mercredi 24 avril 2024
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Négociations Monaco – Union européenne : « Monaco souhaite conclure un accord qui ne remette pas en cause ses spécificités »

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Alors que les négociations européennes pourraient aboutir en 2023 à la signature d’un accord d’association avec l’Union européenne, quels sont les principaux enjeux de ces discussions ? Pour le savoir, Monaco Hebdo a fait le point avec le département des relations extérieures et de la coopération.

D’où est venue l’idée de négocier un accord d’association européen ?

L’Union européenne (UE) a proposé aux trois États-tiers Monaco, Andorre, et Saint Marin (MAS) de négocier un accord d’association, sur la base de l’article 217 du traité sur le fonctionnement de l’UE, et compte tenu de la déclaration n° 3 de l’article 8 du traité de Lisbonne (2009), selon laquelle : « L’Union prendra en compte la situation particulière des pays de petite dimension territoriale entretenant avec elle des relations spécifiques de proximité ».

Quelle est la finalité de cet accord ?

La principauté de Monaco est officiellement engagée depuis le 18 mars 2015 dans des négociations avec l’UE, dans le but d’obtenir un accord équilibré qui permette une participation la plus large possible au marché intérieur de l’UE, tout en respectant les intérêts essentiels vitaux de la principauté, compte tenu de ses dimensions territoriales, démographiques, et économiques.

Qui se charge de la négociation ?

En 2022, l’UE a transféré la charge de la négociation du service européen pour l’action extérieure au secrétariat général de la commission. Le vice-président Maroš Šefčovič a été désigné comme « interlocuteur politique » dans cette négociation. En juin 2022, il a présenté une feuille de route qui projette de conclure la négociation pour la fin 2023. Cette échéance a été reprise dans les conclusions de la présidence française de l’UE du premier semestre 2022.

Quels sont les principaux axes de cette négociation ?

Les principes essentiels qui servent de base à la négociation sont le respect des valeurs communes, la nécessité d’assurer l’homogénéité et le bon fonctionnement du marché intérieur, et la prise en compte des spécificités des pays de petite dimension territoriale. Chacun des trois Etats-tiers ont leurs spécificités qui divergent les unes des autres.

Parmi les autres accords d’associations existant avec l’UE, celui avec le Liechtenstein peut-il inspirer Monaco ?

Le Liechtenstein n’a pas d’accord d’association avec l’UE, mais il participe à l’espace économique européen, dont l’intégration dans le marché va au-delà d’un simple accord d’association.

Cet accord peut-il changer le quotidien des Monégasques et des résidents ?

Compte tenu de ses singularités géographiques, économiques et démographiques, Monaco doit pouvoir permettre aux 9 600 Monégasques de continuer à vivre, à étudier, et à travailler dans leur propre pays pour préserver son identité nationale. L’UE a dès le début été informée de cet intérêt vital.

« La France ayant choisi de partager un certain nombre de compétences avec l’UE, sa capacité à contracter est limitée, par exemple dans certains domaines économiques »

Pourquoi un accord est-il devenu nécessaire ?

La principauté de Monaco est un pays européen par sa géographie, son histoire, et sa population. Depuis plus de 150 ans, de larges pans de l’activité économique et sociale du pays sont réglementés par des conventions bilatérales franco-monégasques. Aujourd’hui, la France ayant choisi de partager un certain nombre de compétences avec l’UE, sa capacité à contracter est limitée, par exemple dans certains domaines économiques ou encore en matière de politique commerciale internationale. Par ailleurs, par ce jeu des conventions avec la France, Monaco s’est trouvé directement impliqué dans la construction européenne : les produits et les services européens sont commercialisés librement sur le territoire monégasque.

Cet accord est avant tout destiné aux entreprises monégasques ?

Les entreprises établies en principauté peuvent rencontrer des difficultés pour exporter en Europe. Il convient donc de garantir une réciprocité en droit, et dans les faits. C’est pourquoi Monaco a accepté la proposition de l’UE d’entamer des négociations en mars 2015, en vue de conclure un accord d’association.

Quels objectifs sont visés ?

En négociant cet accord, la principauté souhaite obtenir un cadre institutionnel pérenne pour ses relations avec l’UE et avec l’ensemble de ses Etats membres, ce qui renforcera sa souveraineté et son positionnement sur la scène internationale. Mais aussi supprimer les obstacles que rencontrent les agents économiques monégasques pour accéder au marché intérieur européen, et garantir une plus grande sécurité juridique dans leurs échanges. Monaco souhaite permettre aux Monégasques de mieux circuler dans l’UE pour se former dans les universités européennes sans frais supplémentaires par exemple, ou pour faire des stages. Il s’agit également de développer l’attractivité de Monaco pour l’installation de nouvelles activités économiques, d’avoir un accès facilité à la Cour de justice de l’UE permettant un règlement des différends équilibré avec l’UE et les Etats membres, ou encore de bénéficier de certaines politiques et programmes européens, dans certains domaines, comme la recherche, la santé, l’éducation, et l’environnement.

« La principauté souhaite obtenir un cadre institutionnel pérenne pour ses relations avec l’UE et avec l’ensemble de ses Etats membres, ce qui renforcera sa souveraineté et son positionnement sur la scène internationale »

Quelles sont les limites fixées par le prince Albert II ?

Les « lignes rouges » fixées par le prince souverain dans cette négociation peuvent être ainsi résumées ; que les Monégasques continuent de vivre, de travailler, et de se loger chez eux. Il faut également maintenir les autorisations pour les étrangers souhaitant s’installer à Monaco, pour qu’ils y occupent un emploi privé ou qu’ils y exercent une activité économique.

Comment garantir que ces « lignes rouges » ne soient pas franchies ?

Les négociateurs monégasques participent aux sessions de négociation sur la base d’un mandat de négociation qui leur a été donné par le prince Albert II, qui préside un comité de pilotage qui donne régulièrement des orientations de négociation. Les points vitaux sont pris en compte, dès lors que les négociateurs européens ont conscience de la réalité économique et sociale de Monaco. Tel est le cas actuellement, après plus de sept ans de discussions sur ces spécificités.

Les spécificités monégasques seront garanties avec une certitude absolue ?

Monaco souhaite conclure un accord qui ne remette en cause ni ses spécificités, ni le pacte social qui unit le prince à ses sujets qui se traduit notamment par sa Constitution. L’accord d’association doit ainsi garantir un équilibre dans la durée, entre les principes du marché intérieur, dont celui de la non-discrimination et de nos propres spécificités, dont la priorité consentie aux Monégasques.

Quelle direction prennent ces négociations pour 2023 ?

Selon un adage bien connu en négociation, « rien n’est décidé tant que tout n’est pas décidé ». Il est donc difficile de faire un pronostic sur le résultat des négociations en cours, tant que tous les points qui la composent ne sont pas traités. La question de savoir quelles seront les conséquences pour Monaco de l’absence d’un accord d’association est effectivement fondamentale.

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