelant à partir de son numéro.

Internet
En 1994, Xavier Niel investit dans World-Net, premier fournisseur d’accès à Internet grand public en France avant que l’entreprise ne soit revendue en 2000 pour 40 millions d’euros. Cinq ans plus tard, Xavier Niel débaptise Fermic Multimédia pour la renommer Iliad. L’épopée Free démarre. En novembre 2002, la Freebox est lancée sur le marché avec une offre d’accès à l’Internet haut débit défiant toute concurrence. 29,99 euros par mois contre 45 à 60 euros chez les autres fournisseurs comme AOL. Free s’impose petit à petit à coup de slogans aguicheurs type « Il est Free, il a tout compris ! » et d’innovations (appels illimités vers les fixes, télévision numérique par Internet, etc).

Justice
En 2004, Xavier Niel connaît un coup d’arrêt. Il est soupçonné de détourner de l’argent tiré de ses sociétés pour l’investir dans des peep-shows. Mis en examen pour proxénétisme aggravé et recel d’abus de biens sociaux, il passe un mois en détention provisoire. L’action d’Iliad est fragilisée. La situation l’oblige à quitter la présidence d’Iliad pour un poste de vice-président. S’il bénéficie d’un non-lieu en août 2005 le blanchissant des accusations de proxénétisme, il est condamné par le tribunal de grande instance de Paris en octobre 2006 à deux ans de prison assortis du sursis et 250 000 euros d’amende pour le second volet de l’affaire.

Téléphonie et médias
Internet ne suffit pas à Xavier Niel. L’entrepreneur fait le forcing pour obtenir une licence sur le marché de la téléphonie mobile. Une envie qui n’est pas vraiment du goût des opérateurs déjà en place, dont Martin Bouygues, PDG de Bouygues Telecom. Cité par Le Canard Enchaîné, Bouygues aurait déclaré en 2008 à propos d’une quatrième licence accordée à Free : « Je me suis acheté un château, ce n’est pas pour voir les romanichels traîner sur les pelouses. » L’intéressé s’en amuse. Plus encore le 12 octobre 2010 quand il obtient la licence 3G. 2010 demeure aussi l’année du « sauvetage » du journal Le Monde par le trio Pierre Bergé, Mathieu Pigasse et Xavier Niel. Et également, celle du lancement de Kima Ventures, fonds d’investissements dans des start-up co-fondé avec Jérémie Berrebi.

Révolutions
Le 10 janvier 2012, tous les regards sont tournés vers Paris. Xavier Niel frappe un coup de maître en lançant l’opérateur de téléphonie mobile Free Mobile. Il se mue en Robin des Bois des télécoms avec son forfait social à 2 euros et l’autre illimité à 20 euros. « Si vous ne réfléchissez pas Free Mobile, vous êtes des pigeons », lance-t-il aux clients de ses concurrents. S’ensuit une révolution dans le monde des télécoms et une période de migration de millions de clients vers Free Mobile. La campagne de dénigrement passe mal, à tel point que Free Mobile est attaqué en justice par Bouygues Telecom. En février 2013, le tribunal de commerce de Paris condamne Xavier Niel à payer 25 millions d’euros à Bouygues pour dénigrement. Au passage, Bouygues doit, pour le même motif, verser 6 millions d’euros à Xavier Niel. Le réseau 3G de Free Mobile est aussi vivement critiqué et la marque attaquée en justice par l’association de consommateurs UFC-Que Choisir.
Le 26 mars 2013, le patron de Free ambitionne de révolutionner l’éducation avec 42. Derrière ce nombre se cache une école gratuite de l’informatique. Objectif : former 1 000 jeunes de 18 à 30 ans, diplômés ou non, sur trois ans pour qu’ils deviennent des « informaticiens aux compétences recherchées. » « Aujourd’hui, le système éducatif français ne marche pas », tance-t-il. Niel dénonce une université « pas toujours adaptée aux besoins des entreprises » et des écoles privées qualitatives mais chères, laissant « sur le côté de la route un grand nombre de talents, de génies. » Les professionnels du secteur, vexés, assurent que le diplôme délivré par 42 n’aura aucune valeur.

Guerre froide
Xavier Niel n’en a pas fini avec sa croisade sur le marché des télécoms français. En décembre 2013, Free divise par deux le prix de la 4G en lançant ses offres sans hausse de prix. Son patron raille la concurrence dans le JDD du 15 décembre. « J’ai beaucoup de peine pour mes concurrents, je vais pleurer. Nos concurrents versaient de gros dividendes, ils les ont un peu diminués. Ils étaient très riches, ils le sont un tout petit peu moins. Personne n’est malheureux dans les télécoms. Les opérateurs dégagent entre 20 % et 40 % de marge ! », ironise Niel. Réponse de Stéphane Richard, PDG d’Orange, le 16 décembre dans Le Figaro : « Je trouve Xavier Niel prétentieux et agressif […] N’oublions pas que l’accord d’itinérance 2G/3G n’est pas un droit perpétuel. Orange peut très bien se passer de l’accord d’itinérance, mais la réciproque est-elle certaine ? » Et le boss d’Orange de qualifier Xavier Niel de « roi de l’embrouille » sur la 4G, précisant que Free Mobile devra « forcément s’appuyer sur un accord d’itinérance ou de mutualisation avec l’un des ses concurrents » pour couvrir tout le territoire français en 4G.

Contre-attaque
Xavier Niel se retrouve attaqué sur son terrain de prédilection, l’Internet fixe. Le 20 décembre 2013, Martin Bouygues lance l’offensive dans Le Figaro. « Dans l’Internet fixe, la fête est finie. […] Bouygues Telecom va offrir une vraie rupture en 2014, avec des technologies et des services innovants. Nous allons faire faire 150 euros d’économie par an aux abonnés du fixe qui choisiront ce service, ce qui fait une économie de 12,50 euros par mois. Qui dit mieux ? Que Xavier Niel fasse la même chose s’il en est capable ! », assure-t-il au quotidien. Des déclarations qui, le jour de leur publication, font chuter de 10 % l’action d’Iliad. Le 26 février 2014, Bouygues lance son offre triple play (téléphone, Internet, télévision) à 19,99 euros par mois. Via Alice, filiale de Free, Xavier Niel descend le prix de la sienne dans l’heure à 19,98 euros. Soit un centime de moins. Et une provocation de plus.