jeudi 28 mars 2024
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Élection présidentielle 2022 : à Monaco, les Français ont le cœur à droite

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Les expatriés français de Monaco votent traditionnellement à droite depuis plus de 30 ans, par rejet des politiques de gauche. Mais, depuis 2012, Marine Le Pen réalise aussi un bon score. Si bien qu’elle devançait Emmanuel Macron au premier tour de l’élection présidentielle de 2017.

Depuis plus de 30 ans, c’est la même tendance : les Français de Monaco votent à droite. Droite républicaine, droite libérale, ou droite identitaire, toutes les variantes trouvent leur électorat en principauté. En 1981, alors que la France penchait à gauche pour la première fois de l’histoire de la Ve République, en élisant le socialiste François Mitterrand (1916-1996), les expatriés français faisaient l’inverse et votaient massivement pour Valéry Giscard d’Estaing (1926-2020) [à ce sujet, lire notre encadré — NDLR]. Aucune surprise depuis dans les urnes de l’ambassade de France à Monaco : au Rassemblement pour la République (RPR), se succèdent l’Union pour un mouvement populaire (UMP), Les Républicains (LR), et La République en marche (LREM) dans le cœur des Français de Monaco. Ainsi, Jacques Chirac (1932-2019) sortait vainqueur des élections à Monaco trois fois de suite, en 1988, en 1995, et en 2002, alors qu’il n’a été élu président de la République qu’à partir de 1995 en France. Nicolas Sarkozy à son tour aurait assuré un mandat supplémentaire s’il n’avait été élu qu’avec les voix des expatriés français de Monaco. En 2007, il battait Ségolène Royal à plates coutures, avec 83,4 % des suffrages exprimés, mais aussi François Hollande en 2012 (84,26 %), alors qu’il perdait la présidence la même année, face à son rival socialiste. Pourtant, c’est sous sous Hollande qu’a été réglée une épineuse question pour une partie des Français de Monaco.

Traditionnellement, les habitants des Alpes-Maritimes votent à droite, et les Français de Monaco ne font que suivre cette dynamique. Mais il demeure tout de même une singularité propre à la principauté, notamment en matière de politique fiscale

Fiscalité

Traditionnellement, les habitants des Alpes-Maritimes votent à droite, et les Français de Monaco ne font que suivre cette dynamique. Mais il demeure tout de même une singularité propre à la principauté, notamment en matière de politique fiscale. Si François Mitterrand, figure du socialisme, entretenait de bons rapports avec la principauté, en ayant favorisé notamment son entrée dans l’Organisation des nations unies (ONU) le 28 mai 1993, et en ayant reconnu ses eaux territoriales et son espace aérien, c’est un gouvernement socialiste qui a instauré, pour la première fois, l’assujettissement des Français de Monaco à l’impôt sur la fortune. En 2002, la convention fiscale franco-monégasque a été mise à jour, alors que le socialiste Lionel Jospin, était Premier ministre socialiste, sous la présidence de Jacques Chirac. L’idée était de lutter contre l’évasion fiscale, et contre l’installation de Français en principauté, dans le but seul d’échapper à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), pour leurs biens situés hors de France. À l’époque, cette décision concernait près de 400 contribuables, pour un patrimoine global d’environ un milliard d’euros. Pour les enfants du pays aussi, la fiscalité a longtemps posé problème. Mais c’est sous le gouvernement socialiste de Manuel Valls (PS) que leur dossier a finalement abouti. Depuis 1963 en effet, les Français de Monaco étaient les seuls nationaux établis hors de France à devoir s’acquitter d’un impôt avec, parmi eux, plus d’un millier étant des enfants du pays. Cette catégorie de résident de Monaco, qui est née, a étudié, et travaillé en principauté sans interruption, réclamait ainsi le droit d’être exonéré d’impôts sur le revenu. Ce n’est qu’en 2014, par un arrêt rendu le 11 avril, que les enfants du pays ont enfin pu être exonérés d’impôts sur le revenu, si celui-ci est de source monégasque. Mais cette victoire reste en demi-teinte cependant, aux yeux du conseiller consulaire des Français de l’étranger, Christophe Pisciotta, qui expliquait à Monaco Hebdo, en 2021, que « si les personnes de nationalité française nées à Monaco, et qui y ont constamment maintenu leur résidence depuis leur naissance ne doivent pas être soumises à l’impôt sur le revenu français en tant que résidents fiscaux français, ces dernières restent soumises à l’impôt sur le revenu de source française. » Pour autant, pas que quoi faire voter ces électeurs à gauche. Depuis dix ans, c’est plutôt le Rassemblement national (RN), ex-Front National (FN), qui récupère des voix à Monaco.

Pour autant, pas de quoi faire voter ces électeurs à gauche. Depuis dix ans, c’est plutôt le Rassemblement national (RN), ex-Front National (FN), qui récupère des voix à Monaco

Identité

En effet, outre les partis de droite traditionnelle, les Français de Monaco ne boudent pas non plus la droite identitaire et souverainiste, incarnée par Marine Le Pen au RN. Depuis 2012, cette candidate réalise un bon score auprès des expatriés français. Au premier tour, elle a réuni 18,39 % des suffrages. C’est encore mieux que le score d’Emmanuel Macron, cinq ans plus tard à Monaco, au premier tour de 2017 : le futur président n’est arrivé qu’en troisième position, derrière Marine Le Pen à 23,42 %. Au premier tour, c’est François Fillon (Les Républicains) qui est arrivé loin en tête, avec 44,20 % des voix. Au second tour, Emmanuel Macron n’a distancé Marine Le Pen que de 430 voix (1 351 voix contre 921). Ce score monégasque a d’ailleurs fortement dénoté avec les 92,52 % obtenus par Emmanuel Macron sur l’ensemble du vote des Français de l’étranger. Pour cette présidentielle de 2022, alors que 615 nouveaux inscrits figurent au registre consulaire de Monaco, pour participer à l’élection présidentielle française, combien voteront à leur tour pour la candidate du RN ? Sur le même terrain identitaire et souverainiste, il faudra également suivre de près la première candidature d’Éric Zemmour [à ce sujet, lire notre article Vote des Français de Monaco : plus d’inscrits pour un tournant ? publié dans ce dossier spécial — NDLR]. À six jours du premier tour, Marine Le Pen est donnée deuxième pour la majorité des sondages publiés légalement, à savoir Ifop pour le Journal du Dimanche (JDD), Ipsos-Sopra Steria pour Le Parisien-Aujourd’hui en France et FranceInfo, Elabe pour BFMTV, l’Express et SFR. En France, la candidate RN récolte environ 22 % d’intentions de vote pour le premier tour, et 47 % pour le second. Si la tendance de 2017 se poursuit, Marine Le Pen promet de faire mieux à Monaco. Jusqu’à, pourquoi pas, arriver en tête des suffrages.

Les résultats des 7 dernières élections présidentielles françaises à Monaco

10 mai 1981

Valéry Giscard d’Estaing : 85,9 %

François Mitterrand : 14,06 %

8 mai 1988

Jacques Chirac : 81,5 %

François Mitterrand : 18,41 %

7 mai 1995

Jacques Chirac : 81,16 %

Lionel Jospin : 18,83 %

5 mai 2002

Jacques Chirac : 75,8 %

Jean-Marie Le Pen : 24,2 %

6 mai 2007

Nicolas Sarkozy : 83,4 %

Ségolène Royal : 16,6 %

6 mai 2012

Nicolas Sarkozy : 84,26 %

François Hollande : 15,74 %

7 mai 2017

Emmanuel Macron : 59,46 %

Marine Le Pen : 40,54 %

Pour lire la suite de notre dossier consacré au premier tour de l’élection présidentielle 2022, cliquez ici.