samedi 20 avril 2024
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« La confiance
n’exclut pas la vigilance »

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Le 19 décembre, les 24 élus du Conseil national ont voté en faveur du budget primitif 2019. Du jamais vu depuis 1983. Une belle unanimité qui vient après un énorme clash de la majorité Priorité Monaco (Primo !) à propos du logement des Monégasques. Ce budget revient de loin.

L’ambiance était clairement à la détente, mercredi 19 décembre autour de 18h30. Les sourires étaient nombreux et on a presque senti que l’heure était aux vacances de Noël. Après avoir frôlé une crise politique à cause du logement des Monégasques (lire notre article dans ce dossier), le gouvernement monégasque semblait quelque peu soulagé. Et au moment du vote, il n’y a pas eu le moindre suspens. Les 24 élus ont tous voté pour ce budget primitif 2019. « Et personne ici n’a pu me dire depuis quand une telle chose n’était pas arrivé, a lancé le ministre d’Etat, Serge Telle. Ce qui prouve bien que c’est un petit événement en soi. » A ses côtés, le président du Conseil national, Stéphane Valeri, qui, après s’être félicité de cette belle unanimité, a noté que ce « résultat n’a pas été obtenu sans débats. Ils furent nombreux et parfois très contradictoires […]. Mais ce soir, nous sommes devant la manifestation éclatante de l’efficacité de nos institutions qui, à la condition que les deux partenaires soient responsables, conduisent toujours, par le pas vers l’autre, à des décisions concertées dans l’intérêt général. » Vérifications faites, un vote unanime du Conseil national sur un budget n’avait pas été vu depuis 1983. Il aura donc fallu attendre 35 ans pour voir Conseil national et gouvernement aussi proches lors d’un vote.

Rendez-vous

Et pourtant, rien n’aura été facile. Car lors de la séance budgétaire du 13 décembre, c’est plutôt le point de rupture qui semblait atteint. En cause, le nombre de logements domaniaux à construire pendant la mandature en cours, de 2018 à 2023.  « Lorsque nous avons été élus le 11 février 2018, n’étaient programmés pour les années à venir, qu’environ 200 logements domaniaux en tout et pour tout. Ce qui était très insuffisant, a rappelé Stéphane Valeri. Monsieur le ministre d’Etat, vous avez pris en compte la voix des Monégasques à travers leurs élus. Vous nous avez confirmé que ce sont désormais au moins 730 appartements, qui seront construits dans les 4 prochaines années. Pour, d’une part, résorber la pénurie existante, et d’autre part, répondre chaque année aux nouveaux besoins des foyers monégasques. » De quoi satisfaire la majorité Priorité Monaco (Primo !). Du côté de l’opposition Horizon Monaco (HM), Jacques Rit a avancé une autre grille de lecture de l’affrontement autour du logement domanial intervenu le 13 décembre, entre Stéphane Valeri et le gouvernement. Tout en se félicitant qu’un accord ait pu être trouvé entre la majorité Primo ! du Conseil national et Serge Telle, Jacques Rit a estimé que « cette décision devrait définitivement sonner la fin d’affrontements stériles sur le ring de l’hémicycle, au sujet de chiffres qui, logiquement, seront maintenant les mêmes pour nos deux institutions. Mais nous ne sommes jamais à l’abri d’un retour de feu lorsque souffle fort le vent de la communication, et nous l’avons bien vu lundi soir. Heureusement, une fois encore, la subtilité de nos mécanismes institutionnels a condamné les adversaires d’un soir à s’entendre. Après le corps à corps, l’accord ! » Après s’être félicités, les élus de la majorité Priorité Monaco (Primo !) ont presque unanimement prononcé le mot « vigilance » dans leurs explications de vote. Ce n’est donc pas un blanc-seing donné par le Conseil national version Primo ! au gouvernement. Les promesses faites par Serge Telle et par ses conseillers-ministres devront être tenues et les délais de livraison de ces opérations domaniales respectées. Et pas question de relâcher la pression, Noël ou pas. Le président du Conseil national a déjà pris rendez-vous. « Il manque selon nous, une opération de taille moyenne supplémentaire. Nous aurons l’occasion d’y revenir dès le début de l’année prochaine », a promis Stéphane Valeri.

« Buzz »

Et il n’y a pas que sur la question du logement des Monégasques que le gouvernement est attendu. L’épineux dossier de la qualité de vie est aussi suivi de près par les élus. Sur ce sujet, le président de la commission des finances et de l’économie nationale, Balthazar Seydoux a été clair : « Nous avons obtenu deux arrêtés ministériels qui sont un premier pas. Beaucoup d’autres mesures sont attendues. Je veux remercier ce soir notre président de la commission de l’environnement et de la qualité de vie pour son pragmatisme et son approche équilibrée, sans posture politicienne et sans avoir besoin de faire du buzz comme certains. » Sa collègue, l’élue Primo ! Nathalie Amoratti-Blanc est allée un peu plus loin : « Sur la qualité de vie, il s’agit là encore d’être pragmatique. Il est facile de prendre la parole pour faire de la surenchère et tenter d’exciter, par démagogie, la population par « du toujours plus ou du jamais assez ». Mais à la fin ce qui compte c’est le résultat : en 10 mois nous avons obtenu bien plus que certains qui ont eu pendant 5 ans en charge le cadre de vie. Il y a ceux qui parlent et font le spectacle. Et il y a ceux qui agissent. » L’élu Primo ! Thomas Brezzo est venu par la suite appuyer les propos de sa collègue. Mais Seydoux, Brezzo et Amoratti-Blanc sont allés trop loin, aux yeux de l’élu Union Monégasque (UM) Jean-Louis Grinda, qui s’est senti visé par ces remarques : « A Nathalie Amoratti-Blanc, sur la qualité de vie, je rappelle que vous faisiez partie de la majorité durant la précédente mandature et que vous êtes donc coupable de l’autisme de vos amis politiques d’alors. J’ai pour ma part à mon actif, bien que déjà élu de l’opposition, le vote du code de l’environnement, en panne depuis 10 ans. » Pour répondre à Balthazar Seydoux, Grinda lui a indiqué qu’il estimait que « le dispositif d’encadrement [des chantiers — N.D.L.R.] voulu par le gouvernement devrait s’appliquer immédiatement à l’ensemble des chantiers ». Restait donc a apporter une réponse à Thomas Brezzo, ce que Grinda n’a pas manqué de faire : « A Thomas Brezzo, vous déclarez « il y a ceux qui parlent et il y a les autres »… Heureusement que certains parlent et ne se laissent pas intimider ! Vous en êtes un exemple, souffrez que j’en sois un autre. » Mais ce sont encore les sourires qui l’ont emporté au final. « Ça casse l’ambiance ! » dit Grinda en se rasseyant, provoquant les rires d’une bonne partie des élus.

« Romantique »

Quant au président de la commission de l’environnement et de la qualité de vie, Fabrice Notari, qui se « voyait déjà comme un héros romantique affronter le joug, comme Guillaume Tell prendre mon arbalète pour libérer mon peuple », il a dû, lui aussi, se résoudre à ranger ses flèches. Mais pas trop loin, au cas où. « Nous allons surveiller la rigueur des dérogations d’horaires, le contrôle et la mise en place des sanctions pour le bruit afin que le bruit ressenti soit acceptable, sur l’organisation des chantiers et le respect des voies publiques, sur le traitement des déchets et l’interdiction des plastiques en tous genres, que les promesses deviennent réalité dès 2019 », a promis Notari. Car sur 48 chantiers en cours actuellement dans la principauté, 19 bénéficieront d’une dérogation et ne seront pas impactés par les restrictions imposées par les deux arrêtés qui entreront en vigueur au 1er janvier 2019. Après avoir rappelé qu’il aurait préféré qu’aucune dérogation ne soit possible que le « gouvernement en a décidé autrement », Stéphane Valeri a promis de rester pragmatique : « Il faut que les résidents constatent rapidement une nette amélioration sur le terrain, en pratique et non pas seulement en théorie. Nous ne manquerons pas, comme cela sera probablement nécessaire, de demander après quelques mois d’application, des adaptations et des améliorations de ce premier texte réglementaire. » Le président du Conseil national en a aussi profité pour répondre à ceux qui lui reprochent de manquer de cohérence, en réclamant la construction de logements pour les Monégasques, tout en exigeant une baisse des nuisances dues aux chantiers : « Sur 48 chantiers, il y aura simplement deux sites majeurs de construction domaniale : les deux opérations de Testimonio, à Saint Roman et celle du Grand Ida, dans le quartier Plati. Les autres opérations domaniales de taille moyenne, seront étalées dans le temps au rythme d’une par an environ. On voit donc bien que la grande majorité des chantiers concerne avant tout des opérations privées ou des ouvrages publics structurants, pas des immeubles destinés aux Monégasques. » Cette mise au point faite, Stéphane Valeri a insisté sur la qualité du dialogue entre son assemblée et le gouvernement : « Cette confiance n’exclut pas la vigilance. Elle sera de mise pour veiller au respect de tous les engagements pris par le gouvernement. » L’année 2019 sera donc un test grandeur nature pour cette relation qui semble désormais apaisée. Mais tout cela sera-t-il durable ? On devrait en savoir plus dans les mois qui viennent.

 

Suite du dossier :

Tensions exacerbées autour du projet Grand Ida