mardi 23 avril 2024
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2020, année noire pour le tourisme à Monaco

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Sans surprise, le tourisme a encore marqué le pas à Monaco au cours du dernier trimestre de l’année 2020, fragilisant un peu plus encore les professionnels du secteur.

«Ça fait presque mal de tirer un bilan », reconnaît le directeur du tourisme à Monaco, Guy Antognelli. Il faut dire que 2020 aura été un long chemin de croix pour le secteur touché de plein fouet par la crise sanitaire. Confinement, limitation des déplacements, fermeture des frontières et protocoles sanitaires stricts… auront, en effet, plombé l’activité touristique en principauté, qui a sans doute enregistré sa plus mauvaise année depuis des décennies. Et au vu du contexte sanitaire en ce début d’année 2021, la situation ne devrait pas s’améliorer de sitôt.

Une saison hivernale en berne

Malgré une légère embellie en été qui avait fait naître quelques espoirs [lire Monaco Hebdo n° 1171 – NDLR], le secteur touristique a de nouveau plongé au cours du dernier trimestre de l’année 2020. « Le bilan n’est pas bon, admet sans détour Guy Antognelli, en octobre et novembre 2020, il n’y a rien eu. On a eu les Assises de la sécurité, qui ont fait un pic sur trois jours, mais c’est tout ». Maigre consolation, « décembre 2020 a été meilleur que ce que l’on pensait, même s’il n’y a pas eu du tout de tourisme d’affaires. Le tourisme de loisirs n’a pas trop mal marché ». Et l’ouverture des restaurants n’est pas étrangère à cette amélioration lors des fêtes de fin d’année, puisque nombre de Français n’ont pas hésité à parcourir des kilomètres pour venir profiter de la douceur des terrasses monégasques. Mais le bilan est clairement insuffisant pour un secteur en souffrance depuis pratiquement un an maintenant. D’ailleurs, il suffit de jeter un coup d’œil aux derniers chiffres du tourisme pour s’en rendre compte. En octobre 2020, l’hôtellerie monégasque a en effet enregistré une baisse du nombre de chambres vendues de 61 % par rapport à 2019, – 72 % en novembre 2020 et – 35 % en décembre 2020. « Par nature, ce sont des mois faibles, tient toutefois à nuancer Guy Antognelli, chiffres à l’appui. En décembre habituellement, nous sommes à 40 % d’occupation. En 2020, nous sommes passés à 28 %. En novembre, l’occupation se situe en général aux alentours de 50 %. Cette année, nous sommes tombés à 14 %. Enfin, en octobre 2020, nous sommes passés de 65 % à 25 % d’occupation ». Le tourisme d’affaires, en chute libre l’année dernière, explique, en partie, les mauvais chiffres des mois d’octobre et novembre 2020.

Année noire

Au final, « on fait 58 % de chambres vendues en moins sur l’année, avec quasiment deux mois de fermeture complète sur le premier confinement, des hôtels qui ont rouvert au fil du mois de juin 2020, et aucun grand événement », résume le directeur du tourisme. « Le bilan est catastrophique. Mais il l’est moins qu’ailleurs », précise-t-il, citant en exemple Cannes et Paris, où la situation serait encore plus préoccupante, selon lui. Mais pas question de fanfaronner, surtout que des plans sociaux sont en cours dans certains établissements de la principauté. C’est le cas, par exemple, à la Société des Bains de Mer (SBM), où 189 départs volontaires ont d’ores et déjà été actés [lire Monaco Hebdo n° 1179 — NDLR]. Au Fairmont, « plus grand hôtel de la Côte d’Azur et de la Riviera italienne » avec ses 602 chambres, 72 postes seraient menacés. Et la casse sociale pourrait ne pas s’arrêter là, à en croire Guy Antognelli. « Si on s’attend à une modification de la demande, effectivement, l’offre doit aussi s’aligner. […] Il y aura de nécessaires restructurations dans une temporalité. Un hôtel qui aurait une partie de son personnel exclusivement dédié au “banqueting”, s’il n’y a plus de grands groupes, ce personnel-là doit se voir proposer d’autres missions. Mais si elles sont déjà remplies par d’autres, ça va être compliqué… », explique le directeur du tourisme, qui n’oublie pas non plus la détresse des saisonniers sans emploi, et les contrats à durée déterminée (CDD) non renouvelés. Guy Antognelli se montre, en revanche, légèrement plus optimiste pour les plus petits hôtels. À condition toutefois que leur trésorerie tienne le choc jusqu’à la reprise d’activité : « Compte tenu de leur taille, ils peuvent très vite retrouver un niveau de clientèle et de rentabilité. Mais encore faut-il qu’ils aient tenu le choc jusque-là car ils peuvent se retrouver beaucoup plus facilement en cessation de paiement. Mais manifestement, ce n’est pas encore le cas à Monaco ».

© Photo DR

« Les Grands Prix vont être un bon indicateur. Monaco va envoyer un message fort, car nous allons montrer que nous sommes capables d’organiser des choses, et ça va faire parler de la principauté » Guy Antognelli. Directeur du tourisme et des congrès

Perspectives

Tenir le coup, mais pendant encore combien de temps ? C’est aujourd’hui la question que tous les professionnels du secteur touristique se posent. Si une reprise d’activité au printemps 2021 a longtemps été espérée, les dernières annonces gouvernementales et le contexte sanitaire de ce début d’année ont fait voler en éclat les derniers espoirs. « Le printemps devait nous donner des éléments. Mais malheureusement, maintenant je pense que ce sera plutôt l’été. […] Nous ne verrons pas d’Américains, ni de Sud-Américains, ni d’Australiens cet été… Mais si nous avons déjà des Anglais et des Russes, nous serons heureux », avance, lucide, Guy Antognelli qui ne prévoit pas un retour à la normale du tourisme d’affaires « avant trois ou quatre ans ». Pour ce qui est du tourisme de loisirs, le directeur du tourisme attend beaucoup des trois Grands Prix prévus au printemps prochain, dont on ne sait pas encore s’ils auront lieu à huis clos : « Les Grands Prix vont être un bon indicateur. Monaco va envoyer un message fort car nous allons montrer que nous sommes capables d’organiser des choses et ça va faire parler de la principauté ». La direction du tourisme et des congrès (DTC) et les professionnels du secteur se tiennent en tout cas d’ores et déjà prêts à accueillir les touristes : « Nous sommes en rapport constant avec l’aéroport de Nice pour suivre les ouvertures et réouvertures de lignes. […] Le jour où les frontières ouvrent, les avions voleront. Surtout sur les destinations demandées comme la Côte d’Azur. Nous sommes dans cette incertitude de date mais nous avons assez peu d’incertitude sur le fait que reprise il y aura ».

Optimisme

Malgré le manque de visibilité sur la reprise d’activité, à l’heure où les variants du coronavirus continuent leur progression, l’optimisme reste donc de rigueur du côté de la DTC : « Dès qu’on pourra se déplacer, on n’a aucun doute que les gens vont voyager. Et l’image de sécurité sanitaire en principauté est extrêmement positive dans ce contexte. À moyen terme, on n’est pas inquiet sur la santé du tourisme à Monaco ». D’ailleurs, les hôtels de la principauté enregistrent déjà leurs premières réservations pour cet été. « Les établissements se sont adaptés à cette flexibilité. Aujourd’hui, un client peut réserver sans avoir à avancer de fonds et avec une annulation gratuite. Le flux reste limité. Mais ce sont des signes encourageants ». Une lueur d’espoir pour les professionnels du tourisme qui devraient encore pouvoir compter sur les aides de l’État, et notamment le chômage total temporaire renforcé (CTTR) qui devrait selon toute vraisemblance être prolongé au-delà du 31 mars 2021.

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