jeudi 28 mars 2024
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Projecteur sur deux créateurs

Publié le

Ballet de Monte-Carlo
© Photo Yann Coatsaliou.

Festival de créations pour le dernier acte de la célébration du centenaire des Ballets russes du Monaco Dance Forum (MDF). Deux chorégraphes en résidence, Shen Wei et Alonzo King, nous ont entrouvert les portes de leurs univers respectifs. Entretiens exclusifs*.

L’atelier des Ballets de Monte-Carlo (BMC), un jour ordinaire de travail ; dans ce lieu ouvert et lumineux, à l’ambiance zen, les danseurs circulent entre les différents studios de danse, entre effervescence et concentration. C’est dans cet antre de la création que vont et viennent Shen Wei et Alonzo King. En plein “work in progress”, les deux chorégraphes laissent planer le suspens sur leurs créations : sans nom ni timing encore défini, ces pièces sont comme en suspension. Sans dévoiler leur travail, les créateurs nous livrent leurs impressions.

Le touche-à-tout

Shen Wei, quadragénaire chinois récompensé en 2004 au MDF d’un Nijinsky Award du chorégraphe émergent, apparaît en mouvement permanent, pressé de retourner à sa création. Si l’idée de travailler avec les BMC s’est esquissée en 2004, elle se concrétise en 2009, après un work shop avec les danseurs de la compagnie et sa version du Sacre du printemps dans l’acte I du MDF en décembre dernier. « Pour moi, danseur contemporain, travaillant avec ma compagnie new-yorkaise formée par mes créations, c’est une expérience très intéressante de travailler avec d’autres danseurs spécialisés dans une autre technique que la mienne : le classique, analyse le chorégraphe. Tout est différent: la formation, l’entraînement, l’approche, le vocabulaire chorégraphique… Cette création ne pourra donc en aucun cas être similaire à celles que je peux conceptualiser avec mes propres danseurs ; ce ne serait pas du tout intéressant d’ailleurs ! » Bref, Shen Wei annonce un véritable choc des cultures et des codes pour cette « création très innovante ». «  Je prépare une surprise ! », confie le Chinois qui, tel un digne héritier des ballets russes, a également conçu les costumes et la scénographie. Une surprise qui concerne aussi les autres membres des Ballets puisque les répétitions se font à huis clos, dans une paranoïa toute créatrice…
Pour cette création, le chorégraphe a choisi 8 danseurs des Ballets qu’il avait remarqués lors du work shop de l’année dernière : « Je me suis arrêté sur eux car ils ont saisi naturellement mes mouvements. »
Très pressé de finir cette interview, « I think it’s enough », Shen Wei repart dans un univers qui n’appartient qu’à lui. Et qu’on découvrira les 8, 9 et 10 juillet prochains à la salle Garnier.

Le “King”

Prof invité aux BMC il y a plus d’une quinzaine d’années, Alonzo King y revient cette fois-ci comme chorégraphe, après avoir été programmé, lui aussi, dans l’acte I du MDF à la fin de l’année dernière avec sa propre vision de Shéhérazade et sa pièce Dust and light. Un Américain à Monaco ? « Il m’arrive fréquemment d’être invité dans des endroits avec beaucoup de moyens, mais artistiquement pauvres. Venir ici, c’est concrétiser l’envie de travailler avec d’autres artistes de haut niveau. »
Pour lui « Maillot est un visionnaire » car l’idée de travailler, pour cette création, avec l’écrivain irlandais Colum Mc Cann, ex-journaliste et globe-trotter de 45 ans de nombreuses fois récompensé pour ses livres, vient du directeur des BMC pour un hommage aux ballets russes et à son mélange des arts.
Quand on le questionne sur son inspiration, Alonzo King évoque le spirituel : « L’inspiration vient de l’écrivain et du divin. Les artistes sont des travailleurs obsédés par la bonne construction, la meilleure façon de concevoir jusqu’à l’idée de perfection. Une des signatures de l’inspiration est que la vérité soit apparente. Ce sont des lois universelles qui vont nous réunir, comme les fondations des belles constructions de l’homme et de la nature. Nous les artistes, nous tendons tous vers les lois universelles et c’est une inspiration essentielle. »
Quant à la distribution, elle n’est pas encore fixée. « Je vais faire danser un groupe assez large des BMC, encore indéterminé, lance l’Américain, pas inquiet. La distribution se fait toute seule car les danseurs se choisissent eux-mêmes. » Et de souligner son attirance pour ces interprètes : « J’aime particulièrement les danseurs ouverts et réceptifs, courageux, qui ont la maîtrise d’eux-mêmes et une opinion ; bref, des danseurs intelligents. » Aussi fluide que sa danse, le chorégraphe nous donne rendez-vous les 12, 13 et 14 juillet.

Créations en danse majeure

Univers parallèles et ambiances totalement distinctes, ces approches diverses réclament aux danseurs des BMC une autre concentration, un autre travail. Alonzo King touche à l’universalité quand Shen Wei est plus à vif, on sent l’Américain apaisé alors que le Chinois paraît plus électrisé. Quand le premier est plus avide de contact et d’échange, on perçoit le deuxième plus dans la conceptualisation et la virtualité, avec son ordi à portée de main. Mais l’inspiration les touche tous les deux, à leur manière.  A noter que ces créations, ainsi que celle Chris Haring, spécialement créées pour les BMC
partiront en tournée.

*Un grand merci à Katy Plaistowe, ancienne danseuse des BMC, qui s’est prêtée avec bienveillance au rôle de traductrice pour ces interviews.