jeudi 28 mars 2024
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Enfants du pays
Quelles perspectives ?

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Logement Secteur Protégé
© Photo D.R.

Depuis une trentaine d’années, les prix à la location augmentent. Résultat, les enfants du pays ont de plus en plus de mal à se loger à Monaco. Du coup, certains décident de partir. En attendant, les politiques et le gouvernement cherchent des solutions. Pas simple, car ce dossier est très sensible.

Ils sont Français, Italiens, Britanniques, Américains, Belges ou Suisses. Mais au fond, peu importe la nationalité, pourvu qu’ils soient nés à Monaco et qu’ils y soient installés depuis longtemps. Parfois depuis plusieurs générations. Ce qui crée souvent un gros attachement à la Principauté. Voilà pourquoi on les appelle les enfants du pays. D’ailleurs, les Monégasques les apprécient beaucoup. « Les enfants du pays font partie de Monaco, explique l’élu Union nationale pour l’avenir de Monaco (Unam), Eric Guazzonne. D’ailleurs, beaucoup ont de profondes racines ancrées chez nous. Et puis, ils participent aussi à la vie économique de notre pays. » Alors que l’élu Rassemblement & Enjeux (R&E) Laurent Nouvion estime que « la richesse de Monaco tient aussi à la diversité de sa population. Ce qui vaut bien sûr pour les enfants du pays. » Quant au président du Conseil national et élu Union pour la Principauté (UP), Jean-François Robillon, il rappelle que les enfants du pays sont souvent « nos amis, nos parents et nos voisins. Monaco peut être fière du fait que les ressortissants de 120 nationalités aient décidé de s’y installer. » Bref, tout le monde est d’accord : les enfants du pays, dominés en nombre par les Français et les Italiens, font indiscutablement partie de la Principauté.

“Situation critique”

Pourtant, depuis un peu plus d’une dizaine d’années, les Français et les Italiens sont de moins en moins nombreux. Car si la population totale est passée de 35 352 en 2 000 à 35 113 en 2008, le recensement de la mairie montre aussi que, pour la première fois, le nombre de Français est passé sous la barre des 9 000. Alors qu’il y avait 12 655 Français en 1982, soit 46,7 % de la population, aujourd’hui ils ne pèsent plus que 28,2 % de la population (8 785 Français). A noter que le nombre d’Italiens baisse aussi (6 410 en 2000 contre 5 778 en 2008, soit 18,5 % de la population). Quant aux Monégasques, en 8 ans, ils sont presque 600 de plus (6 687 en 2008, 21,5 % de la population). En revanche, le nombre de Britanniques a explosé. Avec une hausse de plus de 42 % en 8 ans, ils sont aujourd’hui 2 334 (7,5 % de la population). A l’origine de ces départs, le prix de l’immobilier bien sûr. Avec des loyers trop élevés dans le secteur de Monaco où les prix sont libres. Et de sérieux problèmes dans le secteur dit “protégé”, où les loyers sont encadrés. Un secteur protégé qui concerne les appartement situés dans des immeubles construits avant le 1er septembre 1947.
En fait, avec la croissance assez fulgurante enregistrée par la Principauté dans les années 1960-1970, les prix de l’immobilier ont surtout explosé au début des années 1980. « La situation est critique, estime aujourd’hui la présidente et porte-parole de l’association des locataires de Monaco (ALM), Jannine Martinez-Allolio. Car le nombre d’appartement du secteur protégé est en chute libre. Il faut dire qu’il y a eu beaucoup de reprises par les propriétaires qui souhaitaient habiter leur bien. Mais aussi pas mal de ventes. Résultat, on a mis à la porte des enfants du pays. » Selon l’ALM, il resterait aujourd’hui un peu plus d’un millier d’appartements dans le secteur protégé, contre environ 2000 il y a une vingtaine d’années. Bref, il y a un manque. Alors qu’une source gouvernementale précise qu’au 31 décembre 2009, 551 personnes étaient inscrites dans l’attente d’un appartement. Avec une nuance : « Il s’agit bien souvent de personnes déjà logées qui aspirent à une amélioration de leur situation. »
Mais du côté de l’association des propriétaires de Monaco (APM), on a bien sûr une autre analyse que celle développée par l’ALM : « Il est couramment dit que les résidents français ont des problèmes de logement. Mais ces problèmes ne concernent pas les bailleurs qui, eux, conformément au droit de propriété gravé dans notre constitution, n’ont qu’un souhait : pouvoir louer librement à des locataires sérieux qui respectent le bien qui leur est confié. Et si problèmes il y a, ils sont spécifiques aux Français. Il faut alors se tourner du côté de la lourde fiscalité, qui ne s’applique qu’aux résidents de nationalité française », juge la secrétaire générale de l’APM, Gisèle Hugues. Alors qu’une source gouvernementale reconnaît que « des difficultés subsistent pour les enfants du pays. L’obstacle majeur c’est le montant élevé des loyers, qui oblige les personnes qui dégagent des revenus moyens et faibles, à limiter leur recherche au secteur d’habitation protégé. »

“Vides juridiques”

Une certitude, la tension est montée d’un cran depuis décembre 2000. C’est à ce moment-là, que la loi 1 235 est votée. Une loi qui encadre les conditions de location pour ces fameux appartements construits avant septembre 1947. Une loi jugée alors « ultra-libérale » par les élus du groupe Union pour Monaco (UPM). Interrogés par Monaco Hebdo en janvier 2008, ils expliquaient avoir agi dès décembre 2004, en votant la loi n° 1291. Objectif : faire obstacle à la loi n° 1235 « qui prévoyait de faire disparaître le secteur protégé en 2007, en mettant à la porte du pays plusieurs milliers de Monégasques de cœur. » Objectif affiché par l’UPM, à l’époque : « Préserver le secteur protégé. En votant cette réforme, on a empêché la libéralisation des loyers. » Aujourd’hui, l’élu UP et président de la commission du logement du Conseil national, Gérard Bertrand, n’a pas oublié : « Le glas de la présence française sur le sol de la Principauté a vraiment retenti avec le vote de la loi 1 235 qui rendait possible une augmentation annuelle des loyers du secteur protégé de 13 % par an. Cette régression sociale de l’ancienne majorité, dont le parti Rassemblement & Enjeux (R&E) est le successeur, avait pour but, à terme, la libération de tous les loyers dans le secteur protégé. Autrement dit, la suppression du secteur protégé. »
Ce qui n’a pas empêché les critiques. Notamment par la liste Monaco Ensemble qui estimait alors que « cette loi présente des vides juridiques. Du coup, elle n’a donné satisfaction ni aux locataires, ni aux propriétaires. Car elle fait payer aux petits propriétaires la politique sociale du pays. Il faut donc en sortir progressivement. » Une critique entendue par l’UPM qui a vite indiqué qu’il s’agissait simplement d’une « solution transitoire », face à une « situation d’urgence », pour permettre aux « enfants du pays logés dans le secteur protégé de pouvoir continuer d’y habiter, tant qu’une autre solution ne sera pas mise en place. » Alors que Rassemblement et enjeux pour Monaco (REM, devenu R&E), estimait que « ces textes ne sont pas compatibles avec la notion de propriété définie par notre constitution. Depuis, le propriétaire n’entretient plus son appartement car les loyers ne le permettent pas. Résultat, le locataire vit dans des conditions indignes. De plus, de nombreux promoteurs immobiliers en profitent, en rachetant à moindre prix les appartements de propriétaires qui n’avaient que des contraintes. Il faut réformer ces textes en abrogeant ces lois. » En attendant, des recours ont bien sûr été lancés contre la loi n° 1291, notamment par l’APM. Résultat, en janvier 2006, le tribunal suprême a donné en partie raison à l’APM, en censurant 5 articles qui évoquaient le droit de reprise d’un appartement.

Secteur “intermédiaire”

Mais depuis 2003, c’est sur la création d’un secteur “intermédiaire”, que les élus se déchirent. Une idée lancée à l’époque par l’élu UP et président du Conseil national, Stéphane Valeri. Pour l’UPM, il y a urgence, comme ils l’expliquaient encore en 2008 : « Depuis la décision d’annulation partielle prise par le tribunal suprême en janvier 2006, un propriétaire étranger peut à nouveau expulser sous 3 mois un locataire monégasque ou un enfant du pays. On a obtenu du gouvernement de légiférer pour protéger les locataires âgés du secteur protégé. Mais il sera impossible d’aller au delà de certaines limites. Voilà pourquoi la création du secteur intermédiaire est urgente. » Aujourd’hui encore, la majorité UP du Conseil national, qui faisait partie de l’UPM avant son implosion (voir Monaco Hebdo n° 694), insiste. « C’est un point important du programme de l’UPM pour la mandature 2008-2013, explique le président UP du Conseil national, Jean-François Robillon. Notamment parce que les propriétaires ne devraient plus assurer un rôle social à la place de l’Etat. Ce secteur fonctionnerait avec une société d’économie mixte (SEM) par laquelle l’Etat, qui maîtrise la volumétrie de chaque quartier de Monaco doit pouvoir, en s’associant à un ou plusieurs investisseurs privés, favoriser le rachat, puis la destruction de vieux immeubles pour libérer du foncier. Et permettre de reconstruire des immeubles plus hauts. Avec une partie qui serait louée à des prix raisonnables aux enfants du pays. »

“40 années d’inertie”

Mais du côté de l’opposition R&E, on est opposé « sur la forme et sur le fond » à la création d’un secteur intermédiaire. Ce que confirme l’élu Laurent Nouvion, en préférant évoquer la ligne de conduite à suivre : « Ne jamais tomber dans les mains des acteurs privés sous couvert d’une belle et grande idée généreuse sur le papier, mais dont les conséquences peuvent être contraires aux intérêts supérieurs du pays. Donc je suggère au gouvernement de créer un groupe composé d’élus, de membres de l’autorité exécutive et de professionnels. Un groupe qui aurait 12 mois pour établir des conclusions précises et des solutions crédibles pour l’avenir sur ce sujet sensible. » Il faut dire que R&E est contre la création d’un secteur intermédiaire depuis plusieurs années. Une position partagée par l’APM et sa secrétaire générale, Gisèle Hugues, qui explique que « la création de ce secteur limiterait une fois de plus l’exercice du droit de propriété pour les anciens propriétaires au bénéfice exclusif de l’Etat et des promoteurs. » Alors que Jean-François Robillon rappelle que « le secteur intermédiaire a longtemps été critiqué par une opposition qui ne propose aucune solution et qui se sert de son mandat électif pour défendre principalement des intérêts particuliers. La situation que l’on vit aujourd’hui est le fruit de 40 années d’inertie gouvernementale encouragée par le silence complice de l’ancienne majorité. »
En tout cas, du côté du gouvernement, le précédent ministre d’Etat, Jean-Paul Proust, n’était pas pour non plus. D’ailleurs, plutôt qu’un secteur intermédiaire, Proust avait proposé dès 2008 la mise en place d’un surloyer versé aux propriétaires qui s’engagent, sur une période donnée, à ne louer qu’à des personnes “protégées”, avec un loyer plafonné. Une proposition qui n’avait pas vraiment convaincu Christophe-André Frassa, alors représentant des Français de Monaco à l’assemblée des Français de l’étranger : « Le principe de subvention consiste à du replâtrage qui ne permet pas de régler de manière durable la question du logement. Ce qu’il faut, c’est un secteur d’habitation adapté, intermédiaire, entre le domanial et le libre. »

“Usine à gaz”

Aujourd’hui, personne n’est satisfait. Ni les locataires, ni les propriétaires. D’ailleurs, en mars 2009, Simone Commandeur et Gisèle Hugues qui dirigent le bureau de l’APM, qui regroupe environ 500 membres, étaient en colère contre la loi 1 291 qui plafonne les loyers dans le secteur protégé. En estimant que la création d’un secteur intermédiaire, ça serait « l’usine à gaz. » Quant au surloyer proposé par Jean-Paul Proust, la réponse de Simone Commandeur, interrogée par Monaco Hebdo, était claire : « On ne veut pas être des assistés. Que l’Etat libéralise le secteur et augmente parallèlement les aides au logement. »
Mais en novembre 2009, l’Etat intervient en achetant la villa Ida, un bâtiment situé au 5 boulevard Rainier III, qui domine le chantier de l’îlot Rainier III. Coût de cette opération : 15 millions d’euros pour 600 m2 et un terrain. Avec un objectif simple : construire un nouvel immeuble. Et donc lancer une opération test pour créer un secteur intermédiaire. Ce qui permettrait d’éviter que dans 20 ans le secteur protégé soit rayé de la carte. Car chaque année environ 70 appartements sur les 1 300 du secteur protégé seraient détruits. En tout cas, cette fois, l’idée lancée par Valeri en 2003 est sur les rails. En clair, le système fonctionnerait avec la construction d’immeubles neufs divisés en 3. Un tiers des appartements serait réservé aux enfants du pays avec des loyers modérés, un tiers serait vendu sur le marché libre pour financer le chantier et le dernier tiers serait aussi vendu sur le marché libre, pour que l’Etat puisse récupérer les 15 millions dépensés pour l’achat de la villa Ida. Avec, au final, la possibilité de rendre aux propriétaires des immeubles construits avant 1947 une totale liberté dans l’utilisation de leurs biens. Mais l’Etat monégasque préfère rester prudent. D’ailleurs, une source gouvernementale rappelle que « la création d’un secteur intermédiaire a fait l’objet de nombreux échanges. Le gouvernement et le Conseil national en ont longuement discuté à l’occasion de l’acquisition par l’Etat d’une propriété dans cette perspective. Les discussions se poursuivent autour de ce que l’on a appelé une opération pilote. » En tout cas, les élus de l’Unam ne sont pas contre. A commencer par Eric Guazzonne, qui estime que « l’Etat ne peut pas à la fois assurer la construction de logements domaniaux pour les monégasques et assumer financièrement la construction d’un secteur intermédiaire pour loger les enfants du pays qu’il est pourtant essentiel de maintenir dans notre pays. Les 15 millions dépensés par l’Etat ne doivent être considérés que comme une avance pour lancer un projet pilote. » Du coup, Guazzonne propose que, plus tard, l’Etat revende la villa Ida au même prix à un opérateur privé qui serait ensuite chargé de construire un immeuble pour loger des enfants du pays. Un immeuble avec aussi des appartements destinés à la vente qui permettront à cette entreprise privée de gagner de l’argent.

“Anti-monégasque”

Reste à savoir si c’est vraiment à l’Etat de financer en partie le logement des habitants de Monaco. Surtout quand ils ne sont pas monégasques. La même source gouvernementale indique que « vu les loyers élevés et la structure immobilière de la Principauté, et si Monaco veut conserver un socle de population active et d’acteurs économiques et sociaux ayant historiquement de fortes attaches, il semble cohérent que le gouvernement contribue au maintien de ce tissu de population, afin de préserver une mixité entre nationaux et enfants du pays. » Avant d’ajouter : « Il est cependant clair que l’Etat ne peut s’engager à des financements de plusieurs millions d’euros par an, comme il le fait pour le logement des monégasques, qui demeure la priorité. » Le message est clair. Mais l’équilibre semble difficile à trouver. Surtout que c’est un dossier très sensible. Et que la situation est souvent très tendue entre locataires et propriétaires.
Du côté de l’ALM, on a des idées pour financer ce secteur intermédiaire. « Quand on donne un permis de construire à un promoteur, il faut imposer qu’une partie des appartements rejoignent le secteur intermédiaire. Si on avait fait ça depuis 50 ans, le problème serait résolu, estime Jannine Martinez-Allolio. Et puis, il y a aussi les dépôts de garantie. Car les cautions sont encaissées par les propriétaires qui ne rendent parfois pas la somme et pas les intérêts. Ce qui choque certains locataires. Notamment les Suisses. Car en Suisse, l’argent de la caution est placé sur un livret auquel ni le propriétaire, ni le locataire ne peut toucher. C’est à eux d’aller ensemble à la banque pour retirer cet argent qui est rendu au locataire, avec les intérêts. En tout cas, difficile de chiffrer ces dépôts de garantie protégé ou pas. Mais c’est plusieurs millions d’euros. Comme en France, on pourrait aussi fonctionner avec une Caisse des dépôts pour financer ce secteur protégé. » Alors que Gérard Bertrand en profiter pour flinguer R&E au passage : « On a été très surpris par la récente proposition du chef de l’opposition consistant à faire supporter par le budget de l’Etat le logement des enfants du pays. En proposant de leur réserver 20 % des appartements des futurs immeubles domaniaux. Sachant que de nombreuses demandes de logements faites par des familles monégasques ne peuvent encore pas être satisfaites, on considère que cette proposition est irresponsable, objectivement anti-monégasque et ne pourrait que créer des tensions entre les communautés. »

“Libéraliser le secteur protégé”

Une certitude, personne ne semble croire à un nouveau projet de loi qui va venir modifier la loi n° 1235. C’est-à-dire la loi qui encadre les conditions de location pour les appartements construits avant septembre 1947. « Ce texte ne pourra pas répondre à des problèmes, que, pendant trop longtemps, personne n’a voulu voir, estime Gérard Bertrand. Aujourd’hui, il faut arrêter de se voiler la face et se poser la vraie question : le gouvernement désire t-il trouver des solutions au maintien des enfants du pays sur notre sol ? En a t-il la volonté politique ? Si la réponse est oui, j’espère que le gouvernement saura s’en expliquer. Sinon, on devra tous avoir conscience des conséquences du délitement de l’identité de notre pays. » Chez R&E, on préfère attendre la fin des discussion autour de ce projet de loi pour afficher une position définitive. Mais sans grande illusion : « On souhaite un texte équilibré, qui cesse de mécontenter toutes les parties en présence. Mais on est conscient de la limite du mot “équilibré”. Car la majorité UP aura le dernier mot ! », souligne Laurent Nouvion.
En tout cas, pour le moment, les locataires et les propriétaires sont au moins d’accord sur un point : ils ne veulent pas entendre parler de ce projet de loi. « C’est un texte qui continue de bafouer la propriété !, lance Gisèle Hugues pour l’APM. Le secteur protégé est un secteur soumis à une loi de guerre depuis plus de 65 ans. Une loi discriminatoire, plusieurs fois remaniée dans un sens aggravant pour le propriétaire, alors que cette loi devait être provisoire. Donc on confirme notre demande de voir entièrement libéralisé le secteur protégé de son carcan juridique et administratif. » En face, l’ALM redoute aussi ce projet de loi. « Ce texte, c’est une catastrophe !, juge Jannine Martinez-Allolio. Exemple : quand on signe un bail, on signe sans connaître le montant du loyer précédent. Et si on n’est pas d’accord, on peut bien sûr porter plainte devant la commission arbitrale des loyers. Mais comment protester dans la mesure où on ne connaît pas le montant payé par le précédent locataire ? En tout cas, l’augmentation ne peut pas dépasser 5 fois l’indice Insee. Mais ce projet de loi propose justement de supprimer ça. » Seuls points positifs pour l’ALM, l’allongement de 3 à 6 mois du temps laissé à un locataire pour quitter sa location. Martinez-Allolio aimerait que ce délai passe à 1 an. « Mais c’est impossible. Car le tribunal suprême a estimé que ça serait une atteinte à la propriété. » Autre point positif pour l’ALM, l’impossibilité de mettre dehors les personnes de plus de 65 ans. Pour le moment, aucun calendrier n’est fixé pour un vote autour de ce projet de loi. Un projet sur lequel le Conseil national est en train de plancher. Mais étant donné le contexte qui est assez tendu, ce texte pourrait encore provoquer pas mal de réactions. Avec au final le risque de ne pas vraiment satisfaire ni les propriétaires, ni les locataires.

Enfants du pays : ce qui leur est proposé

A Monaco, les enfants du pays peuvent louer un appartement dans les secteurs suivants :

• Dans le secteur libre ou privé
• Dans le parc immobilier de la Caisse autonome des retraites (CAR) avec la possibilité de toucher des allocations versées par cet organisme.
• Dans des immeubles relevant de la loi 887 accessibles aux personnes qui habitent en Principauté depuis au moins 5 ans et qui sont aussi salariés à Monaco depuis 6 mois. Ou qui ont 5 ans d’activité professionnelle en Principauté.
• Dans des locaux qui relèvent de la loi 1 291 du 21 décembre 2004 (modifiant la loi 1 235 du 28 décembre 2000), ouverts aux personnes inscrites dans les 4 catégories suivantes :

Catégorie 1 : les monégasques
Catégorie 2 : les personnes ayant un lien de parenté direct avec un ou une monégasque
Catégorie 3 : les personnes nées à Monaco et n’ayant jamais quitté la Principauté. A noter que cette catégorie représente la base de la notion d’enfant du pays et concerne la majorité des locataires du secteur protégé.
Catégorie 4 : les personnes qui habitent à Monaco depuis 40 ans.
Catégorie A4 : les locataires ou occupants d’un appartement soumis à l’ordonnance loi n° 669 ou à la loi n° 1118 du 18 juillet 1988 lors de promulgation de la loi 1 235.

A noter que pour les locataires qui occupent un appartement soumis à la loi 1 291, il existe un système d’aides lancé par le gouvernement en décembre 1998. Un système qui prévoit notamment le versement d’une allocation différentielle de loyer (ALD). Mais aussi un prêt pour faciliter l’installation du locataire dans son nouvel appartement. Une source gouvernementale souligne que « des personnes inscrites en catégorie 3 et 4, qui constituent le véritable socle d’enfants du pays, peuvent après un certain délai trouver une solution locative dans ce secteur d’habitation. »

L’ALM devant la Cour européenne des droits de l’homme

Le 15 décembre 2009, l’association des locataires de Monaco (ALM) a saisi la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) à Strasbourg. En cause, l’impossibilité pour un nouveau locataire de connaître le montant du loyer payé par le précédent locataire. Seule solution : contester devant la commission arbitrale des loyers. « Celle-ci peut mettre plusieurs mois à rendre sa décision et, propriétaire comme locataire, possèdent ensuite le droit de faire appel. Dans l’attente du verdict, le locataire est contraint de payer le loyer réclamé par le propriétaire. Cette disposition a permis aux appartements du secteur protégé, remis à la location, de voir leurs prix flamber. Beaucoup de locataires, trop heureux de trouver un logement, hésitent à s’engager dans des procédures et entérinent ainsi le dérapage des prix vers le haut », explique l’association dans un communiqué. Du coup, dans un courrier daté du 20 février 2008, cette association a demandé au ministre d’Etat que soit communiqué « le montant du précédent loyer à tout nouveau locataire. » Face au refus de ce dernier, l’ALM a saisi le 15 juin 2009 le tribunal suprême de Monaco. Mais le tribunal a renvoyé la décision devant la commission arbitrale des loyers. Ce qui explique que l’ALM ait décidé d’aller devant la CEDH pour « procès non équitable. » Mais « il faut environ 1 an pour savoir si notre plainte est recevable. Donc on attend », explique la porte-parole de l’ALM, Jannine Martinez-Allolio.