samedi 20 avril 2024
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Grosses fortunes : la grande offensive de Monaco

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La délocalisation des grandes fortunes s’est transformée en une véritable compétition entre pays, sur fond de sortie de crise. Pas question pour Monaco de se laisser distancer. Même si la bagarre est dure.

Jeudi 30 septembre 2010, 8h30, salon Bellevue du Café de Paris. Environ une centaine de personnes ont répondu présent à l’invitation de la jeune chambre économique (JCE) de Monaco. Au micro, Serena Benedetti, vice-président de la JCE pour l’intérieur, rappelle le thème de ce petit-déjeuner : l’attractivité de la principauté. Michel Roger, ministre d’Etat, est à la tribune. Et il répète que « même si la sortie de crise est là, Monaco doit continuer à travailler pour améliorer encore son attractivité. » Face à lui, une partie du gouvernement. Notamment le conseiller pour les affaires sociales et la santé, Stéphane Valeri. Mais aussi, Sophie Thevenoux, conseiller pour les finances et l’économie. Alors que beaucoup de chefs d’entreprises ont fait le déplacement. Mais aussi des banquiers, des avocats… Assez révélateur au fond du malaise et de l’inquiétude qui règne en Principauté. Car si le discours du ministre d’Etat est plutôt rassurant, il est aussi très ferme : il faut agir et vite. Objectif : attirer en principauté des grosses fortunes pour qu’ils y installent leur famille et leur business. Mais la concurrence est dure.

« Choix fiscal, choix de vie »

Car d’autres pays se battent sur le même créneau que Monaco. Des ex-paradis fiscaux, comme la Suisse ou Andorre par exemple. Avec des atouts qui ressemblent à ceux de Monaco : une fiscalité nulle ou « douce », comme expliquent les experts. « Quand on vous prend plus de la moitié de ce que vous gagnez chaque année, ça joue bien sûr dans la décision de s’expatrier », souligne le juriste Warren de Rajewicz. Le tout, dans un contexte où les milliardaires ont, selon le classement établi chaque année par Forbes, dépassé le millier (voir encadré). Et où, selon une récente étude du Crédit Suisse, 9 % des 24,2 millions de millionnaires en dollars vivent en France. Soit 2,2 millions de millionnaires.

« Depuis une vingtaine d’années, il y a en principauté des milliardaires d’un niveau de richesse qui n’existait pas avant. Quand j’étais jeune, les seuls noms qu’on citait, c’était Aristote Onassis et Stavros Niarchos. Aujourd’hui, ils sont beaucoup plus nombreux », raconte le président de l’association monégasque des activités financières (Amaf), Etienne Franzi. Mais pas question pour ces grosses fortunes de s’expatrier n’importe où, sans réfléchir. D’ailleurs, ils n’hésitent pas à multiplier les prises de contact avec des conseillers. Résultat, les professionnels se battent pour proposer leurs services. Notamment des fiscalistes et des avocats spécialisés. Mais aussi des banques et des sociétés de conseil bien sûr. Bref, le contexte a beaucoup changé. Ce que confirme Philippe Szokolóczy-Syllaba, fondateur de My Global Advisor, un multi-family office créé en 2005 et spécialisé dans la gestion de fortune et l’ingénierie patrimoniale à Genève : « On vit dans un monde avec plus de mobilité. Donc la délocalisation est de plus en plus facile. Alors qu’avant, c’était réservé à peu de personnes. »

Plus facile peut-être. Mais la réflexion n’est pas aussi simple que ça. Car lorsqu’un milliardaire ou un millionnaire se décide à quitter son pays d’origine, il ne pense pas qu’à son argent. « Si c’est au départ un choix fiscal, il ne faut pas oublier que c’est aussi un choix de vie. D’ailleurs, après près de 20 ans de pratique, j’ai remarqué que si c’est uniquement un choix fiscal, en général, ça ne marche pas. Car, tôt ou tard, on prend le risque d’être déstabilisé sur le plan social et familial. Avec parfois une perte importante de repères. On est seul, sans ses amis. Sans parvenir à retrouver le statut qu’on avait auparavant, dans son pays d’origine. Du coup, impossible de parvenir à s’adapter à son nouvel environnement », ajoute Philippe Szokolóczy-Syllaba, qui encourage ses clients à passer d’une vision purement financière à la prise en compte du futur cadre de vie. D’ailleurs, cet expert n’hésite pas à dire que « la question n° 1, c’est : Où avez-vous vraiment envie de vivre ? Ensuite, il faut réfléchir à ce qu’on cherche à optimiser : ses revenus, une succession… Car, quel que soit le pays choisi, on arrivera toujours à améliorer la situation fiscale. » Mais pas question de laisser des liens avec son pays d’origine. Il faut couper définitivement les ponts. Garder des attaches, c’est dangereux. Notamment des « propriétés, des avoirs, des postes à des conseils d’administration, des voitures immatriculées dans son pays… Tout ça peut aboutir à des redressements fiscaux », estime Szokolóczy-Syllaba.

Bagarre

Une certitude, aujourd’hui les pays se livrent une grosse bagarre pour séduire ces grosses fortunes. « Parmi les pays qui concurrencent le plus Monaco, on peut citer les Bahamas où il n’y a aucun impôt. Avec une liaison régulière vers Miami et les Etats-Unis. D’ailleurs, on croise toute la jet-set américaine aux Bahamas. Ce qui ressemble un peu à Monaco. Ou alors Andorre, même si le cadre de vie n’est pas le même. A l’inverse sur Anguilla, le cadre de vie est sublime, mais on est coincé sur une toute petite île… », raconte Warren de Rajewicz. Autres pays à surveiller?: Hong-Kong, car il n’y a aucun impôt. Ou l’Amérique du Sud?: « Pour l’Uruguay et le Costa Rica, la procédure est assez longue. Mais ensuite, c’est assez intéressant. D’ailleurs, on trouve là-bas pas mal de retraités qui viennent profiter du cadre de vie. Avec des prix assez bas. A noter que l’Uruguay attire beaucoup de joueurs de polo », ajoute de Rajewicz.

Voilà pourquoi Monaco a décidé de réagir. La feuille de route que le prince Albert a confié à Michel Roger est d’ailleurs très claire : « Il faut retrouver une croissance dynamique et responsable », a expliqué le ministre d’Etat à Monaco Hebdo (voir son interview publiée dans Monaco Hebdo n° 715). Et pour doper et améliorer l’image de la principauté, une campagne de pub va être lancée à l’étranger à partir de mi-novembre. En ciblant dans un premier temps le Royaume-Uni. « Notre réseau diplomatique est mobilisé, a expliqué Michel Roger le 30 septembre, devant la JCE. Hier, le directeur général du tourisme, Michel Bouquier, était à Londres où une grande soirée à été organisée. Et il y aura d’autres soirées avec nos ambassadeurs qui sont alertés. » Car il y a du travail. « Il faut que Monaco soigne sa communication. Car, vu de l’extérieur, les gens ont encore trop souvent l’impression que Monaco, c’est la France. Et que la communication d’informations entre les deux pays est totale », estime de Rajewicz.

S’adapter pour séduire

Mais Michel Roger a annoncé dans Monaco Hebdo n° 715 une vingtaine de mesures concrètes pour améliorer la compétitivité et l’attractivité de Monaco. Reste à savoir si ça sera suffisant. « Les grosses fortunes ne mettent pas tous leurs œufs dans le même panier. Donc un milliardaire qui vient s’installer à Monaco ne transfèrera pas tous ses milliards dans les banques monégasques. D’ailleurs, c’est à nous de travailler là-dessus pour faire en sorte que ces milliardaires laissent une part plus importante de leur fortune en principauté. Bien sûr, on n’arrivera jamais à 100 %. Mais on a une marge de progression », juge Etienne Franzi qui rappelle que Monaco n’a jamais cessé d’aller présenter ses atouts à l’étranger. D’ailleurs des missions sont régulièrement organisées par la chambre de développement économique (CDE). En plus d’un système politique stable, d’un cadre de vie agréable et d’une sécurité haut de gamme, la principauté a aussi des arguments financiers, selon le patron de l’Amaf : « A Monaco, les clients des banques ont tous les outils qu’ils souhaitent : trust, hedge funds, fondations… » Mais tous ces outils ne sont pas encore assez utilisés. Comme par exemple le trust. Ce que confirme de Rajewicz : « J’ai des amis avocats en principauté qui font des trusts à l’étranger pour leurs clients monégasques. En partie parce qu’ils connaissent assez mal ce type de produit. » Mais pas question de paniquer pour ce juriste : « J’ai favorisé l’arrivée de résidents à Monaco. Donc je pense que Monaco reste intéressant. Ce qui fait peur aujourd’hui, ce sont les liens avec la France et l’éventuel risque de pression pour un impôt sur les résidents. Ce qui ferait fuir tout le monde. Même un impôt à 10 % aurait un effet désastreux. D’ailleurs, aux Caïmans, un impôt minime a été mis en place, car l’Etat avait besoin d’argent pour faire face à une série de catastrophes naturelles. Ce qui a eu un impact très négatif pour ce pays. » En tout cas, pour séduire, il faudra parfois s’adapter. Ce que confirme le rédacteur en chef adjoint d’Alternatives Economiques, Christian Chavagneux : « Depuis le milieu des années 1990, une nouvelle tendance est en train d’exploser. Les grosses fortunes exigent certains services. Exemple : trouver une place en crèche, apporter une nouvelle carte de crédit dans l’heure à madame qui vient de perdre la sienne et qui en train de faire les boutiques… Bref, des services qui relèvent de la vie privée, mais qu’on doit désormais être capable d’apporter. »

1011 milliardaires en 2010
403. C’est le nombre de milliardaires en dollars aux Etats-Unis selon le magazine Forbes. Loin derrière, mais à la seconde place de ce classement, la Chine, avec 64 milliardaires. Au total, Forbes dénombre 1 011 milliardaires qui possèdent au total 3 600 milliards de dollars, contre 2 400 milliards en 2009. A noter que le nombre de milliardaires a explosé, passant de 793 l’an dernier à 1011 aujourd’hui. Quant à l’homme le plus riche du monde, il est mexicain. Il s’appelle Carlos Slim Helu et sa fortune est évaluée à 53,5 milliards. C’est la première fois depuis 1994 que le milliardaire le plus riche au monde est basé hors des Etats-Unis. Mais l’américain Bill Gates est désormais second. Alors que Warren Buffet perd une place et se retrouve troisième. Au total, ces trois hommes ont encaissé 41,5 milliards l’an dernier. Mais ils ont perdu 68 milliards entre 2008 et 2009, pendant la crise financière. Enfin, le plus jeune milliardaire a 25 ans. Il s’agit du fondateur du réseau social Facebook, Mark Zuckerberg, classé 212éme avec une fortune estimée à 4 milliards de dollars.

Les pays qui concurrencent Monaco

La Suisse
«En Suisse, il n’y a pas de sociétés offshore ou de zones d’imposition à 0%». Warren de Rajewicz. Juriste. © Photo DR.

Parmi les experts interrogés par Monaco Hebdo, beaucoup estiment que les pays qui concurrencent le plus la principauté sont essentiellement la Suisse, les Bahamas, Anguilla, Andorre et Belize. Mais que proposent-ils vraiment?? Le point avec Warren de Rajewicz, auteur du Guide 2010 des nouveaux paradis fiscaux (1).

Suisse

Contexte :

« La Suisse n’est pas un paradis fiscal. D’ailleurs, il n’y a pas là-bas de sociétés offshore ou de zones d’imposition à 0 % », souligne Warren de Rajewicz. Mais il faut rappeler que le 27 août 2009, la Suisse a signé avec la France un avenant à la convention de double imposition qui permet un échange d’informations entre les deux pays en cas de fraude fiscale. « Certains banquiers suisses ont réagi en gérant des fonds qu’ils pilotent depuis la Suisse, mais qui sont en fait déposés en Asie », ajoute de Rajewicz. Quant au secret bancaire, il est garanti. Résultat, un client victime de violation du secret bancaire peut réclamer des dommages et intérêts à sa banque. Et même si depuis septembre 2009, la Suisse est sur la liste blanche des paradis fiscaux de l’organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) grâce à la signature d’accords de coopération avec 12 pays, la protection des informations privées des clients des banques suisses reste garantie. « D’ailleurs, même si les conditions sont réunies pour la transmission d’un dossier, le dossier transmis peut toujours être vide ! » affirme de Rajewicz. Il y a 7,7 millions d’habitants en Suisse, dont 1,7 million d’étrangers.

Avantages :

Avant de s’installer en Suisse, il faut penser à négocier son forfait fiscal. Attention?: ce forfait est réservé aux étrangers. Et il varie d’un canton à un autre, même s’il a parfois été carrément supprimé, notamment à Zurich. Du coup, de Rajewicz conseille de miser sur les cantons autour du lac Léman : Valais, Vaud et Genève. Avec une préférence pour Vaud. Mais pour profiter du forfait fiscal, pas question d’exercer une activité commerciale. Ensuite, il faut obtenir un permis de séjour valable 1 an pour les étrangers non-européens ou 5 ans pour les demandeurs européens. Un permis qui se transforme ensuite en permis d’établissement, sans limitation de durée. Enfin, il faut négocier son forfait. Car d’un canton à l’autre, le mode de calcul est différent. Exemple : dans le canton de Vaud, le calcul est fait sur la valeur locative du lieu d’habitation. Avec cette règle : (prix mensuel du loyer x 12 mois) x 5. Ce qui est assez avantageux.

Autre atout : le secret bancaire bien sûr, qui est garanti par l’article 47 de la loi fédérale sur les banques de 1934. Même si les affaires UBS et HSBC, sans oublier la pression américaine, lui ont porté un coup sérieux depuis deux ans. Début 2010, on parlait même d’un possible accord entre la Suisse et l’Union européenne (UE). Le deal ? Etablir un échange automatique d’informations avec l’Union européenne, contre un accès pour les banques suisses aux services financiers européens. En attendant la fédération helvétique peut se prévaloir de la stabilité de ses banques. Enfin, la Suisse est sur la liste blanche de l’OCDE. Ce qui lui garantit, pour le moment, une certaine tranquillité.

Bahamas

Contexte :

Situées dans l’océan Atlantique, les Bahamas sont un archipel de 700 îles, à l’Est de la Floride, avec pour capitale Nassau, sur l’île de New Providence. A noter que les Bahamas ont répété en 2009 leur volonté d’adhérer aux standards de transparence fiscale fixés par l’OCDE. La population totale est de 300 000 habitants.

Avantages :

Pour vivre aux Bahamas, deux solutions sont possibles. D’abord en achetant un bien immobilier, tout en remplissant une demande de résidence certifiée par un notaire. A noter que le permis de résidence est aussi valable pour l’épouse du demandeur ainsi que pour ses enfants de moins de 18 ans. Mais pas question d’obtenir le droit de voter lors des différentes élections. Ensuite, on peut réclamer une résidence permanente sans permis de travail. Ce qui implique l’achat d’un bien immobilier d’habitation pour au moins 250 000 dollars. On peut aussi demander une résidence permanente, mais avec permis de travail. Cette fois, il faut acheter un bien immobilier d’un montant minimum de 500 000 dollars. Enfin, il existe une deuxième solution pour devenir résident aux Bahamas, en échappant à certaines obligations. Mais elle est réservée aux personnalités médiatiques.

A noter l’excellente stabilité des banques, avec un niveau d’anonymat élevé. D’ailleurs, il est possible d’ouvrir des comptes avec un pseudonyme ou un numéro. Ce qui n’empêche pas les Bahamas de signer des accords d’échanges d’informations. Notamment avec Monaco ou la France. De plus, aucun accord de non double imposition n’est prévu, car les Bahamas ne prélèvent aucune taxe. Enfin, les entreprises de type international business companies (IBC), ne paient aucun impôt sur les activités réalisées hors des Bahamas, pendant 20 ans. A noter qu’il faut 2 à 5 jours pour créer une IBC. Et le nom du créateur reste confidentiel, même pour les autorités locales.

Anguilla

Contexte :

Anguilla est un archipel de 91 km2, qui se trouve dans les petites Antilles, à 240 km à l’Est de Porto Rico. Ce territoire britannique d’outre-mer est composé d’une île principale, Anguilla et d’autres îles. Notamment Scrub Island, Dog Island, Seal Island et Prickley Pear Cays. La capitale d’Anguilla s’appelle La Vallée. Ce pays compte plus de 14?000 habitants.

Avantages :

Le cadre. Plages de sable blanc, mer bleue, paysages magnifiques… Et aucun impôt pour les entreprises. « Anguilla ne lève aucun impôt sur les entreprises ou les particuliers, qu’ils soient résidents ou non. Il n’y a pas non plus de droits de succession ni d’impôt direct pour les entreprises et les particuliers », souligne Warren de Rajewicz. De plus, les comptes des entreprises n’ont pas à être déposés. Et aucune information sur le propriétaire n’est publiée. A noter qu’Anguilla a signé des accords d’échanges d’information en mai 2009 avec l’Irlande, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Ce qui n’empêche pas le secteur bancaire de conserver sa confidentialité.

Pour créer une société offshore, le modèle est, comme au Bahamas, l’IBC, avec en général un capital de 50 000 dollars. Sans qu’aucun capital à verser ne soit exigé.

Pour s’installer à Anguilla et devenir résident, il suffit de faire une demande à l’office de l’immigration. Prévoir des frais d’environ 1?000 dollars. Mais pour obtenir le statut d’appartenance, il faut être passé par 15 ans de résidence. En revanche, aucune condition financière spécifique n’est demandée, à part le paiement de frais de dossier, environ 150 dollars. Pour obtenir la nationalité anguillaise, il faut faire une demande après avoir obtenu le statut de résident ou d’appartenance. Quelques témoignages de personnes confirmant la respectabilité du demandeur sont nécessaires. Ainsi qu’un entretien. Compter ensuite quelques mois pour obtenir la nationalité.

Andorre

Contexte :

Situé à environ 200 km de Toulouse, la principauté d’Andorre est un petit pays d’environ 71 000 habitants, coincé dans les Pyrénées, entre la France et l’Espagne. D’ailleurs, le mode de vie est plutôt espagnol, avec une véritable culture libérale.

Avantages :

Une véritable stabilité politique. C’est l’un des atouts de cette principauté. « Car Andorre est une coprincipauté parlementaire, dont les deux coprinces sont l’évêque catalan d’Urgell et le chef de l’Etat français. Leur rôle est défini par la constitution. Mais au final, leur rôle est assez symbolique », explique de Rajewicz. Autres points forts?: le secret bancaire et la sécurité. Sans oublier l’absence totale d’imposition pour les résidents. De plus, si la création d’une entreprise est assez compliquée, il n’y a pas d’impôt sur les bénéfices, ni sur les revenus des particuliers ou de taxe sur le chiffre d’affaires. En revanche, il existe des petites taxes, notamment sur les services (4 %) et certains produits. La TVA n’existe pas et les charges sociales sur les salaires sont fixées à environ 18 %. Pour devenir résident, deux solutions. La résidence passive, si on ne travaille pas, se limite au dépôt d’un dossier à l’office de l’immigration. Mais il faut s’engager à passer au moins 183 jours en Andorre et verser une caution de 24?000 euros, plus 6?000 euros pour chaque personne à charge. Et prouver qu’on a un revenu de 300 % supérieur au salaire minimum mensuel en Andorre qui est de 734 euros. Deuxième solution : la résidence active, réservée à ceux qui travaillent. Andorre a signé des accords d’échanges d’informations notamment avec Monaco, la France, les Pays-Bas ou l’Argentine. Attention?: un impôt sur les entreprises de 5 à 10 % pourrait être créé d’ici 2 ou 3 ans. Et une TVA, autour de 5 %.

Belize

Contexte :

Le Belize est situé au Sud du Mexique et à l’Est du Guatemala, avec des paysages magnifiques mais aussi la deuxième plus grande barrière de corail au monde. A noter que ce pays de plus de 314?000 habitants possède des gisements de pétrole, découverts en 2005. Mais le Belize vit aussi du business de la canne à sucre, de la pêche et du bois. Et de l’activité financière offshore, bien sûr.

Avantages :

« Intéressant, notamment pour les retraités », estime de Rajewicz. Mais si on est actif, on ne paie pas d’impôt sur les revenus. Même chose pour les sociétés offshore qui n’ont « aucune obligation de déposer ou de tenir une comptabilité », souligne de Rajewicz. Seule condition?: que la société n’ait encaissé aucun revenu grâce à une activité réalisée au Belize. Comme aux Bahamas et à Anguilla, les sociétés offshore sont basées sur l’international business company act de 1990, qui a été remis à jour en 2000. De plus, le nom du patron de l’entreprise reste confidentiel auprès des autorités. Et il n’y a pas de capital minimal à déposer pour lancer son entreprise. Quant aux trusts, ils ne sont soumis à aucun impôt et sont créés pour une durée maximale de 120 ans. Alors que les biens ou les actifs placés dans le trust ne sont pas taxés non plus. Pour obtenir la nationalité du Belize, il faut négocier avec le gouvernement, qui « jugera l’intérêt économique de son installation. Bref, ça se passe au cas par cas », ajoute de Rajewicz. Sinon, après avoir habité un an au Belize, on peut aussi demander une résidence permanente. Mais il faut payer un droit et un dépôt financier assez faible. Un dépôt qui est remboursé ensuite. Enfin, après avoir habité 5 ans au Belize, on peut en demander la nationalité.

Pour les retraités, il est possible de devenir résident pour ne plus être imposé du tout. Aucune condition d’âge. Mais il faut avoir un revenu mensuel minimum de 2?000 dollars en dehors du Belize, venant de rentes ou de pensions. Ce qui permet d’obtenir un visa permanent touristique.

Du côté des accords de non double imposition, Belize a notamment signé avec la Suède, le Danemark et le Royaume-Uni.

A noter que le réseau bancaire est stable et que le secret bancaire est en vigueur. Enfin le Belize peut délivrer des licences pour les jeux en ligne. Intéressant, car ce secteur est actuellement en plein développement.

(1) Guide 2010 des nouveaux paradis fiscaux, Warren de Rajewicz (éditions Favre), 303 pages, 26 euros.

Un vieux combat

Le rédacteur en chef adjoint du magazine Alternatives Economiques, Christian Chavagneux, analyse pour Monaco Hebdo la course engagée par les pays pour attirer les grosses fortunes.

Monaco Hebdo : Il y a de plus en plus de rivalité entre les pays qui cherchent à attirer les grosses fortunes ?

Christian Chavagneux : Cela a toujours existé. D’ailleurs, les premières réunions à la Société des nations, dans les années 20, évoquaient déjà la problématique concernant le comportement de certains pays pour attirer les grosses fortunes. Car déjà, on cherchait à faire en sorte que l’argent gagné dans un pays ne parte pas à l’étranger. Bref, c’est un vieux combat.

M.H. : C’est un combat qui se durcit ?

C.C. : Au moment du G20, on s’est interrogé. Car les pays qui utilisent le secret bancaire ont craint qu’une plus grande transparence les pénalise par rapport aux pays anglo-saxons. Ces pays utilisent beaucoup les trusts et d’autres produits financiers complexes qui sont moins touchés par la régulation.

M.H. : C’est vraiment le cas ?

C.C. : Pas vraiment. Car l’article 26 du modèle de convention fiscale de l’organisation de coopération et de développement économique (OCDE) crée une obligation d’échanger des renseignements dans le cadre des accords entre deux pays dits de « non-double imposition. » Or, cet article précise qu’on ne peut pas se cacher derrière un trust pour ne pas répondre. Du coup, les territoires anglo-saxons sont touchés comme les autres par le durcissement des règles internationales. Donc la course continue entre les pays.

M.H. : La concurrence s’exerce sur quoi ?

C.C. : Autour de deux domaines : les clients qui veulent absolument régulariser leur situation. Et ceux qui veulent rester cachés et qui sont à la recherche du bon pays pour le faire.

M.H. : Au fond, qu’est-ce qui motive les grosses fortunes à s’expatrier ?

C.C. : Minimiser les impôts à payer bien sûr. Notamment sur les revenus. En misant sur des pays avec une fiscalité nulle ou avantageuse.

M.H. : Depuis que les pays considérés comme des paradis fiscaux par l’OCDE ont signé une série d’accords fiscaux, la situation a vraiment changé ?

C.C. : Depuis 2000, on a progressé. D’ailleurs, il y a aujourd’hui un secrétariat à l’OCDE et un forum global sur la fiscalité qui a fixé deux phases. D’abord la vérification que ces engagements ont bien été traduits en droit interne. Avec les premiers rapports qui viennent tout juste de sortir sur les 8 premiers pays, dont Monaco (voir Monaco Hebdo n° 715). Ensuite, si la phase 1 a été respectée, il faudra alors vérifier si ces accords sont concrètement applicables. Du coup, il faudra attendre 3 ou 4 ans pour avoir le temps de faire le tour du monde des paradis fiscaux et vérifier que les choses ont vraiment changé.

M.H. : Aucun effet pour l’instant ?

C.C.: Pour le moment, l’effet est surtout symbolique et politique. Même si on a avancé. D’ailleurs, les pays qui acceptaient sur le principe d’échanger des informations en cas de fraudes fiscales, de blanchiment ou de délit d’initié acceptent désormais aussi de donner des informations en cas de simple évasion fiscale. C’est le pas important qui a été gagné par le G20.

M.H. : Mais les pays se protègent encore ?

C.C. : Bien sûr. Notamment en imposant des conditions élevées pour fournir les informations?: on demande le nom de la personne, son adresse, l’impôt qui est en question ainsi que la période et le nom de la banque ou du trust concerné. Car si l’administration qui fait une demande d’information n’a pas ces éléments-là, les pays répondent en disant que ça revient à aller à la pêche à l’information (“fishing expédition”). Ce qu’ils refusent de faire, bien sûr. Mais la véritable avancée, c’est qu’en cas d’évasion fiscale, les pays se sont engagés à communiquer les informations.

M.H.: Le plus compliqué pour l’émigrant fiscal, c’est d’arriver à couper tout lien avec son pays d’origine ?

C.C.: En fait, il faut arriver à découpler l’endroit où se réalise une transaction économique et l’endroit où elle est enregistrée et déclarée. C’est ça le principe de l’offshore. Sachant qu’une transaction économique ça peut être le bénéfice généré par une entreprise, un employé qui touche un salaire, quelqu’un qui place ses revenus… Ce qui ne veut pas forcément dire qu’il faut couper les ponts entre son pays d’origine et le pays où on veut émigrer fiscalement. Mais ça  permet de devenir ce qu’on appelle un résident fictif du monde de l’offshore. Au fond, l’idée pour l’émigrant, c’est de rechercher un pays où il y a le moins possible de contrôle public sur les transactions économiques.

M.H.: En 2002, le joueur de tennis allemand Boris Becker (1) a été condamné à 2 ans de prison avec sursis pour évasion fiscale ?

C.C.: Le fisc de chaque pays mène des enquêtes. Car pour profiter de l’offre offshore de pays comme Monaco, le Liechtenstein ou la Suisse, il faut arriver à démontrer qu’on habite vraiment dans ces pays. Mais des enquêtes du fisc peuvent démontrer le contraire. Notamment grâce à des factures de carte bleue, de restaurant ou quand on achète de l’essence régulièrement dans la même station par exemple. C’est ce qui explique que Boris Becker s’est fait coincer. Car il passait plus de temps à Munich qu’à Monaco.

M.H.: Quels sont les pays qui concurrencent le plus Monaco en cherchant à attirer les grosses fortunes ?

C.C. : D’abord, il faut dire que Monaco, c’est un confetti par rapport à des pays comme la Suisse par exemple. En France, on accorde de l’importance à Monaco car il y a une valeur symbolique, notamment liée au Général de Gaulle avec la crise franco-monégasque de 1962 (2). Mais aujourd’hui, la grosse bagarre oppose surtout les îles anglo-normandes, la Suisse et Singapour. Ensuite, chaque pays travaille par niche.

M.H. : C’est-à-dire ?

C.C. : Les gens qui travaillent dans les assurances miseront sur les Bahamas ou les Bermudes. Si c’est du placement d’argent pour des personnes très riches, ce sera la Suisse et le Liechtenstein. Au fond, on ne raisonne pas par pays, mais par type de produit pour ensuite choisir un territoire.

M.H.: Monaco attire qui ?

C.C.: Les milliardaires rentiers. Donc Monaco est sur le créneau de la Suisse et de Singapour. Mais quand ces milliardaires dirigent aussi de grosses entreprises, ils misent alors plutôt sur les Caïmans ou la Suisse.

M.H. : Les atouts de Monaco ?

C.C. : L’absence d’impôt sur le revenu pour les résidents étrangers. En gros, Monaco se positionne comme la Suisse, même si c’est pas la même échelle, bien sûr. En offrant la possibilité de faire de l’offshore. Ce qui permet de gagner de l’argent d’un côté et de le déclarer en principauté, car c’est fiscalement plus avantageux.

M.H. : Monaco est encore attractif ?

C.C.: A partir du moment où tous les pays concernés évoluent vers plus de transparence, il n’y a pas d’inquiétude à avoir. Car le niveau de concurrence est le même. Reste à continuer à attirer à Monaco de bons financiers qui proposent de la finance propre et de qualité. 

(1) En 2002, Boris Becker a été condamné à 2 ans de prison avec sursis et à une amende de 300 000 euros par le tribunal de Munich. Le joueur de tennis allemand était accusé, entre 1991 et 1993, d’avoir déclaré Monaco comme résidence principale alors qu’il habitait le plus souvent à Munich. Objectif : ne pas payer d’impôt sur le revenu.

(2) Le 18 mai 1963, Monaco signe avec la France une convention fiscale qui remplace celle du 23 décembre 1951. Une nouvelle convention qui prévoit notamment que les Français qui habitent à Monaco paieront l’impôt sur le revenu. En excluant les français installés en Principauté avant le 13 octobre 1962 et pouvant démontrer qu’ils sont là depuis au moins 5 ans. De plus, Monaco récupère sur son territoire la TVA qu’elle verse à la France qui lui reverse selon un principe de quote-part. En 2009, la TVA représentait 49,7 % du budget de l’Etat monégasque qui était de 744,2 millions.