vendredi 29 mars 2024
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Comment sauver les commerces du Rocher ?

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La fréquentation étant quasiment au point mort sur le Rocher, les commerces maintiennent le cap en grande partie grâce à l’aide financière du gouvernement.

Mais, à long terme, pas sûr que ce coup de main suffise. Pour le gouvernement, comme pour l’Union des commerçants et artisans de Monaco, le défi consiste désormais à attirer la clientèle locale en transformant l’offre actuelle.

Personne ne sera mis de côté, mais quid d’après ? Vendredi 26 février 2021, lors d’une conférence de presse, le ministre des finances et de l’économie, Jean Castellini, a assuré que le gouvernement soutiendrait les commerces touchés de plein fouet par la crise sanitaire. Un plan d’aide de près de 150 millions d’euros a en effet été ajouté au budget prévisionnel de 2021, sur les 400 millions mandatés au total en 2020. Un effort supplémentaire a également été promis à partir du mois de mars 2021, avec notamment le versement d’une indemnité spéciale de 2 500 euros par mois pour le premier trimestre 2021 (lire notre article dans ce numéro). Mais la question du modèle même de ces commerces se pose. En effet, comment se maintenir, si le tourisme de masse ne suit plus, à l’avenir ? « La pandémie doit amener à questionner le modèle du Rocher. C’était essentiellement un tourisme lié aux croisières et à la libre circulation des personnes physiques, plus que le tourisme d’affaires, explique Jean Castellini. Nous l’avons déjà dit, il y a la possibilité pour les Monégasques et les résidents de redécouvrir ce quartier en y déjeunant le midi, et bientôt le soir, en venant s’y promener en famille le week-end. Mais cela ne peut pas être la seule option. » Selon le ministre des finances et de l’économie, il faudrait une nouvelle offre sur le Rocher : « Il peut aussi y avoir un soutien du gouvernement à la recherche de nouvelles activités, de l’art, et de l’artisanat par exemple, comme on peut le voir dans des villages comme Eze ou Saint-Paul-de-Vence. Nous devons pouvoir compléter le “mix” [la diversité – NDLR] des offres, et peut-être avoir à nouveau des offres de proximité. » Toujours selon le ministre, il faudrait pouvoir attirer la clientèle locale : « Au Rocher, aujourd’hui, il n’est pas simple de faire ses courses alimentaires. Il y a essentiellement des commerces pour le tourisme de passage, mais pas forcément des commerces qui bénéficient à la population du Rocher. Les réflexions vont se poursuivre dans le cadre de l’observatoire du commerce, mais aussi avec les commerçants et les restaurateurs du Rocher que nous aidons de façon plus significative déjà, depuis le dernier trimestre 2020. »

Jean Castellini. Ministre des finance et de l’économie © Photo Conseil National.

« La pandémie doit amener à questionner le modèle du Rocher »

Accompagner la reconversion

Changer, sous peine de disparaître ? C’est un peu l’idée. Dans un entretien accordé à Monaco Hebdo en novembre 2020 (lire Monaco Hebdo n° 1172), le président de l’Union des commerçants et artisans de Monaco (Ucam), Nicolas Matile-Narmino, était assez direct à ce sujet : « Aider un commerçant qui est mort, ça ne sert à rien. Un commerçant qui vend des souvenirs à Monaco-Ville, soit il faut l’aider à fermer, soit il faut le former pour faire autre chose, soit il faut lui donner l’opportunité de changer de produits pour s’adresser à une clientèle plus locale. Car l’aider pendant deux ans à vendre des souvenirs, ça va coûter très cher aux finances de l’Etat », s’exprimait-il alors. Cependant, le président de l’Ucam en convient aujourd’hui : « Une reconversion ne se fait pas en claquant des doigts : il faut une vision à long terme concernant le Rocher. » Selon lui, le problème ne date pas d’hier : « Le Rocher se vide de sa substance depuis des années, il n’existe presque plus de vie locale en dehors des restaurants. Il faut apprendre à vivre en autonomie quand il n’y a plus de tourisme, les résidents et pendulaires répondent présents et nous ont sauvés, mais c’est plus dur pour le Rocher. Les commerces ne tournent qu’entre avril et octobre, il faut faire revenir la clientèle locale ».

Nicolas Matile-Narmino. Président de l’Ucam © Photo Iulian Giurca / Monaco Hebdo.

« Le Rocher se vide de sa substance depuis des années. Il n’existe presque plus de vie locale, en dehors des restaurants »

Et, pour attirer de nouveau cette clientèle locale, Nicolas Matile-Narmino pense que le gouvernement princier a une carte à jouer : « Il faut mener une politique d’implantation pour permettre à des enseignes leader d’investir le Rocher. On pourrait, par exemple, imaginer la création d’un centre commercial à ciel ouvert. » La question de la reconversion et de la réadaptation des commerçants les plus en difficulté se pose donc toujours selon le président de l’Ucam : « Il faut assurer l’accompagnement et la formation, notamment à travers le fonds bleu pour s’informatiser, et mettre en avant des solutions d’engineering pour se pérenniser, sinon ces commerces vont tout perdre. Sans aucune remise en cause, l’aide financière apportée se fera à pure perte. » Mais la plupart des gérants du Rocher n’étant pas propriétaires de leurs murs, pas facile de changer d’activité. Car, légalement parlant, le bail qui les lie ne leur permet pas d’en développer une autre sur la même surface commerciale : « Cela complique les choses, en effet. Mais il faut pouvoir le renégocier, avec l’aide du gouvernement. »

Pour lire notre dossier sur la crise du tourisme à Monaco, cliquez ici