samedi 20 avril 2024
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Métavers : « Monaco devra réfléchir pour en saisir les opportunités »

Publié le

Le délégué interministériel chargé de la transition numérique pour le gouvernement monégasque, Frédéric Genta, voit dans le métavers de véritables possibilités de développement pour la principauté. Il a répondu aux questions de Monaco Hebdo.

Qu’est-ce que le métavers ?

Le métavers est un monde virtuel dans lequel les individus, les entreprises, les organisations ou encore les pouvoirs publics etc. pourront interagir. C’est, en réalité, une forme d’alternative au monde physique réel que nous connaissons. C’est un endroit virtuel ou l’on peut travailler, discuter, acheter, ou encore visiter de nouveaux endroits. Beaucoup de ces activités que l’on considérait limitées au monde physique seront réalisables de manière virtuelle grâce au métavers.

Quel est l’intérêt du métavers ?

L’intérêt potentiel de cet univers, c’est qu’il n’est pas uniquement destiné au jeu. Aujourd’hui, par exemple, il y a déjà des échanges monnayés pour des biens virtuels qui se voient attribuer une valeur suivant la loi de l’offre et de la demande. Le métavers est une grande innovation dans l’écosystème numérique. C’est donc potentiellement une opportunité pour nos entreprises monégasques. C’est pourquoi le gouvernement est très attentif à son développement.

En 1997, Canal + Multimedia a lancé le Deuxième Monde, un monde virtuel qui a finalement fermé ses portes en 2001 : pourquoi reparle-t-on de monde virtuel 25 ans après ?

Au départ, ce monde virtuel apparaît surtout dans les romans de science-fiction. Petit à petit, avec le développement technologique, l’idée d’un métavers a fini par intéresser les mastodontes de la Silicon Valley et les Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft (GAFAM). Il y a quelques mois, par exemple, Mark Zuckerberg, PDG de Meta, anciennement Facebook, a révélé que son entreprise s’engageait dans un plan chiffré à plusieurs milliards de dollars pour construire un univers immersif, qui permettra de communiquer avec ses proches, d’avoir accès à une vie de bureau, ou encore à des divertissements. Cela peut paraître un peu iconoclaste aujourd’hui, mais souvenons-nous de nos premiers réflexes, il y a quelques années, quand on nous disait qu’avec des smartphones on pourrait aller sur Internet. A l’époque, cela semblait presque inutile. Alors qu’aujourd’hui, on n’imagine presque plus une journée sans smartphone !

« Nous ne sommes pas encore au temps de l’investissement, mais au temps de la compréhension et de l’analyse de cet écosystème »

Où en est-on aujourd’hui ?

La réalité augmentée et la réalité virtuelle n’en sont qu’au stade embryonnaire. On les retrouve principalement dans les jeux vidéo. La technologie du métavers doit encore mûrir, mais nous devons être conscients de l’immense potentiel qu’elle pourrait offrir. Cela pourrait faire émerger une économie virtuelle importante, alors que l’économie réelle est en crise. L’objectif est d’offrir des expériences beaucoup plus immersives que ce que l’on vit déjà sur Internet, et de monétiser ces expériences : créativité des entreprises, achat d’espaces publicitaires, développement du marché des outils immersifs…

Quelles sont les promesses ?

Bloomberg International prévoit que l’économie du métavers représentera 800 milliards de dollars en 2024.

Quel est l’intérêt pour un pays comme Monaco ?

Pour un pays comme Monaco, disposant d’une marque puissante et d’une image qui fait rêver dans le monde, le métavers est une opportunité de premier plan. Il faudra attendre plusieurs années avant que la promesse économique se matérialise. Mais une fois réalisée, cela constitue un fort potentiel pour le pays. Il est essentiel de comprendre ce qu’est le métavers, son évolution, et son potentiel, pour investir au bon moment. Nous ne sommes pas encore au temps de l’investissement, mais au temps de la compréhension et de l’analyse de cet écosystème.

Y’a-t-il déjà un cadre règlementaire autour du métavers ?

Aujourd’hui, nous ne sommes qu’aux balbutiements du métavers. Il n’y a donc pas encore de cadre spécifique à cette nouvelle réalité virtuelle. Il faudra bien évidemment adapter les législations pour protéger les utilisateurs du métavers. Je pense par exemple, aux transactions monétaires qu’il faudra fiabiliser, et pour lesquelles il faudra garantir à la fois la sécurité et la transparence.

Comment faire ?

Il existe déjà des outils dont nous pouvons nous inspirer. Sans entrer dans des éléments trop techniques, il y a déjà les NFT [“non-fungible token”, jeton non fongible — NDLR] qui présentent des gages de fiabilité comme moyen de transaction. Ces crypto-actifs sont adossés à la blockchain et ils agissent comme des certificats d’authenticité et de propriétés pour des biens précis.

« La technologie du métavers doit encore mûrir, mais nous devons être conscients de l’immense potentiel qu’elle pourrait offrir. Cela pourrait faire émerger une économie virtuelle importante, alors que l’économie réelle est en crise »

Un exemple ?

Par exemple, un chanteur touchera des droits d’auteur chaque fois que sa musique sera jouée dans un métavers. Le cadre juridique doit encore être défini. Mais il n’y a pas de raison que les réglementations autour des données personnelles, copyrights, droits d’auteur, et propriété intellectuelle ne s’appliquent pas dans le monde virtuel. De nouveaux questionnements vont se poser, pour que ce ne soit pas un monde anarchique.

Quelle est la bonne approche face au métavers ?

Il est très important de ne pas avoir un regard technologique naïf et passif sur ce sujet. Il nous faut nous assurer de la solidité juridique de cet univers, et de sa capacité de protection pour les habitants de Monaco. Il faudra aussi être vigilant et prudent. Pour fixer les règles, il faudra une collaboration forte entre les entreprises, les créateurs et les pouvoirs publics pour contrôler les activités et les personnes, et établir un véritable code éthique.

Quelle est votre vision du métavers dans 5 ans ?

C’est difficile, à ce stade, d’avoir une idée précise, puisque ce processus est en pleine évolution. Mais il est incontestable que le champ des possibilités est immense : faire un voyage en ligne, visiter un musée, jouer avec vos amis, faire du sport, faire du shopping, assister à un concert, participer à un cours de langue étrangère, acheter un terrain, assister à un défilé de haute couture… Il y a là des champs du possible que nous devons surveiller, et dans lesquels Monaco devra réfléchir pour en saisir les opportunités.

Faut-il craindre que le métavers débouche sur l’isolement des individus, des enfants et des adolescents dans un monde virtuel ?

C’est un procès qui est souvent fait aux outils numériques. Pourtant, c’est grâce à ces outils numériques que nous avons pu garder des contacts avec nos proches ou faire fonctionner des entreprises pendant les périodes de confinement. Il faut avoir à l’esprit qu’il s’agit d’un outil supplémentaire, mais l’homme doit rester maître de la machine. Il faudra adapter nos comportements, nos habitudes de consommation, et surtout enseigner aux plus jeunes d’utiliser ces technologies avec modération pour ne pas être complètement déconnectés. Par définition, la vraie vie n’est pas virtuelle !

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