vendredi 29 mars 2024
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Covid-19 : Faut-il revoir 
les mesures sanitaires ?

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Plus que jamais, la gestion de la pandémie de Covid-19 fait débat. Face à un virus qui continue de circuler et de tuer, les gouvernements ont-ils fait les bons choix ?

Ont-ils adopté les meilleures stratégies ? Un peu partout dans le monde, des mouvements montent pour contester les mesures engagées au nom de la lutte contre le Covid-19. Persuadés que le virus ne serait pas si dangereux que ça, certains voient même dans le coronavirus un outil pour asservir les peuples. Explications.

Depuis quelques semaines, c’est devenu un refrain quelque peu lancinant. Alors que les gouvernements monégasque et français évoquent le spectre d’une deuxième vague de Covid-19, peu à peu, l’exaspération monte face aux mesures sanitaires imposées depuis mars 2020. Plus de 7 mois après, les bonnes résolutions et l’abnégation qui allait avec ont laissé la place à l’envie de « vivre comme avant ». Même si la pandémie de Covid-19 a fait plus d’un million de morts dans le monde et plus de 32 000 en France, des mouvements antimasques ont fait leur apparition un peu partout en Europe. Dans plusieurs pays, des manifestations ont aussi été organisées pour protester contre les décisions des gouvernements, jugées tantôt incohérentes, tantôt liberticides. A Nice, pourquoi les salles de sport ont-elles dû fermer, pendant que les écoles de danse peuvent rester ouvertes se demande une partie de la population ? « La tranche d’âge dans laquelle le virus circule le plus, c’est la tranche 20-45 ans, et c’est celle qui fréquente le plus les salles de sport. Il faut aussi casser la dynamique de transmission dans ces tranches d’âge, car c’est aussi celles qui disséminent dans la population », avance en guise d’explication le professeur de santé publique au CHU de Lille, Philippe Amouyel, dans l’interview que nous publions dans ce numéro. Face à lui, nous avons interrogé l’épidémiologiste Laurent Toubiana. Co-signataire d’une tribune publiée en septembre 2020 dans les colonnes du Parisien, Laurent Toubiana estime que « nous sommes gouvernés par la peur » et que toutes les mesures sanitaires prises par les différents gouvernements ne se justifient pas. Il faut donc lire les interviews de Philippe Amouyel et de Laurent Toubiana comme deux positions radicalement opposées, nourries par une bataille de chiffres et d’interprétations que chacun pourra juger à l’aune de ses convictions.

« Proportionnées »

Au-delà de cela, à Monaco, le conseiller-ministre pour les affaires sociales et la santé, Didier Gamerdinger, met en avant le fameux principe de précaution. Fin septembre 2020 dans Monaco Hebdo, Didier Gamerdinger nous a indiqué « réinterroger sans cesse nos protocoles sanitaires et nos mesures », afin de parvenir à élaborer des mesures « nécessaires et proportionnées ». Du coup, et contrairement à la France, Monaco n’a pas instauré une fermeture anticipée des bars et des restaurants, les salles de sport sont toujours ouvertes et le masque n’est pas imposé dans toutes les rues de la principauté. Soit à peu près le strict opposé d’une ville comme Nice, où les restrictions sont beaucoup plus fortes. A titre d’exemple, depuis le 20 août 2020, le port du masque a été rendu obligatoire dans toute cette ville de 342 000 habitants. Sur Twitter, le maire Les Républicains (LR) de Nice, Christian Estrosi avait indiqué le 19 août 2020 avoir « demandé au préfet des Alpes-Maritimes d’étendre le périmètre où le port du masque est obligatoire à toute la commune de Nice, contre seulement le centre-ville actuellement ». Le lendemain, au micro de France 3, Christian Estrosi avait justifié sa position en estimant que « ne pas porter le masque aujourd’hui est un signe d’égoïsme, voire de mise en danger d’autrui. Le plus simple, c’est qu’il soit obligatoire de partout. On ne pourra pas dire qu’on ne comprend pas ».

Les experts de santé ont beau multiplier les explications les plus rationnelles, rien n’y fait. Persuadés que les professionnels de santé sont à la botte du pouvoir politique et de la finance, les opposants au masque campent sur leurs positions

Marseille

En attendant, en France, à Marseille les nouvelles mesures de restrictions annoncées par le gouvernement le 23 septembre 2020 pour tenter d’endiguer la pandémie de Covid-19 ont provoqué un véritable tollé. Avec en première ligne de la contestation, la fermeture des bars et des restaurants, ainsi que de tous les lieux qui reçoivent du public et qui ne se plient pas à un protocole sanitaire strict. Cette décision a été étendue de Marseille à Aix-en-Provence et aux 90 autres communes de la métropole. La réaction ne s’est pas faite attendre. Les élus locaux se sont alors rapidement mêlés aux commerçants, notamment les patrons de bars et de restaurants, face à des mesures qu’ils ont jugé « injustes ». Avec 281 cas pour 100 000 personnes, Marseille avait alors été placée en « zone d’alerte maximale ». Déjà, fin août 2020, les restaurateurs avaient échappé à une fermeture imposée dès 23h30. « Aucune étude scientifique ne prouve que le virus est plus virulent après cet horaire », avait alors ironisé la maire Europe Ecologie-Les Verts de Marseille, Michèle Rubirola. Avec l’appui de la présidente LR de la métropole Aix-Marseille-Provence, Martine Vassal, et du président LR de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), Renaud Muselier, elle avait finalement obtenu un report jusqu’à 0h30.

« Anxiogène »

Après plus de 7 mois de crise sanitaire, plus d’un million de morts dans le monde et une économie à l’agonie, plus que jamais la gestion de la pandémie de Covid-19 fait débat. Des manifestations ont été organisées dans plusieurs pays, notamment aux Etats-Unis, au Royaume-Uni ou en Allemagne par des militants hostiles au port du masque. En France, ce mouvement resterait marginal, puisque selon un sondage BVA pour RTL et Orange publié mi-juillet 2020, 85 % des Français sont favorables au port du masque dans les lieux publics clos. Ce qui n’empêche pas les contestataires d’être de plus en plus visibles, notamment sur les réseaux sociaux. Il suffit de se rendre sur des plateformes comme YouTube et Facebook pour trouver trace de cette vague contestataire qui n’en finit pas de monter. Alors qu’il y a quelques semaines, les groupes de francophones antimasques les plus en vue étaient essentiellement belges ou québécois, les Français s’organisent à leur tour, surtout sur Facebook. Mais ce n’est pas tout. En France, une pétition contre le port du masque obligatoire dans les lieux publics clos et dans certaines villes comme Nice, a été lancée en août 2020. Elle visait 10 000 signatures, et elle avait dépassé les 15 000 alors que Monaco Hebdo bouclait ce numéro le 6 octobre 2020. Cette pétition évoque l’évolution de l’épidémie de Covid-19 et son traitement dans les médias, accusés de ne pas rendre compte de la réalité sur le terrain : « Le virus perd de sa charge virale. Il y a certes plus de cas détectés puisque l’on teste plus, mais le nombre d’hospitalisations, lui, n’augmente pas ! Là encore, on peut s’interroger sur les raisons de la diffusion d’informations sorties de leur contexte, et visant à créer un climat de plus en plus anxiogène. Qui plus est, pourquoi imposer un masque à la fin d’une épidémie alors qu’ils étaient considérés comme inutiles pendant le pic de contagiosité ? », questionne cette pétition, qui a été, depuis, rejointes par d’autres appels du même genre.

« Nouvel Ordre Mondial »

Sur Facebook, certains groupes publics, comme « Accrochez-vous, ça bouge », qui compte plus de 9 700 abonnés, prennent aussi position contre le port du masque. Et certains commentaires n’hésitent pas à verser dans le complotisme : « Il n’y a aucune impréparation des gouvernements… ils suivent un programme à la lettre, celui de la mise en place du Nouvel Ordre Mondial, et pour cela, ils ont besoin de détruire l’économie et de maintenir les gens dans la peur. » Face à cela, les experts de santé ont beau multiplier les explications les plus rationnelles, rien n’y fait. Persuadés que les professionnels de santé sont à la botte du pouvoir politique et de la finance, les opposants au masque campent sur leurs positions. Evoquant une « masqu-arade », ces militants qualifient ceux qui acceptent de porter un masque de « moutruches » ou de « mougeons », les rapprochant ainsi de l’autruche et du pigeon pour stygmatiser leur naïveté. Droit à la liberté, difficultés respiratoires, pénibilité au travail… Tous les opposants au masque ne sont pas complotistes et souhaitent réaffirmer leur droit à disposer d’eux-mêmes. Mais, plus globalement, ce mouvement met en exergue la perte de confiance de la part d’une partie de la population dans la parole des experts de santé et les politiques. Ce qui risque d’être un véritable frein lorsqu’un vaccin anti-Covid-19 aura été trouvé et que les gouvernements devront convaincre la population de se faire vacciner. La confiance sera alors extrêmement difficile à gagner.

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