vendredi 29 mars 2024
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Budget rectificatif 2021
Un « oui », en attendant la sortie de crise

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Dans la soirée du 14 octobre, les élus du Conseil national ont voté pour le budget rectificatif 2021. Avec vingt élus pour et trois abstentions, les débats ont été globalement consensuels, ce qui n’a pas empêché quelques différends, notamment à propos des travaux concernant la future usine de traitement des déchets ou la méthode de travail gouvernement-Conseil national.

Une petite heure et puis s’en vont. Dans la soirée du 14 octobre 2021, gouvernement et Conseil national n’ont pas traîné pour adopter un budget rectificatif 2021 finalement proche de l’équilibre, malgré l’impact de la pandémie de Covid-19. En l’absence de l’élue Priorité Monaco (Primo !) Karen Aliprendi-de Carvalho, 20 conseillers nationaux ont voté en faveur de ce budget rectificatif 2021. Trois élus Primo ! se sont abstenus. Il s’agit de Guillaume Rose, de Fabrice Notari et de Thomas Brezzo. Si quelques points de divergences sont apparus, globalement, l’entente est toujours là entre les élus et le gouvernement, comme l’a rappelé le président du Conseil national, Stéphane Valeri : « Il n’y a pas de divergence de fond entre nous sur la politique générale menée par l’État monégasque. […] Au moment de faire le bilan, c’est en effet tous nos points d’accord qui l’emportent sur ce qui fait encore débat ou l’objet d’approches différentes. Je veux parler notamment de certaines décisions toujours en souffrance, parfois de longue date, et que le gouvernement tarde toujours à prendre, selon nous. »

L’usine d’incinération est « devenue obsolète, et son maintien à niveau, plus d’années que de raison, implique d’ores et déjà, selon les chiffres mêmes du gouvernement, un surcoût de 30 millions d’euros »

Stéphane Valeri. Président du Conseil national

Traitement des déchets

Parmi les sujets sur lesquels les débats de ces trois soirées consacrées à l’examen de ce budget prévisionnel 2021 se sont appesantis, on trouve la future usine d’incinération [à ce sujet, lire notre article Usine de traitement des déchets – Les élus dénoncent « l’inaction » du gouvernement, publié dans ce dossier spécial — NDLR]. Stéphane Valeri a replacé ce dossier dans son contexte : « Cela fait plus d’une dizaine d’années que les gouvernements successifs n’ont pas tranché, n’ont pas arbitré, et donc n’ont pas décidé de façon définitive et planifiée, de remplacer l’actuelle usine d’incinération. Celle-ci, comme chacun le sait, est devenue obsolète, et son maintien à niveau, plus d’années que de raison, implique d’ores et déjà, selon les chiffres mêmes du gouvernement, un surcoût de 30 millions d’euros. Il s’agit de souveraineté nationale, de budgets d’investissement considérables, de plusieurs centaines de millions d’euros, de transition énergétique, de qualité de l’air, et donc, bien sûr, de politique environnementale. Il y a eu à ce sujet dans cette enceinte, sous plusieurs mandats, certains d’entre vous s’en souviennent, des dizaines et des dizaines d’heures de débats. » Du coup, pas question de limiter les échanges, parfois un peu vifs, sur cette usine d’incinération à un simple « mouvement d’humeur », a souligné le président du Conseil national. Il s’agit plutôt « d’un signal fort », le tout « dans le cadre des prérogatives qui sont très précisément les nôtres », a précisé Stéphane Valeri. De son côté, l’élu Union Monégasque (UM), Jean-Louis Grinda, a lui aussi pointé l’usine de traitement des déchets : « Depuis dix ans, nous avons quasiment fait du surplace. Mais je ne doute pas que vous, M. Le ministre d’État, vous mettiez tout en œuvre pour que ce surplace se transforme en sprint. Mais, là encore, un événement coûteux nous attend ». Désormais, les élus attendent la réunion promise par le ministre d’État, Pierre Dartout, qui devrait se dérouler en présence de responsables de la Société Monégasque de l’Électricité et du Gaz (Smeg) et de la Société Monégasque d’Assainissement (SMA). Et ils comptent bien en sortir avec un calendrier précis de mise en œuvre de cet énorme chantier.

« Depuis dis ans, nous avons quasiment fait du surplace. Mais je ne doute pas que vous, M. Le ministre d’État, vous mettiez tout en œuvre pour que ce surplace se transforme en sprint. Mais, là encore, un événement coûteux nous attend »

Jean-Louis Grinda. Élu UM. À propos de l’usine de traitement des déchets

« Confiance »

Parmi les autres sujets qui ont fait débat, la question de la méthode de travail entre le Conseil national et le gouvernement monégasque a aussi refait surface. On croyait ce sujet appartenir désormais au passé, mais il semblerait que de vieux démons aient ressurgi. C’est en tout cas ce qu’a exprimé le président de la commission de législation et élu Primo !, Thomas Brezzo. Au moment de justifier son vote, il a rappelé que l’avancée des travaux entre les élus et le gouvernement princier reposait sur la confiance réciproque : « Comme en société, la confiance se gagne, la confiance se donne, mais la confiance se retire également. Et j’ajouterai même, selon le proverbe, que « la confiance se gagne en gouttes mais se perd en litres. »». La raison du différend s’est matérialisée sous la forme d’un texte de loi : l’ordonnance n°8 634, publiée en mai 2021, qui vient en application de la loi n° 1 503 du 23 décembre 2020 et qui modifie le dispositif anti-blanchiment voté lors de la session de l’automne 2021. La position du Conseil national était claire : ne pas « surtransposer la directive européenne ». Mais Thomas Brezzo s’est dit déçu, car « nous avons constaté avec regret que le texte avait pour partie été modifié au regard des éléments d’information qui nous avaient été communiqués dans le cadre des travaux préparatoires. Cela est d’autant plus regrettable que le texte réglementaire impose aux professionnels des obligations qui ne sont pas prévues par la directive européenne, alors même que notre ligne de conduite était de ne pas surtransposer le texte européen. Je pense ainsi que nos amendements auraient pu être rédigés différemment si nous avions eu connaissance de ces modifications préalablement au vote de la loi. » Répétant sa volonté de ne pas « remettre en cause les pouvoirs du gouvernement » en ce qui concerne l’élaboration des textes réglementaires, cet élu a souligné que, sur le fond, ce type de méthode pouvait amener à « rompre le lien de confiance » entre le Conseil national et le gouvernement. En conséquence de quoi, Thomas Brezzo a décidé de traduire sa déception en s’abstenant lors du vote de ce budget rectificatif 2021 : « Pour l’instant, il n’est pas l’heure pour moi d’exprimer une quelconque « défiance » à l’égard du gouvernement. Je préfère parler de « vigilance ». Aussi, nous nous montrerons particulièrement vigilants à l’avenir au sujet des textes réglementaires qui viennent en complément des textes de lois que nous votons. »

« Débat légitime »

Autre sujet qui a alimenté les débats pendant le vote de ce budget : le pouvoir d’achat des fonctionnaires de la principauté. Comme l’a rappelé le président du Conseil national, Stéphane Valeri, le calcul concernant leur évolution salariale a été « décidé sans concertation avec notre assemblée, puisque nous l’avons découvert sur le siège en séance publique ». Là encore, c’est donc un manque de dialogue et de concertation qui a été pointé du doigt par les élus de la majorité Primo !, et qui a conduit Stéphane Valeri à faire la demande suivante au gouvernement : « Alors que l’inflation, en période de relance post-Covid, est attendue à plus de 2 %, vous avez retenu une indexation limitée à 1,3 %. Tout en tenant compte d’une relative avance des traitements par rapport à l’inflation, dont le montant ne nous a pas été clairement expliqué, nous demandons, dans le cadre de l’examen du budget primitif 2022, à ce que le gouvernement ajuste ce calcul après un débat avec notre Assemblée, à l’appui des derniers chiffres et tendances que nous connaîtrons alors, concernant l’évolution de l’inflation réelle. » Et, visiblement, le président du Conseil national n’entend pas céder un pouce de terrain sur ce sujet : « Ce débat légitime, nous l’aurons comme il est d’usage, entre nos deux institutions », a-t-il promis à Pierre Dartout. De son côté, l’élu UM, Jean-Louis Grinda a voté ce budget rectificatif 2021, tout en rappelant qu’il avait voté contre plusieurs lignes budgétaires, dont celle qui concerne le centre hospitalier princesse Grace (CHPG), en raison de multiples retards dans les travaux et aussi pour « l’explosion de son budget », a-t-il souligné.

« Comme en société, la confiance se gagne, la confiance se donne, mais la confiance se retire également. Et j’ajouterai même, selon le proverbe, que « la confiance se gagne en gouttes, mais se perd en litres »» 

Thomas Brezzo. Élu Primo ! et président de la commission de législation

Trésor

Mais, au total, c’est tout de même le positif qui l’a emporté, avec une série de bons points accordés par les élus au gouvernement. À commencer par le toujours très sensible sujet du logement des Monégasques. Sur ce point, les choses continuent d’avancer, pandémie de Covid-19 ou non, grâce au très volontariste plan national logement lancé officiellement le 11 mars 2019 par le prince Albert II. Le président du Conseil national s’est donc félicité de la « poursuite dans le respect des délais annoncés, de cet historique plan national logement, qui va permettre d’ici la fin de l’année 2023 de bien loger dans leur pays tous les foyers monégasques dont la situation le justifie ». Et pour patienter, le nécessaire a été fait par l’État, a estimé Stéphane Valeri : « Dans l’attente de la livraison des 600 logements neufs en cours de construction, les améliorations de l’Aide Nationale au Logement (ANL) que nous avions demandées, ont été mises en place par le gouvernement, permettant à de nombreux foyers de trouver une solution transitoire durant le pic de pénurie de logements domaniaux que nous connaissons. » Même satisfaction concernant les informations nécessaires aux élus pour approuver, ou non, les sommes votées pendant les débats budgétaires. Le flou généré par les comptes spéciaux du trésor sera bientôt relégué aux oubliettes, comme l’a confirmé Stéphane Valeri : « Nous sommes satisfaits de l’annonce de la clôture prochaine du compte spécial du trésor, consacré aux réponses apportées à la crise du Covid, qui doivent désormais être gérées dans le cadre habituel des chapitres budgétaires, dont c’est le rôle. » Pour le président du Conseil national, « la démonstration a été faite dans ces débats, que le Conseil national perd avec eux clairement une part de son pouvoir de contrôle des sommes votées, et donc de ses prérogatives constitutionnelles. Il s’agit, en effet, de voter une enveloppe globale, qui, en mélangeant diverses mesures laissées à la seule appréciation du gouvernement, ne permet pas au Conseil national de disposer d’une information suffisante pour un vote éclairé ».

« Oui »

Du côté d’Horizon Monaco (HM), Béatrice Fresko-Rolfo a adopté une position similaire : « Reste à clarifier l’utilisation des comptes spéciaux du trésor qui, même s’ils accordent une plus grande liberté d’action au gouvernement, privent néanmoins le Conseil national d’une de ses prérogatives constitutionnelles, le contrôle des dépenses qui y sont inscrites. » Sur ce sujet, l’élu UM, Jean-Louis Grinda, a voté contre la ligne concernant les comptes spéciaux du trésor, en avouant ne pas avoir été totalement convaincu : « J’ai bien entendu les explications, mais je ne peux que noter que l’addition finale s’élève aujourd’hui à -185 millions qui seront abondés. Cela sera connu lors du résultat final. Du coup, je rappelle toute l’importance de cette proposition de loi que nous avons déposée pour une loi de résultat final du budget. » Au moment de voter ce budget rectificatif 2021, dans la soirée du 14 octobre 2021, le bilan était donc suffisamment positif pour que le « oui » l’emporte haut la main. C’est exactement ce qu’il s’est passé, avec vingt voix pour et trois abstentions. Et le chemin pour les mois qui viennent semble tout tracé pour Stéphane Valeri : « Il nous faut continuer d’agir dans l’unité des institutions et la préservation de notre cohésion nationale, pour se tourner à présent vers un budget primitif 2022 qui doit être celui de la maîtrise de la crise sanitaire et le reflet d’une relance durable de notre économie. La situation générale actuelle dans le monde, et les atouts dont nous disposons à Monaco, nous permettent de nous tourner vers les prochains mois avec un optimisme retrouvé. »

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