samedi 20 avril 2024
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Cancers pédiatriques : l’espoir

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Les cancers pédiatriques sont la deuxième cause de mortalité chez les moins de 15 ans, après les accidents.

En parallèle, la lutte contre les séquelles et les souffrances des enfants victimes de cancer s’organise. Une molécule identifiée par le centre scientifique de Monaco va bénéficier d’un essai clinique à Marseille. Une première qui cristallise beaucoup d’espérance.

Denis Maccario a le sourire. Il faut dire que le fondateur et président de la fondation Flavien, une association qui lutte contre les cancers pédiatriques (1), a de quoi être satisfait. Comme chaque année depuis 2015, le 7 décembre 2020 sa fondation a remis un chèque de 100 000 euros au centre scientifique de Monaco. Au total, entre 2015 et 2020, 643 500 euros ont ainsi été reversés à la recherche par la fondation Flavien. Mais l’argent n’est évidemment rien sans résultats concrets. Et cette fois, ça avance. En effet, un premier essai clinique devrait être lancé cette année par le professeur Nicolas André de l’assistance publique des hôpitaux de Marseille (AP-HM). « C’est le premier essai clinique issu de la principauté », lance Denis Maccario. Car, si la suite va donc se dérouler dans les Bouches-du-Rhône, les recherches ont été menées par l’équipe de chercheurs, coordonnée par le cancérologue Gilles Pagès à Monaco et à Nice. Depuis une vingtaine d’années, Gilles Pagès a focalisé une partie de son travail sur les molécules dites « anti-angiogéniques » : « Les molécules anti-angiogéniques sont des médicaments anticancéreux qui visent à empêcher la vascularisation des tumeurs, de manière à les étouffer. Car, lorsqu’elle se forme, une tumeur attire de nouveaux vaisseaux sanguins, afin qu’ils lui apportent de l’oxygène et des nutriments », explique Vincent Picco, docteur en biologie et chargé de recherche au département de recherche en biologie médicale du centre scientifique de Monaco. « Nous avons voulu appliquer ce type de traitement aux cancers pédiatriques du cerveau. Chez l’enfant, la tumeur cancéreuse du cerveau la plus fréquente est le médulloblastome. Il y a eu un nombre très limité d’essais cliniques dans ce domaine. Et pourtant, on a des résultats prometteurs », ajoute ce chercheur.

Le Trott n' Roll de la Fondation Flavien
Le Trott n’ Roll de la Fondation Flavien © Photo Fondation Flavien

En France, la Ligue contre le cancer injecte 10 % du total de son budget de recherche, soit 3,8 millions d’euros, dans cette cause. À sa hauteur, la fondation Flavien fait aussi beaucoup

« Extrêmement lourd »

Pour Denis Maccario, dont le fils, Flavien, est décédé en mars 2014 d’une tumeur cérébrale métastasée, l’espoir est réel. « J’aimerais que l’on fasse désormais aussi vite pour que soit lancé un essai clinique autour de cette molécule, l’Axitinib, que ce que l’on fait vite pour le Covid-19. Cette molécule laisse entrevoir de bons résultats pour réduire les souffrances et les séquelles des enfants touchés par des cancers du cerveau », glisse le président de cette fondation, qui sensibilise également au don de moelle osseuse, de sang, de plaquettes et de plasma. Car, même si la mortalité a reculé, il reste encore beaucoup de zones d’ombres. « Le pronostic des tumeurs embryonnaires du système nerveux central (médulloblastomes et tumeur neuroectodermique primitive sustentorielles) est mitigé, avec 54 % de survie à 5 ans. Le pronostic des tumeurs pédiatriques du système nerveux central est, par ailleurs, nettement plus sombre avant l’âge d’un an (62 % de survie à 5 ans contre 81 % pour les 10-14 ans) », détaille l’institut national du cancer dans sa publication Les cancers en France en 2018 — L’essentiel des faits et chiffres, édition 2019 (1). Et puis, les séquelles suite à la combinaison de la radiothérapie et de la chimiothérapie, peuvent être multiples. « La guérison obtenue l’est parfois au prix de lourdes séquelles. Celles faisant suite au traitement d’une tumeur du système nerveux central sont parmi les plus sévères : il existe des cas de surdité, de troubles de la croissance. Les pertes de chance d’une fécondité future ne peuvent être négligées », expliquait d’ailleurs le généticien et président de la Ligue contre le cancer, Axel Kahn, dans une tribune publiée par Le Monde, le 15 février 2020. « Les séquelles pour les médulloblastomes émergent dans le cervelet, qui est une partie du cerveau qui gère notamment le mouvement, la posture, l’équilibre, et qui a aussi des fonctions cognitives. C’est aussi la partie du cerveau qui est la plus riche en neurones. Or, quand on irradie le cervelet d’un enfant avec une chimiothérapie, alors que son cerveau est en cours de développement, comme le reste de son organisme d’ailleurs, on induit des effets secondaires au niveau cognitif, postural et moteur. D’autres effets secondaires peuvent aussi survenir, comme la surdité, des difficultés d’élocution… Bref, c’est extrêmement lourd », complète Vincent Picco. Du coup, désormais, au-delà de la survie à 5 ans, la diminution des effets secondaires est devenue au fil du temps un véritable enjeu. C’est aussi devenu un axe de recherche qui est sur le point d’aboutir à un essai clinique venu de Monaco. « Notre étude porte sur la chimiothérapie. On a essayé de prendre en compte la toxicité du composé, dont on a évalué l’efficacité. Ensuite, on a cherché un composé moins toxique que les chimiothérapies actuelles. Et, effectivement, la molécule Axitinib est beaucoup moins toxique vis-à-vis des tissus sains que les chimiothérapies utilisées actuellement », explique Vincent Picco.

« Rémission »

Chaque année entre 2 500 à 3 000 enfants et adolescents ont un cancer, soit environ 1 enfant sur 440, et 500 décèdent. « Dans les années 1970, le pronostic de ces cancers était effroyable : 80 % des enfants malades mouraient dans l’année ou les deux ans suivant le diagnostic. Aujourd’hui, c’est la guérison à cinq ans qui dépasse légèrement cette proportion de 80 %, il s’agit le plus souvent d’une guérison vraie avec éradication du cancer traité », ajoute Axel Kahn, dans sa tribune au Monde. Mais cet expert modère très rapidement cet optimisme, en rappelant que l’on est encore aujourd’hui incapable de guérir certaines « tumeurs et formes de leucémies et de sarcomes ». Et en plus des parfois graves séquelles dont sont victimes les enfants, il y a aussi les effets secondaires de la radiothérapie et de la chimiothérapie : « Elles peuvent induire des mutations de gènes qui seront à l’origine de deuxièmes, voire de troisièmes cancers qui surviendront au fil des années d’une vie qui, chez l’enfant, est espérée encore longue. En d’autres termes, ces petits malades guéris n’en ont trop souvent pas encore fini avec la maladie », ajoute le président de la Ligue contre le cancer dans cette même tribune. « On ne parle jamais d’éradication d’un cancer. On parle toujours de rémission, confirme la chercheuse au CNRS et spécialiste en oncologie et membre de l’Institut cancer et vieillissement de Nice (IRCAN), Sonia Martial. Car il peut y avoir notamment des cellules souches dormantes qu’on ne voit pas et que la moindre petite chose peut réveiller, provoquant le retour du cancer, sous une forme ou sous une autre. Mais ce pourcentage de 80 % me semble très optimiste. Car, selon les cancers, il y a de grandes disparités. Je ne me risquerais donc pas à donner un chiffre global pour les cancers. Je donnerais plutôt un chiffre cancer par cancer. » Cette chercheuse travaille aussi sur une découverte autour des réseaux lymphatiques dans le cerveau qui pourrait permettre de lutter contre le médulloblastome. Un essai clinique est espéré en 2022. Autant de points de vue et de témoignages qui confirment que la mobilisation autour de la recherche sur les cancers pédiatriques ne doit pas faiblir. « Comme la recherche sur les cancers pédiatriques n’est pas rentable, il n’y a que les laboratoires académiques, les gouvernements et les financeurs non institutionnels, qui vont permettre d’avancer », souligne Vincent Picco. En France, la Ligue contre le cancer injecte 10 % du total de son budget de recherche, soit 3,8 millions d’euros, dans cette cause. À sa hauteur, la fondation Flavien fait aussi beaucoup, malgré les difficultés. « Aujourd’hui, notre fondation est écoutée, mais ça n’aura pas été une mince affaire. C’est un parcours du combattant au quotidien », raconte Denis Maccario. Mais pas question de désarmer. La guerre n’est pas finie.

1) Les dons peuvent être réalisés directement sur le site Internet de la fondation Flavien.

2) Ce rapport est consultable sur le site Internet de l’institut national du cancer, rubrique « expertises et publications », puis « catalogue des publications ».

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