jeudi 28 mars 2024
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Du poison dans nos assiettes

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Désormais, la vigilance s’impose quand il s’agit de se nourrir. Nous sommes cernés par les OGM, les AGT, l’huile de palme ou par le bisphénol (sans parler des pesticides, du mercure, de l’aspartame et autres glutamates) et tous en veulent à notre santé. Comment se protéger de ces poisons du quotidien??

Propos recueillis par Emmanuelle Chardin.

Etat d’alerte dans les assiettes. Ils sont partout. On a commencé à s’inquiéter avec les OGM. Là, ça dépassait la science-fiction, avec cette première dans l’histoire de la vie?: notre espèce se mettait à triturer l’évolution à une vitesse hallucinante. Imaginer ces manipulations consistant à insérer un gène humain, de chien ou de microbe dans du maïs, c’est une réalité qui provoque un frisson désagréable. Les autres petits poisons sont plus hypocrites mais tout aussi efficaces dans leur travail de sape de la santé et ce, depuis longtemps.

Baisse de la fertilité ou diabète

Les OGM, on commence à comprendre, il est préférable de les éviter?! Les acides gras trans (AGT ou matières grasses hydrogénées) sévissent en secret. Mais enfin une bonne nouvelle, les députés français viennent d’interdire le bisphénol A dans la composition des biberons. Les socialistes auraient préféré étendre cette interdiction à tous les plastiques alimentaires. Ils seraient la cause de la baisse de la fertilité des mâles, de dérèglements thyroïdiens, de diabète et de cancer. Les bébés sont sauvés mais combien auront tété du mauvais biberon et avec quelles conséquences??
L’huile de palme était en gros plan sous le feu des projecteurs, en mars dernier quand le groupe Casino a décidé de la faire disparaître de l’ensemble de ses produits. Elle aussi s’est introduite partout et particulièrement à l’heure du goûter dans vos barres chocolatées préférées. Et ce n’est pas fini?! On se doit de bouder l’huile de palme qui, de plus en plus utilisée (car fort bon marché), menacerait non seulement les cœurs humains mais aussi les orangs-outans d’Indonésie. En effet, pour la produire, il faut en passer par la case déforestation dans les grandes largeurs…

Résistance

Face à cet inventaire déprimant, la résistance s’organise. En France, pas moins de 2?000 maires se sont opposés aux expérimentations autorisées par le gouvernement en matière d’OGM. En Europe, la culture de la pomme de terre Amflora n’a été autorisée ni par l’Italie, ni par l’Autriche et tout récemment le Luxembourg a suivi l’impulsion. Cette pomme de terre sert principalement à l’industrie papetière et l’alimentation animale et pourrait glisser subrepticement dans les caddies, par le biais d’un pack de lait ou d’une escalope.
Contre les OGM, même combat. Alors que sur le territoire français, deux essais OGM autorisés sont effectués par l’INRA, la méfiance est de mise?: on brûle, on arrache, on insulte. En Inde, désespérés par le mauvais rendement de leur coton OGM, des agriculteurs se suicident. Et pour cause?: Monsanto reconnaissait récemment que le coton Bt est incapable de résister aux insectes qu’il devait anéantir.
Aux Etats-Unis, de nombreux procès sont en cours opposant des victimes des AGT à des fast-food et des marques alimentaires. La ville de New York a interdit aux restaurants de servir des menus en contenant plus de 0,5 g.

« Le bio est la meilleure solution »

A Monaco, on suit les directives de l’Union européenne (UE). Surtout au niveau des établissements scolaires. Selon Stéphane Valeri, conseiller pour la santé, le gouvernement apporte la plus grande attention à ce qui est servi aux enfants dans les cantines en favorisant les labels de qualité et des approvisionnements locaux pour les pâtes et les fruits. « Depuis quelques années, des produits issus de l’agriculture biologique sont inscrits au menu des cantines scolaires de la principauté, indique le conseiller. Ainsi, une viande bio est servie chaque mois et, cette année, des fruits bio sont ponctuellement proposés aux demi-pensionnaires. » Des gestes salués par les élus du conseil national mais qui ne sont pas, souligne Pierre Lorenzi, président de la commission jeunesse et éducation, à la hauteur de la politique environnementale dessinée par le prince. Le conseil national a d’ailleurs émis le vœu de déposer une proposition de loi pour élargir le bio à l’ensemble de la restauration collective. « Le bio est la meilleure solution contre les OGM et les autres additifs parce qu’aussi bien les matières premières que les procédés de fabrications excluent l’intégration de produits potentiellement nocifs pour la santé », ajoute Pierre Lorenzi, qui a le projet de mettre en avant, lors des débats sur le code de l’environnement, ce qui se fait de mieux dans le monde.

Réveil des consommateurs??

Une mesure qui pourrait rassurer la population monégasque. Il faut dire que de leur côté, les consommateurs sont de plus en plus attentifs à ce qu’ils trouvent dans leur assiette. La preuve?: depuis le 17 juin, l’unique supérette bio de Monaco, Solis Bio, s’est agrandie dans un nouvel espace du marché de la Condamine. Les clients de Samantha de Vescovi, responsable du magasin, souhaitent à tout prix manger plus sainement, éviter les pesticides, les résidus pétrochimiques et autres métaux lourds?: « A l’arrivée de bébé, après un problème de santé et avec les alertes médiatiques de nouveaux clients arrivent chez nous. »
Ce phénomène, on le retrouve dans les grandes enseignes. Dans les allées de Carrefour Monaco, les consommateurs avisés décortiquent les étiquettes. Angela, 39 ans, ne mange que bio?: « Je lis toutes les compositions attentivement. J’ai toujours sur moi cette petite loupe accrochée à mon porte-clefs. » Mais le problème, comme le souligne Claudia, 50 ans, c’est que « la composition n’est pas assez clairement signalée. Je suis sûre de consommer malgré moi des OGM. » Voire des AGT. Et ce même si Stéphane Valeri ne croit pas les Monégasques sérieusement menacés et pense que « le régime méditerranéen et les nouvelles cuisines « fusion » limitent le risque pour le consommateur ».

Traçabilité dans les caddies??

Face à ces nouvelles attentes des consommateurs, côté grande distribution, on sort le parapluie. Le Groupe Casino s’est engagé à améliorer la qualité nutritionnelle de ses produits et affirme qu’aucun produit de sa marque ne contient des OGM. Concernant les AGT, en revanche, aucune mesure particulière n’a été prise. De son côté, Marie-Madeleine Liesse, directrice de Carrefour Monaco, reste très vague?: « Carrefour étant déjà bien engagé dans la protection de la nature et le développement durable nous n’avons plus qu’à suivre les décisions plutôt honorables du groupe » Pas de produits OGM chez Carrefour donc, mais des articles sont encore composés avec ces matières grasses hydrogénées, sans étiquetage précis.
Il faut dire qu’à Monaco, aucune réglementation ne fixe d’obligation en matière d’étiquetage. Il faut alors se tourner vers le pays voisin. Concernant les OGM, l’Afssa souligne que l’étiquetage est obligatoire quelle qu’en soit la quantité lorsque le produit est élaboré sciemment avec des OGM. « Génétiquement modifié » doit figurer sur les emballages. Le maïs, le soja ou le colza OGM se consomment dans les huiles raffinées, les sirops de glucose, le pain, les céréales, les biscuits pour l’apéro et certains plats cuisinés. Et ils sont présents dans les additifs, supports d’arômes et autres enzymes. Les denrées élaborées avec des ingrédients traditionnels pouvant contenir, accidentellement, des traces d’OGM (moins de 0,9 %), sont dispensées d’affichage y compris pour le bio. En revanche se déclarer « sans OGM » est une mission impossible à garantir puisque la loi autorise la coexistence des deux filières. Les animaux donnent lait et viande, s’ils ont été nourris par des OGM pas d’obligation d’étiquetage non plus sur leurs produits. Greenpeace, toujours sur le coup, a démasqué des OGM dans les fameux fromages français. Du coup, les filières de production de plus de 30 fromages français très célèbres et portant un label AOC sont devenues suspectes. Oui des OGM se seraient glissés dans les camemberts de Normandie, le brie de Meaux et dans le parfumé Munster. Il faut le savoir, le bétail français rumine 8 fois sur 10 du soja OGM souvent importé d’Amérique.

A table en sécurité??

Du côté du conseil national, si on a réussi à faire passer du bio dans les cantines scolaires, on ne veut pour autant pas en rester là. « Si les Monégasques sont sensibles à l’écologie, au développement durable et aux questions de sécurité alimentaire, c’est que l’impulsion en la matière vient depuis plusieurs années du sommet l’Etat. Nous ne pouvons pas nous permettre d’être en retard sur ces sujets », conclut Pierre Lorenzi, en ajoutant qu’une proposition de loi complète est en cours de préparation par la majorité du conseil national sur la protection du consommateur.
En attendant, les AGT nous menacent mais ne sont pas inquiétés, le bisphénol A se cache toujours dans les objets quotidiens, l’huile de palme et les OGM ont encore de beaux jours devant eux et poursuivront hypocritement leurs méfaits. Il faut juste être un brin paranoïaque et prendre conscience que ce que nous mangeons quotidiennement est important pour notre capital santé, et a davantage d’effets sur la planète que le chauffage de nos maisons ou les trajets que nous faisons, même en avion.

Choses entendues dans les allées des magasins Carrefour et Casino à Monaco
Paul, 35 ans, cuisinier dans un bateau
« C’est important, je fais très attention en essayant de trouver les meilleurs produits possibles. Chez moi en Australie je lis attentivement les compositions, ici c’est plus difficile. »
Dominique, 57 ans, médecin
« Je fais attention pour le maïs et je sais qu’il faut éviter les AGT. Depuis que j’ai des enfants, j’ai changé mes habitudes alimentaires et je continue avec mes petits-enfants. »
Evelyne, 33 ans, mère au foyer
« Je regarde de quoi sont fait tous les produits principalement le soja et le maïs. Si je ne vois pas le sigle « sans OGM », je fouille dans la composition. Je ne crains pas les AGT car je prépare beaucoup de plats maison. »
Martine, 78 ans, retraitée
« Moi je vis toute seule alors je ne m’occupe pas des OGM. J’achète ce que j’ai toujours acheté. Il faudrait faire attention sans doute. Il serait temps que je m’y mette. »
Raoul, 65 ans, retraité
« Compte tenu de notre manière d’acheter, je pense qu’on en consomme inévitablement. Je ne détaille pas les étiquettes, j’achète des produits frais et jamais de plats cuisinés ou de pâtisseries industrielles. »
Un tueur en série dans nos assiettes??
Le corps médical affirme que les acides gras trans AGT sont un poison violent. Mais qui ne consomme pas de biscuits salés ou sucrés, viennoiseries, pâtes à tartiner, barres chocolatées?? Les AGT se cachent dans tous ces aliments confectionnés grâce à un processus d’hydrogénation partielle qui transforme l’huile liquide en graisse semi-solide. Les acides gras saturés sont d’origine animale et fameux pour augmenter le mauvais cholestérol. Les acides gras insaturés sont surtout d’origine végétale et plutôt recommandés. Transformés par l’industrie agro-alimentaire les AGT sont les voyous de la famille. Ils ont la même formule chimique que les AG insaturés, mais dans l’organisme ils font le sale boulot des AG saturés. Leurs méfaits sont nombreux, risques cardiovasculaires, obésité, résistance à l’insuline et augmentation du risque de cancer. Se renseigner au moment du goûter, entre un croissant pur beurre et un autre préparé avec des huiles végétales, ne pas hésiter, accorder toujours sa préférence au produit de la vache.

“Le maïs de Monsanto MON 863 provoque des signes de toxicité”

Le professeur Gilles-Eric Séralini, auteur de Ces OGM qui changent le monde (Ed Flammarion, coll Champs) et expert pour le gouvernement français, l’Union européenne, l’Inde et le Canada, nous explique les risques liés aux maïs et à l’herbicide Roundup de Monsanto.

Monaco Hebdo?: Après avoir eu accès à des données confidentielles les concernant, votre équipe a procédé à la contre-expertise de trois maïs génétiquement modifiés de Monsanto. Pour quelles raisons??
Gilles-Eric Séralini?: Il est question d’une manière générale du principe de précaution?: comment espère-t-on convaincre le monde que les OGM sont inoffensifs tant qu’on n’a pas nourri durant des mois des rats, des vaches, des porcs ou des moutons avec des plantes transgéniques, en réalisant des bilans métaboliques??
Donc, soit les tests ne sont pas faits de manière sérieuse, en terme de temps, soit ils sont faits, par les industriels, de manière non adéquate sur la santé des rats pendant trois mois seulement, en mesurant la composition sanguine, urinaire et le fonctionnement des organes. Et ces mêmes industriels minimisent ou occultent les résultats qui permettent de conclure à des effets néfastes, trouvant comme complices des « scientifiques » peu scrupuleux, siégeant à des postes clés dans les commissions.

M.H.?: Quelles ont été vos découvertes??
G.E.S.?: Après l’obtention des données brutes de la société Monsanto qui a voulu les cacher et a perdu en cour d’appel en Allemagne, nous avons constaté et publié des faits surprenants et inquiétants. Par exemple, cinquante différences significatives relevées chez les rats consommant un maïs OGM NK603 avaient été relevées par ma commission. Différences jugées « sans signification toxicologique » par un expert et le président. Des tests comparables ont mis à jour des différences au niveau du foie et des reins avec le colza GT 73. Enfin, on a constaté chez les rats nourris avec le maïs MON 863 (reconnu par l’Europe comme ne présentant pas de « risque nutritionnel »), une « augmentation significative des globules blancs et des lymphocytes chez les mâles », une « baisse des réticulocytes » (les jeunes globules rouges) chez les femelles, une « augmentation significative de la glycémie » chez les femelles, des « fréquences plus élevées d’anomalies (inflammation, régénération…) » des reins chez les mâles…

M.H.?: Et vos contre-expertises pour le MON 863??
G.E.S.?: Tout a été réépluché et vérifié durant plusieurs mois, en appliquant ensuite des méthodes de calcul beaucoup plus précises. Résultat?: le maïs de Monsanto MON 863 provoque des signes de toxicité hépatique et rénale chez les animaux qui en consomment?: une augmentation de 20 à 40 % des graisses dans le sang des femelles, de 10 % du taux de sucre, de la masse pondérale du foie et du corps. De plus, les reins touchés le sont plus chez les mâles, ce qui provoque une perte de poids, etc.

M.H.?: Vous êtes attaqué assez violemment par l’EFSA et d’autres qui affirment que « vos travaux ont toujours été invalidés par la communauté scientifique »??

G.E.S.?: Après des mois de dur labeur, des mois de contre-expertises de notre contre-expertise, un éditeur international à très bon facteur d’impact, l’International Journal of Biological Sciences, a accepté de publier en décembre 2009 le compte-rendu de ce travail considérable. Celui-ci remet clairement en question la compétence et l’honnêteté de l’EFSA, de l’AFSSA, de la CGB et de la FDA, qui se sont prononcés sur ces OGM sans refaire ce travail statistique?!