jeudi 18 avril 2024
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Les travaux publics en plein chantier

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La gestion des chantiers publics en principauté a une nouvelle fois été au cœur des échanges entre le Conseil national et le gouvernement,

le 12 décembre 2019, lors de la deuxième séance publique du budget primitif 2020.

Ce fut l’un des principaux griefs du Conseil national au mois d’octobre dernier lors des séances publiques du budget rectificatif 2019. Deux mois plus tard, rien n’a changé, ou presque. La gestion des chantiers publics en principauté a une nouvelle fois été au cœur des débats lors de la deuxième séance publique du budget primitif 2020, le 12 décembre 2019.

226 millions d’euros de surcoûts pour les chantiers publics

« Lors du budget rectificatif 2019, nous avions regretté que les grands chantiers publics connaissent des surcoûts et retards importants. Comme l’a relevé la commission des finances et de l’économie nationale dans son rapport, le budget des chantiers publics d’envergure connaissent de nouvelles hausses conséquentes », a constaté, amer, Balthazar Seydoux, président de la commission des finances et de l’économie nationale et élu de la majorité Priorité Monaco (Primo !), avant de détailler la « facture » : « 111 millions d’euros pour l’îlot Pasteur, 71,3 millions d’euros pour le nouvel hôpital, 25,5 millions d’euros pour le Cap Fleuri et 18,5 millions d’euros pour l’entrée de ville. Ces hausses représentent aujourd’hui 226 millions d’euros supplémentaires entre le budget rectificatif 2019 et le budget primitif 2020 ». La situation s’est donc encore « dramatiquement dégradée » depuis octobre 2019, souligne le rapport de la commission des finances et de l’économie nationale, alors même que le gouvernement a annoncé une « nouvelle organisation de la direction des travaux publics avec le recrutement de 9 personnes » afin d’avoir enfin « des délais maîtrisés, des budgets contenus, moins de nuisances et des équipements publics de qualité ». « Les chiffres annoncés sont considérables », a regretté le président du Conseil national, Stéphane Valeri. « C’est là que nous avons incontestablement des gisements d’économies considérables pour les dépenses publiques […]. On met beaucoup d’espoir, si on arrivait ne serait-ce qu’à faire l’économie de la moitié des surcoûts. C’est peut-être 100 ou 200 millions d’euros par an qu’on pourra utiliser soit pour enrichir notre fonds de réserve constitutionnel (FRC), soit pour financer des dépenses pleinement justifiées par ailleurs », a conclu Stéphane Valeri. « Concernant les chantiers publics, nous sommes aussi concernés que vous. Mais je ne voudrais pas que s’installe l’idée selon laquelle il y aurait une gabegie d’argent public sur les chantiers […]. Je ne veux pas qu’on prenne l’habitude de croire qu’il y a eu 200 millions d’argent public dépensés de façon arbitraire ou pour des raisons somptuaires un peu inexpliquées », s’est défendu le ministre d’État, Serge Telle, qui a ensuite tenu à expliquer ces surcoûts : « On a essayé de vous expliquer les dépassements de programme qui justifient ces dépassements de crédits. À partir du moment, où on change de programme pour tenir compte d’une évolution particulière, et vous avez souvent contribué aux modifications de programme, cela entraîne des surcoûts. Et ces surcoûts entraînent des dépassements de crédit par rapport au crédit originellement prévu pour financer les opérations ».

« Tous ensemble, avec tous les professionnels du bâtiment et la nouvelle organisation de travaux publics, nous allons pouvoir arriver à améliorer le suivi des chantiers » Marie-Pierre Gramaglia. Conseillère de gouvernement-ministre de l’équipement

Nouvelle organisation à la direction des travaux publics

Face à la grogne de la représentation nationale due à ces nouveaux surcoûts, le ministre d’État a annoncé que son gouvernement avait pris des mesures pour améliorer la gestion des chantiers publics en principauté : « Nous avons changé les pratiques des marchés publics. Mais nous n’allons pas seulement changer la façon dont on passe les appels d’offres, et le mieux-disant a été écarté, toute la sous-traitance va être reprise et nous allons réorganiser l’organe de pilotage des chantiers publics grâce au neuf postes supplémentaires ». Neuf recrutements que la conseillère de gouvernement-ministre de l’équipement, de l’environnement de de l’urbanisme, Marie-Pierre Gramaglia, a détaillé lors de son intervention : « Nous allons recruter un directeur administratif et financier qui va participer aux reportings des différents projets, en mettant en place un contrôle de gestion. Dans cette organisation, on va créer un tableau de bord trimestriel, où nous allons précisément retracer l’historique de chaque opération, et un outil de chiffrage des projets, qui sera réalisé par un économiste, choisi après un appel d’offres ». Outre ces renforts, Marie-Pierre Gramaglia a annoncé le recrutement de quatre managers intermédiaires, qui viendront soutenir les douze conducteurs d’opération déjà en place. Ce renforcement du management des chefs de projet répond ainsi à la demande de la représentation nationale : « Le premier manager intermédiaire est arrivé depuis le mois de juin, il est en charge de tout ce qui concerne le pôle santé. Deux autres vont arriver au premier trimestre 2020 pour le pôle logements, le pôle infrastructures et le pôle projets. Enfin, le quatrième devrait arriver un peu plus tard. Nous recruterons au total neuf personnes, qui seront des postes moins hauts que ces managers ». Si la conseillère de gouvernement-ministre de l’équipement s’est félicitée de cette « réorganisation interne », Marie-Pierre Gramaglia a également prévu de « remettre le maître d’ouvrage dans son rôle ». Pour cela, le gouvernement a entamé de « grandes discussions avec l’ordre des architectes, les maîtres d’œuvre pour faire évoluer le contrat type ». Ces discussions, actuellement en cours, devraient déboucher en 2020 sur un nouveau contrat type. « Tous ensemble, avec tous les professionnels du bâtiment et cette nouvelle organisation de travaux publics, nous allons pouvoir arriver à améliorer le suivi des chantiers, contrôler les dérapages financiers et également assurer la durée des chantiers pour qu’il y ait moins de dérapages », a prévenu, confiante, Marie-Pierre Gramaglia.

Bientôt une application pour signaler les nuisances

Outre les surcoûts, l’autre reproche récurrent formulé par le Conseil national concerne les nuisances générées par les chantiers, jugées en partie responsables de la « baisse de la qualité de vie » en principauté. À ce sujet, le gouvernement a annoncé la mise en place d’une application [Urban Report Monaco – N.D.L.R.] prévue pour le « premier trimestre 2020 ». L’élue Primo !, Marine Grisoul, a salué l’arrivée de cette application participative qui doit permettre aux riverains de « signaler en temps réel les nuisances et les désagréments qu’ils constatent en principauté afin d’en avertir l’administration qui pourra ensuite intervenir dans les plus brefs délais ». Cette application, « qui ne sera pas anonyme » a tenu à préciser Marie-Pierre Gramaglia, sera d’une « grande aide pour l’efficacité parce qu’on ne peut pas être partout et tout regarder […] cette aide sera donc un grand apport pour le travail de mes services », a déclaré la conseillère de gouvernement-ministre de l’équipement qui espère toutefois « qu’il n’y aura pas trop d’abus […]. Le but est vraiment d’améliorer le service rendu auprès des résidents de la principauté de Monaco ». Si, sur le principe, cette application peut s’apparenter à la délation, Stéphane Valeri a pris soin de réfuter cette idée : « Il faut bien faire la différence entre cette application qui est utile et une délation anonyme et malveillante, qui n’a rien à voir avec cette application […]. Ce n’est pas de la délation qui répond toujours à de la jalousie, de la cupidité ou de la vengeance. Il s’agit simplement de faire respecter la loi et de faire respecter les règles », a insisté le président du Conseil national. Le gouvernement, par la voix de sa conseillère de gouvernement-ministre de l’équipement, a également déclaré « beaucoup travailler sur la communication des chantiers ». Si une mise à jour du site Infochantiers.mc est prévue, un nouveau site Internet « beaucoup plus complet et effectif » devrait bientôt voir le jour. Il fournira notamment des informations sur les nuisances sonores des chantiers, l’impact sur la circulation et la qualité de l’air… Marie-Pierre Gramaglia a enfin annoncé le recrutement « début janvier 2020 d’un prestataire pour améliorer la communication autour des différents chantiers pour la rendre plus facilement perceptible par les riverains ».

À la recherche du bon équilibre

Au cours des échanges sur la gestion des chantiers publics en principauté, un autre sujet épineux a longuement été évoqué : le phasage des chantiers. Si l’élu Horizon Monaco (HM), Jacques Rit, a estimé que « sur le plan de la lutte contre les gênes à la mobilité et le bruit, le phasage des chantiers par la puissance publique serait indubitablement la méthode la plus efficace. Là où il n’y a pas de chantier, point de nuisances ». Le conseiller national a aussi rappelé que « chaque chantier en moins représente une perte d’activité économique pour la principauté et une perte de recettes pour le budget de l’État ». De son côté, le gouvernement met en avant l’impossibilité juridique de reporter un chantier déjà engagé et travaille « à doter l’administration des moyens d’obtenir des études d’impact et des études de bruit (par l’utilisation d’engins de chantier adaptés) avant la délivrance du permis de construire ». Le ministre d’Etat, Serge Telle, s’en est expliqué devant les conseillers nationaux : « La mise en œuvre d’une décision éventuelle de phasage, quand il s’agit de chantiers publics, c’est la puissance publique qui décide, donc pas de problème. Quand il s’agit de chantiers privés, il y a un droit de propriété reconnu constitutionnellement qui pose un problème […]. Une négociation, à laquelle je suis totalement fermé tout en étant diplomate, entraînerait nécessairement une indemnisation parce que précisément le propriétaire concerné pourrait évoquer un préjudice éventuel ». Le ministre d’État a estimé qu’un équilibre devait donc être trouvé et qu’il n’était « pas question d’arrêter les chantiers, sinon on arrête aussi les recettes ». Le terme « équilibre » était d’ailleurs sur toutes les lèvres jeudi 12 décembre, et notamment celles du président du Conseil national, Stéphane Valeri. « Le mot-clé est le mot équilibre. Le Conseil national est conscient de l’importance des chantiers, de l’immobilier pour les recettes de l’État, pour la TVA, pour les emplois créés… Nous avons besoin des chantiers publics car il s’agit d’équipements publics indispensables pour la population, les chantiers privés servent à la croissance économique du pays », a reconnu Stéphane Valeri avant d’adresser un petit tacle à son homologue du gouvernement : « Vous avez la possibilité pour un motif d’intérêt général de décaler l’attribution d’un permis de construire […]. Quand l’intérêt général est en cause, on peut trouver une justification pleinement légitime, et c’est possible aujourd’hui avec nos textes, pour décaler un chantier ». À bon entendeur…

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