samedi 20 avril 2024
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Crise de l’eau mondiale :
comment Monaco agit

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Dans sa contribution au mandat du rapporteur spécial des Nations Unies de 2020, dédié à l’accès à la crise mondiale de l’eau, le département des relations extérieures et de la coopération de la principauté (1) a affiché les positions de Monaco face à la crise mondiale de l’eau, et son impact sur les droits de l’Homme. Il en ressort plusieurs moyens d’action légaux, plutôt ambitieux.

La pollution des sources d’eau potable est une atteinte aux droits de l’Homme. Voilà le constat des Nations Unies, partagé par le département des relations extérieures et de la coopération de Monaco. Les inondations et les sécheresses en effet, en tant que catastrophes naturelles, menacent directement plusieurs droits fondamentaux, et le droit à la vie en premier lieu, selon le Haut-commissariat aux droits de l’Homme (HCDH) des Nations Unies. Le manque d’eau potable provoque également des tensions sécuritaires dans les régions où elle vient à manquer [à ce sujet, lire notre article Eau potable : la “guerre” a déjà commencé, publié dans ce dossier spécial — NDLR]. Et la pollution des sources d’eau potable provoque jusqu’à 3,2 millions de morts par an selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ce qui représente environ 6 % des décès dans le monde. « L’accès à l’eau potable est, au même titre que l’accès à la nourriture et à un logement, un pré-requis à l’exercice et à la jouissance des droits humains fondamentaux. Une pollution des sources d’eau potable est donc, indirectement, une atteinte aux droits de l’Homme », traduit ainsi le rapport du HCDH. Sans compter que les changements climatiques, et notamment la hausse des températures, aggravent la diminution des réserves en eau et compromettent l’accès à l’eau potable.

La pollution des sources d’eau potable provoque jusqu’à 3,2 millions de morts par an, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ce qui représente environ 6 % des décès dans le monde

Des armes juridiques

C’est donc sur le plan environnemental que Monaco aligne son principal arsenal pour lutter contre le manque d’eau et ses pollutions. En 2020, en contribution du mandat du rapporteur spécial des Nations Unies, chargé d’examiner la question de la crise mondiale de l’eau — et les moyens de bénéficier d’un environnement « sûr, propre, sain et durable » — le département des relations extérieures et de la coopération a fait la liste des outils juridiques permettant à la principauté d’agir. Le premier de ces outils, dédié à la protection de l’environnement, est consacré dans le Code de l’environnement, adopté en novembre 2017 par les élus du Conseil national, et sanctionné par le prince Albert II, le 12 décembre de la même année. Ce code prévoit le « principe de prévention », dans son article L.120-2, voulant que « toute personne doive prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou à défaut en limiter les conséquences », et englobe ainsi la protection de la qualité des eaux. De manière plus dissuasive, l’article L.120-5 instaure quant à lui le principe du « pollueur-payeur » selon lequel « les frais de toute nature résultant de la prévention, de la réduction et de la lutte contre la pollution d’une part, les dommages causés à l’environnement d’autre part, doivent être supportés par le pollueur. » Enfin, ce code définit précisément ce qu’est la « pollution du milieu aquatique ou pollution de l’eau » à son article L.110-1, et consacre un chapitre sur la protection des ressources hydriques, un autre sur la protection des eaux et encore un autre sur la gestion des eaux usées. La prévention des risques d’inondations est également couverte à l’article L.441-3. Plus spécifiquement ensuite, sur la sécurité alimentaire, la loi 1 330 du 8 janvier 2007, dans son article 2, note qu’« aucune denrée alimentaire, y compris l’eau, ne peut être mise sur le marché si elle est considérée comme dangereuse. Est considérée comme dangereuse toute denrée alimentaire préjudiciable à la santé, susceptible d’avoir des effets nocifs sur celle-ci ou impropre à la consommation humaine. » Et, au sujet de la qualité et à la surveillance de l’eau potable de consommation, l’ordonnance souveraine n° 6696, du 7 décembre 2017, établit les critères « physico-chimiques et microbiologiques » de l’eau potable, pour garantir la sécurité sanitaire des consommateurs.

La Société monégasque des eaux assure qu’elle s’engage à limiter le gaspillage et à éviter une contamination grave des eaux usées, en mettant à disposition des usagers les informations nécessaires à l’utilisation responsable de l’eau

Inciter aux bonnes pratiques

À Monaco, la gestion de l’eau potable est confiée à la Société monégasque des eaux (SMEaux), qui a obtenu la concession de service public. Outre ses programmes de surveillance de la qualité de l’eau, la SMEaux assure également qu’elle s’engage à limiter le gaspillage et à éviter une contamination grave des eaux usées, en mettant à disposition des usagers les informations nécessaires à l’utilisation responsable de l’eau : « Depuis une dizaine d’années, grâce aux actions menées par l’État, le secteur privé et les particuliers, les consommations d’eau potable diminuent en moyenne de 1 % par an en principauté », assure ainsi le département des relations extérieures et des coopérations. Il ajoute aussi, au sujet du traitement des eaux usées avant leur retour en mer, que la principauté va « au-delà des normes européennes, en différenciant dans son traitement les eaux provenant des bâtiments, des industries, et de la voirie, soumettant chacune à un traitement approprié ». S’ajoute une campagne de sensibilisation, menée par la direction de l’aménagement urbain, qui vise à inciter le public à ne pas jeter mégots et autres petits déchets non-biodégradables dans les bouches d’égout et avaloirs publics. À l’échelle internationale, enfin, Monaco s’est engagée en faveur de la protection des droits des individus « qui prennent des risques en choisissant de dénoncer les violations des droits de l’Homme ». Au Conseil des droits de l’Homme, la principauté a, par exemple, co-parrainé la résolution 43/16 sur le « mandat du rapporteur spécial sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits de la personne ». Et, dans le cas des individus et des communautés travaillant sur les questions des droits environnementaux, Monaco est — selon le département des relations extérieures et des coopérations — le seul État membre des Nations Unies à financer directement le mandat du rapporteur spécial chargé d’examiner la question des obligations relatives aux droits de l’Homme se rapportant aux moyens de bénéficier d’un environnement sûr, propre, sain et durable depuis sa création. Ce mandat inclut la dénonciation des mauvais traitements infligés aux activistes et aux lanceurs d’alertes.

« Depuis une dizaine d’années, grâce aux actions menées par l’État, le secteur privé et les particuliers, les consommations d’eau potable diminuent en moyenne de 1 % par an en principauté »

© Photo DR

Le département aux relations extérieures et à la coopération rappelle que Monaco est le premier bailleur de fonds per capita [par tête — NDLR] du fonds vert pour le climat, avec 3,73 millions d’euros consacrés pour la période 2020-2023

Aider les États à faible revenu

Dans ses recommandations, le Haut-commissariat aux droits de l’Homme incite les États à revenu élevé à aider les États à faible et moyen revenu à réagir et à prévenir la pollution de l’eau, ainsi que la pénurie d’eau et les inondations. « En tant qu’État développé, la principauté de Monaco entend pleinement endosser ses responsabilités envers les pays à moindres revenus », répond sur ce point le département des relations extérieures et de la coopération. Il note que la principauté a pris plusieurs mesures afin d’aider ces pays à « s’adapter à ces nouvelles conditions, et ainsi éviter une érosion des droits de l’Homme dans ces régions ». Dans le cadre des programmes de coopération internationale monégasques, les sapeurs-pompiers de Monaco sont, par exemple, amenés à partager leur expérience avec des équipes issues de pays en développement comme le Burkina Faso [à ce sujet, lire notre article La Croix rouge monégasque favorise l’accès à l’eau au Burkina Faso, publié dans ce dossier spécial — NDLR] et le Mali, notamment dans le domaine du sauvetage aquatique et de la formation sur des engins d’intervention utilisés durant des inondations. Monaco s’implique également dans plusieurs projets de préservation des ressources en eau, en développant notamment l’agriculture éco-responsable et des circuits de distributions équitables dans ses pays partenaires, dont la Tunisie, le Burkina Faso, le Sénégal et Madagascar. Enfin, le département aux relations extérieures et à la coopération rappelle que Monaco est le premier bailleur de fonds per capita [par tête — NDLR] du fonds vert pour le climat, avec 3,73 millions d’euros injectés pour la période 2020-2023. Ce fonds canalise le financement climatique des États à haut revenu vers les États les plus vulnérables.

1) Contacté par Monaco Hebdo, le département des relations extérieures et de la coopération n’a pas souhaité répondre à nos questions sur ses actions menées à l’international face à la crise de l’eau.

Pour lire la suite de notre dossier sur « la guerre de l’eau potable », cliquez ici.