samedi 20 avril 2024
AccueilDossierPourquoi les cryptomonnaies ne concurrenceront pas l’euro à Monaco

Pourquoi les cryptomonnaies ne concurrenceront pas l’euro à Monaco

Publié le

Plusieurs États dans le monde développent leur propre monnaie digitale pour se prémunir de l’émergence des cryptomonnaies privées comme le bitcoin. Si Monaco pourra difficilement créer la sienne, faute d’avoir sa propre banque centrale, elle pourrait en revanche envisager le recours à la monnaie digitale locale pour favoriser son propre commerce.

Les temps évoluent, la monnaie aussi. Outre les cryptomonnaies privées de type bitcoin, ethereum et libra, des monnaies digitales publiques commencent à se développer auprès des États et des banques centrales. Elles ont d’ailleurs un nom : les « monnaies digitales de banque centrale » (MDBC). La Chine expérimente ainsi le yuan numérique depuis juillet 2020 dans quatre de ses villes, Shenzhen, Chengdu, Suzhou et Xiong’an. Aux États-Unis, la FED et le MIT (1) dévoileront deux prototypes de dollar digital, dont le « Fedcoin » au troisième trimestre 2021. En Suède, pays où 15 % seulement des achats sont réalisés en liquide, on teste également la e-krona, qui est elle aussi une MDBC. Officiellement, l’intérêt des gouvernements est de fournir des moyens de paiement soi-disant plus sécurisés que les espèces ou les paiements électroniques existants. Cela s’ajoute au fait que leurs banques centrales perdent un certain nombre de transactions face à l’émergence des cryptomonnaies privées et décentralisées comme le bitcoin, et qu’elles essaient aujourd’hui de reprendre un semblant d’ascendant. Avec les MDBC, la monnaie digitale est donc émise de manière traditionnelle par la banque centrale, sous forme numérique. Mais, à Monaco, ce type de monnaie digitale publique ne risque pas de voir le jour, du moins pas sous cette forme. En effet, la principauté, en tant que « petit » État, ne dispose pas de banque centrale, et n’est donc pas autorisée à créer sa propre monnaie. Depuis le 31 décembre 1998, elle est liée à l’euro, par décision du Conseil de l’Europe (2). Monaco, tout comme Saint-Marin, le Vatican et Andorre, associés au moyen d’accords bilatéraux avec la France, l’Italie et l’Espagne, doivent s’engager à ne pas émettre de billets, de pièces ou de substituts monétaires, sauf accord avec les pays membres de la zone euro. Si une MDBC voit le jour à Monaco à l’avenir, ce sera plutôt un e-euro, si une telle monnaie devait exister, toutefois.

« En tant que « petit » État, Monaco ne dispose pas de banque centrale, et n’est donc pas autorisé à créer sa propre monnaie »

La crypto locale pour le commerce monégasque

En revanche, il ne serait pas impossible de voir l’apparition de cryptomonnaies locales pour privilégier les circuits courts ou favoriser les commerces de proximité. À titre d’exemple, presque cent monnaies alternatives locales, basées sur la blockchain, existent déjà en France aujourd’hui, en marge de l’euro [Monaco Hebdo bouclait ce n° 1203 le 6 juillet 2021 — NDLR]. Ces monnaies locales servent de moyen de paiement pour des commerces et entreprises qui l’acceptent, entre professionnels ou avec des particuliers, et sont le plus souvent convertibles aux taux fixes des monnaies nationales comme l’euro ou le franc suisse. L’avantage principal de ces monnaies est qu’elles permettent de soutenir le commerce et l’économie locale, en se faisant l’intermédiaire des producteurs, artisans et distributeurs locaux. Pour Jean-Philippe Claret, président de l’association World of Blockchain à Monaco, l’intérêt est certain : « La monnaie locale serait un bon complément à l’euro, qui inciterait à acheter local et à fidéliser des clients en mettant en place des programmes de remises par exemple. Il ne s’agit pas de faire cavalier seul face à l’euro, qui reste une monnaie valide. Mais il serait intéressant de se constituer une économie avec un système monétaire propre en numérique. » En 2017, une initiative a même vu le jour avec le projet Monaco Coin, devenu Monoeci entre-temps, suite à un quiproquo réglementaire empêchant ses créateurs à utiliser l’appellation « Monaco ». Le projet a en effet été porté par deux jeunes entrepreneurs de Menton, Sébastien Icard et Dimitri Jeangérard, qui souhaitaient développer une cryptomonnaie en principauté dans l’idée de l’utiliser dans la vie de tous les jours pour consommer, mais aussi pour des transactions dans l’immobilier, pour des donations et des prestations touristiques. Mais, à l’heure actuelle, le Monoeci n’est pas encore utilisé en principauté, et ce projet semble avoir battu de l’aile depuis sa phase initiale. « C’était une idée sympa. Mais, pour aboutir, il faudrait un cadre législatif à Monaco », estime le président de World of Blockchain. Un projet de loi est donc à l’étude pour consolider l’utilisation des cryptomonnaies et des jetons numériques. Il pourrait être validé d’ici la fin d’année 2021, après débat au Conseil national [à ce sujet, lire notre article Bientôt un cadre légal pour investir davantage dans la blockchain à Monaco, dans ce dossier — NDLR]. Une fois ce projet de loi appliqué, des initiatives locales, comme le Monoeci, pourraient peut-être se développer à nouveau à Monaco, en complément de la monnaie européenne.

1) La Federal Reserve System (FED) est la banque centrale des États-Unis. Le Massachusetts Institute of Technology (MIT) est l’un des principaux instituts de recherche américain, ainsi qu’une université.

2) Décision 1999/96/CE du Conseil, du 31 décembre 1998, sur la position à adopter par la Communauté européenne concernant un accord sur les relations monétaires avec la principauté de Monaco.

Pour lire la suite de notre dossier sur les cryptomonnaies à Monaco, cliquez ici